Texte intégral
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Vous avez la franchise de reconnaître que les contrats de génération, qui sont censés être bons pour les jeunes et les séniors, ne remportent pas le succès escompté. C'était une belle idée, est-ce que vous reconnaissez que c'est un échec regrettable, mais un échec ?
MICHEL SAPIN
Non, non, ce n'est pas un échec. Là aussi, si on veut dire la vérité, il faut regarder la vérité en face. La vérité c'est que ça marche extrêmement bien, dans les petites entreprises, moins de 20, 10 salariés, là où au fond on a l'habitude d'accueillir un jeune, et on a l'habitude de mettre un plus âgé en face. Ça marche très bien dans ces entreprises-là.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Mais vous vouliez 100 000 emplois par an en moyenne, vous avez 10 fois moins.
MICHEL SAPIN
Parce que ça commence, parce que c'est le début, parce que vous voudriez qu'au début d'une politique on soit déjà à la fin de cette politique. J'ai tendance à rappeler que Noël c'est en décembre, que Pâques c'est un peu plus tard, et que ce n'est pas la peine de vouloir accélérer le temps, mais regardons les choses en face. La vérité c'est qu'il y a un secteur dans lequel ça ne marche pas suffisamment bien
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Ah !
MICHEL SAPIN
Oui, on dit la vérité, mais la vérité elle n'est pas une, la vérité elle est diverse, en fonction des secteurs et des entreprises. Dans les entreprises entre 50 et 300 salariés, il faut des négociations entre les patrons et les syndicats.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Alors négociez, patrons et syndicats.
MICHEL SAPIN
Il faut négocier, et ils n'ont pas assez négocié, ils n'ont pas assez conclu, c'est là qu'il y a des capacités de créer des emplois, dans ces entreprises, ce sont des entreprises très importantes pour l'économie française.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Décembre c'est dans 2 mois Michel SAPIN, la promesse d'inverser la courbe du chômage fin 2013, est-ce qu'elle peut encore tenir ?
MICHEL SAPIN
Ce n'est pas une promesse, c'est un objectif, et on tiendra cet objectif.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Vous maintenez l'objectif ?
MICHEL SAPIN
Là encore, le mois de septembre n'est pas le mois de décembre.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Mais sur quoi vous comptez pour y arriver d'ici à Noël ?
MICHEL SAPIN
Le mois de septembre ou le mois d'août ce n'est pas le mois de décembre. Vous êtes dans une forme d'impatience, que je peux comprendre
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Non, mais il y a de fortes tendances, il y a des tendances.
MICHEL SAPIN
Oui, mais les tendances aujourd'hui elles sont au ralentissement du chômage, elles seront demain à la baisse du chômage, donc la tendance n'est pas à la hausse aujourd'hui, vous le savez bien.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Mais il y a tellement d'entreprises qui ferment, qui promettent de fermer, qui ne savent pas comment faire, la liste s'allonge.
MICHEL SAPIN
Mais de confondez pas des drames locaux, des drames dans des entreprises, avec la montée du chômage. Ce qui se passe, par exemple en Bretagne, qui est gigantesque, quand vous supprimez dans une ville de 2500 habitants 900 emplois, c'est un drame local considérable, il faut y apporter des solutions. Mais ne confondez pas ce drame-là avec l'évolution du chômage, ce sont deux chiffres, bien entendu, extrêmement différents.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Alors, sur la Bretagne, et d'autres régions de France, pourquoi vous maintenez l'écotaxe ? Est-ce qu'il est vrai que vous allez l'aménager, peut-être même la suspendre ou la retarder, ou la supprimer ?
MICHEL SAPIN
La vérité, puisque nous sommes aujourd'hui dans un discours de vérité, toujours avec vous, c'est qui a créé l'écotaxe ? Nous ?
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Oui, mais vous êtes arrivés
MICHEL SAPIN
Vous auriez pu la supprimer, me diriez-vous, bon !
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Il vous est arrivé de supprimer ce qui ne vous convenez pas.
MICHEL SAPIN
Voilà. L'écotaxe c'est le résultat d'un moment, peut-être, un des moments les plus intéressants de la période de Nicolas SARKOZY, qui était ce moment où on s'est interrogé sur l'avenir écologique, l'environnement, la capacité à peser sur l'environnement, c'est ce produit-là. C'est en même temps une politique européenne. L'écotaxe elle existe dans d'autres pays européens ? Oui, elle existe en Allemagne. Est-ce que l'Allemagne considère que son économie est en danger ?
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Mais est-ce qu'il y a une révolte des länder en Allemagne ? Non.
MICHEL SAPIN
Non, il n'y a pas de révolte des länder, ils payent l'écotaxe, comme d'autres paient l'écotaxe ailleurs.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Alors, comment vous faites, comment vous vous adaptez Michel SAPIN, qu'est-ce que vous allez en faire ?
MICHEL SAPIN
C'est une politique qui, en elle-même, est une bonne politique. Ensuite, quand une bonne politique a des difficultés d'application, on regarde
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Regardez vite.
MICHEL SAPIN
On regarde précisément, on regarde dans le détail, on fait en sorte qu'il y ait des observatoires de l'écotaxe, il y en a un qui a été mis en place en Bretagne, pour voir les conséquences, limiter ces conséquences, mais on ne remet pas en cause une politique globale, qui est mise en place dans l'Europe entière, qui est mise en place en Allemagne sans pour autant grever l'économie allemande, pour des raisons immédiates.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Donc ça échoue, on maintient une politique qui échoue ?
MICHEL SAPIN
Elle n'a pas échoué, elle n'est même pas encore en place. C'est quand l'écotaxe ?
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Janvier 2014.
MICHEL SAPIN
Eh bien voilà, vous confondez encore Noël avec Pâques.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Demain les chiffres du chômage, ça c'est pour demain, je ne confonds rien là. Avec la même franchise Michel SAPIN, à quoi faut-il s'attendre ?
MICHEL SAPIN
Ils ne seront pas bons, pour une raison très simple, mais qui malheureusement ce n'est pas une question de vérité. Comme vous le savez, au mois d'août il y a eu un incident statistique.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Un bug SFR.
MICHEL SAPIN
Avec un bug SFR, cet incident statistique a augmenté la baisse, si je puis dire, au mois d'août, il va augmenter la hausse au mois de septembre, je l'ai dit, d'ailleurs, dès le mois d'août. J'ai dit le mois de septembre ne ressemblera pas au mois d'août, et il faut, si on veut regarder les tendances, prendre les deux chiffres, les mêler, et on verra quelle est la moyenne des deux.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Et demain, à votre avis, d'après votre flair, d'après ce que vous savez, ce sera noir, ou ce sera gris ?
MICHEL SAPIN
Non mais, je viens de vous dire que le chiffre de septembre ne ressemblera pas à celui d'août, mais ce n'est pas parce que je connais les chiffres, je ne les connais pas, mais parce que je sais que le bug du mois d'août, qui a donné un effet faussement positif, donnera cette fois-ci un effet faussement négatif.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Les Verts, vos alliés, ne votent pas la réforme des retraites, bientôt ils ne voteront pas le budget 2014
MICHEL SAPIN
Mais ils viennent de le voter le budget.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Oui mais attendez de voir ce qui va se passer au Sénat, etc.
MICHEL SAPIN
Est-ce qu'ils ont voté ou pas hier ? Est-ce que la majorité était unie hier ou pas ?
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Oui, momentanément.
MICHEL SAPIN
Pourquoi momentanément ? Il y a un seul acte, il y a un seul acte qui fonde la solidarité gouvernementale et la solidarité d'une majorité, c'est l'acte fondamental.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Attendons le Sénat.
MICHEL SAPIN
Mais qu'est-ce qui a été fait ? Mais le Sénat, aujourd'hui vous le savez, il n'y a pas de majorité au Sénat. A l'Assemblée nationale il y a une majorité, elle est composée du groupe socialiste, 100%, du groupe écologique, à une ou deux unités près, tous ont voté le budget, les Radicaux, tous ont voté le budget, et les élus de Jean-Pierre CHEVENEMENT, tous ont voté le budget, donc hier la majorité était unie sur le seul sujet qui fonde une solidarité gouvernementale et majoritaire, qui est le vote du budget. Il n'y a pas besoin
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Donc tout va bien ?
MICHEL SAPIN
Non, pas tout va bien, mais tout va pas mal.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Mais quand les Verts invitent les lycéens, les lycéennes, à descendre dans les rues pour soutenir mademoiselle DIBRANI, donc contre le gouvernement et le président de la République, vous ne répondez pas
MICHEL SAPIN
Ça c'est de l'enfantillage.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
De leur part ?
MICHEL SAPIN
Oui, ça c'est de l'enfantillage de leur part, pour une double raison.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Ce n'est pas plus grave que de l'enfantillage ?
MICHEL SAPIN
Non, c'est de l'enfantillage, ça a la gravité de l'enfantillage, et l'enfantillage pour des enfants ce n'est pas grave, l'enfantillage pour des adultes c'est évidemment un peu plus grave.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Mais, mais, mais
MICHEL SAPIN
Pourquoi c'est de l'enfantillage ? Pour deux raisons. D'abord parce que sur le fond ils ont tort, sur la politique-même ils ont tort. La loi doit être respectée, elle sera respectée, même si on doit se comporter de manière humaine avec toute personne, et en particulier avec des jeunes. Et la deuxième raison et monsieur MELENCHON en a fait les frais l'autre fois c'est qu'on ne se prend pas pour des jeunes lycéens, comme ça, on ne s'invente pas jeune lycéen, surtout quand on a dépassé les 40 ans.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Mais Michel SAPIN, plus globalement, jusqu'à quand un président et un gouvernement de la Ve République seront-ils prisonniers de maîtres chanteurs, pyromanes, qui vous doivent tout, et qui vous apportent peu de choses ? Qui aura le courage et la liberté de leur dire en face « assez ou dehors », qui ?
MICHEL SAPIN
C'est vous qui dites prisonniers, on est prisonniers de quoi ?
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Mais vous en êtes les otages, vous acceptez toutes les mesures, les idées
MICHEL SAPIN
Mais qui a voté hier ?
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Vous ne les remettez pas en cause.
MICHEL SAPIN
Qui a voté le budget, qui a voté la première partie du budget ? Les mêmes dont vous dites que nous sommes prisonniers. Nous ne sommes pas, ni les uns, ni les autres, ni eux, ni nous, dans un mécanisme de prison, nous sommes dans un mécanisme d'alliance.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Mais vous ne leur dites pas « arrêtez. »
MICHEL SAPIN
L'alliance c'est le respect mutuel, et le respect mutuel ce n'est pas simplement les socialistes qui respectent les écologistes, c'est les écologistes qui respectent aussi les socialistes.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Vous leur dites « arrêtez » ?
MICHEL SAPIN
Je leur dis l'alliance c'est un respect mutuel, et ce respect mutuel il fonde ce qui a permis le vote hier du budget de la France, la solidarité gouvernementale et la solidarité majoritaire.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Michel SAPIN, comment François HOLLANDE, votre ami depuis plus de 30 ans, peut-il restaurer la dimension présidentielle et l'autorité de l'Etat mises à mal toutes ces semaines dernières ?
MICHEL SAPIN
Oui, mais ces mises à mal, par quoi ? Mises à mal aussi par des images, mises à mal aussi par tel ou tel qui apporte plus d'importance
JEAN-PIERRE ELKABBACH
J'ai dit répondez avec franchise.
MICHEL SAPIN
Qui apporte plus d'importance à la parole d'une adolescente, qui n'est qu'une adolescente. Imaginez, posons la question aux auditeurs, ils imaginent qu'il y ait des caméras, des micros, qui viennent interroger leur fille de 14 ans, de 15 ans, comme ça, mais qu'est-ce qu'ils en penseraient ces parents-là ? Donc il y a aussi des méthodes, sur lesquelles chacun devrait pouvoir s'interroger. La parole d'une adolescente ce n'est pas la parole du chef de l'Etat, et la parole du chef de l'Etat elle doit être respectée
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Mais il n'y a pas que la presse, il y a la réflexion sur le pouvoir politique aussi.
MICHEL SAPIN
Et celle de l'adolescente elle peut éventuellement être écoutée.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Mais vous ne sentez pas monter une sorte de rejet de votre politique, de rejet de la fiscalité telle qu'elle est faite, instable et diverse ?
MICHEL SAPIN
Ce que l'on sent monter, ce qui ne monte pas, ce qui existe, ce qui est vrai, c'est une inquiétude, c'est une inquiétude sur la situation, c'est une inquiétude sur l'avenir, et c'est à cette inquiétude-là c'est le seul sujet important, c'est le seul sujet auquel on doit s'attaquer, c'est de donner de la perspective, donner de la cohérence, redonner de la confiance. La France a besoin de confiance, elle a même droit à la confiance, c'est ça qui lui permettra de s'en sortir.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Bravo Michel SAPIN, mais faites-le, faites tout ce que vous venez de dire.
MICHEL SAPIN
J'essaye de le faire.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 24 octobre 2013