Texte intégral
Mesdames,
Maître,
Mesdames, Messieurs,
Cest avec une profonde émotion, et au nom de mon collègue Monsieur Hubert Védrine, Ministre des affaires étrangères, que je restitue à la famille de Monsieur Paul Rosenberg cette très belle uvre de Monet « Nymphéas » qui lui appartenait et qui fut saisie par les nazis pendant la guerre. Les recherches approfondies des services du ministère des affaires étrangères et de mes services ont permis détablir la certitude que ce tableau rentré en France en 1949, est bien celui qui fut réclamé dès 1945 par Monsieur Paul Rosenberg et que ladministration française a continué à chercher en Allemagne jusque dans les années soixante.
Cette restitution est la septième que nous faisons depuis lintensification des recherches sur la situation des oeuvres spoliées. Nous avons remis deux dessins de Lhermitte et Granet ainsi que des tableaux de Gleizes, Foujita, Picabia et Utrillo.
Nous sommes réunis dans un lieu hautement symbolique, le Jeu de Paume, où ont séjourné tant doeuvres volées par les nazis, y compris ce tableau de Claude Monet qui a été exposé à son retour dAllemagne, alors que, vous vous en souvenez tous, ce bâtiment abritait le musée des impressionnistes jusquà louverture du musée dOrsay.
Il planera toujours un mystère sur la raison pour laquelle cette uvre na jamais été identifiée ni par Monsieur Paul Rosenberg lui-même ni par les services de la Récupération artistique, et notamment par Madame Rose Valland, lhéroïne de la résistance dans les musées, qui connaissait admirablement tous les dossiers de réclamation et notamment ceux de Paul Rosenberg avec qui elle a longtemps correspondu. Pendant longtemps, donc, personne na fait le lien entre ce tableau et celui qui faisait lobjet dune réclamation et dune recherche active auprès des services allemands.
Daprès lacte de réclamation déposé par Monsieur Paul Rosenberg en 1945, cette uvre lui fut volée à Floirac le 15 septembre 1940, puis fut transférée directement de lambassade dAllemagne à Paris vers le Ministère des affaires étrangères à Berlin. Il fit partie de la collection Ribbentrop. Il a été découvert après la guerre à Hambourg.
Cest à cette date que nous nous trouvons devant une énigme ; car ce tableau qui correspondait exactement à la description et aux dimensions de celui que Monsieur Paul Rosenberg réclamait depuis 1945, fut attribué au musée du Louvre par lOffice des biens privés en 1950. Puis il fut exposé au musée du Jeu de Paume de 1950 à 1973 où a priori tout un chacun pouvait le voir.
Or Monsieur Paul Rosenberg, mort en 1959, avait été convié aux expositions organisées par lOffice des biens et intérêts privés et aurait du avoir connaissance, au moins, du catalogue du Jeu de Paume de 1952 dans lequel le tableau figurait. Par ailleurs Madame Rose Valland continuait à rechercher ce tableau en 1960.
De nombreuses restitutions avaient été faites à Monsieur Paul Rosenberg entre 1945 et 1951 dont 160 tableaux les 14 et 25 septembre 1945.
Des contacts fréquents sont attestés entre Monsieur Paul Rosenberg et la Commission de Récupération artistique. En 1951 par exemple, un tableau de Courbet sélectionné par la Commission de choix et entré au Louvre en 1949, sétant révélé appartenir à Monsieur Paul Rosenberg, lui est alors restitué. Plus tard Monsieur Paul Rosenberg et sa famille signaleront la présence de tableaux ayant appartenu aux collections de la galerie sur le marché de lart international.
Or le tableau na pas cessé dêtre exposé au public. Au musée de Caen tout dabord, où il fut déposé à partir de 1975, puis lors de plusieurs expositions à Paris (au Grand Palais en 1980) et à létranger (à Madrid en 1986, à Liège en 1992 ; à Chicago en 1995).
Le mystère qui plane sur cette partie de lhistoire du tableau ne sera sans doute jamais élucidé. Mais les preuves de son appartenance aux collections de Monsieur Paul Rosenberg et de sa spoliation sont aujourdhui incontestables et sa restitution est pleinement légitime.
En effet depuis plus dun an, des recherches très actives menées par les services des ministères de la Culture et des Affaires étrangères ont permis de faire la lumière sur ce dossier.
La découverte et le rapprochement récents de plusieurs nouveaux éléments ont permis didentifier ce tableau avec luvre recherchée :
la confrontation de luvre avec la photographie conservée dans les archives Rosenberg ; le numéro de ce cliché figurait dailleurs au dos du tableau.
la mise en évidence très récente du numéro de stock de la galerie Paul Rosenberg, retrouvé dans les archives de la galerie, qui correspond également à un numéro figurant au revers du tableau.
un troisième numéro enfin, jusquici partiellement caché au revers de la toile, révélé par les infrarouges au cours dune étude de luvre au laboratoire des musées de France, correspond au numéro de luvre de Monet dans la collection Ribbentrop.
Tous ces éléments sont autant de preuves de lappartenance de ce tableau aux collections de Paul Rosenberg.
Cest pourquoi, le Ministre des affaires étrangères et moi-même avons décidé de vous restituer cette uvre et nous le faisons aujourdhui avec la satisfaction davoir mené la recherche à son terme.
Jajouterai que la complexité des démarches nécessaires pour élucider le parcours de ce tableau, rendent pour nous ce cas doublement exemplaire. Il montre dune part les problèmes auxquels se heurtent les scientifiques dans leurs recherches pour retracer sans interruption le cheminement de ces oeuvres dans son intégralité ; et dautre part, il témoigne de notre volonté daboutir, par delà ces difficultés, à de légitimes restitutions.
Ce tableau figurera, comme cela était prévu de longue date, à lexposition « Monet, Le cycle des Nymphéas « qui ouvre au public le 6 mai au musée de lOrangerie, et je remercie vivement la famille de Paul Rosenberg qui a consenti à ce généreux prêt.
(Source http ://www.culture.gouv.fr, le 30 avril 1999)
Maître,
Mesdames, Messieurs,
Cest avec une profonde émotion, et au nom de mon collègue Monsieur Hubert Védrine, Ministre des affaires étrangères, que je restitue à la famille de Monsieur Paul Rosenberg cette très belle uvre de Monet « Nymphéas » qui lui appartenait et qui fut saisie par les nazis pendant la guerre. Les recherches approfondies des services du ministère des affaires étrangères et de mes services ont permis détablir la certitude que ce tableau rentré en France en 1949, est bien celui qui fut réclamé dès 1945 par Monsieur Paul Rosenberg et que ladministration française a continué à chercher en Allemagne jusque dans les années soixante.
Cette restitution est la septième que nous faisons depuis lintensification des recherches sur la situation des oeuvres spoliées. Nous avons remis deux dessins de Lhermitte et Granet ainsi que des tableaux de Gleizes, Foujita, Picabia et Utrillo.
Nous sommes réunis dans un lieu hautement symbolique, le Jeu de Paume, où ont séjourné tant doeuvres volées par les nazis, y compris ce tableau de Claude Monet qui a été exposé à son retour dAllemagne, alors que, vous vous en souvenez tous, ce bâtiment abritait le musée des impressionnistes jusquà louverture du musée dOrsay.
Il planera toujours un mystère sur la raison pour laquelle cette uvre na jamais été identifiée ni par Monsieur Paul Rosenberg lui-même ni par les services de la Récupération artistique, et notamment par Madame Rose Valland, lhéroïne de la résistance dans les musées, qui connaissait admirablement tous les dossiers de réclamation et notamment ceux de Paul Rosenberg avec qui elle a longtemps correspondu. Pendant longtemps, donc, personne na fait le lien entre ce tableau et celui qui faisait lobjet dune réclamation et dune recherche active auprès des services allemands.
Daprès lacte de réclamation déposé par Monsieur Paul Rosenberg en 1945, cette uvre lui fut volée à Floirac le 15 septembre 1940, puis fut transférée directement de lambassade dAllemagne à Paris vers le Ministère des affaires étrangères à Berlin. Il fit partie de la collection Ribbentrop. Il a été découvert après la guerre à Hambourg.
Cest à cette date que nous nous trouvons devant une énigme ; car ce tableau qui correspondait exactement à la description et aux dimensions de celui que Monsieur Paul Rosenberg réclamait depuis 1945, fut attribué au musée du Louvre par lOffice des biens privés en 1950. Puis il fut exposé au musée du Jeu de Paume de 1950 à 1973 où a priori tout un chacun pouvait le voir.
Or Monsieur Paul Rosenberg, mort en 1959, avait été convié aux expositions organisées par lOffice des biens et intérêts privés et aurait du avoir connaissance, au moins, du catalogue du Jeu de Paume de 1952 dans lequel le tableau figurait. Par ailleurs Madame Rose Valland continuait à rechercher ce tableau en 1960.
De nombreuses restitutions avaient été faites à Monsieur Paul Rosenberg entre 1945 et 1951 dont 160 tableaux les 14 et 25 septembre 1945.
Des contacts fréquents sont attestés entre Monsieur Paul Rosenberg et la Commission de Récupération artistique. En 1951 par exemple, un tableau de Courbet sélectionné par la Commission de choix et entré au Louvre en 1949, sétant révélé appartenir à Monsieur Paul Rosenberg, lui est alors restitué. Plus tard Monsieur Paul Rosenberg et sa famille signaleront la présence de tableaux ayant appartenu aux collections de la galerie sur le marché de lart international.
Or le tableau na pas cessé dêtre exposé au public. Au musée de Caen tout dabord, où il fut déposé à partir de 1975, puis lors de plusieurs expositions à Paris (au Grand Palais en 1980) et à létranger (à Madrid en 1986, à Liège en 1992 ; à Chicago en 1995).
Le mystère qui plane sur cette partie de lhistoire du tableau ne sera sans doute jamais élucidé. Mais les preuves de son appartenance aux collections de Monsieur Paul Rosenberg et de sa spoliation sont aujourdhui incontestables et sa restitution est pleinement légitime.
En effet depuis plus dun an, des recherches très actives menées par les services des ministères de la Culture et des Affaires étrangères ont permis de faire la lumière sur ce dossier.
La découverte et le rapprochement récents de plusieurs nouveaux éléments ont permis didentifier ce tableau avec luvre recherchée :
la confrontation de luvre avec la photographie conservée dans les archives Rosenberg ; le numéro de ce cliché figurait dailleurs au dos du tableau.
la mise en évidence très récente du numéro de stock de la galerie Paul Rosenberg, retrouvé dans les archives de la galerie, qui correspond également à un numéro figurant au revers du tableau.
un troisième numéro enfin, jusquici partiellement caché au revers de la toile, révélé par les infrarouges au cours dune étude de luvre au laboratoire des musées de France, correspond au numéro de luvre de Monet dans la collection Ribbentrop.
Tous ces éléments sont autant de preuves de lappartenance de ce tableau aux collections de Paul Rosenberg.
Cest pourquoi, le Ministre des affaires étrangères et moi-même avons décidé de vous restituer cette uvre et nous le faisons aujourdhui avec la satisfaction davoir mené la recherche à son terme.
Jajouterai que la complexité des démarches nécessaires pour élucider le parcours de ce tableau, rendent pour nous ce cas doublement exemplaire. Il montre dune part les problèmes auxquels se heurtent les scientifiques dans leurs recherches pour retracer sans interruption le cheminement de ces oeuvres dans son intégralité ; et dautre part, il témoigne de notre volonté daboutir, par delà ces difficultés, à de légitimes restitutions.
Ce tableau figurera, comme cela était prévu de longue date, à lexposition « Monet, Le cycle des Nymphéas « qui ouvre au public le 6 mai au musée de lOrangerie, et je remercie vivement la famille de Paul Rosenberg qui a consenti à ce généreux prêt.
(Source http ://www.culture.gouv.fr, le 30 avril 1999)