Texte intégral
Mesdames et Messieurs les Elus,
Monsieur le Gouverneur militaire de Paris,
Messieurs les Officiers généraux,
Mesdames et Messieurs les directeurs dadministration,
Messieurs les Présidents dassociations,
Mesdames, Messieurs,
Javais exprimé devant vous lan dernier lors de cette même cérémonie lémotion profonde et sincère qui était la mienne. Cette émotion est toujours dactualité. Elle est accompagnée aussi dun immense sentiment de responsabilité.
Responsabilité au regard des fonctions qui sont les miennes, de ce que nous avons à construire ensemble.
Responsabilité accrue, car vous attendez peut-être plus de moi, car nous avons une histoire commune. Mais justement cette histoire commune devrait aider, plutôt que diviser.
Responsabilité aussi dans un contexte de crise sociale, de crise économique qui impacte la communauté harki, je le sais, de manière forte et qui amène certains de ses membres, je pense à ce qui se passe à Villeneuve-sur-Lot, à exprimer leur désarroi.
Je veux vous dire que je ne suis pas insensible à ces situations, à ces expressions de la désespérance mais que la meilleure manière pour les uns et pour les autres de pouvoir trouver une solution est davancer sur le chemin commun et de se mettre autour dune table. Et jy suis prêt.
Quand jévoque la responsabilité, chers amis, je veux évoquer aussi la vérité car les deux sont liés.
La vérité,cest reconnaître les choses, dire la douleur, les tragédies, les difficultés que vous avez traversées. Mais la vérité cest aussi, et jai déjà eu loccasion de lexprimer, de dire que personne na le droit dutiliser la douleur ou la difficulté dune population, dune communauté, dune personne pour des intérêts qui relèvent à mes yeux de lexploitation plus que de laide. Ne vous laissez pas prendre à ce jeu. Votre valeur est plus grande.
Alors nous sommes réunis dans ce lieu prestigieux, dédié à la mémoire des grands hommes, ceux qui ont défendu et fait lhonneur de la France. Vous avez toute votre place en ces lieux.
Depuis 2001, la journée du 25 septembre nous donne rendez-vous avec notre histoire, une histoire méconnue, une histoire oubliée, une histoire à mon goût trop souvent méprisée.
Elle nous donne rendez-vous avec notre mémoire, celle de notre pays, la France. Et parce que je vous connais, presquindividuellement, ce 25 septembre est un rendez-vous avec lhonneur, la fierté et la reconnaissance de la Nation.
Moi, puisque je veux vous parler très sincèrement. Moi, je ninterprète pas vos colères, je ne suis pas lexégète de vos récits et de vos témoignages. Je les ressens.
Cest lune des pages les plus difficiles de notre histoire. Je tiens à ce que jamais ce livre ne se referme. Car je veux que soit lue et sans cesse rappelée lensemble de ces parcours pour écrire ensemble un nouveau récit, au-delà du souvenir douloureux des événements.
Taire votre histoire serait une deuxième souffrance
Taire votre histoire serait vous condamner une deuxième fois à lexil
Taire votre histoire serait un deuxième abandon
Taire votre histoire serait vous enfermer dans loubli Or doubli, il ny en aura plus.
Exprimer une douleur, cest mettre des mots car les mots ont un sens. Jen ai retenu trois : déracinement, abandon, oubli.
Déracinés de votre terre natale, celle sur laquelle vous avez vu le jour Celle sur laquelle beaucoup dentre vous ont grandi Celle sur laquelle vous avez commencé à imaginer ce que pourrait être votre vie Celle sur laquelle beaucoup de nos pères ont souhaité revenir pour y être enterrés quand cela était possible...
Abandonnés ensuite par la France auprès de qui vous étiez restés indéfectiblement loyaux et fidèles.
Abandonnés une deuxième fois sur le sol de France, une terre gagnée dans lespoir déchapper au pire, et souvent grâce à lhonneur dofficiers dont vous aviez été les soldats Une terre de France où vous vous êtes retrouvés enfermés dans des camps dhébergements avant dêtre enfermés dans lhistoire.
Oubliés enfin. Mais je ne peux voir en vous, ni moi, ni personne dautre, les exclus de la mémoire nationale.
Travailler sur la mémoire de notre pays, cest mon quotidien. Cest une question sensible. Il ne peut y avoir de mémoire sélective, il ne doit pas y avoir de mémoire officielle. La mémoire nest pas non plus une addition dhistoires singulières.
La mémoire, cest la recherche de la cohésion nationale. Cest la volonté et lengagement du Président de la République que jai formulé devant vous il y a tout juste un an que de vous y donner votre juste place.
Cet engagement, il est en voie dêtre honoré. Cétait lune de mes priorités. Je my suis tenu. Et cest un engagement pris devant vous.
Il la été tout dabord en demandant à lOffice national des Anciens combattants et victimes de guerre de réaliser lexposition que je mapprête à inaugurer dans un instant. Je tiens à remercier Mme Rose-Marie Antoine de sa présence et de linvestissement quelle a mis dans ce projet.
Je pense aussi à la mission de recueil de témoignages des harkis que jai confiée à lOffice, en partenariat avec le Service historique de la Défense et le bureau des témoignages oraux. Le travail réalisé par Mohamed Némiri est à cet égard sans précédent et je tiens à le saluer.
Cest ainsi que votre histoire sera transmise aux plus jeunes. Cest tout lenjeu de demain. Ne plus ressentir de gêne lorsquon témoigne de son histoire mais ressentir de la fierté car la transmission est un chaînon essentiel qui, en revenant sur le passé, permet de mieux vivre son présent et de construire son avenir.
Car vos récits et vos témoignages nous content, mieux que quiconque, un moment de France. Vos témoignages enrichissent notre mémoire et nous invitent à construire, ensemble, une mémoire apaisée, source de tous les dépassements.
Votre histoire, ce sont des lieux, des régions. Jai évoqué tout à lheure les camps dhébergements, et je ne peux oublier aussi, cest un projet que je partage avec Stéphane Le Foll, ministre de lAgriculture, de lagroalimentaire et de la forêt, les camps de forestage.
Et nous travaillons actuellement, pour marquer le paysage français de cette empreinte, à mettre en place des plaques commémoratives dans ce qui ont été ces lieux où vécurent nombre douvriers forestiers rapatriés dAfrique du Nord.
Il y a un an, jai également annoncé la création dun site internet recensant lhistoire des harkis à travers des documents historiques. Je me réjouis de pouvoir vous annoncer aujourdhui que ce site « chemins de mémoire harkis » est en ligne et je tiens à remercier M. Eric Lucas pour lexcellent travail réalisé.
Permettez-moi donc de vous dire que cest une fierté pour moi de pouvoir permettre aujourdhui à tous ceux qui le souhaitent, et notamment aux plus jeunes, descendants de harkis ou jeunes chercheurs en histoire, femmes et hommes, daccéder à ces ressources pour mieux connaître et faire connaître ce qui constitue une part essentielle de notre histoire nationale.
Sur les bases de ces nouvelles ressources, nous travaillerons également à ce que cette histoire, notre histoire, soit mieux enseignée.
Parce quelle a été la grande oubliée des années qui ont suivi lindépendance algérienne, parce quelle a été loubliée des manuels et programmes scolaires, nous nous sommes engagés à ce que lhistoire des harkis ne soit pas loubliée de la mémoire française des prochaines années.
Cest ainsi que jai demandé que soit engagé un véritable travail de recherche sur les harkis et les rapatriés, projet soutenu par le Gouvernement.
Jai obtenu, auprès de la Fondation pour la mémoire de la guerre dAlgérie, la constitution dun comité scientifique permettant de favoriser la recherche, la réflexion et la confrontation des analyses pour une meilleure compréhension de votre histoire.
Cest un travail inédit qui permettra notamment dintégrer cette dimension dans lenseignement de lhistoire de cette période, ce à quoi mon collègue Vincent Peillon, ministre de lEducation nationale, et moi-même sommes très attachés.
Cette histoire doit sinscrire en premier lieu dans la mémoire de la jeune génération. Et je me réjouis que des élèves soient à nos côtés cet après-midi pour ce moment dhommage et de partage.
Le souvenir passé des harkis vit à cet instant dans la mémoire présente des plus jeunes et je souhaite quelle le maintienne en vie.
Cest à ma demande donc, que lOffice national des Anciens combattants et victimes de guerre sest vu confié la réalisation de cette exposition « Parcours de Harkis et de leurs familles ». Je profite de loccasion qui mest donnée pour remercier Jean-Jacques Jordi, pour lélaboration de celle-ci. Ces photos et récits mettent à lhonneur les supplétifs dAlgérie et réinscrivent leur engagement et leur fidélité à la France dans un temps plus long.
Car la relation qui unit les harkis à la France ne naît pas en 1954 et ne séteint pas en 1962.
Lexposition nous fait la démonstration du courage, de lesprit de sacrifice et de la loyauté des soldats, engagés aux côtés de la France dès 1830. Cest pourquoi elle mérite dautant plus sa place en ce haut lieu symbolique, la cour dhonneur des Invalides.
Elle ne cache rien non plus des conditions tragiques de larrivée en France des harkis. Je suis heureux et honoré aujourdhui que ce travail sérieux, complet et émouvant puisse vous être présenté.
Je suis ému aussi, sincèrement, que certains de ceux qui apparaissent sur les photos exposées soient parmi nous. Mme Djemaï Djoher, Mesdames Nouihel, M. Abdelkader, Mme Ladjelatte, la famille Amara, M. Némiri, votre présence nous honore.
Je me félicite que ce travail de mémoire ait vocation à parcourir la France, car cest une exposition itinérante, pour rappeler, en chaque lieu de notre territoire, ce qui fait partie de son histoire.
Cest ainsi que lexposition sera prochainement présentée dans les différents lieux ayant accueillies les familles de harkis à leur arrivée en France.
Au-delà de lhistoire quelle nous conte, dans ce quelle a de plus douloureux, de plus grave, mais aussi de plus juste, cette exposition a un sens : elle accueille les harkis au sein de lOffice national des Anciens combattants et victimes de guerre.
Je veux en effet aborder maintenant lavenir de votre relation avec lEtat et ses opérateurs.
Vous savez que lONAC-VG, à travers ses services départementaux, devient le guichet unique de traitement des dossiers harkis.
Javais rappelé lan dernier la nécessité de renforcer le dialogue entre les associations de harkis et lONAC-VG. Cest un engagement que jai honoré. Dici à la fin de lannée, la gestion de lensemble des dispositifs relatifs aux harkis et rapatriés sera recentrée sur cet Office et sur le service central des rapatriés, qui en sera à terme lun des pôles spécialisés.
Et cest en cela que pour la première fois, un président dassociation de harkis, M. Bouares que je remercie dêtre présent aujourdhui, a été intégré au sein du « G12 ». Ce groupement rassemble les principales associations dAnciens combattants et constitue lenceinte de dialogue informel privilégiée des ministres avec le monde combattant.
Jai écrit il y a quelques jours aux présidents dassociations pour leur présenter le bilan des mesures mises en place depuis lannée dernière. Afin de faciliter le dialogue et de maintenir des échanges réguliers, je souhaite quun groupe de contacts soit créé au plus vite.
Javais évoqué devant un certain nombre dentre vous la nécessité de regrouper les principales associations dans une enceinte de dialogue. Il faut maintenant aboutir.
Vous le savez aussi, je lai rappelé il y a un an, le président de la République avait souhaité redonner un élan à cette journée nationale du 25 septembre.
Je veux aussi vous redire tout son attachement, profond et sincère, à votre communauté. Il ma chargé de vous dire que, dans les mois qui viennent, il fera avec vos représentants un bilan de laction menée et de vos priorités pour lavenir. Nous aurons à préparer ce moment.
Le gouvernement auquel jappartiens, le président de la République et au-delà la France toute entière ne peuvent se contenter de rappeler que notre pays vous a abandonnés, et quil vous a laissés dans des conditions de vie dramatiques face auxquelles nous serions désarmés.
Nous avons refusé de nous résigner à ce constat et à cette fatalité et nous avons préféré nous tourner vers lavenir. Au-delà de la reconnaissance, au-delà du symbole que revêt cette cérémonie, la France doit exprimer sa solidarité à travers la mise en place de dispositifs sociaux et professionnels.
Je crois en une politique ambitieuse de reconnaissance, de solidarité et de fraternité. Oui, de fraternité car vous êtes, comme moi, comme nous tous, les filles et les fils de la Nation française.
Il y a un an, je me suis engagé à répondre à vos attentes en matière dinsertion professionnelle. Il y a quelques jours, un décret a été publié remettant en uvre les mesures de soutien à la formation professionnelle des enfants de harkis, un engagement qui a été pris devant vous.
Cette action en faveur des descendants de harkis sest renforcée par linsertion dans le projet de Loi de Programmation Militaire dun article permettant au gouvernement de prolonger de 3 à 5 ans la durée dinscription des enfants de harkis sur les listes demplois réservés.
Jinterviendrai aussi dans les jours qui viennent auprès de mes collègues du Gouvernement, des Agences Régionales de Santé et des collectivités locales pour que les harkis bénéficient encore davantage que ce nest le cas du dispositif des emplois réservés.
Il faut poursuivre ces combats dans lavenir, un avenir que je souhaite construire avec vous car je tiens à maintenir et à renforcer le dialogue que nous avons engagé.
Je viens dévoquer devant vous mon émotion, ma volonté, les engagements pris et les engagements tenus, les pistes suivies et ce quil reste à faire.
Je viens dévoquer devant vous ce qui ne relève pas de mon intérêt personnel mais de lintérêt de la Nation, du souci constant dunité et de rassemblement car à chaque fois quelle le fait, la République se grandit.
Notre République, elle a une histoire. Chacun peut linterpréter à sa façon, liée quelle est aux parcours personnels, aux réalités familiales, aux situations sociales et professionnelles. Mais je veux vous dire que nous en sommes tous des héritiers parce que la République est belle, quelle permet, quelle doit permettre, et cest le souci constant du Président de la République, du Premier ministre et du gouvernement, à chacun dy trouver sa place.
Bien sûr, il faut savoir répondre à lurgence. Je my emploie. Mais il faut savoir aussi inscrire notre action commune dans le temps long en préparant lavenir de nos enfants.
Bien sûr, jentends les remarques, les critiques, les colères mais jentends aussi les espoirs. Je veux toujours porter mon action avec le souci de la modestie mais la modestie nempêche pas lambition collective.
Cette ambition, nous avons à la construire, nous avons à la faire vivre. Elle sera jalonnée de discussions, de désaccords mais aussi dagréments.
Et ce que je peux vous dire pour conclure, en vous remerciant, cest ma volonté de ne jamais rien lâcher de ce qui vous est dû. Et je sais que pour cela je peux mappuyer sur la volonté du Président de la République et du Premier ministre de ne jamais rien oublier.
Je vous remercie.
Source http://www.defense.gouv.fr, le 26 septembre 2013