Déclaration de M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre, sur les liens entre école et entreprise dans le parcours de l'insertion professionnelle, à Paris le 18 octobre 2013.

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Circonstance : Installation du Conseil national Education Economie, à l'Ecole nationale supérieure des Arts et Métiers, à Paris le 18 octobre 2013

Texte intégral

Messieurs les ministres,
monsieur le recteur,
monsieur le président,
mesdames messieurs les membres du Conseil national de l'Education et de l'Economie, monsieur le président du Conseil économique et social,
Permettez-moi de vous saluer toutes et tous, Mesdames et Messieurs, et de remercier chacune des personnalités qui sont présentes et qui ont accepté de siéger au sein du Conseil national Education Economie.
Je tiens tout particulièrement à saluer le président Jean-Cyril Spinetta, président de ce Conseil. Je le remercie d'avoir accepté de présider, d'animer, ce conseil. La proposition m'en avait été faite il y a quelques temps par le ministre de l'Education nationale Vincent Peillon, et connaissant votre parcours personnel, votre engagement à la fois comme acteur de l'économie, acteur majeur mais aussi passionné par la question de l'éducation, je crois que vous êtes la personnalité qui correspond bien à l'ambition qui est la nôtre et dont je voudrais parler en cet instant.
En effet, je tiens à vous dire que le gouvernement compte beaucoup sur votre travail et sur ce que vous allez accomplir ensemble. Qui y-a-t-il en effet au cœur de la relation économie-éducation, sinon l'essentiel des questions que nous avons à affronter, pour redresser notre pays, pour retrouver la croissance mais aussi créer des emplois, offrir de nouvelles perspectives à la jeunesse, redonner à la France toute sa force, toute sa puissance ? Elle en a parfaitement la capacité. Nos atouts sont immenses. Nous ne sommes pas un pays en déclin. Nous sommes un pays qui doit affronter des défis nouveaux, et qui le fera, et qui réussira, j'en suis profondément convaincu.
Depuis 17 mois le gouvernement a engagé des réformes de grande ampleur en faveur de la jeunesse, en faveur de l'emploi, en faveur du redressement de notre économie. Dans quelques jours, ce sera le premier anniversaire du pacte de compétitivité que j'avais présenté à la suite du rapport de Louis Gallois, il y a un an. Mais nous avons aussi lancé – et je l'ai annoncé au mois de juillet – un programme d'investissement supplémentaire pour préparer l'avenir, investir pour la France. Et puis lors des conclusions de la Grande Conférence sociale, des choses importantes ont été dites et j'y reviendrai, comme aux Assises pour l'entrepreneuriat, mais je pense aussi au prochain plan de soutien à l'innovation.
Toutes ces initiatives sont connues, mais ce qui est peut-être moins connu, c'est que chacune d'elle comporte un volet éducation, un volet formation. C'est le choix que nous avons fait avec Vincent Peillon, avec Geneviève Fioraso pour l'Enseignement supérieur, et c'est la condition pour surmonter les oppositions stériles dans lesquelles on a parfois voulu enfermer l'école et l'entreprise. Même je crois qu'elles appartiennent au passé, ces oppositions ont une origine ancienne. Elles ont longtemps tourné autour de la place de l'enseignement professionnel dans notre système éducatif.
C'était pour résoudre ce malentendu, mais aussi les questions nouvelles que posait la crise, que le premier Haut conseil Education Economie avait été créé par Jean-Pierre Chevènement dans les années 80. D'ailleurs un autre ministre, qui était ministre de l'Enseignement professionnel, il y a quelques années, en 2001 avait lui-même tenu, devant peut-être certains d'entre vous, un discours qui allait dans le même sens de ce que je vais vous dire aujourd'hui. C'était Jean-Luc Mélenchon qui avait été chaleureusement applaudi sur la nécessité en effet de rapprocher l'école de l'entreprise, l'école de l'économie.
Ce Haut comité a beaucoup fait pour la création du bac professionnel. Et c'est grâce en particulier à la création de ce bac professionnel, dont chacun reconnaît aujourd'hui les mérites, que nous avons atteint l'objectif de 80 % d'une classe d'âge au baccalauréat. Il ne faut pas l'oublier. Ce Haut comité a été, de façon très curieuse d'ailleurs et je le regrette, supprimé au milieu des années 2000.
Et ce que nous avons voulu faire avec le ministre de l'Education nationale et la ministre de l'Enseignement supérieur, c'est de créer une instance d'échanges, de consultations, parce que le dialogue est indispensable à l'émergence de solutions nouvelles face aux enjeux de la situation économique actuelle, économique et sociale, mais aussi face aux défis considérables de la mutation du monde. Nous sommes dans un nouveau monde et en quelque sorte, il faut s'y préparer.
C'est là que nous devons faire preuve d'audace, d'imagination, de créativité et de responsabilité. Modèle économique en mutation qui, parfois, s'accompagne de souffrances dans certains de nos territoires ou dans d'autres pays d'Europe. Mais la France, je le disais, a énormément d'atouts pour réussir cette mutation. D'ailleurs si on prend un peu le temps – et je le fais beaucoup en visitant nos territoires, nos régions – on voit bien que certaines régions ont déjà largement anticipé cette mutation, ce qui fait qu'elles s'en sortent, qu'elles sont en situation plus favorable que d'autres régions qui, elles, ont connu des chocs industriels. Et c'est pourquoi ces régions doivent être soutenues davantage que les autres, pour résoudre leurs problèmes et surmonter ces mutations et réussir aussi. Mais déjà la courbe du chômage que nous voulons inverser, comme le président de la République l'a annoncé, d'ici la fin de l'année, c'est déjà le cas dans plusieurs régions de France qui ont justement su, par des mutations maîtrisées, réussir cette étape-là. Il n'y a aucune raison que nous ne réussissions pas à l'échelle du pays tout entier.
Ce dialogue, je le disais, entre l'école et l'économie, l'école et l'entreprise est indispensable. Il est indispensable parce qu'il est aussi un des éléments de la réussite du grand chantier, qui prendra des années mais qui est une ambition nationale et collective, qui est celui de la refondation de l'école. Il est indispensable pas seulement pour l'école mais pour les jeunes, Il est indispensable pour l'économie elle-même, pour mener ce combat pour l'emploi, pour mener ce combat contre le chômage, pour mener ce combat pour la compétitivité, pour l'innovation, pour une économie réinventée, plus performante mais aussi plus exportatrice.
Ce double combat, ce combat global ne peut réussir que s'il est partagé, et au premier chef par vous mesdames et messieurs. Vous qui avez désormais la responsabilité de faire de ce Conseil une instance de travail, sur des questions concrètes et avec l'objectif de faire émerger des solutions innovantes et opérationnelles. Le gouvernement attend de votre Conseil, en effet non seulement qu'il consolide ce climat de confiance peu à peu trouvé entre l'école et l'entreprise, mais qu'il invente des nouvelles façons de réfléchir et de travailler.
La composition de votre Conseil associant administrations, entreprises, collectivités locales et en particulier les régions, partenaires sociaux indique que nous voulons que cela se fasse dans le cercle le plus large possible des acteurs concernés, et qu'en naisse ainsi – sur un sujet d'un tel intérêt général – cette fabrique de consensus qui n'a rien de péjoratif dans mon esprit. C'est d'ailleurs Anne Lauvergeon récemment qui évoquait cette notion. "Fabrique de consensus", cela veut dire qu'on travaille ensemble, qu'on produit ensemble parce que nous en avons besoin, que notre société plus que jamais en a besoin.
C'est d'ailleurs une des difficultés auxquelles nous devons faire face, parce que dans les périodes de crise et surtout dans les périodes de mutation, des inquiétudes naissent et la tentation existe de se replier sur ce que nous avons déjà ou que nous connaissons. Certains parlent des corporatismes, ça existe, mais c'est souvent par peur que le changement va au contraire nous perturber, nous déstabiliser et que ne naîtra pas de ce changement, de cette mutation un meilleur. C'est pour cela que l'idée de fabrique de consensus est au cœur de votre mission, et je compte vraiment sur vous, mais j'ai tout à fait confiance.
Ces chantiers peuvent s'organiser autour de plusieurs thèmes : la prospective de l'emploi et des métiers, l'efficacité de la formation professionnelle, la préparation à l'insertion professionnelle, le développement de l'esprit d'entreprendre. La prospective de l'emploi et des métiers est aujourd'hui le point faible de tous nos dispositifs, pour des raisons évidentes. L'économie est un domaine plus aléatoire que jamais, les dispositifs de formation diplômante ont pourtant besoin d'un horizon long de déploiement, et la seule façon de surmonter ces difficultés c'est précisément d'élargir au maximum la réflexion.
Un dialogue permanent est donc nécessaire à tous les niveaux concernés par l'évolution du marché du travail, que ce soit au niveau local, que ce soit au niveau régional, que ce soit au niveau national. C'est la voie dans laquelle le gouvernement s'est engagé, et je me réjouis du renforcement, voulu par le Parlement dans la loi pour la refondation de l'école, de la concertation préalable à l'établissement des cartes de la formation professionnelle initiale dans les régions. Et je vois parmi vous des présidents de région qui comprennent bien quel est l'enjeu.
Ce n'est désormais qu'après concertation avec les acteurs économiques et sociaux – et accord entre région et recteur – que les décisions d'ouverture ou de fermeture des formations seront arrêtées. C'est une nécessité, même si ce travail est complexe. Il est essentiel pour la qualité du travail prospectif comme pour celle du dialogue social. Et je compte sur votre Conseil pour faire émerger les bonnes pratiques, mettre au point des méthodes et donner un cadre cohérent aux initiatives qui se déploient au niveau local.
Les débats de la dernière conférence sociale ont d'ailleurs montré des préoccupations partagées entre tous les participants, pour mieux prendre en compte cette question. Des décisions ont d'ailleurs été prises depuis, notamment un programme qui commence par un inventaire, région par région, et qui va déboucher, d'ici la fin de l'année, vers presque 40.000 contrats de formation et de qualification pour répondre aux offres d'emploi non satisfaites.
J'étais il y a peu de temps à Marseille et parlant avec le préfet, en passant devant Eurocopter avant de repartir sur Paris, je demandais si Eurocopter, entreprise florissante du groupe EADS, embauchait. Le préfet me répond "oui, beaucoup, des centaines d'emplois, mais ils ont une difficulté : ils ne trouvent pas de main d'œuvre". Quel paradoxe ! Pourtant à Marseille, il y a bien une jeunesse qui ne demande qu'à travailler, mais elle n'est pas formée, elle n'est pas qualifiée. Donc là, on est au cœur des questions. C'est un exemple, il pourrait y en avoir d'autres. Que ce soit dans des emplois très qualifiés, des emplois moins qualifiés, notre pays recèle d'énormes potentialités, c'est donc à tout cela qu'il faut répondre.
Je compte aussi sur vous pour travailler sur l'efficacité de la formation professionnelle. Cela suppose de consolider toutes les formes d'alternance. D'abord en premier lieu, l'alternance sous contrat de travail, l'apprentissage : le président de la République a retenu un objectif, celui d'un demi-million d'apprentis à l'horizon du quinquennat. On connaît les vertus de cette formation, souvent attractive pour les jeunes du fait du pécule financier et de la bonne probabilité d'insertion à court terme. Mais votre Conseil pourra apporter sa contribution à la définition des voies qui pourraient contribuer à cet objectif, en ce qui concerne la motivation des jeunes mais aussi celle des entreprises.
Je souhaite en particulier que vous soyez très attentifs à la prévention des discriminations que subissent certains jeunes, qui sont fréquentes en ce domaine, ou même des abandons en cours de contrat, qui sont malheureusement trop nombreux.
L'alternance existe aussi sous statut scolaire et étudiant. C'est même l'une des transformations les plus spectaculaires, bien que faite à bas bruit, de la formation professionnelle initiale ces dernières années, notamment depuis l'invention du baccalauréat professionnel que j'évoquais il y a quelques instants. Ce sont désormais environ 100 000 bacheliers professionnels qui sortent chaque année du système scolaire après trois ans d'un parcours, faisant une place significative de plusieurs mois à l'alternance. Ces deux formes d'alternance ne sont pas destinées à se concurrencer, mais au contraire à être complémentaires, les entreprises recourant d'ailleurs de plus en plus aux deux.
Votre Conseil peut apporter des propositions, il peut apporter des propositions pour encourager de telles complémentarités, notamment par le développement de l'apprentissage dans les établissements scolaires et les universités. Les "campus des métiers et des qualifications", que Vincent Peillon veut encourager, peuvent être des lieux privilégiés pour de telles complémentarités.
Mais votre Conseil peut aussi aider à rendre plus visibles les parcours de réussite que permettent ces voies de l'alternance, et lutter contre toutes les discriminations qu'elles subissent. Votre Conseil pourra également apporter des éclairages intéressants sur la façon dont l'alternance peut aider à combattre ou à réparer les effets du décrochage scolaire, qui est aussi un autre combat majeur. Il pourra aussi apporter sa réflexion pour la mise en place de la formation initiale différée, prévue par la loi sur l'école, pour les élèves décrocheurs. J'imagine enfin qu'il pourra apporter une contribution utile à la rénovation de la formation professionnelle actuellement envisagée.
Une bonne préparation à l'insertion professionnelle commence tôt, par un parcours d'orientation que l'école doit offrir à chaque élève. Ainsi l'affirme d'ailleurs la loi. Simultanément se met en place le nouveau service public de l'orientation, coordonné par les régions, expérimenté d'abord en cette rentrée 2013 dans huit régions pilotes. Il devrait contribuer à favoriser davantage l'orientation vers des formations et des métiers porteurs d'emplois et à lutter contre toutes les discriminations, notamment celles liées au sexe ou à l'origine.
Mais ces efforts nouveaux ne porteront leurs fruits que si les partenaires de l'école y contribuent activement. Ce ne sont pas les enseignants ni même les conseillers d'orientation qui peuvent le mieux faire découvrir les différents univers professionnels sous tous leurs aspects, même si ils y apportent leur contribution et je les en remercie particulièrement, mais ils ont aussi besoin d'être accompagnés par des gens de métier, acceptant de faire partager aux plus jeunes les réalités de ce qu'ils font.
J'entends souvent déplorer le fait que trop peu de jeunes se dirigent vers tel ou tel secteur ou tel ou tel métier. Mais comment pourrait-il en être autrement si ces secteurs ou ces métiers ne sont pas connus des jeunes, connus concrètement ? Et si les représentations parfois négatives ne sont pas combattues par ceux-là mêmes qui en font profession ? Je sais qu'ils sont passionnés par leur métier, je pense aux métiers par exemple de l'artisanat. C'est vrai que quand on parle avec un artisan, il est passionné par son métier et il a envie de le faire connaître. Mais souvent, il y a une image de ce métier, c'est vrai des métiers industriels aussi, qui ne sont pas connus ou qui gardent une image absolument négative, presque de l'autre siècle, je parle même du 19ème. Cela ne correspond plus à la réalité d'aujourd'hui, et les choses ont profondément changé. Ce qui fait que, dans un certain nombre de secteurs, on va manquer de candidats. Il faut donc qu'on se batte ensemble, pour valoriser les métiers, tous les métiers.
L'Ecole a fait beaucoup d'efforts ces dernières années. Elle s'est beaucoup ouverte à ce travail partagé qui fait intervenir les professionnels de tous horizons dans les classes, qui permet des rencontres de terrain à nos élèves. L'ambition du gouvernement est que ces pratiques – qui sont souvent très efficaces – s'amplifient et puissent ne pas être vécues comme à côté du travail pédagogique mais qu'elles s'y intègrent pleinement.
J'ai volontairement participé avec Vincent Peillon et George Pau-Langevin à la prérentrée des enseignants dans un lycée professionnel, près d'Orléans dans la région Centre, qui est très engagée comme les autres régions, et je crois que le président Bonneau est là ce matin… Je voulais adresser un message aux enseignants des lycées professionnels, et j'ai été très frappé par la diversité des parcours des enseignants qui étaient là. Et ce qui m'a le plus touché et le plus marqué, c'est le témoignage de plusieurs d'entre eux qui avaient fait une formation professionnelle dans plusieurs métiers dans ce lycée où nous étions, à Orléans, et qui, après une étape professionnelle de plusieurs années où ils ont réussi, ont souhaité revenir dans le lycée comme enseignants.
C'est un parcours exceptionnel, un parcours particulièrement riche parce que ces hommes, ces femmes qui parlaient de leur histoire, de ce qui leur avait été transmis dans ce lycée et du bénéfice qu'ils avaient pu en tirer dans leur métier ensuite, revenaient avec une passion encore plus forte pour transmettre aux jeunes. Et ce qui faisait que cette équipe pédagogique devant moi, composée d'enseignants très expérimentés, plus anciens et de jeunes venant prendre leur fonction et puis d'autres changeant de parcours, ça faisait une équipe formidable et surtout très motivée. C'est ça aussi l'Education nationale, c'est ça aussi l'école, c'est ça aussi le lycée des métiers, le lycée professionnel. C'est important de le dire et je voulais montrer, à travers ces quelques mots, mon témoignage et mon soutien aux enseignants, parce que souvent on a une image là aussi stéréotypée, on dit "ah ! Les lycées professionnels", allons-y, allons voir, rencontrons, discutons, et on voit que les choses ont changé et que ceux qui y sont veulent que ça marche et que ça réussisse.
Donc partons de l'acquis, partons de ce socle pour amplifier, réussir, c'est pourquoi je compte beaucoup votre contribution. D'ailleurs il est très important, Monsieur le ministre de l'Education nationale, et c'est vrai pour les présidents d'université auxquels j'ai fait passer le même message, que nos écoles supérieures de la formation professionnelle intègrent dans le cursus de formation des enseignants tous ces éléments. Entre aujourd'hui et 2025, c'est un chiffre que vous citiez l'autre jour, 2025 puisque nous avions tenu un séminaire avec le président de la République de prospective le 19 août dernier, que certains ironisaient en disant "2025 c'est vraiment très loin", non ! 2025 c'est un enfant qui rentre aujourd'hui en primaire et qui sera au bac en 2025, ce n'est pas long. Il faut donc s'y préparer. Eh bien ! Entre aujourd'hui et 2025, c'est 300.000 enseignants qui vont être formés, avec les départs à la retraite bien sûr et les recrutements supplémentaires : 300.000. Les écoles supérieures de la formation de professorat et de l'éducation auront donc un rôle clé dans les années à venir. Il ne faut pas s'y tromper. Et il faut qu'effectivement les programmes de formation pédagogique soient parfaitement adaptés et donnent les clés, les moyens, à nos futurs enseignants de réussir pleinement leur mission, je dis bien leur mission parce que c'est une mission pour le pays.
Votre Conseil pourra suggérer des pistes originales de réflexion et des initiatives pour amplifier tout ça. Elle devra concerner toutes les étapes, du début du collège jusqu'au lycée voire au-delà notamment en ce qui concerne les formations post-bac telles les BTS ou les IUT pour lesquelles, une priorité nouvelle d'accès des bacheliers technologiques et professionnels vient d'être ouverte par la loi sur l'enseignement supérieur et la recherche du 22 juillet 2013.
Et je termine par l'autre thème que j'ai évoqué tout à l'heure, l'esprit d'entreprendre. Le Président de la République en a fait un objectif clair, car c'est la mère de tout projet et de toute innovation, c'est le contraire des replis frileux et des conservatismes. Et là encore le rôle de l'école sera crucial, car on ne peut entreprendre et affronter le risque si notre éducation ne nous y a pas préparés.
Je dis "entreprendre" et je le dis pour tous les domaines, le domaine économique mais aussi le domaine social, le domaine sportif, le domaine culturel, le domaine artistique, tous ceux où la jeunesse peut se réaliser pleinement sur la base d'un projet où se conjuguent motivation et apprentissage préalable. Il y a quelques jours, j'étais à Bondy pour mettre en place la garantie jeunes, c'est-à-dire aider des jeunes les plus éloignés de l'emploi, qui ne peuvent même pas accéder – et encore – à un emploi d'avenir, pour passer avec eux un contrat… non pas pour retomber dans ce que tout de suite certains n'ont pas manqué de dénoncer, l'assistanat ou donner une allocation à un jeune. Il n'a rien ce jeune, eh bien ! On lui donne une allocation mais on passe un contrat avec lui, et qu'on évaluera au fur et à mesure pour le réhabiliter, lui redonner confiance en lui, pour le remettre sur le circuit.
Il n'y a pas de raison, il n'y a pas de raison que ces jeunes – parce qu'ils sont les plus éloignés, les plus en difficulté –soient sacrifiés. Et il ne s'agit pas simplement de leur donner de l'argent, il s'agit de leur donner une chance, et c'est un contrat, c'est du donnant donnant. C'est ce que je suis venu dire à Bondy, mais on m'a parlé ensuite des projets des jeunes. Et dans cette cité populaire, on demande simplement d'être respecté, écouté et de donner sa chance et beaucoup m'ont dit : "monsieur, je voudrais créer une entreprise et j'ai besoin d'un petit coup de main, non pas que vous fassiez à ma place". Cette potentialité existe partout et elle est formidable, mais est-ce que nous savons la voir, la découvrir ? Est-ce que nous savons donner le coup de pouce ? Eh bien ! C'est important que vous vous penchiez là-dessus aussi, mesdames et messieurs les membres de ce Conseil.
Je dis donc entreprendre et donc aussi entreprise. Préparer les jeunes à l'entreprise, à y entrer mais aussi à la créer, la faire comprendre dans toutes ses dimensions et peut-être d'abord dans sa dimension humaine, à travers les relations sociales qu'elle implique et qui la fondent. Et les Français sont attachés à l'entreprise. Alors on me dit « vous avez pris des mesures financières ou fiscales, le crédit d'impôt compétitivité emploi, ah vous avez fait un cadeau aux patrons » ! Je ne fais pas de cadeau aux patrons, n'est-ce pas monsieur le président Gattaz ? Vous le savez bien. Mais j'aide les entreprises, monsieur le président, et ça, vous le souhaitez. Une entreprise, c'est une communauté humaine, et quand les salariés parlent de leurs entreprises, parfois ils peuvent critiquer leur patron mais c'est normal, comme des citoyens peuvent critiquer le gouvernement, mais en même temps ils sont fiers d'appartenir à une communauté qui est une communauté où l'on produit, une communauté où l'on se bat, où l'on a envie que ça marche, envie que ça réussisse. Donc l'esprit d'entreprise et donc aider à la création d'entreprises, valoriser l'entreprise, je sais que les français souhaitent que le gouvernement aide les entreprises pour qu'elles réussissent, car si l'entreprise réussit, c'est l'emploi qui réussit et c'est les salariés qui réussissent et c'est les salariés qu'on embauche.
Voilà ce que je voulais vous dire, mesdames et messieurs. Il y a quelques jours, devant le Président de la République, un groupe de rappeurs entonnait une chanson dont le refrain "Apprendre, comprendre, entreprendre, c'est ce que nous voulons", je ne le dis pas en rappeur, vous avez remarqué, mais ils le disaient avec force et fierté, et ils le disaient avec une volonté d'insertion, une volonté de réussir, de trouver toute leur place dans notre société.
Eh bien ! Ce refrain, il doit résonner pour nous tous, il résume peut-être mieux que toute autre expression cette nouvelle impulsion qu'il nous faut donner aujourd'hui. C'est une chance à saisir pour l'école, pour offrir des perspectives à ses élèves, pour les aider dans leur projet de vie, mais c'est aussi une chance à saisir pour notre économie, pour nos entreprises qui ont besoin de compétences, qui ont besoin aussi d'audace.
Chacun peut gagner à ce rapprochement, sans rien confondre des finalités propres qui sont celles de l'éducation et du monde de l'économie. Votre Conseil est particulièrement bien armé par sa composition, pour aider à cette compréhension et suggérer les grandes lignes de cette éducation au risque et à l'esprit d'entreprendre sans lequel l'école n'atteindra pas les objectifs de sa refondation.
J'espère à cet égard que vos travaux encourageront aussi les initiatives locales, parce qu'elles peuvent être diverses ces initiatives locales. Et notre pays qui est moins centralisé qu'il y a quelques années, les initiatives locales sont multiples, elles sont nombreuses et elles sont souvent d'une grande richesse. Il faut les remarquer, les montrer et les encourager. Il en existe beaucoup dans les régions et dans plusieurs académies.
Mesdames, messieurs, vous le voyez, je compte sur vous. Le gouvernement compte sur votre Conseil. Et je profite de cette occasion pour redire aussi ma confiance dans les enseignants, les enseignants ont (je le disais) un métier, mais c'est une mission. Et le chantier de la refondation de l'école, c'est pour permettre à toute la jeunesse de réussir, mais notre école permet déjà à 80 % de la jeunesse de réussir ; et c'est aussi aux 20 % restants – et parfois plus dans certaines écoles, dans certains quartiers, dans certaines villes – où la norme n'est pas la réussite mais l'échec que nous avons le devoir de changer les choses et d'améliorer les choses.
Les réformes ne sont pas toujours faciles, mais il faut les faire et il faut les mener jusqu'au bout. Ce n'est pas en un mois qu'on peut juger de l'efficacité de telle ou telle réforme, c'est impossible, ça n'a jamais été comme ça, surtout quand on change les habitudes. Mais je comprends que parfois on s'interroge, et c'est normal et c'est pour ça qu'il faut sans cesse dialoguer, sans cesse évaluer mais aussi dire un message de confiance, message de confiance à l'école. Quand on choisit le métier d'enseignant, on le choisit en toute connaissance de cause, et chaque fois que je rencontre des enseignants de l'école primaire ou de l'université, il est rare qu'ils ne parlent pas de la passion de leur métier. C'est une belle mission, et je voulais le redire ici devant vous.
La République a besoin d'une école qui marche, et l'école, c'est la transmission des savoirs, c'est la connaissance du monde aussi, c'est la connaissance de la vie, c'est l'apprentissage de la responsabilité. Mais l'école, c'est aussi la transmission des valeurs, des valeurs du vivre ensemble, des valeurs de liberté mais aussi des valeurs d'égalité - et notre pays en a besoin, les Français y sont attachés- mais aussi des valeurs de fraternité. Ce n'est pas pour vous redire la devise de la République que je conclus là-dessus, c'est parce que plus que jamais notre pays a besoin de se retrouver autour de ces fondamentaux, le socle républicain qui unit les Français au-delà de leur diversité, parfois de leurs conflits, parfois de leur découragement. Et cela doit être la base de vos travaux, c'est-à-dire de faire que l'école de la République soit pleinement l'école de la République.
Merci.
Source http://www.gouvernement.fr, le 21 octobre 2013