Déclaration de Mme Yamina Benguigui, ministre de la francophonie, sur la situation des femmes dans l'espace francophone, à New York le 26 septembre 2013.

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Circonstance : Déplacement à New York (Etats-Unis) à l'occasion de la 68éme session de l'Assemblée générale des Nations unies, du 22 au 27 septembre 2013

Texte intégral

Mesdames les Représentantes spéciales du Secrétaire général des Nations unies,
Chère Leïla Zerrougui,
Chère Marta Santos Pais,
Madame l'Assistante du Secrétaire général des Nations unies,
Chère Mbaranga Gasarabwe,
Madame l'Ambassadrice aux droits de l'Homme,
Chers Invités,
Il y a un an, c'est ici à New York, avec un groupe de femmes en marge de la précédente Assemblée générale, que j'ai lancé le principe d'un Forum mondial des femmes francophones.
Ce forum, grâce à la mobilisation de toutes et tous, a eu lieu le 20 mars dernier à Paris.
Avec les 700 participantes venues de l'espace francophone, nous avons fait de ce que certains considéraient comme une utopie, une réalité.
Un appel en faveur de l'inscription des droits des femmes dans les textes fondateurs de la francophonie a été lancé.
Une chaîne de solidarité avec les femmes victimes des conflits dans l'espace francophone s'est construite.
Lors de la prochaine Commission ministérielle de l'Organisation internationale de la Francophonie, je présenterai le projet d'introduction des droits des femmes dans les textes fondateurs de la francophonie.
Car c'est en la loi et la justice que nous, femmes, avons foi. C'est la loi qui oblige, c'est la loi qui réprime.
Et c'est pourquoi l'objectif pour nous, pour ces femmes, pour toutes les femmes des 77 pays de l'espace francophone, est que leurs droits existent là où ils ne sont pas, que ces droits soient partout respectés, que les droits de la femme soient formellement un des principes fondamentaux de la francophonie, comme l'est la solidarité.
Et ceci pour que nous n'assistions plus à la régression des droits, aux attaques contre ces droits, à leur remise en cause ; pour que les droits des femmes soient des acquis inébranlables pour les 800 millions de locuteurs que comptera l'espace francophone en 2050.
Pour les Tunisiennes, comme les Qataries, comme les Congolaises, comme les Comoriennes, les Haïtiennes, les Libanaises, les Maliennes, les Marocaines, la francophonie doit être la garante de leurs droits.
Il en va de notre devoir. C'est mon combat, et c'est à ce combat que je vous invite à vous joindre.
Les oppositions à une telle démarche peuvent être polissées, mais n'en demeurent pas moins des obstacles.
Ensemble, nous les lèverons.
C'est sur la base de la demande exprimée le 20 mars dernier, avec votre soutien, que je mènerai ce combat afin que dès le prochain sommet de Dakar en 2014, la francophonie ait un nouveau texte portant obligations pour les États, et droits pour leurs citoyennes.
Mon combat et vos engagements sont aussi au service de la lutte contre l'impunité, cette impunité qui soustrait à la justice les auteurs de violences faites aux femmes, aussi bien dans les zones de conflits que dans les pays hors crises.
En République démocratique du Congo, à Goma l'année dernière puis à Bukavu cette année, j'ai écouté et reçu les doléances des femmes violées, souillées dans leur intimité, détruites dans leurs vies de jeunes filles, d'épouses, de mères et même de grand mères ou de fillettes, par des groupes et des forces armées, des violeurs.
Là-bas comme ailleurs, et hélas aujourd'hui en République centrafricaine, le viol doit être considéré comme une arme hors la loi. Comme l'on bannit les armes chimiques, l'on doit bannir le viol. Autant que le nucléaire, le viol apparait désormais comme une arme de destruction massive.
Ces escadrons de violeurs propagent le sida et la haine, celle de l'autre mais aussi celle que l'on ressent vis-à-vis de soi-même.
Et que ces drames aient lieu, sous nos yeux, dans l'espace francophone, est inacceptable.
En plus d'apporter notre soutien à ceux qui soignent les maux causés par ces violences, il faut que justice soit rendue aux victimes ; que soient condamnés ceux qui commettent de tels actes, ceux qui les permettent, ceux qui soutiennent, ceux qui ne réagissent pas.
C'est certes la responsabilité de nos États, mais aussi celle de notre francophonie.
Les femmes centrafricaines que j'ai reçues me l'ont dit.
C'est pourquoi je souhaite qu'ensemble, nous repositionnions la francophonie comme un phare éclairant les femmes, un rocher protecteur, un abri. Et par conséquent également pour les enfants, pour nos Nations, pour notre avenir.
Et ça, Mesdames, nous allons le faire. Il faut que la francophonie agisse. Mobilisons-nous !
Cette mobilisation se met en place notamment à travers le réseau des femmes francophones que j'ai initié avec d'autres à l'issue du forum de mars, et qui va être officiellement lancé dans les prochaines semaines.
Au-delà, ce réseau doit nous permettre à toutes d'agir vis-à-vis de nos États afin que les plans d'actions nationaux prévus par la résolution 1325 et les textes sur les femmes depuis la conférence de Beijing existent partout dans l'espace francophone. Et qu'ils soient opérationnels.
Il faut que cessent les déclarations et que des actions concrètes soient réalisées. Vous l'aurez noté, tel est le sens de mon action.
Mesdames et Messieurs,
C'est à une révolution civique de la Francophonie que je nous appelle.
Dans ce combat, j'ai déjà le soutien de certains États qui me l'ont officiellement notifié, et même de chefs d'État.
Le président Macky Sall du Sénégal a d'ailleurs décidé d'inscrire la question des femmes comme l'un des thèmes du prochain sommet des chefs d'État et de gouvernement de la francophonie.
La protection des femmes n'est pas un sujet caritatif comme cela a tendance à être traité, mais bien un sujet politique.
Les femmes que j'ai rencontrées, des cinéastes, des militantes des droits de l'Homme, des femmes d'État, sont des victimes qui, en dépit de tout, se tiennent debout.
Les femmes ne sont pas que des victimes. Elles doivent être traitées comme des actrices, non pas comme des sujets.
Ce sera cela l'objectif du 2e forum mondial des femmes francophones que j'organiserai le 20 mars prochain.
Pour que de nouveaux chantiers soient lancés, notamment pour ces veuves sans droits, et toutes ces femmes qui sont hors droits.
Pour que ce prochain forum offre un espace de parole, des travaux productifs, et des résultats pour toutes les femmes francophones, nous avons besoin de vous.
De votre soutien, de votre présence, vous, femmes de la société civile, engagées dans des Institutions internationales, dans la presse, les Universités.
Chères Amies,
Mon ministère est un ministère de combat pour les idéaux francophones. Ce combat est un combat de groupes, un combat pacifique mais aussi politique et opérationnel.
Je vous ai invité aujourd'hui pour qu'ensemble, nous bâtissions la stratégie de nos prochaines victoires, pour les populations francophones, de Québec à Vanuatu.
Quelle doit être cette stratégie ?
Quels sont les sujets que nous devons aborder plus spécifiquement sur la question du droit des femmes ?
C'est sur ces questions que je vous invite à échanger au cours de ce déjeuner où la parole, Chères Amies, est libre. N'hésitez pas à la prendre.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 1er octobre 2013