Déclaration de Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé, sur le réseau des centres de santé, la santé publique et l'accès aux soins médicaux, Paris le 3 octobre 2013.

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Circonstance : 53ème Congrès national des Centres de santé à Paris le 3 octobre 2013

Texte intégral


Le 23 septembre dernier, j'ai présenté les grandes lignes de la stratégie nationale de santé. Je suis particulièrement heureuse de venir en parler avec vous. Je crois savoir que c'est la première fois, depuis plus de 10 ans, qu'une ministre se rend à votre congrès. Par ma présence, je veux donc marquer la volonté du gouvernement, et celle de l'ensemble des pouvoirs publics, de mieux reconnaître vos structures.
D'abord, parce que vous serez pleinement engagés pour conduire, sur le terrain, la stratégie nationale de santé. Et pour cela, votre rôle doit être conforté. Ensuite, parce que je n'oppose nullement le monde libéral au monde salarié : nous avons besoin de toutes les compétences, de tous les talents, de tous les modes d'organisation pour réussir la révolution du premier recours.
Ma politique repose sur un constat : l'excellence de notre système de santé est affaiblie par les inégalités.
Certes, en France, l'espérance de vie après 65 ans est la plus élevée d'Europe. Mais à 60 ans, un ouvrier vivra en moyenne 6 années de moins qu'un cadre. La mortalité évitable est aussi particulièrement élevée.
Certes, les professionnels de santé de notre pays sont parmi les meilleurs du monde. Mais un nombre croissant de nos concitoyens rencontrent des difficultés pour se soigner, pour des raisons financières ou géographiques.
Certes, en moyenne, les Français se nourrissent plutôt bien. Mais l'obésité frappe presque dix fois plus que les autres les moins aisés d'entre nous.
Chaque jour, grâce au travail de proximité que vous conduisez, vous êtes en première ligne sur le front des inégalités.
I/ Nous partageons une conviction : une politique de santé publique ambitieuse est indissociable d'actions de prévention efficaces.
Comme moi, vous êtes absolument convaincus de la nécessité de développer le « réflexe préventif ». Il faut agir le plus tôt possible pour que les comportements d'aujourd'hui ne deviennent pas les mauvaises habitudes de demain. C'est ainsi que nous combattrons les inégalités à la racine. Ce travail, il fait partie de l'identité des centres de santé.
La prévention, vous la menez en amont du soin. Les liens que vous avez su tisser avec la santé scolaire, avec la protection maternelle et infantile (PMI) et avec l'ensemble du milieu associatif produisent des résultats !
Le réflexe préventif, vous le renforcez aussi au moment du soin. Là encore, je sais que vous êtes particulièrement actifs pour améliorer l'état de santé de vos patients : votre action ne se limite jamais au simple traitement de la maladie. Vous orientez régulièrement ceux qui viennent vous voir vers le dépistage ou l'éducation à la santé.
Pour améliorer l'état de santé des Français et pour être plus efficaces encore, nous inscrirons, dès l'an prochain, quelques grandes priorités de santé publique dans la loi. J'organiserai une concertation. Mais il me semble, d'ores et déjà, que certaines priorités s'imposent :
- La jeunesse d'abord, de 0 à 25 ans. Cette priorité, elle nous permet de tout couvrir, de la mortalité périnatale à la surmortalité des jeunes garçons, de la nutrition aux comportements addictifs.
- La lutte contre les addictions ensuite : le tabac, l'alcool et la toxicomanie font des ravages dans notre pays.
- Le cancer, aussi, pour lequel le président de la République a annoncé le lancement, en 2014, d'un nouveau plan.
- La santé mentale sera la quatrième priorité : elle a trop longtemps été négligée et mise de côté par les politiques publiques.
- Enfin, la dernière priorité, ce sont nos âgés. Ce sera le sens de la loi sur l'autonomie que je prépare avec Michèle DELAUNAY. Elle visera à adapter notre société aux exigences du vieillissement et aux besoins des personnes âgées.
II/ Le deuxième axe de la stratégie nationale de santé, c'est la révolution du premier recours.
Là encore, vous êtes aux avant-postes.
Vous avez levé toutes les barrières financières qui entravent normalement l'accès aux soins. Pour vous, le secteur 1 n'est pas une option : il est la règle qui s'applique à tous les centres de santé. De la même manière, la mise en oeuvre du tiers payant est une obligation pour l'ensemble des structures que représente votre fédération. Vous accueillez ainsi tous les publics, sans distinction de revenu, de niveau de vie ou d'origine. A ce titre, vous êtes souvent les garants de l'égalité territoriale des soins, notamment dans les zones urbaines sensibles.
Pour autant, je sais que vous attendez avec impatience la généralisation du tiers payant : je le répète, elle sera effective avant 2017 et dès l'année prochaine pour les bénéficiaires de l'aide à la complémentaire santé.
Actuellement, l'avance de frais représente un coût de gestion important pour vos structures, parce qu'il vous faut assurer le recouvrement des paiements en tiers payant. Le système que je déploierai sera simple et fiable : vous en profiterez directement. En anticipation de sa généralisation, je souhaite que l'Assurance maladie vous propose au début 2014 l'accès à l'outil de consultation des droits, le « CDR ».
Par ailleurs, les centres de santé sont la preuve que le tiers-payant ne crée pas une « consommation » inutile de soins. Vous êtes les premiers à pouvoir en témoigner : si vos patients viennent vous voir, ce n'est pas parce que les consultations sont gratuites, mais bien parce qu'ils sont malades et qu'ils ont besoin d'être soignés.
La révolution du premier recours, c'est aussi le développement du travail en équipe.
Vous accordez déjà une place prépondérante à l'exercice collectif, en associant, autour d'objectifs communs, les personnels soignant, social et administratif. La volonté de travailler en équipe est inscrite depuis longtemps dans vos habitudes. Ce n'est donc pas un hasard si de nombreux centres de santé participent aux expérimentations sur les nouveaux modes de rémunération. Déjà, les premiers résultats sont là !
Vos structures correspondent souvent aux aspirations nouvelles des jeunes professionnels. Je suis régulièrement à l'écoute des étudiants et des internes. Et que me disent-ils ? Que l'exercice collectif est pour eux une priorité, qu'ils veulent être déchargés des tâches administratives pour lesquelles ils ne sont pas formés, qu'ils aimeraient diversifier leurs activités soignantes et mieux concilier leurs vies professionnelle et familiale. De ce point de vue, l'exercice salarié suscite un très fort engouement.
III/ Vous êtes donc en adéquation avec les objectifs de la stratégie nationale de santé. Il est donc temps de conforter votre rôle pour la prise en charge de nos concitoyens.
Le mode de financement à l'acte rend vos centres financièrement fragiles. Une large majorité d'entre eux n'équilibre pas ses comptes avec les seules ressources de l'Assurance maladie. Ceux qui y parviennent reconnaissent à quel point il est difficile d'y arriver : au final, vos budgets sont souvent bouclés à l'aide de subventions.
Je sais que vous êtes aujourd'hui engagés dans des efforts de gestion importants. Je vous engage à les prolonger et à les consolider : votre situation financière ne doit pas être une arme pour ceux qui critiquent et qui fustigent les centres de santé.
Le rapport que j'ai commandé à l'Inspection Générale des Affaires Sociales (IGAS) avance des propositions concrètes sur ce sujet. Je sais d'ailleurs que vous travaillez dans le même sens.
- Concernant, d'abord, le financement des centres de santé par l'Assurance maladie.
Il faut faire converger les modes de financement des soins de premier recours en augmentant la part de rémunération forfaitaire. Avec un principe : la rmunération ne doit pas tenir compte du statut de la structure qu'elle rémunère. Qu'elle soit libérale ou salariée, seuls la mission assurée et les objectifs qui seront atteints doivent importer. Voilà comment nous parviendrons à mieux piloter notre système pour relever les défis de la stratégie nationale de santé.
Je sais aussi que l'absence de toute renégociation conventionnelle depuis 2003 vous a fait prendre du retard par rapport à vos collègues libéraux.
A cet égard, la prochaine négociation interprofessionnelle sur les rémunérations d'équipes sera l'occasion de rattraper ce retard et d'aller au-delà, en finançant la coordination des équipes : son objectif sera de généraliser les expérimentations sur les nouveaux modes de rémunérations. Les centres de santé pourront aussi faire partie des 150 nouvelles équipes qui dès le début 2014 pourront bénéficier des nouveaux modes de rémunération.
Enfin, concernant la rémunération des missions de santé publique, vous êtes étroitement associés à la réflexion sur le service public territorial de santé dans le groupe animé par Bernadette DEVICTOR. Les dispositifs de financement lui correspondant vous seront bien entendu ouverts.
Au-delà des questions financières, il nous faut prolonger les travaux entre le ministère et les centres de santé.
Depuis ma prise de fonction, beaucoup de choses ont évolué dans ce domaine. Les relations que vous entretenez avec le gouvernement et avec l'administration se sont transformées. Vous êtes désormais un interlocuteur reconnu : votre voix et vos attentes sont légitimement entendues et prises en compte par les pouvoirs publics.
Le groupe de contact « centres de santé » fonctionne depuis quelque temps déjà. Je vous annonce qu'il permettra de régler plusieurs sujets qui nuisaient à la pratique quotidienne de vos métiers :
- Le premier d'entre eux, c'est celui de la rémunération des médecins qui participent à la permanence de soins ambulatoires : il est en effet important que les médecins des centres de santé puissent y prendre part plus simplement. Le fait d'être salariés ne doit pas les exclure de la participation rémunérée à ce service public.
- Deuxième sujet, celui de la rémunération des activités de maître de stages : les centres de santé contribuent déjà activement à la formation des médecins de demain. Pour vous encourager à poursuivre sur cette voie, je veux que vous puissiez être indemnisés pour le temps que vous consacrez à cette démarche.
- Enfin, je souhaite favoriser le rapprochement entre les centres de santé et les universités. Cette ambition, je la partage avec Geneviève FIORASO. L'accueil des étudiants pourra ainsi être renforcé dans le cadre de la recherche en soins primaires.
Mesdames et messieurs,
Vos atouts et votre utilité ne sont plus à démontrer dans le combat pour l'accès aux soins. Votre capacité à conduire des actions de prévention efficaces fait également l'unanimité.
Tous les éléments sont donc réunis pour que les centres de santé occupent toute leur place dans la révolution des soins de premier recours que je conduis.
Je vous remercie.
Source http://www.fncs.org, le 14 octobre 2013