Déclaration de M. Michel Sapin, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, sur le dialogue social et la sécurisation de l'emploi à La Poste, Paris le 7 octobre 2013.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Circonstance : Conférence de lancement de la semaine de l'évolution professionnelle de la Poste à Paris le 7 octobre 2013

Texte intégral


Je vous remercie de votre invitation. Merci de me donner l’occasion d’intervenir lors de cette semaine de l’évolution professionnelle – une première, une innovation, dans laquelle la Poste est pionnière mais qui répond j’en suis persuadé à un vrai besoin dans beaucoup d’entreprises.
C’est aussi, pour moi, une forme de première. Je passe une grande partie de mon temps au contact des Français, dans les entreprises, les associations, aux côtés des syndicalistes, devant les DRH, avec les chefs d’entreprises ou les salariés ; bref au cœur de la vie économique et sociale de notre pays, dans le monde du travail et hélas aussi du non-travail.
Rarement, cependant, il m’est donné l’occasion de m’exprimer au sein de la vie interne d’une entreprise.
Pourtant, en tant que ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, je dois être aussi le « ministre des carrières et des compétences », c’est-à-dire de ce qui fait le cœur du travail et de l’emploi, à l’intérieur des entreprises, et qui va bien au-delà du cadre réglementaire et législatif.
Je me sens donc évidemment concerné par l’événement qui nous réuni aujourd’hui et qui lance votre semaine de l’évolution professionnelle.
1. Une vision de l’entreprise et du travail
Je veux commencer par vous livrer ma vision du travail et de l’entreprise, une vision
- adaptée aux réalités économiques d’aujourd’hui, qui sont changeantes et parfois rudes,
- ET – j’insiste particulièrement sur ce ET – qui porte en elle le progrès social et la qualité du travail comme conditions nécessaires de la réussite économique. C’est vrai pour une grande entreprise de Service Public comme la Poste –par ailleurs très exposée à la concurrence dans beaucoup de ses activités- mais c’est vrai pour toute entreprise.
Travailler et être sécurisé dans son travail, c’est avoir des perspectives, pouvoir construire une carrière, faire des choix, évoluer.
Cette approche est celle que j’ai portée dans la loi de sécurisation de l’emploi, qui a fait suite à l’accord national interprofessionnel du 11 janvier, en renforçant les instruments du dialogue social, de la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, en faisant mieux circuler l’information dans l’entreprise via la base de données unique, en intégrant des représentants des salariés dans les conseils d’administration des grands groupes ou encore en créant le compte personnel de formation et le conseil en évolution professionnelle.
Car qu’est-ce que la sécurité des salariés aujourd’hui ? Ce n’est pas, ça ne peut plus être, d’être toute sa carrière lié à un poste, comme s’il était de toute éternité. Mais ce n’est pas, ça ne peut pas être non plus, changer sans cesse, au gré des choix du seul employeur ou des soubresauts de la conjoncture, en portant soi-même seul le poids du risque, du chômage, du déclassement, comme si le salarié n’était qu’une variable d’ajustement alors qu’il est d’abord une compétence, donc une richesse.
Etre sécurisé, c’est avoir de la visibilité sur la suite de sa carrière et les opportunités qui existent, c’est avoir des horizons de progression et disposer des moyens de les atteindre, c’est savoir que dans les mutations qu’il faut parfois opérer on ne sera pas laissé seul.
A ce sujet, l’entreprise a une responsabilité fondamentale et nouvelle : permettre à chacun de construire le parcours qui lui ressemble et lui donner la possibilité d’être non seulement efficace mais aussi heureux au travail – je n’ai pas peur du mot.
C’est dire le défi dans un groupe de 270 000 personnes, mais c’est absolument nécessaire !
C’est pourquoi, je trouve si pertinente votre semaine de l’évolution professionnelle et ses presque 800 événements qui constitueront, pour chaque salarié du groupe, une occasion de réfléchir à son projet professionnel, de se perfectionner pour « rédiger un CV », d’apprendre à « entretenir son réseau professionnel », de « découvrir les parcours croisés » ou d’apprendre à « utiliser la Bourse d’Emplois » de l’entreprise, pour reprendre les intitulés de vos ateliers. C’est cela aussi la vie d’une entreprise, autant que la recherche de l’efficacité, ou devrais-je dire pour atteindre une pleine efficacité, et, en l’occurrence, l’efficacité d’une mission de service public.
Aujourd’hui, toutes les entreprises sont confrontées à cette exigence. Celles qui réussiront le mieux, dans la durée, sont celles qui comprennent que les compétences, le bien-être des salariés et la construction de trajectoires individuelles positives sont leur richesse principale. Le risque est grand, sinon, d’entrer dans des spirales de démotivation et de perte de compétitivité.
Dans un monde où les mutations s’accélèrent et où la concurrence internationale se renforce, notre compétitivité ne se joue pas seulement sur les prix vous le savez bien, mais beaucoup aussi sur la qualité de nos produits et services, et donc sur la qualification des femmes et des hommes dans nos entreprises.
Tenir ce discours de performance par les compétences et par l’évolution professionnelle devant vous n’est pas anodin. La Poste n’est pas une entreprise comme les autres. Elle a une histoire forte, celle d’une entreprise publique, celle d’un relais de l’unification du territoire et de notre identité collective. Je connais bien cette histoire. Je connais aussi celle des salariés qui l’ont faite. Mais je vois en face de moi ce matin des salariés d’une entreprise en pleine mutation.
La principale mutation nous la connaissons : le courrier papier est confronté à une fragilisation progressive mais réelle. Quel est l’enjeu ? Prévoir dès à présent, faire évoluer le service public et les produits, former les postiers à d’autres missions, bref préparer l’avenir, mieux encore le construire ensemble, et accompagner chacun vers cet avenir.
Vous montrez par plusieurs des démarches qui sont menées au sein de La Poste - cette semaine de l’évolution professionnelle bien sur, mais également les négociations en cours sur la GPEC ou sur l’organisation du travail – que vous êtes engagés dans ce mouvement.
Par là vous démontrez que le service public est plein de ressources et de talents et qu’il est, de ce fait, capable de se réinventer, conquérant et fidèle à ses valeurs et à son esprit. Soyez capables de changer en dehors des réorganisations dictées par la crise ou des accidents conjoncturels ; prouvez que le changement et le progrès ont partie liée. Et, quand je parle de changement, j’entends par là un vrai changement, un beau changement qui vous conforte dans la fierté d’être postier, dans toute la galaxie des métiers que cela comporte désormais.
2. Le dialogue social, cadre collectif de l’évolution individuelle
Ce changement, à la Poste comme ailleurs, n’est pas donné, il procède d’une méthode : le dialogue social. Je suis le premier ministre du travail à le porter dans mon titre et j’en suis fier.
Il est la condition de la mise en œuvre de l’individualisation des parcours dans un cadre collectif garanti : de l’encadrement de la mobilité à la mise en œuvre du plan de formation en passant par tous les instruments de l’évolution professionnelle.
Je veux vous dire ici ma confiance dans les partenaires sociaux, tant dans les entreprises que dans les branches et au niveau interprofessionnel. Oui, ils sont capables de dialogue, de sortir des postures, d’innover. Oui, ils sont capables d’accords dans un cadre juridique précis et protecteur de l’ordre public social. Oui, ils peuvent porter des compromis novateurs, source de progrès. Le compte personnel de formation est un symbole de cette capacité d’innovation.
De ce point de vue, je salue le processus de dialogue social instauré dans votre entreprise : un accord cadre sur la qualité de vie au travail a été conclu en janvier dernier, un accord sur le télétravail a été signé par 6 organisations sur 7, me dit-on, et 4 négociations sont en cours dont une justement sur le sujet de l’évolution professionnelle, en incluant la problématique du Contrat de Génération.
C’est ainsi que se bâtiront les bases de l’évolution professionnelle de chaque salarié, dans un cadre collectif construit qui donne des possibilités de formation, de conseil en évolution et finalement de progression :
- Voilà pourquoi la promotion personnelle n’est pas l’inverse des structures collectives ;
- Voilà pourquoi la Poste peut garder son identité tout en construisant des parcours individuels épanouissants.
En prenant l’exemple de votre entreprise, je viens de décrire les principaux enjeux de la réforme de la formation professionnelle dont les partenaires sociaux au niveau interprofessionnel discutent actuellement, à commencer par permettre à chacun l’accès à la qualification, à la formation et donc à la promotion.
C’est la vocation du compte personnel de formation – qui sera la pierre angulaire de la réforme – à la fois universel et intégralement portable. L’engagement de La Poste en faveur de la formation professionnelle de ses salariés va dans ce sens puisque, me dit-on, chaque salarié devrait se voir proposer une formation en 2013. Je dis bien chaque salarié ! Mais là encore, ce n’est pas affaire de bons sentiments, ni même seulement d’épanouissement individuel, c’est aussi un levier de compétitivité car la formation professionnelle est un investissement pour l’emploi et la performance, au sein de l’entreprise.
Conclusion
Encore un mot du terme de sécurisation pour conclure mon propos.
Quand je parle de ma vision globale du développement et de la protection de l’emploi, j’utilise souvent ce concept de sécurisation ou de « sécurité dynamique »
- une sécurisation qui permet d’éviter le passage par la case chômage et les ruptures brutales dans les carrières des individus ;
- une sécurisation qui agit sur les moments de transition – soit entre différentes situations d’emploi, soit entre la formation et l’emploi ou entre l’emploi et le chômage ;
- une sécurisation qui limite le risque induit par tout changement de poste.
Ce qui est valable à l’échelle du marché du travail l’est aussi à l’échelle d’un grand groupe comme le vôtre, capable de développer des parcours pour les salariés et de concrétiser la notion d’évolution professionnelle qui n’est finalement que l’autre nom de la sécurisation, une sécurisation interne qui s’appuie sur les transitions, les passerelles et les parcours.
Vous êtes en plein dans la nouvelle donne économique et sociale
- Qui sécurise en donnant du mouvement,
- Qui forme, conseille, oriente et construit des parcours,
- Qui anticipe et s’adapte avant qu’il ne soit trop tard,
- Et qui donne aux salariés voix au chapitre.
Les postiers ont souligné, lors de la négociation de vos différents accords, leur attente de développement des qualifications et de reconnaissance. Un terme est particulièrement ressorti : le mot de métier.
L’enjeu est aujourd’hui de donner la possibilité aux salariés –c’est-à-dire à vous- d’une parole sur leur métier, d’un échange sur celui-ci : les manières de bien le faire, les entraves, les améliorations, les gestes professionnels. C’est cette intelligence collective du métier que doit porter une démarche de qualité du travail, donnant aux acteurs prise sur ce qu’ils font et leur faisant confiance pour en être les meilleurs experts.
Tout cela fait aussi écho à l’accord national interprofessionnel du 19 juin dernier sur la qualité de vie au travail.
Je ne peux que vous engager et vous encourager à porter haut ces convictions. _ Elles sont, parmi d’autres conditions, celles de la réussite et de l’épanouissement d’un groupe comme le vôtre, sûr de sa force et pressé d’en découdre avec son avenir, en subissant le moins possible les événements mais en les devançant.
Plus que jamais, la balle est dans votre camp, vous montrez que vous avez fermement la volonté de vous en saisir.
Je vous remercie et vous souhaite une excellente semaine de l’évolution professionnelle.
Source http://travail-emploi.gouv.fr, le 9 octobre 2013