Déclaration de M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre, sur les grandes lignes d’un plan intitulé "Une nouvelle donne pour l’innovation", à Saint-Etienne le 4 novembre 2013.

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Circonstance : Déplacement du Premier ministre à Saint-Etienne (Loire) le 4 novembre 2013

Texte intégral

Mesdames les ministres,
Messieurs les ministres,
Mesdames et messieurs les parlementaires,
Monsieur le sénateur maire,
Madame la préfète,
Mesdames et Messieurs les maires et élus, conseillers généraux, régionaux,
Mesdames et Messieurs les grands témoins,
Mesdames et Messieurs ici présents ce matin,
C'est à une ville et à sa région que je voudrais d'abord commencer par rendre hommage. Je voudrais saluer les salariés que j'ai croisés tout à l'heure de l'entreprise Focal. Bien sûr les élus qui m'ont accueilli, les saluer pour le travail qu'ils font chaque jour, saluer les entrepreneurs, les financeurs avec qui nous avons échangé au cours de cette visite. Je voudrais surtout saluer une dynamique que vous avez su insuffler ici à Saint-Etienne parce que ce qui se passe ici depuis plusieurs années qui est en train de se développer, de s'amplifier montre qu'en matière économique, il n'y a pas de fatalité au déclin. Je vous en félicite parce que Saint-Etienne est un symbole, il y en a d'autres aussi.
Comme nous sommes ici, je pourrais rappeler l'histoire qui est la vôtre. C'est l'histoire aussi de notre pays tout entier ; c'est l'histoire industrielle de la France qui est illustrée ici. Saint-Etienne, Monsieur le sénateur maire, c'est une grande ville qui, j'espère, aura bientôt le statut de métropole, elle le mérite avec son agglomération. Vous êtes au cœur de toutes ces politiques. Saint-Etienne est une ville qui a été placée à la pointe de la Révolution industrielle avec les mines, avec les chemins de fer, avec Manufrance. Elle a connu tous les hauts et tous les bas de cette aventure. Elle a souffert aussi. Elle a éprouvé le choc de la désindustrialisation, l'angoisse du déclin économique, les souffrances sociales. Mais, Saint-Etienne s'est relevé avec la même énergie que dans le passé, Saint-Etienne est reparti et aujourd'hui nous venons de le voir, à travers des fleurons de notre industrie de pointe ; c'est ici que s'implantent de nouvelles entreprises qui recrutent, innovent, qui investissent. C'est avec la même mobilisation, avec la même détermination que Saint-Etienne a retrouvé le chemin de la réussite sans jamais pour autant se départir de son histoire, de sa culture, de ses valeurs. Je n'oublie pas en tant qu'ancien maire de Nantes, ville qui a réintroduit le tramway moderne, ensuite Grenoble puis Strasbourg et maintenant que l'on voit dans beaucoup de villes, Saint-Etienne a été l'une des premières villes à s'être dotée d'un tramway. Surtout elle a eu l'idée, le courage même, l'audace de ne jamais l'abandonner. Alors, c'était critiqué par certains qui disaient « mais vous n'avez rien compris, le tramway, c'est fini, maintenant, l'avenir c'est la voiture, les autoroutes urbaines », finalement, vous avez gardé en quelque sorte une identité, un choix et vous l'avez ensuite bien sûr rénové. C'est un symbole de ténacité dont nous devons avoir besoin à tous niveaux, j'y reviendrai, parce que cette France, cette France qui est la nôtre, cette France résolue, cette France dynamique, cette France qui invente, qui innove, cette France qui bouge, je voudrais la saluer ; la saluer pour son courage, par son esprit d'initiative, par son refus d'un discours « décliniste » et dépressif que l'on entend trop souvent. Vous êtes la démonstration que l'on peut réussir. En tout cas, c'est la volonté de mon gouvernement de tout faire pour que la France se remette vraiment et durablement en marche. Et cela, on ne pourra pas le faire seul, à l'échelle du seul gouvernement. On ne peut le faire qu'avec tous ceux qui sur les territoires travaillent, inventent et ont la même ambition, ces Français qui veulent une France qui marche, j'en rencontre chaque semaine dans mes déplacements comme tous les ministres qui m'accompagnent, j'en rencontre bien sûr à Paris, encore la semaine dernière, avec les représentants des Assises de l'Entrepreneuriat et les chefs de file.
Nous avons fait un premier bilan avec Fleur Pellerin et puis, nous avons annoncé une nouvelle étape pour les Assises de l'Entrepreneuriat l'année prochaine sur le thème « les jeunes et l'entreprise. »
C'est ici à Saint-Etienne que j'ai voulu adresser un message, adresser un message à l'occasion de « l'anniversaire », on peut dire cela comme ça, du Pacte national pour la croissance, la compétitivité et l'emploi. J'ai voulu le faire ici en Rhône-Alpes à travers cette région et j'aurais pu le faire dans d'autres régions. Ce message s'adresse à toutes les régions de France. On parle beaucoup de telle ou telle région, notamment on parle de la Bretagne ces jours-ci ; cette semaine, je serai à Marseille et puis d'autres régions connaissent des difficultés mais d'autres régions se battent aussi. Le président de la République est venu déjà chez vous ici le 8 octobre, s'est rendu en Lorraine il n'y a pas longtemps et moi-même, j'y suis allé aussi pour montrer qu'il y a un avenir partout à condition que des volontés se rencontrent, celle du gouvernement, celle de l'Etat mais aussi des territoires, les volontés des élus, des responsables des collectivités territoriales mais aussi les acteurs économiques et sociaux. Et dans cette région de Lorraine que j'évoquais il y a un instant, nous avons signé un pacte d'avenir qui permet en mobilisant justement tous les secteurs de l'innovation de montrer que cette région, même si elle a souffert et souffre encore, a un avenir. C'est vrai donc de toute la France ; il y a des spécificités, il y a des réalités, il y a des difficultés par ailleurs mais nous devons regarder les choses telles qu'elles sont avec la volonté de régler les problèmes et surtout de nous projeter tous ensemble vers l'avenir.
Justement, je voudrais faire un bref retour en arrière, c'était le 5 novembre 2012. Louis Gallois que tout le monde connaissait bien, m'a remis un rapport – il est aujourd'hui Commissaire général à l'Investissement auprès de moi à Matignon – que je lui avais commandé sur l'état de notre économie. Ce rapport qu'il m'a remis le 5 novembre est un rapport sans concession. Il soulignait une perte importante de compétitivité depuis dix ans et caractérisait la situation comme celle d'un véritable décrochage et il précisait, et je cite son rapport, que cette perte de compétitivité est pour une large part à l'origine des déséquilibres des finances publiques comme du chômage. Elle limite notre marge de manœuvre en Europe et dans le monde ; elle menace notre niveau de vie et notre protection sociale ; elle réduit la capacité de croissance de notre économie, je cite encore Louis Gallois, et le diagnostic était résumé dans le titre lui-même du rapport « la cote d'alerte est atteinte ». Mesdames et Messieurs, ce rapport comme beaucoup de rapports, certains avaient pensé qu'on allait le mettre de côté dans un placard, certains avaient dit d'ailleurs « on a l'habitude de faire des rapports et ça ne débouchera sur rien ». J'ai avec tout le gouvernement - bien sûr le travail avait été préparé avec tous les ministres en particulier ceux qui sont ici - le 6 novembre 2012 présenté les 35 mesures du pacte national pour la croissance, pour la compétitivité et l'emploi en cohérence avec la politique du gouvernement sur trois thèmes : celui de la souveraineté nationale, indépendance de notre pays ; sur le thème de la compétitivité ; sur le thème de l'emploi.
La souveraineté – j'y reviens un instant – c'est-à-dire l'assainissement sans précédent de nos comptes publics ; l'emploi par des politiques volontaristes et par la réforme du marché du travail ; et puis enfin, la compétitivité grâce à ce pacte lancé le 6 novembre. C'est-à-dire permettre le redressement de notre pays, son économie, ses finances publiques, sa capacité à innover mais aussi en permettant à notre économie, en particulier à notre industrie, de monter en gamme. C'est ce que l'on voit ici à la Cité du Design, la montée en gamme. Madame vous avez très bien dit tout à l'heure que le monde globalisé dans lequel nous vivons, ce n'est pas un monde dans lequel il faut inventer des choses nouvelles, ça s'est toujours produit dans toute l'histoire de l'humanité. Simplement, cette histoire maintenant se déroule à l'échelle mondiale, globale. Cette compétition est plus vive, vous l'avez dit aussi mais surtout, elle s'accélère. Elle est accélérée non seulement parce qu'elle est globale mais parce qu'il y a en permanence de nouvelles révolutions technologiques qui impactent, qui nous bousculent tous, qui si on n'y prend pas garde, peuvent décourager et faire peur. Effectivement, la tentation dans ces cas-là, c'est de se replier, de se replier sur son territoire, sur son pays, derrière cette frontière parfois imaginaire des lignes Maginot que l'on contourne si facilement, l'Histoire nous l'a montré. C'est difficile ce que nous avons à faire parce que, effectivement, ces craintes peuvent démobiliser, décourager mais c'est justement maintenant qu'il faut se battre.
Je le disais, il y a un effort sur l'état de nos finances publiques et je disais pourquoi. Parce qu'il s'agit de donner à notre pays sa totale indépendance. Nous avons réalisé près de quatre points de PIB de redressement structurel sur les trois années 2012 / 2014. Donc c'est grâce à un effort que nous avons retrouvé une marge financière ; si nous ne l'avions pas fait, nous serions aujourd'hui à 6% de déficit. Cet effort était indispensable. Cet effort, ce sont les Français qui l'ont fait et je reconnais que parfois, il est difficile à admettre mais cet effort est payant et cet effort, il est fait pour redonner à notre pays son indépendance, sa souveraineté parce que si ça n'est pas le cas, alors, nous dépendrons des marchés financiers et nous rentrerons dans une spirale sans fin dont nous ne pourrons pas sortir, qui mettrait à bas notre modèle social lui-même qui mettrait en péril notre indépendance. C'est pour cela qu'il fallait effectivement faire un effort tout de suite. Bien entendu, il doit être poursuivi dans la durée. Il ne se fera pas en demandant plus d'impôts aux Français ; cet effort se fera en poursuivant comme nous le faisons pour le budget 2014, avec Pierre Moscovici, avec un effort d'économie considérable sans précédent, que nous poursuivrons les années à venir pour retrouver des marges de manœuvre. Je le répète encore, pour investir, pour innover, pour former et pour financer nos priorités.
Tout cela avec un objectif, de retrouver la croissance, de retrouver l'emploi. Le chef de l'Etat a fixé un objectif d'une ambition très grande, certains doutent qu'elle soit atteignable – moi, j'y crois –, c'est d'inverser la courbe du chômage d'ici la fin de l'année. La tendance est là, il suffit de regarder les chiffres. Pour les jeunes, cette inversion de la courbe est effective depuis quatre mois consécutifs. Si je regarde la France, il y a des situations de péril, des situations de difficulté particulière où là il y a encore des annonces de plans sociaux, de pertes d'emplois. Mais il y a plusieurs régions, c'est le cas de la région Rhône-Alpes où l'inversion de la courbe du chômage est déjà atteinte. Donc c'est possible. C'est possible si nous nous mobilisons à fond, à la fois par la politique volontariste de soutien à l'emploi en particulier pour les jeunes, et si nous retrouvons des marges de croissance et de compétitivité de nos entreprises.
C'est le troisième choix que nous avons fait et que je voudrais souligner encore davantage : la compétitivité de nos entreprises au service de la croissance et de l'emploi, c'est un impératif. Lorsque j'ai présenté le pacte à la suite du rapport Gallois, ce sont 35 mesures qui toutes permettent de changer la donne pour nos entreprises.
La mesure phare de ce pacte, c'est le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi, le CICE. Il produit déjà ses effets mais surtout il va monter en régime en 2014. Dès janvier 2014, ce sera 6% de la masse salariale jusqu'à 2,5 fois le SMIC, qui sera automatiquement remboursé sur l'impôt sur les sociétés de chaque entreprise et de chaque année. C'est un allègement du coût du travail sans précédent de 20 milliards d'euros chaque année, je tiens à le dire et à le souligner parce ce n'est pas assez compris. On nous dit « mais vous demandez de l'argent aux Français » mais là, on ne demande pas d'argent aux Français, on va rendre de l'argent aux Français et on va rendre de l'argent aux entreprises. On me dit « mais 20 milliards, quel cadeau ! Pourquoi vous faites des cadeaux au patronat ? » Je ne fais pas de cadeau au patronat, il ne s'agit pas d'aider le patronat ; il s'agit d'aider les entreprises pour leur redonner à elles aussi des marges de manœuvre pour qu'elles aient un peu plus de capacités pour investir, pour innover, pour recruter. Et je vais prendre un exemple concret. Une entreprise employant un salarié au SMIC bénéficiera d'un crédit d'impôt de plus de 1 000 euros chaque année.
Pour une PME employant 250 personnes à un salaire de deux SMIC par exemple, ce sont 500 000 euros qui seront disponibles chaque année, pas pour mettre dans les poches ou dans les bénéfices patronaux comme certains me le reprochent mais pour vous donner, Mesdames et Messieurs les chefs d'entreprise, des capacités de faire ce que vous nous avez montré là à l'instant, c'est indispensable ! C'est donc un choix politique que le gouvernement a fait. Est-ce qu'on en mesure aujourd'hui déjà les résultats ? A l'évidence, non. Ça vient juste de se mettre en place et ça sera effectif pleinement en 2014. Je crois que les chefs d'entreprise qui ont compris cela savent déjà s'en servir. Certains ont même demandé à bénéficier d'une avance de trésorerie, en faisant appel à la Banque publique d'Investissement qui, elle, Monsieur le directeur général Dufourcq le sait bien, est toute récente. Elle a tout juste un an et elle travaille maintenant dans tous les territoires, dans toutes les régions et nous l'avons vu tout à l'heure avec les jeunes entreprises innovantes, les start-up. Vous avez pu financer pour près d'un milliard d'euros pour les entreprises qui en avaient besoin. C'est très important, c'est peut-être des dizaines de milliers d'emplois que vous avez pu préserver. Je crois que dans ce pacte que j'ai proposé à la suite du rapport Gallois, il y a beaucoup d'autres mesures, je ne vais pas toutes les décliner, ce serait fastidieux, il y a des mesures qui concernent la vie quotidienne des entreprises en particulier en matière de simplification. On me dit partout « il faut simplifier », eh bien oui, ce chantier est lancé ; 130 mesures ont été adoptées en juillet dernier par le gouvernement de simplification des entreprises. Les textes, parce qu'il faut faire passer des textes au Parlement, vont être présentés pour être adoptés d'ici la fin de l'année par une procédure accélérée d'ordonnances. Cela vaudra aussi pour la réforme concernant les procédures collectives de la justice commerciale où il y a effectivement un certain nombre de handicaps que nous voulons simplifier et puis il y a tout le volet de la formation.
La formation professionnelle, j'ai vu à l'entreprise Focal tout à l'heure des jeunes en alternance, des jeunes au bac et au-delà du bac, jusqu'au niveau du doctorat. Il faut privilégier l'alternance et dans le Pacte, il est prévu de développer massivement l'apprentissage. Tout ça va monter progressivement. C'est indispensable mais la question de la formation professionnelle au-delà de la formation initiale, de la refondation de l'école – chantier que nous avons lancé –, cette formation professionnelle, c'est un impératif. Les partenaires sociaux sont actuellement en train de négocier une réforme de la formation professionnelle pour qu'elle soit plus efficace, pour les demandeurs d'emploi, pour les jeunes avec peu de qualifications dont les entreprises ont besoin, pour les salariés et pour la formation continue. Il y a beaucoup d'argent dans la formation professionnelle ; alors il y a des situations acquises. Certains voudraient que ça reste comme c'est. Je veux que l'on change les choses et il faut bousculer parfois. Il y a de la résistance, il y a des conservatismes, je les vois tous les jours. Mais Mesdames et Messieurs, je le dis aux partenaires sociaux, dépêchez-vous de conclure un accord sur la formation professionnelle pour qu'ensuite le Parlement puisse prendre le relais, afin qu'une grande loi de la formation professionnelle donne, aux régions, aussi à tous ceux dans les territoires et en particulier en liaison avec les pôles de compétitivité, la possibilité d'avoir des programmes de formation adaptés permettant de répondre aux besoins des activités économiques, de préparer l'avenir, de redonner confiance.
Il faut faire en sorte que l'on règle ces problèmes où des offres d'emploi sont faites et qui ne sont pas satisfaites. Donc on peut changer les choses. J'étais l'autre jour à Marseille où je retourne. Je passe devant Eurocopter, je demande au préfet si on embauche à Eurocopter. On me répond « oui, on embauche mais on ne trouve pas de jeunes pour venir pour cette entreprise », alors quand on connait le taux de chômage de la jeunesse à Marseille, j'ai posé la question « où sont les programmes de formation ? », on m'a répondu « ils ne sont pas adaptés. » Mesdames et Messieurs, moi, je dis : d'accord, le gouvernement prendra toutes ses responsabilités, il dégage les moyens financiers, il engage les processus, met les acteurs en mouvement, mais chacun doit prendre sa part. Le gouvernement prend la sienne, l'Etat prend ses responsabilités, apporte les concours financiers, mais s'agissant là précisément de la formation professionnelle, je demande à tous les acteurs de se mettre d'accord vite ; c'est à la fois leur intérêt, l'intérêt des entreprises, l'intérêt de la jeunesse et l'intérêt de la France. Voilà ce que, je crois, il faut faire. Je ne veux pas être plus long sur le pacte mais je voudrais vous dire qu'à la fois nous menons une politique volontariste au niveau de l'emploi, sur l'emploi – les emplois aidés, les emplois d'avenir, pour les jeunes –, et nous aidons les entreprises, je viens de le dire.
Mais vous allez me dire « oui, mais est-ce que ça va marcher ? Est-ce que ça sert vraiment ? Est-ce que tous ces efforts auxquels nous contribuons les uns et les autres ne se font pas en vain ? » Moi, je vous dis : regardons les choses en face et pour regarder les choses en face, il faut les regarder sur le terrain, quand on vient ici à Saint-Etienne, on voit qu'il y a des choses qui bougent, des choses qui marchent, il y a des gens qui ont confiance. Ceux que j'ai rencontrés n'ont pas commencé par se plaindre, ils m'ont dit ce qu'ils faisaient, ils m'ont dit ce qu'ils aimaient faire, les risques qu'ils voulaient prendre et qui demandaient simplement un soutien pour pouvoir réussir cette aventure de la création d'entreprise ou du développement d'une entreprise. Moi, je voudrais aussi vous donner un certain nombre d'indicateurs. Ils ne viennent pas du gouvernement parce que ça pourrait être suspect, ce sont les indicateurs qui viennent de l'INSEE, un institut indépendant. L'INSEE dit très précisément - toutes les enquêtes qui sont en cours montrent que d'ici la fin de l'année - que nous aurons retrouvé un taux positif de croissance en France et c'est vrai aussi dans beaucoup de pays d'Europe. Il dit également que l'année prochaine, l'année 2014 s'annonce de façon positive. Est-ce que la croissance sera suffisante ? Evidemment, elle ne le sera pas encore. On revient de loin, on revient d'une crise qui est celle des années 2008, 2009. Mais en 2013, la France aura retrouvé son niveau d'avant la crise de 2008, 2009, ce qui n'est pas le cas pour encore plusieurs pays d'Europe et en particulier de l'Europe du Sud. Ce n'est pas non plus le cas pour la Grande-Bretagne alors qu'on dit que la croissance est en train de repartir mais la réalité, c'est que la Grande-Bretagne a subi un choc encore plus fort que la France.
La France a des atouts ; la France est en train de se redresser, la France va réussir. Ce n'est pas le moment de perdre, je dirais, son sang-froid ou de perdre le fil et de perdre le cap. Il faut garder cette tension qui doit nous mobiliser en permanence pour que toute notre énergie soit mise au service de la croissance, de la reprise, surtout de la reprise durable. Les choses sont en train de bouger, je ne prétends pas que le gouvernement peut le faire seul, je l'ai dit, mais nous devons aussi le faire avec nos partenaires européens. C'est vrai qu'il y a un an, nous ne savions même pas si l'euro allait survivre ; les dirigeants européens ont suffisamment de lucidité pour mettre tous leurs atouts pour sauver l'euro. Maintenant, la question qui est posée, et Pierre Moscovici qui représente le gouvernement dans les négociations européennes, le sait fort bien, la question qui est posée, c'est aussi de discuter avec nos partenaires pour aller plus loin pour que les conditions d'une reprise, d'une croissance plus forte soient réunies. Le gouvernement allemand est en train de se constituer après les élections – il sera en place peut-être dans un mois, un mois et demi. Le président de la République a mis sur la table un certain nombre de propositions pour l'avenir de l'Europe. Nous ne voulons pas démoraliser, décourager les meilleures volontés qui croient à l'Europe. Je suis un Européen convaincu et je souffre de voir que l'Europe ne se met pas assez autour de la table pour se dire « mais qu'est-ce qui ne va pas ? Qu'est-ce qui fait que trop d'Européens finissent par douter de l'Europe ? ». Il faut mettre de l'ordre. On a déjà commencé à le faire avec la consolidation de l'euro mais il faut aller plus loin pour l'investissement, pour l'innovation, la communauté européenne de l'énergie en fait partie, il y a eu récemment un conseil sur le numérique, avoir une vraie politique industrielle, arrêter ce dumping social - où on paye dans certains pays, c'est le cas y compris en Allemagne, des salariés à 4 euros - qui est là, qui est une vraie distorsion de concurrence entre nos pays. La concurrence, ce n'est pas simplement le libre marché mais c'est aussi des normes sociales qui évitent que l'on soit toujours dans la spirale du déclin social. Donc je crois qu'il faut avec nos partenaires leur dire « mettons-nous d'accord, mettons-nous d'accord pour une ambition partagée qui passe effectivement par des choix courageux ». Une fois le gouvernement allemand constitué, cette discussion, nous devons l'avoir avec lui et avec les autres Européens. Je crois que cette question-là est essentielle pour l'avenir de la croissance.
Alors, je vous dis cela, non pas pour vous dire que « tout va très bien, Madame la marquise », que tout est résolu. Je voulais simplement vous dire dans quel sens nous avançons et je ne sous-estime pas les souffrances, y compris localement. Arnaud Montebourg ira tout à l'heure rencontrer les salariés de Forgital à Firminy. Je connais les difficultés, il n'y a pas qu'ici. Le gouvernement a le devoir avec les responsables des territoires, les élus, le monde de l'entreprise, les responsables économiques d'aider là où il y a des besoins en urgence mais pas seulement de colmater les brèches, de réduire la souffrance, de permettre les requalifications. Lorsque cet accord a été signé pour la première fois entre une majorité de représentants du patronat et du salariat, l'accord sur la sécurisation de l'emploi qu'on a appelé l'accord sur le marché du travail, c'est la première fois que ça s'est produit. Ce texte, il a été traduit dans la loi. Cela veut dire qu'à chaque fois qu'il y a des difficultés quelque part, il faut se mettre autour de la table, négocier un accord, négocier un accord qui permet de préserver l'activité tout en préservant aussi l'intérêt des salariés, tout en permettant aussi la mutation et la réorganisation pour sauver l'entreprise et lui donner un avenir plutôt que de rester arc-bouté sur des positions figées. C'est ça ce qui est en train d'être entrepris aujourd'hui en France. C'est vrai que c'est difficile, ça peut provoquer de l'impatience, mais en tout cas, je suis convaincu que ça va réussir.
Nous avons aussi dans le cadre de ce pacte arrêté avec Arnaud Montebourg 34 plans qui vont dessiner la nouvelle France industrielle de demain dans des domaines clés comme les énergies renouvelables, la santé, les transports, les modes de production. Il s'agit de préparer nos entreprises aux défis de 2020, de les mobiliser autour de projets opérationnels précis avec les pôles de compétitivité. Prenons quelques exemples. Les véhicules à pilotage automatique, la voiture consommant moins de deux litres à essence au 100 kilomètres, l'hôpital numérique, les textiles intelligents, on en a vu encore un exemple ce matin, capables de capter l'énergie solaire ou possédant des vertus curatives, la robotique ou encore les objets connectés qui échangeront entre eux des données par Internet et deviendront intelligents grâce à des capteurs et des logiciels embarqués, communiquant les uns avec les autres. C'est tout cela que nous sommes en train de préparer avec les filières, avec un chef de file par filière qui est un industriel. Plus récemment, la commission présidée par Anne Lauvergeon a identifié sept domaines dans lesquels la France a des atouts particuliers pour générer des innovations majeures. Il s'agit du stockage de l'énergie, du recyclage des matières premières, de la valorisation des richesses marines, de la chimie verte, de la médecine individualisée et de ce qu'on appelle aussi le Big Data, c'est-à-dire le traitement et l'exploitation de l'immense masse de données électroniques désormais disponibles. On estime à 8% du PIB européen la création de valeurs liée au Big Data à l'horizon 2020.
Enfin, le septième domaine concerne l'essor prévisible et souhaitable de nouveaux produits ou de nouveaux services au bénéfice des populations âgées en lien avec le vieillissement de la population qui est un grand défi pour notre société, en particulier la nôtre. C'est ce qu'on appelle la « silver économie », nous avons eu un exemple tout à l'heure de start-up, de projet, il s'adresse aux malvoyants mais qui pourrait s'adresser aux personnes à mobilité réduite. Le gouvernement va lancer début décembre un concours pour toutes ces innovations de 300 millions d'euros pour stimuler et accompagner financièrement les meilleurs projets. L'innovation, c'est bien plus que des actions ciblées. Ça a été dit par beaucoup. C'est un état d'esprit, c'est un écosystème, c'est une culture.
Je tiens à ce titre également à saluer le travail accompli par Geneviève Fioraso, ministre de l'Enseignement supérieur, de la Recherche et Fleur Pellerin qui est ministre déléguée à l'Innovation – c'est la première fois qu'il y a un ministère chargé de l'innovation – et qui, demain, présenteront dans le détail dans une conférence de presse le plan « nouvelle donne pour l'innovation. » C'était un des piliers du pacte. Pourquoi je vous ai parlé du pacte ? Parce que le pacte, monter en gamme, ça veut aussi dire de l'innovation. C'est ce qui est en train de se faire et je suis heureux d'être avec elles aujourd'hui pour présenter les quatre idées essentielles de ce plan.
La première idée, c'est que l'innovation prend de multiples formes, qu'il faut stimuler l'innovation dans toute sa diversité, promouvoir l'innovation par tous parce que l'innovation, ce n'est pas uniquement l'apparition d'une nouvelle technologie ou d'un nouveau produit. L'innovation, c'est plus largement la création ; c'est l'invention ; ça peut être un nouveau service comme la mise en ligne sur Internet de prestations qui n'existaient jusqu'alors qu'au niveau physique. Ça peut être une nouvelle manière de communiquer, une nouvelle manière de produire, une nouvelle organisation au sein d'une entreprise. L'innovation, ce peut être le design comme en témoigne cette Cité qui nous accueille, l'innovation, vous le savez donc, elle est très diverse et ce sont toutes les sortes d'innovation que nous avons le devoir de stimuler et non pas de se focaliser sur un seul type d'innovation. Vous l'avez dit, les uns et les autres : l'objectif du plan que nous présentons, c'est de changer aussi l'état d'esprit de l'ensemble de la société par rapport à l'innovation ; c'est stimuler l'intérêt et l'appétit de tous pour l'innovation ; c'est promouvoir l'innovation par tous, sous toutes ses formes et en encourageant aussi le goût pour l'innovation et la prise de risque. Alors, ça passe par l'école, par le renforcement des échanges entre le monde de l'enseignement et celui de l'économie. J'ai installé avec Vincent Peillon il y a maintenant une quinzaine de jours le Conseil National de l'Economie et de l'Education qui est présidé par Jean-Cyril Spinetta ; je crois que nous allons faire du bon travail. Nous devons aussi prendre des mesures pour l'encouragement à l'entrepreneuriat étudiant, pour l'essaimage, et puis, les grands groupes, pour un meilleur équilibre entre grands groupes et PME, pour les développements des entreprises de taille intermédiaire, ça a été dit tout à l'heure, tout ça est dans le pacte présenté il y a maintenant un an. C'est donc à tous les niveaux que nous devons poursuivre notre action car c'est dans la société dans son ensemble qu'il faut diffuser cette nouvelle culture.
La deuxième idée que je voudrais exprimer, c'est l'idée d'innovation ouverte. C'est quoi l'innovation ouverte ? Ce n'est pas un slogan. C'est l'idée de construire une organisation qui ne soit pas marquée avant tout par les frontières ou par l'esprit de clocher mais qui encourage au contraire les échanges entre les acteurs et qui favorise le passage des idées de l'un à l'autre. Vous allez me dire qu'il y a sûrement des progrès à faire en la matière mais quand je vois ce que vous faites ici, ça me conforte, je dirais, ça me rassure. Ce que nous avons entrepris concrètement, c'est encourager les échanges entre les laboratoires publics et les laboratoires privés ; c'est développer les laboratoires communs entre recherche publique et PME ; c'est renforcer le transfert de la recherche publique vers les entreprises. La loi sur l'enseignement supérieur de juillet dernier, Madame la ministre, en fait l'une des missions des universités que nous voulons généraliser, cela demande là encore de faire bouger les lignes mais c'est dans la loi, elle est récente.
La troisième idée du plan pour l'innovation, c'est l'idée de l'innovation pour la croissance. L'innovation, c'est un des leviers les plus puissants de la croissance. C'est avec des produits nouveaux, des idées nouvelles, des inventions qu'une économie progresse, c'est une évidence ; je ne vais pas en dire davantage sur ce plan sachant que vous êtes tous convaincus de cela. C'est pourquoi nous allons mettre en place des outils, des outils pour faciliter la prise de risque pour les innovateurs aux différents stades de l'innovation, depuis l'idée initiale jusqu'à son développement commercial. Pour cela, nous allons renforcer en France la communauté des acteurs qui financent l'innovation. Je pense aux fonds de capital investissement, à ceux que l'on appelle les business angels, à tous les acteurs dont le métier est d'investir de l'argent dans des projets innovants ; nous allons faciliter leurs actions en renforçant les incitations à investir dans de tels projets risqués. Pierre Moscovici prépare d'ailleurs des mesures sur ce plan qui seront présentées bientôt au Parlement. J'ai également décidé de mieux valoriser la propriété intellectuelle française. Un fonds souverain de propriété intellectuelle sera créé et doté de 100 millions d'euros, on pourra acheter des portefeuilles de propriété intellectuelle en appui à des filières industrielles émergentes. Il sera aussi chargé d'élaborer des stratégies de normalisation pour défendre nos intérêts dans les instances internationales exactement comme le fait ce grand pays d'innovation que sont les Etats-Unis.
La quatrième idée que je veux évoquer c'est l'idée de l'innovation publique. L'Etat est un acteur essentiel de l'innovation mais là aussi, nous avons à faire évoluer nos modes d'action. Nous devons mieux évaluer ce qui marche et ce qui doit être amélioré ; j'ai décidé de mettre en place une commission d'évaluation des politiques d'innovation auprès du commissaire général à la Stratégie et à la Prospective, Jean Pisani-Ferry. Nous devons nous assurer de la mobilisation de tous les ministères autour de l'innovation et faire de l'innovation un des leviers de la modernisation de l'action publique.
Voilà quelques éléments, Mesdames et Messieurs, sur lesquels Geneviève Fioraso et Fleur Pellerin reviendront dans les détails demain. D'autres initiatives viendront impliquant aussi plus directement les régions. Monsieur le préfet, Madame la préfète, je vous invite à accélérer encore la préparation des nouveaux contrats de Plan. Je vous ai réunis, enfin j'ai réuni les préfets de région et le préfet Carenco était là il y a quelques semaines, j'ai rencontré également tous les présidents de région, j'ai lancé la procédure des contrats de Plan. Dans les contrats de Plan, il y a un volet « innovation » qui est essentiel comme il y a un volet « formation » qui est aussi essentiel. C'est là l'occasion de définir des stratégies locales précises, partant des capacités du terrain pour les amplifier. La question des moyens est évidemment importante mais elle n'est pas la seule. Le gouvernement continuera de s'engager financièrement en faveur de l'innovation. Vous l'avez bien vu lorsque j'ai présenté le 9 juillet dernier un plan d'investissement d'avenir renforcé, qui permettra de répondre à beaucoup d'appels à projet. Vous allez être sollicité.
Depuis dix-huit mois, le gouvernement aussi a pris une décision, c'était un des engagements que j'ai présentés, c'est la sanctuarisation du crédit impôt recherche. Le crédit impôt recherche en le déployant sur le plan de l'innovation, en élargissant le statut de la jeune entreprise innovante, en fixant l'objectif de 2% d'achats publics à destination des PME innovantes, tout ça va dans la bonne direction mais nous voulons aller plus loin en dotant de 240 millions d'euros le fonds national d'innovation et en déployant 1,1 milliard d'euros pour des fonds de capital-risque à partir des financements du programme d'investissement d'avenir de BPI France – Madame, vous parliez tout à l'heure de capital, voilà une réponse précise. Monsieur le directeur général, Nicolas Dufourcq, vous savez ce que vous avez à faire. Vous avez déjà commencé à le faire. J'ai assisté tout à l'heure à ce pitch. J'ai trouvé ça formidable. J'ai été très touché par les deux que j'ai pu entendre, les deux entreprises, deux start-up, par la passion qui animait ces personnes, par l'écoute de ceux qui étaient présents avec rigueur, avec sérieux parce qu'il ne s'agit pas de dire « oui » à toutes les demandes. Vous les expertisez, n'est-ce pas, je ne sais plus qui a dit tout à l'heure « je vais regarder le dossier », c'était une bonne réponse parce que vous auriez pu dire « tout est formidable, tout va très bien, il n'y a rien à faire. » Il y avait encore manifestement du travail mais on voit qu'il y a cet esprit d'entreprise, cet esprit d'innovation sans crainte, au contraire, de passion. Et en face, des gens d'expérience qui ont compris qu'il y avait une chance pour ces jeunes qui s'engageaient mais une chance aussi pour tout un territoire et une chance pour la France. C'est ça qu'il faut changer, c'est cet état d'esprit.
C'est ce que je suis venu vous dire à Saint-Etienne, c'est d'avoir confiance en nous, nous les Français, de ce que nous sommes, et le faire à partir de la réalité que nous vivons en fermant les yeux sur aucune difficulté, aucune souffrance. Le devoir d'un Etat républicain comme le nôtre qui est attaché à des valeurs de solidarité, des valeurs de justice, doit venir en aide à ceux qui sont en difficulté. L'Etat doit faire pour préparer l'avenir et en partant de cette puissance, de cette force que nous sommes et que je retrouve à chaque déplacement en France ou à l'étranger. J'étais il y a quelques jours à Moscou. Ce ne sont pas des voyages touristiques, je vous rassure, c'est très court J'ai rencontré beaucoup de gens et parmi ceux que j'ai rencontrés, j'ai rencontré la Chambre de Commerce franco-russe. J'ai vu qui là ? Des Français installés en Russie. J'ai vu des gens pleins d'énergie, pleins de bonne volonté, d'intelligence, de grands groupes et de PME dans des secteurs qu'on n'imagine pas présents et pourtant, ce sont des entreprises françaises. J'ai écouté la communauté française lorsque je l'ai rencontrée comme à chaque fois. J'ai écouté des gens qui, éloignés un peu de la France – Moscou, c'est moins loin que l'autre bout du monde, que l'Asie du Sud-Est ou l'Amérique – avaient une image positive de notre pays et qui me disaient « la France est attendue, la France est espérée comme grande Nation » et je leur ai dit « oui, c'est vrai, parfois nous oublions que nous sommes à la cinquième puissance économique du monde, que nous sommes la deuxième puissance d'Europe et que nous avons beaucoup de talents, de capacités. » Alors, nous avons tendance à voir ce qui ne marche pas et nous devons en tenir compte pour le corriger, pour réduire les injustices et les inégalités. Mais nous devons voir où sont les intelligences, les énergies, les capacités et voir que l'on est capable de redresser un pays même lorsque parfois, il décroche dans certains territoires. Et Saint-Etienne est l'exemple même et je pourrai en citer d'autres. Ce que nous voyons ici à Saint-Etienne, c'est la capacité de la France à se redresser et à préparer l'avenir en particulier pour les jeunes. Et notre message doit être un message de mobilisation, un message de courage, un message de détermination parce que c'est comme cela que nous réussirons.
Oui, Mesdames et Messieurs, on peut le dire ensemble : vive la République, vive la France !
Source http://www.gouvernement.fr, le 12 novembre 2013