Déclaration de M. Kader Arif, ministre des anciens combattants, en hommage aux libérateurs de la Corse en octobre 1943, à Bastia le 3 octobre 2013.

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Circonstance : Déplacement en Corse à l'occasion du 70éme anniversaire de la libération de la Corse, le 3 octobre 2013

Texte intégral


Monsieur le Préfet,
Monsieur le Recteur,
Monsieur l’Inspecteur d’Académie,
Mesdames et Messieurs les Elus,
Monsieur le Maire,
Monsieur le Directeur de l’Office national des Anciens combattants et victimes de guerre,
Mesdames et Messieurs les Anciens combattants,
Mesdames et Messieurs le personnel enseignant,
Mesdames, Messieurs,
Chers élèves,
Il y a 70 ans, les patriotes corses et les Forces Françaises Libres embarquées à Alger au mois de septembre 1943 étaient aux portes de Bastia.
Aujourd'hui, Corses, Français et Marocains sont réunis pour commémorer cette libération. Je dois vous dire que je suis particulièrement ému de voir aujourd'hui rassemblés, dans ce même souvenir, les frères d'armes d'hier, les frères d'âmes d'aujourd'hui.
Vous témoignez de toute cette histoire partagée, celle de la résistance et de la libération Corse qui fut aussi celle de la libération de la France.
Cette histoire, permettez-moi d'en dire quelques mots.
Elle commence douloureusement avec l’Occupation des forces de l’Axe en novembre 1942. Les Corses endurent les pénuries, la répression, les humiliations que l’âme ne pouvait accepter. Les germes de la Résistance d’abord, de l’insurrection ensuite, de la Libération enfin, naissaient dès les premiers jours de l’Occupation.
Cette histoire, elle se poursuit avec la constitution de puissants mouvements et réseaux de résistance et l’action de grandes figures, à l’instar de Jean Nicoli qui dirigeait le Front national corse ou de Fred Scamaroni, qui avait rejoint très tôt la France libre.
Fred Scamaroni qui, pour maintenir en vie la flamme de la Résistance et l’espoir de la Libération, mit fin à ses jours le 19 mars 1943 dans la citadelle d’Ajaccio où il était enfermé. Fred Scamaroni, à qui nous rendrons hommage demain avec le Président de la République.
Cette histoire, elle connaît un tournant le 8 septembre 1943 avec l’annonce publique de l’armistice italien qui fait rejoindre le camp des Alliés et des patriotes corses à plusieurs milliers de soldats italiens. Le lendemain, les Ajacciens se soulèvent et prennent la ville. Un vent de liberté souffle et s’étend à toute l’île, un vent que je suis venu rappeler le 9 septembre dernier à l’occasion des commémorations du début de cette insurrection.
L’histoire de l’insurrection corse devient ensuite celle des combats de la Libération. Le 10 septembre 1943 à 10h a lieu la première attaque d’un convoi ennemi dans le village de Quenza. Les patriotes des différents hameaux de la région de Levie se rassemblent et ouvrent des barrages sur les routes les plus stratégiques. Les Corses voient alors leurs premiers camarades tomber, et parmi eux, Jeannot Pandolfi, 16 ans, qui, à l’aube de sa vie, connaît déjà la mort.
Le Président de la République rendra hommage demain aux héros et martyrs de la région de Levie, un village qui fut distingué de la Croix de la Libération.
L’histoire de la Libération est aussi celle du concours des Forces françaises placées sous l’autorité du général Giraud. Pendant que les combats se poursuivent dans l’Alta Rocca, les 109 premiers hommes du 1er Bataillon de Choc débarquent près d’Ajaccio dans la nuit du 12 au 13 septembre 1943. Ils sont rejoints quelques jours plus tard par les détachements marocains, la 4e division marocaine de montagne, qui comprend les spahis et les tirailleurs, puis le 2egroupement de tabors marocains.
Désormais, les patriotes ne sont plus seuls. Le 30 septembre est déclenchée « l’attaque des cols ». Les goumiers et tirailleurs marocains mènent des combats acharnés face aux soldats SS et prennent les cols de San Leonardo et de San Stefano. La lutte se poursuit pour la conquête du col de Teghime, enfin franchi le 2 octobre, où nous nous rendrons cet après-midi pour rendre hommage aux Marocains tombés au champ d'honneur. Le 4, vous le savez, Bastia est libérée.
6 600 Marocains sont engagés au total, aux côtés des 10 000 résistants et patriotes corses prêts à rendre la Corse à la liberté, prêts à sonner l’alarme de la Libération de la France. Si le livre de la Libération corse se referme ici, cette histoire n’est qu’une page, mais la première, du grand livre d’histoire de la Libération du territoire et de la victoire sur le nazisme.
Nous avons ouvert hier une nouvelle page de cette histoire, celle d'une mémoire partagée entre les générations et entre les peuples.
Je dois vous dire l’émotion et la joie que j’ai ressenties lorsque je rejoignais hier soir Bastia depuis Rabat en compagnie d’Anciens combattants marocains et d’élèves du lycée Lyautey. Ces élèves portent aujourd’hui dans leur mémoire le souvenir des faits héroïques de leurs aînés.
J'ai vu dans les yeux de ces enfants l'intérêt, l'enthousiasme, l’appétence pour des récits et des témoignages qui les mettent face à la réalité, parfois dure, parfois belle, de leur histoire. Ces élèves ont emporté avec eux, depuis le Maroc, un peu de cette histoire.
Je serai en effet tout à l'heure au lycée Giocante de Casabianca à Bastia pour inaugurer l'exposition réalisée par les élèves du Lycée Lyautey de Casablanca. Retraçant le parcours exemplaire des soldats marocains engagés dans les Forces Françaises Libres, chers élèves, vous faites revivre dans nos mémoires et dans nos cœurs le souvenir de l’engagement, infaillible, des Marocains sur le sol de France.
Un engagement qui ne commence pas, ni ne finit avec la libération de la Corse mais qui s’inscrit dans une continuité, dans une loyauté, dans une fidélité dont ils avaient déjà fait la preuve durant la Première Guerre mondiale.
Je tiens à saluer le travail de mémoire réalisé par ces élèves et tout le personnel enseignant. Et je sais qu'il est le fruit d'un travail pédagogique mené de longue date dont j'avais pu mesurer le sérieux et l’enthousiasme qu’il suscitait lors de mes précédentes visites au Maroc.
En nous guidant sur les traces de votre histoire, de celle de votre pays, le Maroc, vous nous ferez découvrir notre histoire nationale. La jeunesse d'aujourd'hui ne doit pas oublier qu'elle doit sa liberté au combat de ces femmes et de ces hommes qui sont des modèles de courage et d'esprit de sacrifice, des modèles de solidarité et d’humanisme, des modèles de loyauté et de fidélité.
La présence des élèves rappelle aujourd'hui admirablement le sacrifice de nos Anciens.
C’est un beau symbole que d’exposer ce travail de mémoire dans un lycée corse, ici à Bastia, et d’inscrire dans le paysage corse et la mémoire de sa jeunesse le souvenir de l’histoire militaire commune franco-marocaine.
Nous sommes à l’aube du 70e anniversaire des années 1944-1945 qui commémorera la Libération de tout le territoire. On oublie parfois l'importance de ces anniversaires décennaux au cours desquels les Anciens combattants peuvent être présents en nombre aux cérémonies.
Nous devons compter sur leur témoignage et la transmission de leur histoire aux plus jeunes.
C'est tout le sens que le Président de la République et le gouvernement auquel j’appartiens ont souhaité donner à la journée du 27 mai devenue récemment journée nationale de la Résistance.
Partage et transmission intergénérationnels mais aussi transméditerranéens. Car la présence de nos amis marocains rehausse l’éclat de ces commémorations. Elles sont une occasion unique de voir nos deux Nations alliées, la France et le Maroc, réunies autour du souvenir heureux de la Libération.
Chers élèves de Casablanca, chers élèves de Bastia, vous portez aujourd'hui et honorez la mémoire de nos Anciens. Ceux, de toutes origines - géographique, sociale, religieuse - venus, au nom d’un idéal de liberté qu’ils avaient en partage, libérer cette île… au nom d’un patriotisme dont ils pouvaient être fiers, celui qui rassemble, celui qui intègre et non celui qui divise et qui exclut.
Mesdames et Messieurs, chers élèves, je veux vous dire quelque chose pour conclure : soyez fiers de votre histoire, soyez fiers de ce que nous commémorons ensemble aujourd’hui. Car cette fierté, celle d’avoir cru en des valeurs nobles qui rassemblent et d’avoir élevé la liberté et la fraternité au-dessus de tout le reste, cette fierté-là est belle et porteuse d’avenir. Elle nous grandit et grandit nos nations.
Je vous remercie.
Source http://www.defense.gouv.fr, le 7 octobre 2013