Texte intégral
Monsieur le ministre,
Monsieur le maire,
Mesdames et messieurs les Parlementaires,
Monsieur le Président du Conseil Régional,
Monsieur le Président du Conseil Général,
Mesdames et Messieurs les représentants des associations d'anciens combattants et victimes de guerre,
Mesdames et Messieurs,
Il y a soixante-dix ans, le 16 septembre 1943, en plein après-midi, le bruit des sirènes s'élevait dans le ciel de Nantes. Trente minutes plus tard, 1500 bombes incendiaires s'abattaient sur la ville, lâchées par près de 150 forteresses volantes de l'aviation américaine. L'attaque n'avait duré qu'un quart d'heure, mais elle avait soufflé et dévasté des quartiers entiers. Par trois reprises, les 16 et 23 septembre, ces scènes de chaos se sont reproduites. Et les Nantais gardent encore en mémoire la destruction de l'Hôtel-Dieu où plus de 40 médecins et infirmiers ont trouvé la mort. Au soir de ce 16 septembre 1943, c'est une ville hagarde et ravagée qui ne put que constater l'étendue du désastre. 1463 habitants ont perdu la vie dans ces bombardements, et plus de 2500 ont été blessés.
C'est la mémoire de ces hommes et de ces femmes que nous venons honorer chaque année. C'est au courage des volontaires de la défense passive et de tous les sauveteurs que nous rendons hommage. C'est devant la douleur des familles et des rescapés que nous venons nous incliner et nous recueillir. Ici, à Nantes, cette histoire s'est écrite, et sur ces tombes est gravé l'inoubliable. L'année prochaine sera consacrée, partout en France, aux commémorations du centenaire du début de la première guerre mondiale. Elles coïncideront avec 70ème anniversaire de la Libération.
D'un côté 1914, et de l'autre, 1944 : trente ans d'une histoire, qui a mené à plusieurs reprises l'humanité au bord du gouffre. En dépit de la première guerre, et des leçons qu'on s'était promis d'en tirer, quelques années plus tard les démocraties furent impuissantes à enrayer la montée des périls, puis le déchaînement croissant de violences et de haines qui entraîna la mort de plus 55 millions d'hommes, de femmes, d'enfants car la plupart des victimes furent des civils.
On retient souvent de la Libération l'image d'une France en fête, l'espérance d'une victoire proche, l'enthousiasme d'un peuple épuisé mais obstiné à lever ses drapeaux dans un monde qui continue la guerre. Mais ici, à Nantes, comme à Saint-Nazaire, Caen, comme au Havre, Rouen, Saint-Malo, Brest cette joie n'a jamais pu effacer le souvenir des bombardements.
En ces quelques jours de fin d'été, c'est toute une génération qui contempla au milieu des ruines l'image de sa propre destruction. Ces corps calcinés au milieu des décombres, ces victimes innocentes, écrasées par des bombes qui devaient les libérer, restent aux yeux de tous comme le symbole de l'insondable cruauté de la guerre.
C'est à ces victimes civiles des bombardements, trop souvent oubliées par l'histoire officielle, que nous devons rendre aujourd'hui l'hommage de la Nation. Un demi-million de tonnes de bombes alliées se sont abattues sur l'ensemble du territoire français. Certes, il fallait frapper directement la machine de guerre de l'occupant. Mais les populations civiles en ont souvent été les premières victimes. Qui dira leur détresse ? Qui dira la douleur des familles ? Qui dira le choc des survivants, des enfants, dont la vie fut à jamais bouleversée ? Mais, en même temps, qui dira la force de cette génération qui a su aller jusqu'au bout du malheur, pour puiser en elle-même le courage de rebâtir un monde nouveau ? Nous avons tous à l'esprit des noms et des visages de cette génération qui a reconstruit la France. L'épreuve les avait changés. L'adversité les avait endurcis. Le souvenir de tant de malheurs avait donné un sens à toute leur vie.
A une époque où les événements s'éloignent, où le passé semble aseptisé, et où le souvenir lisse des temps médiatiques prend le pas sur l'austérité du deuil, ce lieu nous rappelle qu'il est des événements fondateurs dont la mémoire n'est pas près de disparaître, et qui continuent de hanter la conscience de l'Europe. Là est le sens de la cérémonie qui nous réunit aujourd'hui.
Retrouver, au contact de ce grand souvenir, un peu de la force et de la volonté de ceux qui ont traversé ce drame. Ne pas oublier ce pour quoi ils se sont battus, ni ce qu'ils nous ont légués. Car ce que nous avons, ce que nous sommes, c'est à eux que nous le devons. A eux qui, du fond des années les plus noires de cette guerre, ont passionnément voulu, pour eux-mêmes et pour leurs enfants, la paix, la liberté et la justice.
Car on ne mène pas une guerre pour la liberté sans exiger en même temps la justice. Sans espérer qu'une partie au moins des immenses efforts déployés dans la guerre puissent s'investir aussi dans la paix. Et après tant d'années où la liberté avait été le seul espoir des peuples affamés, vouloir la justice, vouloir l'égalité, vouloir le respect de la dignité de chacun, c'était tout simplement pour reprendre un mot d'Albert Camus- "chercher à sauver ce qui pouvait encore l'être, pour que l'avenir soit seulement possible".
C'est cette soif de liberté et de justice, retrempée au feu de l'épreuve et du sacrifice de tant d'innocents, qui a guidé le programme du Conseil National de la Résistance, avec ses réformes de structure et son système de protection sociale. C'est cet élan qui a guidé le souffle conquérant de la Libération. C'est lui qui a permis à la France de relever des défis dont à peine aujourd'hui on peut imaginer l'ampleur.
Je pense à la crise du logement qu'il a fallu surmonter dans les années d'après-guerre. Je pense aux baraquements du Cours Saint-Pierre, dont les anciens se souviennent. Je pense aux cités aménagées dans l'urgence, à la Géraudière et à Port-Durand, qui ont marqué le paysage nantais jusqu'au début des années 60. Je pense au centre-ville, à la Place Royale, qu'il a fallu rebâtir, à notre appareil industriel, qu'il a fallu entièrement renouveler en quelques années, et qui a permis à la Basse-Loire de devenir un des moteurs de la croissance française pendant les trente glorieuses.
C'est l'immense effort de cette génération qui a forgé le monde dans lequel nous vivons. C'est leur courage qui a permis de rétablir la paix en Europe et de reconstruire une société nouvelle sur les ruines d'un monde qui avait fait faillite.
Le modèle de justice sociale est un legs de la reconstruction. La réconciliation franco-allemande en est un autre, majeur lui aussi, à laquelle appartient le symbole du survivant d'Oradour, soutenu d'un bras par le président de la République française, de l'autre bras par le Président de la République Fédérale d'Allemagne.
C'est l'inspiration des reconstructeurs qu'il nous faut sans cesse retrouver. Nous leur devons de continuer à construire le monde qu'en croyant reconstruire ils ont en fait largement inventé, parce qu'ils l'élevaient sur des ruines.
Par respect pour tous ceux qui sont morts. Par respect pour tous ceux dont la vie fut brisée.
Et parce que leurs fils leur devaient de faire renaître l'Europe de ses cendres, et finalement de continuer son histoire : par eux tous, pour la jeunesse d'aujourd'hui.
Je vous remercie.
Source http://www.gouvernement.fr, le 19 septembre 2013
Monsieur le maire,
Mesdames et messieurs les Parlementaires,
Monsieur le Président du Conseil Régional,
Monsieur le Président du Conseil Général,
Mesdames et Messieurs les représentants des associations d'anciens combattants et victimes de guerre,
Mesdames et Messieurs,
Il y a soixante-dix ans, le 16 septembre 1943, en plein après-midi, le bruit des sirènes s'élevait dans le ciel de Nantes. Trente minutes plus tard, 1500 bombes incendiaires s'abattaient sur la ville, lâchées par près de 150 forteresses volantes de l'aviation américaine. L'attaque n'avait duré qu'un quart d'heure, mais elle avait soufflé et dévasté des quartiers entiers. Par trois reprises, les 16 et 23 septembre, ces scènes de chaos se sont reproduites. Et les Nantais gardent encore en mémoire la destruction de l'Hôtel-Dieu où plus de 40 médecins et infirmiers ont trouvé la mort. Au soir de ce 16 septembre 1943, c'est une ville hagarde et ravagée qui ne put que constater l'étendue du désastre. 1463 habitants ont perdu la vie dans ces bombardements, et plus de 2500 ont été blessés.
C'est la mémoire de ces hommes et de ces femmes que nous venons honorer chaque année. C'est au courage des volontaires de la défense passive et de tous les sauveteurs que nous rendons hommage. C'est devant la douleur des familles et des rescapés que nous venons nous incliner et nous recueillir. Ici, à Nantes, cette histoire s'est écrite, et sur ces tombes est gravé l'inoubliable. L'année prochaine sera consacrée, partout en France, aux commémorations du centenaire du début de la première guerre mondiale. Elles coïncideront avec 70ème anniversaire de la Libération.
D'un côté 1914, et de l'autre, 1944 : trente ans d'une histoire, qui a mené à plusieurs reprises l'humanité au bord du gouffre. En dépit de la première guerre, et des leçons qu'on s'était promis d'en tirer, quelques années plus tard les démocraties furent impuissantes à enrayer la montée des périls, puis le déchaînement croissant de violences et de haines qui entraîna la mort de plus 55 millions d'hommes, de femmes, d'enfants car la plupart des victimes furent des civils.
On retient souvent de la Libération l'image d'une France en fête, l'espérance d'une victoire proche, l'enthousiasme d'un peuple épuisé mais obstiné à lever ses drapeaux dans un monde qui continue la guerre. Mais ici, à Nantes, comme à Saint-Nazaire, Caen, comme au Havre, Rouen, Saint-Malo, Brest cette joie n'a jamais pu effacer le souvenir des bombardements.
En ces quelques jours de fin d'été, c'est toute une génération qui contempla au milieu des ruines l'image de sa propre destruction. Ces corps calcinés au milieu des décombres, ces victimes innocentes, écrasées par des bombes qui devaient les libérer, restent aux yeux de tous comme le symbole de l'insondable cruauté de la guerre.
C'est à ces victimes civiles des bombardements, trop souvent oubliées par l'histoire officielle, que nous devons rendre aujourd'hui l'hommage de la Nation. Un demi-million de tonnes de bombes alliées se sont abattues sur l'ensemble du territoire français. Certes, il fallait frapper directement la machine de guerre de l'occupant. Mais les populations civiles en ont souvent été les premières victimes. Qui dira leur détresse ? Qui dira la douleur des familles ? Qui dira le choc des survivants, des enfants, dont la vie fut à jamais bouleversée ? Mais, en même temps, qui dira la force de cette génération qui a su aller jusqu'au bout du malheur, pour puiser en elle-même le courage de rebâtir un monde nouveau ? Nous avons tous à l'esprit des noms et des visages de cette génération qui a reconstruit la France. L'épreuve les avait changés. L'adversité les avait endurcis. Le souvenir de tant de malheurs avait donné un sens à toute leur vie.
A une époque où les événements s'éloignent, où le passé semble aseptisé, et où le souvenir lisse des temps médiatiques prend le pas sur l'austérité du deuil, ce lieu nous rappelle qu'il est des événements fondateurs dont la mémoire n'est pas près de disparaître, et qui continuent de hanter la conscience de l'Europe. Là est le sens de la cérémonie qui nous réunit aujourd'hui.
Retrouver, au contact de ce grand souvenir, un peu de la force et de la volonté de ceux qui ont traversé ce drame. Ne pas oublier ce pour quoi ils se sont battus, ni ce qu'ils nous ont légués. Car ce que nous avons, ce que nous sommes, c'est à eux que nous le devons. A eux qui, du fond des années les plus noires de cette guerre, ont passionnément voulu, pour eux-mêmes et pour leurs enfants, la paix, la liberté et la justice.
Car on ne mène pas une guerre pour la liberté sans exiger en même temps la justice. Sans espérer qu'une partie au moins des immenses efforts déployés dans la guerre puissent s'investir aussi dans la paix. Et après tant d'années où la liberté avait été le seul espoir des peuples affamés, vouloir la justice, vouloir l'égalité, vouloir le respect de la dignité de chacun, c'était tout simplement pour reprendre un mot d'Albert Camus- "chercher à sauver ce qui pouvait encore l'être, pour que l'avenir soit seulement possible".
C'est cette soif de liberté et de justice, retrempée au feu de l'épreuve et du sacrifice de tant d'innocents, qui a guidé le programme du Conseil National de la Résistance, avec ses réformes de structure et son système de protection sociale. C'est cet élan qui a guidé le souffle conquérant de la Libération. C'est lui qui a permis à la France de relever des défis dont à peine aujourd'hui on peut imaginer l'ampleur.
Je pense à la crise du logement qu'il a fallu surmonter dans les années d'après-guerre. Je pense aux baraquements du Cours Saint-Pierre, dont les anciens se souviennent. Je pense aux cités aménagées dans l'urgence, à la Géraudière et à Port-Durand, qui ont marqué le paysage nantais jusqu'au début des années 60. Je pense au centre-ville, à la Place Royale, qu'il a fallu rebâtir, à notre appareil industriel, qu'il a fallu entièrement renouveler en quelques années, et qui a permis à la Basse-Loire de devenir un des moteurs de la croissance française pendant les trente glorieuses.
C'est l'immense effort de cette génération qui a forgé le monde dans lequel nous vivons. C'est leur courage qui a permis de rétablir la paix en Europe et de reconstruire une société nouvelle sur les ruines d'un monde qui avait fait faillite.
Le modèle de justice sociale est un legs de la reconstruction. La réconciliation franco-allemande en est un autre, majeur lui aussi, à laquelle appartient le symbole du survivant d'Oradour, soutenu d'un bras par le président de la République française, de l'autre bras par le Président de la République Fédérale d'Allemagne.
C'est l'inspiration des reconstructeurs qu'il nous faut sans cesse retrouver. Nous leur devons de continuer à construire le monde qu'en croyant reconstruire ils ont en fait largement inventé, parce qu'ils l'élevaient sur des ruines.
Par respect pour tous ceux qui sont morts. Par respect pour tous ceux dont la vie fut brisée.
Et parce que leurs fils leur devaient de faire renaître l'Europe de ses cendres, et finalement de continuer son histoire : par eux tous, pour la jeunesse d'aujourd'hui.
Je vous remercie.
Source http://www.gouvernement.fr, le 19 septembre 2013