Texte intégral
Mesdames, Messieurs les parlementaires,
Monsieur le préfet,
Mesdames, Messieurs,
Je suis honorée de participer à cette Journée nationale déchanges sur "Lanticipation et laccompagnement des opérations dévacuation de campement".
Cette journée démontre quil est possible de mener un débat apaisé sur un sujet où la passion et lirrationnel priment malheureusement.
Cest aussi pourquoi je profite de cette occasion pour rendre hommage, au nom du gouvernement, à laction certes difficile mais ô combien salutaire, du préfet Alain Régnier et de lensemble de la Mission.
En tant que ministre déléguée chargée de la réussite éducative, je suis avec une attention particulière la question de la scolarisation des enfants Roms, véritable enjeu pour la vie future de ceux-ci, mais aussi pour linclusion des familles qui se sont engagées dans une démarche dinsertion.
La scolarisation est une condition sine qua non de linsertion.
Ce postulat vaut tant pour lÉtat que pour les familles Roms.
La circulaire interministérielle signée le 22 août 2012 souligne la responsabilité de la puissance publique vis-à-vis des enfants vulnérables et victimes de préjugés, donc des enfants Roms.
Ainsi, conformément à lesprit de la circulaire du 26 août 2012, jai impulsé la publication de trois circulaires sur la scolarisation effective des enfants allophones arrivants, des enfants issus de familles itinérantes et de familles sédentarisées depuis peu. Le cas des enfants roms est souvent à lintersection de ces trois situations.
Si ces circulaires ont chacune un objet propre, elles se complètent et se combinent autour dun même principe, celui suivant lequel laccès à lÉcole est un droit fondamental de tout enfant, y compris donc des enfants Roms.
Les particularismes sociaux et culturels ne sauraient justifier le non-respect de nos principes fondamentaux et de nos engagements internationaux comme la Convention internationale des droits de lEnfant : la République est responsable de la scolarisation de tous les enfants. Les conditions de cette scolarisation ne doivent pas porter atteinte à la dignité de lenfant, ni obérer ses chances de réussite.
L"école pour tous" nest pas un credo démagogique, mais une expression politique du principe juridique dégalité ou de non-discrimination sur lequel repose notre République.
Nous sommes conscients des difficultés posées, notamment pour les habitants des quartiers populaires souvent les plus exposés à des conditions de cohabitation insatisfaisantes. Il nest pas évident de rompre avec des décennies, voire des siècles dindifférence et dexclusion quont connus les familles Roms et qui ont induit certains comportements qui dérangent parfois.
Notre gouvernement veut, conformément à lesprit de la circulaire du Premier ministre du 26 août 2012, assumer en la matière une politique courageuse et volontariste, qui dépasse de loin le simple démantèlement de campements illicites.
Trois axes de laction gouvernementale méritent ici dêtre soulignés :
* Le respect de lordre public
Notre politique connaît certes un volet coercitif, mais légitimé par les exigences dordre public, des exigences dintérêt général par définition.
Nous rejetons tout discours essentialiste. Nous croyons au contraire que tout enfant est éducable et que nul nest délinquant ou marginal par nature. Mais, il est de la responsabilité de la puissance publique de faire respecter la Loi, y compris en démantelant des campements illicites et dangereux, pour des raisons dhygiène et de salubrité publique, en luttant contre la criminalité et autres réseaux quasi-mafieux. Pour autant, il ne sagit pas seulement dévacuer, de démanteler ou dexpulser.
Une politique équilibrée, ferme et humaniste, respectueuse à la fois de lordre public et de la dignité humaine , signifie une application effective des indications de la circulaire, à commencer par le déclenchement systématique et le plus en amont possible dun travail de concertation, de diagnostic et daccompagnement des populations présentes dans les campements (scolarisation, santé, habitat, emploi).
Je salue à cet égard laction positive de nombreuses associations qui se dévouent sans compter pour aider les populations les plus démunies.
Les familles Roms doivent aussi bénéficier dun meilleur accès aux soins de santé. Les conditions sanitaires dangereuses qui caractérisent la vie dans ces campements contreviennent également au respect de lordre public et doivent être suivies dans lintérêt même du voisinage.
Il convient en conséquence daccroître le niveau de vaccination de ces populations, daméliorer la confiance entre les personnels de santé et les patients, daméliorer laccompagnement des filles-mères et de renforcer la médiation sanitaire.
* La coopération internationale, y compris la coopération décentralisée
Laction gouvernementale se déploie au-delà de nos frontières, la "question Rom" doit être traitée au niveau européen et dabord bien sûr dans les pays dorigine, mais sans confondre les solutions possibles pour des ressortissants de pays tiers et pour des ressortissants de pays membres de lespace européen. La controverse sur lespace Schengen ne semble pas essentielle en lespèce.
Cette réalité nécessitait le développement de la coopération en direction de nos partenaires européens dont sont originaires les familles Roms installées en France.
Résultat de la coopération bilatérale entre la Roumanie et la France, le programme de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a financé 500 projets en Roumanie, afin notamment dassurer et de faciliter leur retour en Roumanie, mais aussi leur réintégration dans les communautés dorigine.
Ce type daction est prolongé par la coopération décentralisée et la signature ainsi des contrats de coopération entre les localités dorigine et les collectivités territoriales françaises.
Depuis le début des années 90, les territoires dont sont originaires les populations dites "Roms" ont vu la multiplication dinitiatives locales.
La coopération décentralisée franco-roumaine est dense : on dénombre aujourdhui plus de 250 partenariats, dont une cinquantaine concerne des projets structurants sur des thématiques comme lintégration sociale des populations défavorisées dont font partie les Roms.
* Lintégration/l'insertion sociale
Parce que la marginalité nest pas une fatalité pour les familles Roms, leur insertion sociale doit être possible pour ceux qui en expriment la volonté.
Un tel projet suppose lamélioration de laccès au Droit, de laccès aux droits.
- Améliorer laccès à lÉcole. Souvent il nous appartient de peser fortement auprès des communes pour assurer lobligation de scolariser ces enfants, mais aussi auprès des familles pour faire respecter lobligation dassiduité. Notre seul fil conducteur est lintérêt des enfants.
- Améliorer laccès à lemploi, par un assouplissement des contraintes des mesures transitoires en vigueur jusquà fin 2013, limitant l'accès au travail en France pour les Roumains et les Bulgares ; ces mesures appliquées en France, comme dans sept autres pays européens, limitaient le marché de l'emploi à 150 métiers dits "en tension", après la délivrance d'un permis de travail et le versement d'une taxe à lOFII par l'employeur. Un arrêté publié le 14 octobre 2012 au Journal officiel, a supprimé cette taxe et a étendu la liste des emplois accessibles aux Roms à 291 métiers contre 150 auparavant.
Ces mesures transitoires restreignant le droit au travail des Bulgares et des Roumains ont de toute manière vocation à être levées le 1er janvier 2014.
Je précise quensuite les ressortissants roumains devront toujours, et comme nimporte quels citoyens européens, respecter une condition de ressources pour résider de façon régulière sur notre territoire.
- Améliorer le droit au logement, à travers des "villages dinsertion" de véritables sites de transition ont été créés. En plus dun logement, ils apportent un accompagnement social et professionnel aux familles.
Le gouvernement soutient ces sites de transition qui sont autant de sas de réinsertion sociale. Cest ainsi que le Premier ministre a nommé un directeur de projet «campement» pour mieux anticiper et accompagner les opérations dévacuation en région île-de-France, et dont lune des missions consiste précisément dans la mise en place de sites de transition.
Le cas de la ville de Strasbourg offre ici un exemple de bonne pratique : le développement de bidonvilles sur la commune de Strasbourg a conduit la municipalité à engager une action tendant à résorber les campements présents sur son territoire. Dès 2011, elle a ainsi aménagé un espace temporaire dinsertion afin daccompagner des familles vers linsertion : lespace 16.
Proche des transports en commun et situé en centre-ville, lespace 16 est composé de vingt-six caravanes et dinfrastructures sanitaires. Ce programme concerne aujourdhui quatre-vingt quatre personnes, dont dix-huit enfants (vingt-deux familles).
Les populations concernées sont responsabilisées à travers la création du Conseil de vie social (CVS), lequel est composé des adultes du site et permet lorganisation de la vie quotidienne sur lespace 16. Ainsi, les bénéficiaires du projet sont inclus dans la gestion de ce dernier, ce qui permet de les investir dune responsabilité vis-à-vis de sa réussite.
Deux travailleurs sociaux de lassociation « horizon amitié » sont chargés de laccompagnement social. Un contrat précisant les objectifs dinsertion et les règles de fonctionnement de lespace 16 a été signé par les familles bénéficiaires.
Une campagne dinformation relative à la santé a été lancée auprès des bénéficiaires du projet. Elle abordait notamment les maladies sexuellement transmissibles, la tuberculose et lhygiène dentaire, ainsi que le fonctionnement du système français de santé.
Un partenariat établi avec les services de léducation nationale a permis de scolariser et daccompagner tous les enfants en mobilisant enseignants, parents et associations de quartier. Un soutien scolaire a été apporté, et laccent a été mis sur lobligation dassiduité.
Tous les bénéficiaires âgés de seize ans et plus ont été inscrits à des cours dapprentissage du français qui ont notamment permis daborder les règles de base de la vie dans la société française. Plus de la moitié des individus concernés ont suivi ces cours avec assiduité.
Le bilan de lopération étant très positif, la municipalité a souhaité poursuivre ses actions pour une extinction rapide des différents campements illicites disséminés sur le territoire de la ville.
En janvier 2013, une équipe dédiée a ainsi été créée au sein de la Direction des solidarités et de la santé. La ville travaille aujourdhui en synergie avec lÉtat, le Conseil général, la Région et les associations permettant la mise en place dun plan daction global pour réellement améliorer la situation des familles concernées.
À la demande de la ville, ce plan daction sappuiera sur la création dune maîtrise duvre urbaine et sociale (MOUS), dont une partie du financement sera assurée par lÉtat, grâce aux crédits du plan de lutte contre la pauvreté et pour linclusion sociale dédiés à lanticipation et laccompagnement des évacuations de campements dans le cadre de la circulaire interministérielle du 26 août 2012.
Ensemble, faisons que la situation des familles Roms échappe à la pure et simple instrumentalisation politique, pour trouver au contraire des solutions puisées dans les principes et valeurs de la République. Notre pays a su, au fil du temps, intégrer des populations variées, souvent marquées à leur arrivée par la précarité et la marginalité. Nul na oublié les bidonvilles de Nanterre, de Champigny ou de Villeneuve-Saint-Georges où sagglutinaient dans la boue les portugais ou les maghrébins. Nul doute que le défi posé par ces nouveaux déshérités nest pas au-dessus de ses forces si les efforts sont justement répartis à travers notre pays et les différents pays dEurope.
Source http://www.education.gouv.fr, le 30 septembre 2013