Texte intégral
J'ai le plaisir de vous, de saluer en votre présence donc Madame la Directrice de l'administration pénitentiaire - vous allez mieux faire connaissance avec elle, sauf ceux qui la connaissent déjà et notamment, je pense à la Martinique -, en outre Madame la Directrice des affaires criminelles et des grâces, Madame Le Quéau, donc Madame Gorce pour la DAP, Madame la Directrice de la protection judiciaire de la jeunesse, Madame Catherine Sultan, Madame la Directrice générale de l'APIJ. Comment allez-vous ? Ravie de vous revoir. Et le reste, c'est Mesdames, Messieurs. Bon, c'est bien Mesdames, Messieurs aussi.
Alors je veux vous remercier particulièrement, Mesdames et Messieurs les parlementaires, d'avoir d'abord accepté de participer à ce groupe de travail. J'ai grand plaisir à l'installer aujourd'hui pour cette première séance de travail que vous aurez avec l'Administration et avec l'APIJ, donc notre agence immobilière. Nous avions envisagé d'installer ce groupe de travail au mois de juillet, vous vous en souvenez. Je sais la difficulté de rassembler les trois océans et les trois continents ici, à Paris, donc en juillet c'était peu propice. C'est presque fait aujourd'hui. On peut considérer que c'est fait, il manque juste trois de vos collègues qui vont vous rejoindre au fur et à mesure des tenues des séances de travail.
Je ne vais pas, ce n'est pas à vous que je vais dire à la fois mes élans, mon attachement et ma curiosité pour les grandes problématiques de société dans les Outre-Mer. Vous connaissez cette situation aussi bien que moi, dans vos propres territoires, mais je connais aussi l'ouverture parce que je vous connais pratiquement tous bien, très bien, quelques-uns que j'apprendrai à connaître un petit peu mieux. Je sais votre curiosité pour les problématiques de société en général, les questions de liberté, sur les, sur votre propre territoire, sur l'Hexagone, mais aussi de façon transoutremer puisque tous, vous avez eu l'occasion, pour des missions ou pour d'autres raisons, pour titre de responsabilités que vous assumez parfois dans vos territoires, de circuler dans les Outre-Mer, donc je sais que vous connaissez la situation de ces Outre-Mer donc. Vous savez qu'en matière pénitentiaire notamment, nous avons une situation plutôt difficile. En dehors des quelques établissements très récents qui ont été construits dans nos territoires, nous avons une situation plutôt difficile, parfois catastrophique même. Depuis ma prise de fonction, vous savez que j'ai pris l'initiative de deux missions indépendantes : l'une que j'ai envoyée en Nouvelle-Calédonie, conduite par Madame Imbert-Carretta, conseillère d'État ; et une autre que j'ai envoyée plus récemment à la Martinique, sur l'établissement de Ducos en particulier. Mais la mission ne s'est pas limitée à cela. Elle a été conduite par Madame Isabelle Gorce qui est actuellement directrice de l'administration pénitentiaire, mais qui alors était alors présidente d'un tribunal de grande instance.
Ces deux missions ont produit des rapports de très grande qualité. Ces rapports contiennent des éléments dont j'avais moi-même connaissance du fait des mandats parlementaires que j'ai assumés. J'avais connaissance de la situation d'un certain nombre d'établissements. Nous avons des rapports d'inspection, nous avons les rapports, les notes qui nous remontent de nos différentes directions. Donc en fait ces deux rapports ont conforté et mieux illustré, mieux argumenté des difficultés qui sont particulières à chaque territoire, mais un certain nombre de tendances lourdes qui sont transversales et qu'on retrouve dans les établissements pénitentiaires de tous nos territoires et dans la problématique pénitentiaire et d'insertion en général, à savoir notamment un taux de suroccupation qui est considérable, qui est considérable. Nous avons ici sur l'Hexagone, en moyenne, un taux de suroccupation dans les maisons d'arrêt qui est estimé à 115-113 % . En sachant que ce taux peut monter, qu'il peut monter même jusqu'à 190 %. On a vu dans certaines maisons d'arrêt, mais ça reste exceptionnel. Tandis que dans les Outre-Mer, le taux monte à 291 % par exemple. À Fa'a'? il est important, même pas à Fa'a'? il est de 291 % - c'est ce que j'ai dit ? Oui ? 291 %. À Ducos, il est de 233 % à peu près. À Majicavo, à Mayotte, il est de 186 % ; et à Bemao, en Guadeloupe, il doit être de 170 %, donc c'est très, très élevé.
Mais le pire, c'est que, y compris dans les établissements pour peine, le taux de suroccupation est élevé. Ici, il est en général, le taux d'occupation est très contenu dans les établissements pour peine, généralement nous sommes à 100 %, parfois à 95 %. Il est exceptionnel que nous ayons une suroccupation dans les établissements pour peine. Malheureusement, dans les Outre-Mer, c'est fréquent. Toujours en Polynésie, à Fa'a'? on a du 100, du 230 %, 230 il me semble, 231 ; à Majicavo aussi c'est élevé ; à Ducos également c'est élevé - 133 je crois à Ducos, ce doit être à 130 à Majicavo à Mayotte. Donc exceptionnellement, même dans les centres de détention où évidemment c'est un établissement pour peine, où donc la présence est plus longue, où normalement il y a un programme d'activité, où la réinsertion est une priorité, même dans ces établissements-là il y a une suroccupation dans les Outre-Mer. Donc c'est une exception qu'il faudra lever.
D'une façon générale, toujours dans ces problématiques transversales, nous avons un taux d'aménagement des peines qui est nettement inférieur à la moyenne nationale. Ce taux d'aménagement des peines atteint à peu près 10 % dans les Outre-Mer, alors que dans l'Hexagone, il est d'environ 20 % - ce qui déjà n'est pas extravagant. Il est donc de moitié à peu près dans les Outre-Mer.
La durée moyenne des peines d'incarcération est plus longue dans les Outre-Mer et nous avons toute une série de problématiques qui compliquent la réinsertion, telles que le faible taux d'activité à l'intérieur des établissements, telles que des sujets sur la santé et des difficultés de relation avec les services de, les services extérieurs. Il y a en plus un potentiel associatif, en termes de partenariats, qui est beaucoup plus faible dans les Outre-Mer. D'ailleurs hier j'ai reçu l'association Genepi qui est une association d'étudiants qui intervient dans nos établissements pénitentiaires, qui était à la Martinique récemment, qui est en train de monter donc des antennes de, dans les Outre-Mer. Nous allons les accompagner pour qu'à leur prochaine journée qui se tiendra en décembre, ce qu'ils appellent les journées prison qui est une journée en fait d'échange, de formation, de mobilisation des étudiants. C'est... nous allons faire, voir avec vous d'ailleurs, je vais vous solliciter très, très franchement de façon à ce que des étudiants des Outre-Mer qui sont intéressés à rejoindre l'organisation et à animer sur place des antennes du Genepi puissent participer à ces journées. C'est une association très recommandable. Elle date de 1976. On estime qu'environ 30 000 étudiants sont passés par le Genepi, donc c'est une association qui, de façon très stable depuis 1976, intervient dans les établissements pénitentiaires, donc participe à l'insertion et la réinsertion des détenus.
Donc nous avons ce problème de maillage associatif assez faible, d'une présence associative, d'une capacité partenariale des associations qui est assez faible dans les Outre-Mer. Et puis nous avons réalité géopolitique, nous avons à sans doute reprendre langue avec certains pays voisins sur la question de la problématique des Outre-Mer.
En matière de faible taux d'aménagement des peines d'ailleurs, une des raisons, c'est aussi le fait que dans nos établissements, il y a des détenus de nationalité étrangère et pour l'aménagement des peines, évidemment, il faut bien un certain nombre de conditions parce que l'aménagement des peines n'est pas une exonération de la peine, c'est une modalité d'exécution de la peine, et par conséquent cette modalité d'exécution, elle est prononcée par le juge d'application des peines sur la base d'un certain nombre de garanties, d'insertion sociale, de réseau social, d'activité professionnelle, donc cela contribue à un faible taux d'aménagement des peines dans nos territoires.
Évidemment, depuis que je suis en fonction, j'ai pris un certain nombre de décisions. Donc je parlais de ces deux missions indépendantes qui ont été conduites par Mesdames Imbert-Carretta et Gorce. J'ai pris des décisions en matière immobilière, bien sûr par la décision de construction dès le premier triennal d'un établissement à Papeari en Polynésie. On avait une situation locale un petit peu délicate, assez difficile mais enfin, nous avons réussi à la dissoudre, cette décision est prise. En cours, et notamment sur la base des rapports, j'ai pris d'autres décisions de rénovation et d'extension. Ce sont des décisions immobilières assez lourdes aussi. Cela concerne Ducos, cela concerne Majicavo à Mayotte et cela concerne bien entendu Nouméa où l'on a quand même un beau programme de rénovation qui va d'ici à la mi 2014 - il me semble - la livraison des travaux ? euh à la mi 2014 aura permis de revoir pratiquement 85 % de l'établissement actuel. Et de le rénover.
Voilà, donc j'ai pris cette décision-là, mais évidemment, et c'est l'intérêt et franchement c'est ce que j'attends de vous, connaissant la qualité de votre travail, connaissant votre niveau d'exigence, connaissant ce que vous avez déjà produit, et puis surtout votre implication sur vos territoires, je souhaite que nous arrivions à installer, instaurer des solutions pérennes. Ces solutions pérennes, évidemment, elles ont un objectif : viser la réinsertion. Parce que ce qui est important - vous savez à quel point nous sommes engagés sur la lutte contre la récidive -, ce qui est important, c'est qu'une personne qui a affaire à la justice aujourd'hui puisse ne plus avoir à faire à la justice, en tout cas pas avec la justice pénale et pas en tant que mis en cause, pas en tant qu'auteur. C'est un engagement extrêmement fort que le gouvernement se donne les moyens d'atteindre. Vous savez que nous faisons déjà beaucoup d'interministériel, parce que si je vous sollicite autant au titre de votre, de vos engagements parlementaires, mais aussi au titre de vos responsabilités locales, c'est parce que c'est une action à plusieurs directions qui nous permettra de réduire le taux de récidive et donc de réduire le nombre de victimes dans nos sociétés. Je travaille sur l'interministériel depuis un an. Nous avons eu de beaux résultats. Ma démarche au départ, c'était bien entendu d'abord de prendre en considération le fait que la réponse est toujours multiple lorsqu'il s'agit de remettre quelqu'un sur les rails, mais aussi parce qu'il y a des contraintes budgétaires et qu'il est évident que je n'aurais pas été en mesure de, avec mon propre budget, de répondre à tous les besoins. J'ai donc compris assez rapidement que j'aurai une capacité démultipliée d'intervention si je pouvais associer des collègues, et donc les budgets des collègues - ce qui a été fait, et nous avons eu de beaux résultats, notamment dans le plan de lutte contre l'exclusion qu'a présenté le Premier ministre. Nous avons pu faire prendre en compte nos publiques justice sur l'emploi, sur le logement et la santé. J'ai des partenariats, nous avons des partenariats avec le ministère du Travail, donc avec une expérimentation sur l'insertion par l'économique ; nous en avons avec le ministère de la Santé, notamment sur la question de l'addictologie, mais également sur la question des conditions de suspension de peine, notamment en maladie parce qu'il y a des personnes qui sont en phase terminale et qui sont encore dans nos établissements pénitentiaires. Donc nous avons tous ces partenariats, nous avons une expérimentation qui va commencer sur une dizaine de départements, donc il faudra qu'on voie d'ailleurs comment on peut le faire dans les Outre-Mer, sur un revenu garanti pour les 18-25 ans ; et nous avons aussi des partenariats avec des régions qui permettent de prendre en compte un certain nombre de publics de, sur par exemple le financement de bourses pour faire des études, accompagnement. Nous avons avec une région, avec deux régions, et nous avons pu étendre la disposition dans la loi de Madame Lebranchu, une expérimentation qui a bien fonctionné en Poitou-Charentes, non en Aquitaine et en Pays de Loire, et que nous généralisons. Et puis nous avons aussi... Bon j'avais un autre partenariat en tête, mais en tout cas voilà, nous avons toute une série de partenariats sur la formation professionnelle, et puis bien entendu l'entrée des services sociaux, des services de droit commun dans nos établissements.
Donc évidemment, vous comprenez bien qu'à cette aune-là, les collectivités ont un rôle essentiel à jouer parce qu'elles disposent de leviers, d'abord en connaissance du terrain. Ensuite elles ont toute une série de compétences qui concernent la population et qui peuvent s'appliquer également sur ces publics sous main de justice. Moi, ce à quoi je vous engage, c'est ça : d'abord disposer des éléments qui vous permettront de bien savoir quelle est la situation dans votre territoire. C'est l'importance de la présence de toute l'Administration à vos côtés. Nous mettons à votre disposition tous les éléments d'information, vous aurez les chiffres de première main, vous serez consultés également pour savoir ce qu'il convient de faire, quel type de réponse on apporte aux différentes situations, les réponses immédiates, les réponses à plus long terme. Puis je compte bien, vous connaissant, donc je suis vraiment tranquille dans ma tête sur ça, je compte bien sur votre dynamisme pour que la question pénitentiaire dans les territoires que vous représentez soit bien traitée dans la logique globale de la Justice en tant que service public, mais surtout que la question pénitentiaire et les questions de justice soient traitées comme des questions de société, comme des questions liées aux droits et aux libertés, comme des questions liées aussi très directement à la vitalité de nos sociétés, de nos sociétés où la jeunesse occupe une part extrêmement importante puisque son poids relatif varie de 40 à 55 % dans nos sociétés. Nous avons donc des réponses importantes à appeler parce que si la réinsertion a un sens du point de vue humain, du point de vue philosophique, du point de vue éthique, elle a ce sens-là en général dans les territoires où la jeunesse est aussi importante. La réinsertion a en plus, contient en elle-même une impérieuse exigence d'efficacité et d'urgence.
Donc pour toutes ces raisons, je vous remercie profondément pour la mobilisation que vous acceptez, pour le travail que représentera votre participation à ce groupe de travail. En plus de l'Administration qui vous assistera, cette maison vous est ouverte en permanence, donc vous n'hésitez pas à appeler. Nous vous donnerons les lignes directes du secrétariat particulier, mais surtout des contacts très directs du conseiller pénitentiaire que vous pourrez épuiser. Et il est déjà très, très occupé donc, mais il sait que ce ne sera pas une plaisanterie s'il y a un jour de retard sur un sujet qui concerne le groupe parlementaire Outre-Mer. Et vous connaissez la conseillère parlementaire, une des conseillères parlementaires, puisqu'il y a également Martine Timsit que vous connaissez et Sandra Reviriego, les conseillères parlementaires qui sont totalement à votre disposition, que vous voyez très, très largement dans les couloirs de l'Assemblée nationale et du Sénat.
Voilà, je vous propose que la séquence suivante soit constituée d'un tour de table qui permet à chacune, chacun de se présenter, donc à chacune, chacun de savoir qui est là et qui est qui. Ensuite que Madame Hazé, qui est la Directrice Adjointe de la Mission outre-mer, vous présente les modalités de fonctionnement de ce groupe de travail.
Je vous remercie à nouveau très, très chaleureusement. Je vous rappelle vraiment très fortement que cette maison vous est grande ouverte. Donc lorsque vous êtes à Paris pour votre travail parlementaire, vous n'hésitez pas. Je sais que vous êtes sur d'autres problèmes, que vous allez dans d'autres ministères, mais vous n'hésitez pas en cas de besoin. Les choses vous seront facilitées parce que nous savons que justement, vous faites des séjours limités. Les choses vous seront facilitées si vous avez besoin d'un entretien, d'un rendez-vous, que ce soit avec moi, vous l'aurez facilement, même si c'est par téléphone, parfois c'est plus simple, ou que ce soit avec la directrice de cabinet ou que ce soit avec le conseiller pénitentiaire, mais vous avez des problématiques que le conseiller protection judiciaire de la jeunesse. Voilà, tous les sujets Justice vous seront, en tout cas leur accès vous sera facilité.
J'oubliais de signaler mais vous le savez, pour ceux qui sont concernés, que parmi les actions immédiates que j'ai lancées, j'ai parlé de l'immobilier en fait essentiellement mais j'ai pris un certain nombre de décisions, notamment j'ai diffusé des circulaires de politique pénale territoriale parce qu'on a quand même aussi des typologies de délinquance et de criminalité qui sont un peu liées à nos territoires. En Guyane, par exemple, il y a une circulaire pénale territoriale pour la Guyane : c'est fortement lié à l'or paillage clandestin et à la pêche illégale. Pour la Nouvelle-Calédonie aussi, j'ai diffusé une circulaire pénale et une est à, deux sont à l'étude : une pour la Martinique, une pour la Guadeloupe parce que là aussi, les types de délinquance et de criminalité sont différents.
Et puis pour renforcer le, les juridictions elles-mêmes, j'ai créé des postes de juge d'application des peines parce que lorsque je vous disais que le taux d'aménagement des peines est plus faible, j'ai constaté aussi que les effectifs aussi étaient plus faibles. Donc voilà, j'ai créé des postes de juge d'application des peines en Nouvelle-Calédonie et à la Martinique pour l'instant. Voilà.
Source http://www.justice.gouv.fr, le 23 septembre 2013