Déclaration de Mme Valérie Fourneyron, ministre des sports, de la jeunesse, de l'éducation populaire et de la vie associative, sur l'éducation populaire et le service civique, Paris le 26 septembre 2013.

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Circonstance : Rencontre CNAJEP à Paris le 26 septembre 2013

Texte intégral


C’est avec grand plaisir que je m’adresse à vous aujourd’hui, à l’occasion de cette rencontre. Je tiens d’ailleurs à vous remercier pour l’invitation et je suis ravie de retrouver ces lieux un peu plus d’un an après une première rencontre en juin 2012.
A l’occasion de cet événement, vous appelez publiquement de vos voeux l’émergence d’une politique ambitieuse d’éducation populaire. Vous souhaitez que l’éducation populaire ait un rôle et une place mieux définis, une visibilité et une lisibilité renforcées.
Pour ma part, mon opinion est faite : l’éducation populaire est essentielle en 2013. Elle n’a peut-être même jamais été aussi vitale pour notre lien social menacé de délitement.
Notre société est en effet en train de vivre des mutations majeures : en matière d’éducation, le « tout à l’école » n’est plus d’actualité, le développement de la société de l’information et de la communication bouleverse le régime de partage des savoirs, et les formes de l’engagement se renouvellent de manière radicale. Les politiques publiques doivent s’adapter, c’est évident. Mais elles ont besoin d’un appui, d’un relais et surtout d’un outil innovant.
Or, de par la nature même de son projet, l’éducation populaire est en parfait accord avec les préoccupations modernes. Elle a pour principe d’éduquer, dans tous les sens du terme. Elle s’adresse au peuple tout entier, ce peuple que l’on évitait soigneusement de nommer ! On ne parlait plus que de quartiers en difficulté, de zones sensibles, de quartiers périphériques… Il était morcelé, divisé. L’éducation populaire le veut uni, dans un projet fédérateur.
Il faut savoir le reconnaître : c’est dans l’éducation populaire que nous trouverons quelques unes des réponses que les institutions et les acteurs publics ne peuvent pas apporter.
Nous avons besoin de vous. Vous avez un rôle important à jouer à nos côtés.
Alors oui, il faut améliorer la connaissance de l’éducation populaire, la rendre plus visible, et surtout construire une représentation collective à la hauteur de son importance sur le terrain.
Trois exemples d’actualité illustrent bien cette importance :
- la réforme des rythmes,
- l’éducation à l’environnement et au développement durable
- et le Service Civique
Evoquons donc tout d’abord la formidable opportunité que constitue la réforme des rythmes éducatifs. Elle est la réforme majeure de cette rentrée, et concerne au premier chef l’éducation populaire. Elle prouve bien la place qu’occupe l’éducation populaire dans la société et reconnaît enfin son rôle moteur dans l’éducation.
Avec l’apparition de nouveaux temps périscolaires dans la journée de l’enfant, des coopérations sont encouragées entre les enseignants et les acteurs de l'éducation populaire. Cette réforme des rythmes change l’organisation de la journée, de la semaine mais aussi celle de l'année. Elle a un impact direct sur les rythmes des enfants, et sur toute la chaîne éducative. Quelle que soit l'organisation choisie localement, il y a des possibilités ! Je l'ai vu lors de mes déplacements à Feyzin dans le Rhône avec la LPO, à Avallon et Cheny dans l'Yonne.
Avec les PEDT, c'est toute l'offre éducative qui doit être repensée incluant le partage des temps, la coopération entre les acteurs. Au-delà de la journée, c’est la semaine qui est repensée ainsi que l’année. Les Accueils collectifs de mineurs, avec ou sans hébergement, doivent être inclus dans ces projets.
Il est donc important que vous aussi, vous soyez au rendez-vous de cette réforme. Et je veux saluer la façon dont le mouvement d’éducation populaire s’est déjà investi.
Par ailleurs, j’étais vendredi et samedi à la Conférence environnementale, et nous avons bien vu, avec vos représentants présents que l’éducation populaire y avait toute sa place, notamment dans l’éducation à l’environnement et au développement durable. Si l’on prend les ACM, et notamment les colonies, nous pouvons aller plus loin, dans ce secteur, en menant de front une politique de plus grande accessibilité pour les enfants et des démarches de proximité plus respectueuses de l'environnement. L'avenir n'est pas au spectaculaire, au lointain, au coûteux, et à l'agenda trop rempli, mais plutôt à la proximité, à la simplicité, au développement de l'imaginaire et à l'émerveillement par la découverte !
C'est le sens du renouvellement des colonies de vacances que je souhaite accompagner. Ce sont des espaces précieux, où se construit la cohésion sociale, que nous devons à tout prix préserver.
Enfin, la mise en place du service civique est un combat que vous avez mené depuis longtemps et c’est aujourd’hui une réalité. Nombreuses sont les organisations qui y sont impliquées. C’est une politique publique qui existe grâce au partenariat à tous les niveaux entre les pouvoirs publics et les associations. Sans cela, il n’y aurait pas de service civique ! Outil d’engagement et source d’épanouissement pour de très nombreux jeunes, c’est aussi un outil au service de vos projets associatifs. Aujourd’hui, tous s’accordent à dire que l’impact est extrêmement positif. Et les évolutions sur l’origine sociale, le niveau de qualification et la répartition hommes-femmes chez les jeunes volontaires vont dans le bon sens. Je crois aussi que le pilotage est en constante amélioration et que la confiance ne cesse de croître entre nous. Je souhaite, comme vous, atteindre les objectifs fixés par le Président de la République.
Pour cela, nous travaillons intensément avec l’Agence et les acteurs associatifs pour se donner les moyens d’y arriver. Je vous remercie d’ailleurs pour votre investissement et votre compréhension, notamment quand les temps ont été plus difficiles.
Vous l’aurez compris au travers de ces exemples, la politique que je mène est le fruit d’un changement de méthode.
Ce changement s’illustre par ma volonté de travailler avec les acteurs et leurs coordinations. Il en est ainsi avec la CPCA pour la vie associative, le CNAJEP pour le secteur de la jeunesse et de l’éducation populaire, et le Forum Français de la jeunesse pour les questions de jeunesse. Il n’y a pas d’exclusivité, mais bien des complémentarités.
Travailler avec vous, cela signifie d’abord soutenir les associations, leur donner des outils pour optimiser leur fonctionnement.
Pour ce faire, il faut encourager l’engagement bénévole. Un congé d’engagement bénévole devrait être créé, à partir des expériences existantes au sein des entreprises, pour accroître l’engagement citoyen des salariés, mais aussi pour favoriser l’engagement dans la vie associative des actifs, à travers une meilleure conciliation des différents temps sociaux.
D’une manière générale, vous le savez, le gouvernement a choisi de réduire les dépenses de l’Etat. Ces économies sont indispensables pour redresser nos finances publiques. Notre budget est contraint. Mais je m’attacherai à ce que les crédits nationaux que nous apporterons en 2014 aux acteurs associatifs et d’éducation populaire soient globalement préservés après des années d’hémorragies. C’est déjà ce que j’ai fait en 2013. Je souhaite le poursuivre en 2014.
Le soutien aux associations passe également par la sécurisation des relations contractuelles avec les collectivités publiques et des modalités de financement public. La logique de mise en concurrence et l’impact de la réglementation européenne ont fragilisé considérablement les conditions du partenariat entre les associations et les collectivités publiques. Trop d’associations ont le sentiment d’être devenus des prestataires, et non des partenaires ! Le travail accompli avec le ministère délégué à l’ESS aboutira en novembre à un projet de loi présenté au Sénat, visant à donner une définition légale de la subvention. Cette sécurisation juridique de la subvention doit également permettre de favoriser l’initiative associative, dans une logique de partenariat avec les collectivités publiques.
Pour soutenir ce partenariat, nous avons souhaité réinstaurer un dialogue continu avec le mouvement associatif. A la fin de l’année, le Premier Ministre signera une nouvelle charte d’engagement entre l’Etat, les associations et les collectivités territoriales. Cette nouvelle charte fait suite à celle élaborée en 2001, dans le cadre du centenaire de la loi 1901, qui avait été abandonnée. La charte, rénovée, associe les collectivités territoriales et reconnaît le rôle essentiel que les associations jouent dans la société civile.
Le Ministère que j’ai en charge a également engagé un travail de révision de la circulaire du 18 janvier 2010, relative aux relations associations / pouvoirs publics, qui devrait aboutir d'ici la fin 2013.
Nous construisons également, avec vous, un projet volontariste pour la jeunesse.
En février dernier, le Comité Interministériel de la Jeunesse présidé par le Premier ministre, a permis de mobiliser l’Etat, principal absent des réflexions sur la jeunesse ces dernières années, afin de mettre au point une politique claire et cohérente. C’était une étape fondamentale et une première pour l’Etat. Imaginez, 24 ministères impliqués dans des groupes de travail pendant 5 mois !
La politique de jeunesse mise en place par le gouvernement repose sur plusieurs piliers. L’un d’entre eux est l’éducation populaire. Oui, nous souhaitons renforcer votre contribution ! Pour cela, il était essentiel de nous doter des bons outils et de faire évoluer les structures de l’Etat. C’est ce qui a été décidé lors du CIJ avec la création d’un délégué interministériel à la jeunesse. Sa mission sera notamment de vous associer dans les processus de co-construction des politiques publiques, avec également les collectivités locales et les organisations de jeunes. Ce DIJ sera également directeur ou directrice de la jeunesse, de l’éducation populaire et de la vie associative. Et son action se situera bien sur l’ensemble de ce champ ministériel.
Et pour vous montrer l’importance accordée à cette nouvelle méthode, je travaille à l’organisation d’une grande « Conférence jeunesse » en amont du prochain CIJ, sur le modèle de la Conférence sociale et de la Conférence environnementale qui s’est déroulée la semaine dernière.
Cela signifie que nous aurions, pour la première fois autour de la table, l’Etat, les partenaires sociaux, les collectivités, les associations, notamment de jeunesse et d’éducation populaire, et bien entendu, en première ligne, les jeunes et leurs organisations !
C’est la première fois sous la Vème République que l’éducation populaire est visible dans l’intitulé d’un ministère. Et c’est même la 1ère fois de l’histoire de la République qu’elle apparaît dans l’intitulé d’un ministère de plein exercice. Cette reconnaissance institutionnelle de la part du gouvernement était nécessaire. Mais elle n’est pas suffisante.
Parlons donc d’avenir. J’ai à coeur que les mouvements et associations d’éducation populaire que vous représentez retrouvent leur esprit pionnier et les moyens d’agir à long terme. Vous êtes le creuset de démarches et de projets innovants, qui font émerger de nouvelles problématiques sociales.
Ces rencontres sont aussi pour vous un temps de réflexion nécessaire, pour promouvoir cette force d’innovation sociale. Et je veux vous y encourager !
Pour favoriser la créativité et les démarches d’éducation populaire dans ce domaine, nous lançons en janvier 2014 un appel à projets : 3 millions d’euros seront consacrés au financement d’actions innovantes dans 3 domaines : le numérique, les lieux innovants, les médias jeunes.
Ces projets inciteront les jeunes à s’investir, à s’engager, et vous savez que c’est un de mes souhaits les plus chers. Nous comptons sur vous pour relayer activement cet appel dans vos réseaux. L’enjeu n’est pas mince : il s’agit de laisser libre cours à la créativité de l’éducation populaire, pour qu’elle se dote elle-même de nouveaux espaces d’expression et d’animation pour la jeunesse.
J’étais hier soir au lancement de l’opération « Génération quoi ? », promue par France Télévision et plusieurs partenaires.
Quatre à cinq cents responsables d’associations, principalement des jeunes mais pas seulement, étaient présents ; certains sont également là aujourd’hui. Nous avons assisté à la présentation d’outils puissants permettant aux jeunes de s’exprimer et de définir leur génération. Cet outil est à votre disposition. Emparez-vous-en !
Je suis convaincue que les associations d’éducation populaire, et les associations de jeunes en particulier, seront les artisans d’un nouvel équilibre social. Equilibre entre les générations, entres les territoires. Je suis prête à vous aider, tant dans la réflexion, dans l’élaboration des propositions, que dans leur application sur le terrain.
Vous représentez pour moi ce qui fait l'essence même de l'éducation populaire : la participation politique, l'esprit critique, la force de proposition.
Nous continuerons à travailler ensemble.
Merci à tous.
Source http://www.associations.gouv.fr, le 2 octobre 2013