Texte intégral
C’est pour moi un grand plaisir d’être ici à Toulouse pour découvrir une des nombreuses et, souvent, comme ici, remarquables initiatives d’éducation artistique et culturelle dont nos territoires sont les acteurs.
J’ai eu l’occasion de l’exposer en détail lors de la conférence de presse que j’ai consacrée à l’éducation artistique et culturelle la semaine dernière : la jeunesse est une priorité du président de la République et tout le gouvernement est mobilisé autour de cette ambition. Dès mon arrivée rue de Valois, j’ai fait de l'éducation artistique et culturelle mon grand projet.
C’est une ambition qui ne peut se réaliser que collectivement et je me réjouis d’avoir ainsi pu venir, avec Vincent Peillon, à la rencontre de vous tous qui en êtes les acteurs. L’ambition de l’EAC est collective. Nous devons travailler avec tous les acteurs : les collectivités territoriales, et je salue la ville de Toulouse et le Conseil général de Midi-Pyrénées, le rectorat et la DRAC, je salue Hélène Bernard et Laurent Roturier ainsi que toutes leurs équipes, les structures culturelles qui irriguent le territoire, le Théâtre municipal Sorano-Jules Julien qui porte cette initiative, les artistes, la compagnie Farouche, et les enseignants ; la direction et tous les personnels de l’école Jules Julien qui nous accueille aujourd’hui.
Grâce à vous tous, c’est un monde de poésie et d’imagination qui s’est ouvert à nous à l’instant. C’est un merveilleux exemple de ce que l’EAC peut accomplir.
Transformer la cour de récréation en chapiteau à ciel ouvert, c’est faire entrer la culture dans le quotidien des plus jeunes. C’est rattacher la culture à ce que la vie a de plus bruissant et bouillonnant les cris et les jeux des enfants. C’est, par surprise, faire tomber les murs entre l’art et le jeu, entre expérience individuelle et collective, entre artistes et enseignants
Décloisonner, c’est aussi l’ambition de l’EAC. Parce qu’elle touche tous les âges de la vie, elle rend caducs les cloisonnements entre culture, éducation, éducation populaire. Elle vient bousculer les hiérarchies. Au contraire d’une démarche descendante où éduquer rime avec inculquer, elle privilégie la rencontre avec des artistes dont on sait qu’ils ne sont pas dans un rapport hiérarchique mais dans un rapport de partage et d’égalité avec leur public.
L’école touche tous les enfants sur tous les territoires : elle est un des socles de l’éducation artistique et culturelle. Pour placer l’éducation artistique et culturelle au coeur du pacte républicain, nous avons besoin de l’école. C’est pour cela que je suis heureuse d’être ici avec Vincent Peillon.
Jack Lang et Catherine Tasca avaient bien saisi cet enjeu : entre 2000 et 2002, ils ont su tisser un lien étroit entre éducation et culture, un lien qu’il nous appartient de renouer aujourd’hui. Ce partenariat a d’ores et déjà porté ses fruits puisque l’EAC est inscrite pour la première fois dans le code de l’éducation par la loi de refondation de l’école de la République dans son article 10. Et le parcours d’éducation artistique a été défini dans une circulaire que nous avons signée conjointement début mai.
Mais le ministère de la Culture doit prendre ses responsabilités car l’éducation artistique et culturelle fait partie des missions et de la définition même du ministère de la Culture.
L’EAC n'est pas une incantation, un sujet mou de nos politiques culturelles. Au contraire, parler d’éducation artistique et culturelle est un choix politique fort qui relève d’une vision extrêmement volontariste parce que difficile. Car cela implique de faire face à des inerties et des blocages, des sentiments d’échec et parfois même des aveux d’impuissance, qui dépassent le simple cadre culturel mais que le milieu culturel, miroir de notre société, ressent et vit intensément.
Aujourd'hui mon engagement pour l'éducation artistique c'est aussi une autre manière de faire de la politique et de définir une politique nationale.
La culture ne doit pas être un entre-soi, un luxe. C'est une expérience collective. Nous en avons la responsabilité, il faut créer un changement profond, indispensable auquel nous aspirons tous : celui d'une culture en partage.
Pour moi, l'éducation artistique c'est l'innovation, c'est l'excellence et c'est l'égalité.
C’est autour de ces trois grands axes que s’inscrivent les grandes lignes de mon ambition :
Tout d’abord, j'ai décidé, pour accompagner les collectivités territoriales d'affecter un tiers de crédits supplémentaires d'ici 2015 en appui aux politiques d'éducation artistique des collectivités territoriales.
Les collectivités territoriales se sont saisies de cet enjeu parce qu’elles ont compris qu’il était un levier essentiel, c’est ce que nous a expliqué Pierre Cohen lors de la conférence de presse lundi dernier. Je veux soutenir cet engagement des collectivités territoriales par un geste fort : l'année prochaine, dès 2014, ces crédits auront augmenté de 25 % par rapport à 2012.
Accompagner les territoires, c'est aussi rééquilibrer l'effort entre Paris et les autres régions françaises notamment dans le cadre des contrats de plan Etat-région. Je préserve les moyens d'intervention des DRAC et je propose la déconcentration des crédits supplémentaires que je viens de vous annoncer.
Nous devons, enfin, identifier des territoires prioritaires où concentrer nos efforts. C'est un travail qui se fait, bien sûr, en lien avec d'autres ministères, notamment celui de la Ville, des Outre-mers, de l’Agriculture, mais aussi le ministère en charge des Personnes handicapées, de la Justice, de la Jeunesse. Parce que l’éducation artistique et culturelle est un moyen, pour les jeunes, de reprendre confiance, de s’épanouir et de retisser un lien avec les autres, j’ai pris l'engagement de consacrer au moins 30 % des nouveaux crédits aux nouveaux territoires prioritaires de la politique de la ville.
Ensuite, l'éducation artistique nécessite une exigence de qualité et elle est un terrain d'excellence. Cette exigence, cette excellence, il faut les qualifier. Cela passe par la recherche et la formation.
L'Etat doit évidemment assumer son rôle de formation des acteurs. Il s'agit en premier lieu - et toujours bien sûr en lien profond avec l'Education nationale mais aussi avec le ministère en charge de la recherche - de la formation des enseignants. La mise en place de modules d'éducation artistique et culturelle dans les Ecoles supérieures de professorat et de l'éducation est une nouvelle étape du travail engagé avec Vincent Peillon pour permettre à ces enseignants de devenir des acteurs à part entière dans la construction de parcours d'éducation artistique et culturelle.
Je souhaite également renforcer l'implication de nos écoles d'enseignement supérieur culture. Nous proposerons aussi dès l'année scolaire prochaine des actions de formation continue ouvertes à l'ensemble des acteurs.
Quant à la recherche, elle est essentielle parce qu’elle nourrit la formation en produisant des outils intellectuels et pédagogiques innovants. Elle permet aussi, et c’est important, d’évaluer notre action. Nous devons donc fédérer les compétences scientifiques qui existent et faire en sorte que la recherche dans ce domaine soit plus structurée, capitalisée et mieux diffusée.
Avec Vincent Peillon, nous avons souhaité réformer le Haut conseil à l'éducation artistique et culturelle pour l'ouvrir plus largement aussi aux autres ministères, aux collectivités territoriales et mobiliser les chercheurs militants pour enrichir le débat et nos réflexions. Cette instance d’échange et de dialogue est indispensable car c’est aussi la recherche qui alimente l’action.
Je l’ai déjà dit, la condition du succès, c’est la mobilisation de tous les acteurs.
Selon les préconisations du rapport que m’a remis Jean-Luc Martinez, j'ai souhaité la création, à la rentrée, d'un réseau des 70 opérateurs de l'Etat dans le domaine culturel afin de mieux organiser l'action nationale en matière d'éducation artistique. Il faudra engager un travail similaire à l'échelle régionale en ce qui concerne les établissements labellisés.
La mobilisation passe aussi par la présence systématique d'un volet éducation artistique dans les projets scientifiques et culturels de nos établissements patrimoniaux, dans le cahier des charges de tous les opérateurs et les partenaires de l'Etat.
De nombreux établissements se sont saisis de façon exemplaire de cette ambition : je pense au Louvre, qui va consacrer l’aile Richelieu à l’EAC, ou à la Villette, qui développe un grand projet d’EAC autour de la Philharmonie de Paris.
Je pense notamment aux FRAC qui mettent en oeuvre un des trois piliers du parcours d’éducation artistique et culturelle : la confrontation avec les oeuvres.
Nous allons signer, avec Vincent Peillon, le CNDP et l’Association des régions de France, une convention cadre qui permettra de développer cette initiative sur tout le territoire.
Les FRAC ont pour mission de collectionner les oeuvres de leur temps, de les donner à voir au plus grand nombre et d’en faire la pédagogie. Par la circulation des oeuvres, elles contribuent à faire tomber les murs pour un plus juste partage de nos collections nationales. Avec « un établissement, une oeuvre », qui touche tous les âges de l’enfance de l’école au lycée, elles réalisent pleinement leur mission.
Elles sont, à ce titre, exemplaires de la grande priorité de l’action de mon ministère : l’accès des plus jeunes à l’art et à la culture. Car, par leur ancrage régional, les FRAC touchent les jeunes, au plus près des réalités du territoire, partout en France. Aller chercher les gens où ils se trouvent pour leur permettre de se confronter à l’art, c’est l’ambition partagée des FRAC et des régions. Il ne peut y avoir de démocratisation culturelle sans implication forte des régions. Et c’est pour cela que je salue l’Association des régions de France qui soutient le dispositif « un établissement, une oeuvre ». C’est un choix stratégique majeur car c’est par ce type d’initiative que passe la défense de deux principes fondamentaux : la démocratisation culturelle et l’égalité des territoires.
Comme le cirque dans la cour de récréation, les FRAC font entrer l’art contemporain dans les établissements scolaires. C’est cette même volonté de rattacher la culture à la vie en la faisant entrer dans la vie de chacun, d’aller à la rencontre des gens, où qu’ils se trouvent qui animent les deux initiatives que nous mettons en avant aujourd’hui. C’est aussi ce qui motive mon grand projet d’EAC.
Enfin, parce que c’est un outil grâce auquel nous pouvons pleinement réaliser notre ambition de généralisation, le numérique est un levier de l’EAC.
Nous devons offrir, à travers les sites de nos établissements culturels, une véritable expérience interactive en ligne. Chaque établissement sera donc accompagné pour développer et utiliser au mieux tous les outils du numérique.
Par ailleurs, le ministère de la Culture s'engage à structurer ses ressources et celles de tous les opérateurs pour que les parcours d'éducation artistique profitent à tous. Cette politique s'inscrira dans la dynamique d'ouverture des données publiques qui est souhaitée par le gouvernement. Nous allons ainsi progressivement libérer des données pour favoriser des initiatives d'éducation artistique de certains de nos établissements.
Parce que le numérique est aussi une ressource créative, je lancerai très prochainement l' « automne numérique » : une série de rendez-vous autour des enjeux croisés de l'éducation artistique et culturelle et du numérique.
Des concours feront appel à la créativité de nos jeunes, des appels à projets mobiliseront des start-up, des entreprises innovantes du numérique autour d’un même objectif : favoriser l'accès à des démarches d'éducation artistique pour le plus grand nombre et sensibiliser les jeunes aux nouvelles pratiques numériques culturelles, notamment par la création d'uvres transformatives comme le « mashup » autour des oeuvres du domaine public.
Le numérique, ce n'est pas simplement la diffusion et l'accès aux oeuvres, c’est aussi un processus créatif en lui-même qui doit être enrichi et nourri.
Faire des jeunes des acteurs et pas des objets de notre politique culturelle c’est s’inspirer de leurs pratiques. Et c’est aussi cela l’objectif du grand projet d’éducation artistique et culturelle dont je viens de vous présenter les grandes lignes.
C’est précisément ce qui vient de se jouer, littéralement, ici, dans cette cour de récréation. En investissant l’espace même où les enfants laissent libre cours à leur imagination, leur espace de jeu par excellence, on leur montre qu’ils peuvent être eux-mêmes acteurs. Que leurs jeux sont aussi créations. Car l’espace de la récréation, c’est aussi celui de la re-création, celui où les jeunes imaginations se déploient et saisissent le réel pour mieux le transformer.
Je vous remercie.
Source http://www.culturecommunication.gouv.fr, le 30 septembre 2013