Interview de Mme Nicole Bricq, ministre du commerce extérieur, à "Radio classique" le 8 octobre 2013, sur les suppressions de poste chez Alacatel Lucent, sur la fiscalité des entreprises, sur les négociations de libre échange entre l'Europe et les Etats-Unis.

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Média : Radio Classique

Texte intégral

NICOLAS PIERRON
Mon invitée ce matin, la ministre déléguée au Commerce extérieur. Bonjour Nicole BRICQ.
NICOLE BRICQ
Bonjour !
NICOLAS PIERRON
Bienvenue, merci d'avoir accepté notre invitation. D'abord une réaction aux annonces d'ALCATEL LUCENT, 15 000 suppressions de postes dans le monde, 900 en France, avec peut-être 900 autres personnes qui devront changer de métier. Deux sites seront fermés, Rennes et Toulouse. Votre réaction, ce matin : est-ce qu'il faut que l'Etat intervienne pour préserver l'emploi chez ALCATEL en France ?
NICOLE BRICQ
Eh bien, je crois que c'est une société qui est en train de se... de changer de métier, donc, évidemment, là, il peut y avoir du dégât, il faut qu'il y en ai le moins possible, il faut que son plan social soit accepté, et il y a un Comité d'entreprise, qui va en parler et trancher, mais je pense que, en même temps elle se recentre sur le haut débit, le très haut débit. Je vais au Mexique très bientôt et je sais que, ALCATEL, où son président sera, du reste, a une perspective d'un très gros contrat, là-bas, pour équiper en 4G, je crois qu'il faut la soutenir dans ses efforts de restructuration, mais en même temps, je pense aux salariés, notamment à tous ceux des sites qui pourraient être affectés par cette restructuration, qui est nécessaire, j'en suis sûre, mais en même temps, il ne faut pas qu'il y ait de dégâts sociaux, il faut que le plan social soit acceptable.
NICOLAS PIERRON
Autre sujet d'actualité, Nicole BRICQ, ce taux d'impôt sur les sociétés qui va être porté à 38 % pendant deux ans pour les grandes entreprise, hein, plus de 250 millions d'euros de chiffre d'affaires. D'abord, est-ce que vous confirmez cette annonce ?
NICOLE BRICQ
Non, absolument pas. Je sais qu'on est passé à cette surtaxe provisoire au travers de l'IS. Je sais aussi qu'il y aura un grand débat, mon collègue Pierre MOSCOVICI, le gouvernement s'y est engagé...
NICOLAS PIERRON
Les Assises de la fiscalité.
NICOLE BRICQ
... pour la fiscalité des entreprises. Je crois qu'il faut tout mettre à plat, car un impôt doit être lisible, prévisible, c'est ce que demandent les acteurs économiques. J'ai vu les réactions, bien sûr du MEDEF, de l'AFEP, j'ai vu aussi les réactions de la CGPME. Ce qui me parait très important dans cette affaire, c'est que les petites entreprises, les Petites et moyennes entreprises ne seront pas touchées, et je sais aussi, j'ai vu aussi la réaction de l'organisation qui regroupe les ETI. Les ETI, c'est ma cible particulièrement à l'exportation...
NICOLAS PIERRON
Moindre mal, c'est ce qu'elles disent.
NICOLE BRICQ
Oui, eh bien je crois que le gouvernement a entendu, il vaut mieux que cette rectification ait lieu maintenant, plutôt qu'à partir du moment où le débat parlementaire est engagé sur la loi de finances.
NICOLAS PIERRON
Mais donc, confirmation de ce relèvement du taux de l'ISF en France.
NICOLE BRICQ
Non, je ne confirme absolument pas le pourcentage.
NICOLAS PIERRON
D'accord. Il y a un mois, Bercy avait annoncé son intention de baisser, aux alentours de 30 % le taux de l'IS. On est dans la contradiction la plus totale.
NICOLE BRICQ
J'ai bien dit que... j'ai bien entendu que c'était provisoire et qu'il y avait des assistes de la fiscalité qui en débattraient. Moi, personnellement, j'ai toujours défendu que le taux supérieur, le taux marginal de l'IS était trop élevé, et je pense qu'il y a un effet psychologique. Donc je crois que ça doit être mis sur la table, à condition qu'on regarde aussi les trous qu'il y a dans la fiscalité des entreprises, parce qu'il y en a, ce que l'on appelle les niches.
NICOLAS PIERRON
Nicole BRICQ, les chiffres du Commerce extérieur seront publiés dans un peu moins d'une heure, en juillet le déficit s'était creusé pour dépasser les 5 milliards d'euros. Comment s'est passé le mois d'août ?
NICOLE BRICQ
On est en-dessous de la barre des 5, on est à 4,9, donc c'est plutôt mieux, 200 millions de moins de déficit. Je crois, c'est la tendance qui compte, et sur l'année, puisque maintenant on est à 8 mois, donc on peu apprécier la tendance et le chiffre final, on devrait être, effectivement, en-dessous des 60 milliards, le haut niveau du déficit total, puisque je vous rappelle que l'année dernière c'était 67 milliards, et l'année d'avant, quand nous avons pris la relève, l'équipe gouvernementale, c'était 60 milliards de déficit, donc on le réduit et surtout, hors énergie, puisque c'est l'engagement que j'ai pris auprès du président de la République, hors énergie, il est réduit du tiers.
NICOLAS PIERRON
On notait un fléchissement, ces derniers mois, des exportations françaises, notamment vers l'Asie. C'est une tendance qui se confirme, malheureusement aussi ?
NICOLE BRICQ
Eh bien écoutez, il faut célébrer le positif, il y a quand même une grande victoire d'AIRBUS au Japon, quand même, depuis 1945, aucun AIRBUS n'avait été vendu à la JAPAN AIRLINES, à la compagnie nationale, et moi je félicite les équipes d'AIRBUS, c'est formidable. Alors, cela dit, on ne peut pas se reposer que sur l'aéronautique qui est un très haut de cycle, à l'heure actuelle il faut qu'on diversifie notre présence, c'est vrai au Japon, c'est vrai dans toute l'Asie du Sud-est, ça a été une priorité de la diplomatie économique, ça a été ma priorité. Nous allons visiter plusieurs pays d'Asie du Sud-est, justement pour ouvrir les marchés pour les entreprises françaises, le Premier ministre s'y est mis, bien sûr, moi-même, et le Président de la République aussi.
NICOLAS PIERRON
Alors, Nicole BRICQ, il y a en ce moment des négociations pour un gigantesque accord de libre-échange entre l'Europe et les Etats-Unis, elles ont commencé en juillet, elles devaient entrer dans le vif du sujet cette semaine, mais patatras, la paralysie budgétaire a entrainé l'annulation, la suspension de ces discussions. Quand est-ce qu'elles vont reprendre ?
NICOLE BRICQ
Pour l'instant nous n'avons pas de date, mais elles reprendront forcément. Ecoutez, on s'inquiète de ce qui se passe aux Etats-Unis, sans doute ils n'avaient pas les moyens d'acheter leur billet d'avion. Je crois que c'est un contretemps, mais cette négociation reprendra, et elle risque d'être longue, et très difficile, tant les modèles de société sont différents, mais en même temps, une négociation, tant qu'on n'a pas commencé, il faut la voir en dynamique, et je crois que, Etats-Unis et Union européenne, en force d'innovation, c'est quand même les 2/3 du monde, et en PIB c'est 30 % du PIB mondial, 40 % du commerce, donc c'est un enjeu majeur.
NICOLAS PIERRON
Vous annoncez ce matin, je crois, la création d'un comité de suivi, hein, qui réunit politiques, chefs d'entreprise et économistes à propos de ces négociations de libre-échange. Quelle est l'idée, en 30 secondes ?
NICOLE BRICQ
C'est un comité stratégique, qui a un caractère politique, dans le sens le plus large du terme. C'est un enjeu démocratique cette discussion, donc elle doit être la plus claire possible, aux yeux du grand public et aux yeux des acteurs, des acteurs économiques, puisque dans ce comité il y a des entreprises, des acteurs aussi, démocratiquement élus, c'est-à-dire les parlementaires, ceux qui siègent au Parlement européen, ceux qui siègent bien sûr dans les deux chambres françaises, et en même temps, il faut qu'il y ait des experts, et ce matin, nous le lançons, nous le réunirons régulièrement et il débattra d'un sujet stratégique, justement ces accords de libre-échange et la position... l'opposition des grands émergents comme la Chine, et en même temps, nous aurons à examiner toute la convergence règlementaire, c'est là-dessus que va se concentrer la discussion avec les Etats-Unis.
NICOLAS PIERRON
Merci beaucoup Nicole BRICQ, la ministre du Commerce extérieur, invitée de l'économie, ce matin, sur RADIO CLASSIQUE.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 9 octobre 2013