Interview de Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé à I-Télé le 26 septembre 2013, sur la maîtrise des dépenses de santé et la politique du médicament.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Média : Itélé

Texte intégral


CHRISTOPHE BARBIER
On va parler santé, bien sûr, c'est votre portefeuille, on va parler aussi chômage et Florange, c'est l’actualité. La première question, c'est pour vous Bruce.
BRUCE TOUSSAINT
Oui, visiblement c'est un de vos objectifs, réduire les dépenses de santé, et notamment les dépenses liées aux médicaments. C'est la question du jour que nous avons posée aux téléspectateurs d’I TELE, ce matin : est-ce que vous êtes prêts à acheter des médicaments à l’unité et non plus en boite ? Je crois que c'est un de vos objectifs, vous allez nous en parler dans un instant. Alors, d’ores et déjà, oui à 78 %. Je ne sais pas si ça vous conforte dans votre jugement, et non à 22 %. Est-ce qu’on va arrêter d’acheter des médicaments par boites, Marisol TOURAINE ?
MARISOL TOURAINE
Bruce TOUSSAINT, tout d’abord, je voudrais préciser que mon objectif n’est pas de réduire les dépenses de santé, il est en tout cas de faire en sorte que les dépenses soient plus efficaces et garantissent bien un bon système de santé à nos concitoyens.
CHRISTOPHE BARBIER
Mieux soigner, mais moins cher, quand même.
MARISOL TOURAINE
Mieux soigner, mais faire en sorte qu’il n’y ait pas d’argent qui aille à des, disons des choses qui ne sont pas directement utiles. Sur la question des médicaments, nous allons lancer une expérimentation. Il y a un certain nombre de pays où on vous donne exactement le nombre de pilules, de cachets, dont vous avez besoin pour votre traitement. En France, je pense que chacun d’entre nous peut faire l’expérience, vous ouvrez l’armoire à pharmacie et vous découvrez des boites, avec des médicaments qui n’ont pas été consommés.
CHRISTOPHE BARBIER
1,5 kg par Français, en moyenne.
MARISOL TOURAINE
1,5 kg par Français, en moyenne, donc ma volonté c'est de voir comment nous pouvons réduire la consommation, réduire les risques aussi, parce que des médicaments qui s’entassent dans une armoire à pharmacie, ça amène les gens à en prendre, sans forcément savoir si c'est approprié.
CHRISTOPHE BARBIER
Dans quelles régions allez-vous expérimenter cette vente ?
MARISOL TOURAINE
Nous n’avons pas encore décidé, nous allons choisir plusieurs régions, et au sein de chaque régions, plusieurs pharmacies, pour voir la manière dont ce serait le plus efficace et le plus sûr.
CHRISTOPHE BARBIER
Parce que si on n'est pas guéri au bout de quelques médicaments qu’on nous a donnés, il faut retourner chez le médecin, une nouvelle ordonnance pour encore trois ou quatre cachets ?
MARISOL TOURAINE
Non, pas nécessairement. On peut avoir une ordonnance qui indique, c'est souvent le cas aujourd'hui, un traitement pour tant de jours, à prolonger le cas échéant, et puis si ça ne marche pas au bout de quelques jours, c'est peut-être que l’on a autre chose que ce qui était prévu, et alors il faut évidemment revoir un médecin.
CHRISTOPHE BARBIER
Si je n’ai plus de cachets, je vais aller sur Internet, je vais en acheter, je vais tomber sur des contrefaçons.
MARISOL TOURAINE
Ça dépend, parce que, sur Internet, en tout cas je le dis, on ne peut acheter que des médicaments qui sont vendus sans ordonnance, c'est-à-dire des médicaments qui ne sont pas des médicaments qui viennent traiter nécessairement les maladies graves ou de longue durée. J’ai voulu encadrer très strictement la vente sur Internet, parce qu’un médicament n'est pas un produit comme un autre, et d’ailleurs, je lance une campagne d’information, ces jours-ci, que l’on peut voir sur Internet, en particulier, qui rappelle les précautions à prendre quand on achète un médicament sur Internet, s’assurer qu’il s’agit bien d’un site qui a été labellisé par le ministère ou l’Ordre des pharmaciens.
CHRISTOPHE BARBIER
Parce que la contrefaçon fait des ravages et qu’il y a un danger pour les Français ?
MARISOL TOURAINE
La contrefaçon est très présente sur Internet, il y a beaucoup de faux médicaments qui sont vendus, donc il faut faire attention à ne pas acheter n’importe quoi sur n’importe quel site et il faut aller sur des sites, qui sont des sites non pas officiels, mais en tout cas labellisés. Ça veut dire quoi, un site labellisé ? Ça veut dire un site qui est adossé à une pharmacie physique. On peut aller à la pharmacie pour rencontrer le pharmacien qui vend sur Internet.
CHRISTOPHE BARBIER
Le budget vous demande de ne pas augmenter les dépenses maladie de plus de 2,4 %. On n’a pas réussi cet exploit depuis 15 ans, en 98. Vous n’y arriverez pas.
MARISOL TOURAINE
C'est un engagement très fort, et vous avez raison de souligner que c'est un effort historique qui est demandé, mais ne pas s’atteler aux dépenses d’assurance maladie, c'est prendre le risque de la privatisation. Au fond, si on dépense trop, on dira aux Français : eh bien écoutez, l’assurance maladie elle va moins vous rembourser, et vous devez prendre, vous, de votre côté, une assurance privée. Moi je ne veux pas de cette dérive, et je réaffirme très fortement ma volonté que l’assurance maladie, la solidarité, ce soit la base de notre politique de santé. Et donc des efforts vont être engagés, en matière de médicaments, nous venons de l’évoquer, en matière d’organisation de notre système de soins, au fond nous devons faire du médecin généraliste le premier recours, celui qui est un peu le pivot, la référence, et de cette façon-là, nous pourrons avoir une meilleure qualité de santé et en même temps des dépenses mieux maitrisées.
CHRISTOPHE BARBIER
Des dépenses mieux maitrisées, certains vous demandent d’y arriver, en réformant la Couverture universelle, la CMU, et l’Aide médicale d’Etat pour les étrangers. Allez-vous le faire ?
MARISOL TOURAINE
Il n'est pas question de réformer la CMU, c'est une des grandes avancées dans notre pays, et je crois que tout le monde le comprend que quelle que soit la situation dans laquelle on se trouve, de façon durable ou de façon conjoncturelle, après un an de chômage par exemple, on puisse compter sur une assurance maladie, qui d’ailleurs ne coûte pas spécialement cher à la collectivité. Pour ce qui est de l’aide médicale d’Etat, je veux rappeler que c'est l’ensemble des professionnels de santé qui avait tiré la sonnette d’alarme, si on n’intervient pas, les étrangers tombent malades de façon plus grave et constituent un risque de santé publique et ça finit par coûter très cher à l’ensemble de la Sécurité sociale.
CHRISTOPHE BARBIER
Est-ce que votre ministère sait, par exemple, ce que coûtent en matière de santé, les Roms ?
MARISOL TOURAINE
Non, nous ne pouvons pas identifier, et c’est heureux…
CHRISTOPHE BARBIER
Vous ne comptez pas ?
MARISOL TOURAINE
Et c'est heureux, population par population. Nous ne regardons pas, jour après jour, les dépenses liées à telle catégorie de population. Moi je veux le dire, il ne faut pas tomber ou sombrer dans le fantasme, il y a des dépenses qui sont liées à la présence d’étrangers sur notre sol, ces dépenses sont limitées, elles sont maitrisées. Je veux rappeler que nous parlons de centaines de milliards, 170 milliards, pour l’assurance maladie, au total. Les hôpitaux, les soins qui sont apportés au quotidien, concentrons-nous et voyons quand même que ces dépenses sont des dépenses qui nous permettent de vivre en bonne santé et qui nous permettent de vivre plus longtemps, par exemple de remporter des victoires sur le cancer, sur le Sida, sur les maladies cardiovasculaires. Notre système de santé, c'est tout cela et pas, disons, des écarts sur lesquels il faudrait grincher en permanence.
CHRISTOPHE BARBIER
François HOLLANDE va à Florange ce matin, sur fond de baisse du chômage.
MARISOL TOURAINE
Oui.
CHRISTOPHE BARBIER
Vous ne craignez pas qu’il soit mal accueilli ? C’est une visite peut-être inutile.
MARISOL TOURAINE
C'est une visite de respect à l’égard des salariés, une visite aussi de dialogue et de concertation. Au fond, personne n’ignore ce que cela représentait de difficile, de dur, d’être confronté à la fermeture d’une partie de son activité, et c'est pour cela d’ailleurs que notre gouvernement est engagé de façon très forte dans la relance de l’activité industrielle, mais je crois qu’à Florange, comme ailleurs, mais à Florange, le président de la République ne se dérobe pas à ses responsabilités.
CHRISTOPHE BARBIER
La dernière question vient des réseaux sociaux.
BRUCE TOUSSAINT
Oui, question qui vous est posée directement, Marisol TOURAINE, là voici, question d’actualité, regardez : « Votre collègue Manuel VALLS a-t-il raison de stigmatiser les Roms, selon vous » ?
MARISOL TOURAINE
Personne n'est stigmatisé. La République c'est des valeurs, c’est des règles, et je crois que nous ne devons pas oublier que pour être sur notre territoire, il faut respecter les règles, et ne pas oublier que la République française, ce sont des valeurs.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 27 septembre 2013