Déclaration de M. Kader Arif, ministre des anciens combattants, sur le Centenaire de la Première Guerre mondiale et le tourisme de mémoire, à Lille le 14 novembre 2013.

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Circonstance : Assises du tourisme de mémoire, à Lille (Nord) le 14 novembre 2013

Texte intégral

Madame la Ministre,
Monsieur le Préfet,
Mesdames et Messieurs les parlementaires,
Monsieur le Président du Conseil régional,
Messieurs les présidents et représentants des conseils généraux,
Monsieur le Président de Lille Métropole,
[Monsieur le Directeur général de la Mission du Centenaire,
Mesdames et Messieurs les Présidents et représentants des conseils régionaux et départementaux du tourisme,
Monsieur le Directeur Général d'Atout France,]
Mesdames et Messieurs les professionnels du tourisme,
Mesdames et Messieurs,
Permettez-moi tout d'abord de vous remercier, M. le Président du conseil régional, cher Daniel, de nous accueillir ici, dans votre région. Une région résolument tournée vers l'avenir comme en témoignent ces Assises du tourisme de mémoire.
Elles se déroulent alors que la France entre dans un cycle commémoratif exceptionnel et que nous avons tous rendez-vous avec notre histoire et avec notre mémoire.
Il y a à peine une semaine, le Président de la République lançait officiellement depuis le Palais de l'Elysée le Centenaire de la Première Guerre mondiale.
Il a rappelé à cette occasion qu'il était important de donner un sens à nos commémorations. Car le Centenaire, c'est rappeler que la France a été hier le champ de bataille du monde et qu'elle sera demain le lieu de la célébration d'une paix retrouvée et du rassemblement des mémoires nationales. C'est aussi croire en une France rassemblée et forte, une France qui a confiance en son avenir pour lequel elle est prête à se battre.
Le Centenaire, c'est le souvenir d'une France qui a su se mobiliser et compter sur la cohésion nationale. C'est inviter les Françaises et les Français à renouer avec une histoire dont ils ont toutes les raisons d'être fiers. Le Centenaire, c'est enfin rendre hommage aux combattants de 14-18, ceux qui se sont sacrifiés pour la patrie.
La région du Nord-Pas-de-Calais recèle en elle tous ces souvenirs, toutes ces mémoires. Elle a été un champ de bataille pour des centaines de milliers de Français et de soldats venus d'ailleurs, des anciennes colonies, de pays alliés, de toutes origines, de toutes nationalités, de toutes confessions et de toutes couleurs de peau.
Mais c'est une région aussi, et vous le rappeliez à l'instant, qui paya un lourd tribut de la Première Guerre mondiale.
C'est pourquoi le Président de la République a souhaité accorder une place éminente à votre région dans les commémorations du Centenaire.
Car il sait, nous savons, que le souvenir de la Grande Guerre se confond ici avec le paysage, qu'il est présent dans toutes les familles et dans tous les lieux.
Ces lieux, permettez-moi de les citer. C'est le parc mémorial de Fromelles qui rend hommage aux 5 533 soldats australiens tués dans cette bataille en 1916. C'est le mémorial de la Crête-de-Vimy dédié à la mémoire des 60 000 Canadiens morts durant la Grande Guerre. C'est la carrière de Wellington, que j'aurai l'honneur de visiter cet après-midi, et qui nous invite à découvrir le quotidien des soldats prêts à s'engager dans la bataille d'Arras. C'est l'ossuaire français du Mont Kemmel où sont regroupés les restes de 5 294 soldats français.
Et c'est bien sûr Notre-Dame-de-Lorette, la plus grande nécropole nationale française qui renferme les corps de plus de 40 000 soldats et où, le 11 novembre 2014, la France, à travers son Président de la République, rendra hommage à tous les combattants de la Grande Guerre.
A l'heure de la réconciliation et de la paix, le mémorial de Notre-Dame-de-Lorette portera bientôt le souvenir de tous ces compagnons d'armes, unis dans un même camp, ou adversaires.
600 000 noms, ennemis ou alliés d'hier, amis et partenaires d'aujourd'hui, seront inscrits côte à côte, par ordre alphabétique et sans distinction de nationalité, pour rappeler au monde les leçons de cette histoire dont nous devons apprendre chaque jour : la paix est une valeur précieuse et fragile, conquise au prix du sang et des larmes mais jamais acquise de manière définitive.
Je sais la mobilisation qui est celle des élus locaux et de tous les acteurs culturels de votre région. Avec 55 projets labellisés par la Mission du Centenaire, le Nord-Pas-de-Calais est parmi les régions les plus engagées dans ces commémorations.
Et je profite ainsi de l'occasion qui m'est donnée pour saluer le travail que vous réalisez et l'investissement de votre région pour faire du tourisme de mémoire un moteur de l'économie locale. Il était donc naturel que la région accueille cette deuxième édition des Assises du tourisme de mémoire dont l'enjeu est double :
- Un enjeu mémoriel d'abord.
Rénover les sites historiques, améliorer l'accueil des touristes pour que cette terre de France sur laquelle plus de 70 pays ont combattu, redevienne le lieu où touristes français et étrangers redécouvrent leur histoire et la mémoire de leur pays. Faut-il rappeler que certains pays se sont constitués en tant que Nations en combattant sur nos terres pendant la Première Guerre mondiale ?
J'ai moi-même découvert ou redécouvert cette histoire au cours de mes déplacements. J'étais dans la Somme en avril dernier devant le monument de l'Anzac, j'étais dans la Meuse en mars pour mettre en place le comité départemental du Centenaire ou encore dans l'Aisne au printemps pour inaugurer la tour d'observatoire du chemin des Dames. Tous ces territoires, pour ne citer que ceux-là, m'ont raconté quelques pages de l'histoire de France.
- Un enjeu économique ensuite. Permettez-moi de vous délivrer quelques chiffres significatifs. En 2011, les résultats d'une enquête nationale inédite étaient très encourageants : près de 7 millions de visiteurs par an sur les sites mémoriels des deux guerres en France, parmi lesquels 45% d'étrangers, et près de 50 millions d'euros de recettes directes auprès des billetteries d'entrée et des boutiques implantés sur les sites. Le tourisme de mémoire, c'est en quelque sorte le volet économique de ce Centenaire. Nous avons une occasion unique de mettre en valeur notre patrimoine, de développer des activités nouvelles, de créer des emplois, de rendre nos territoires plus attractifs et plus compétitifs.
A la veille des commémorations de 2014, nous devons donc nous mobiliser. Car ce Centenaire doit être celui de tous les Français, de tous les territoires mais aussi celui des entreprises, et notamment des PME de ce secteur du tourisme. Il doit être tourné vers l'avenir.
Chaque ville et village de France a des atouts à mettre en avant. Chaque Française et Français a été touché, dans son âme ou dans sa chair par la Grande Guerre. Il nous appartient que chaque région de France accueille sur ses terres un peu de cette histoire, un peu de cette mémoire.
Je pense à la Meuse, je pense à Verdun, je pense à la Somme, je pense à la Marne, tous ces territoires que j'ai parcourus et dont l'histoire m'a profondément marqué. Et je pense ici à cette région du Nord-Pas-de-Calais et à la Flandre si proche.
C'est donc pour accompagner cet élan que je signerai dans un instant le contrat de destination touristique « Grande Guerre » avec la ministre du tourisme, Mme Sylvia Pinel, M. Christian Mantei, Directeur d'Atout France, M. Joseph Zimet, directeur de la mission Centenaire, les présidents de régions et départements concernés ainsi que M. Guy Valembois, président de l'association « tourisme de mémoire de la Grande Guerre ».
Ce contrat entend notamment inciter le public étranger à se rendre sur nos champs de bataille qui virent combattre il y a 100 ans ce qui représente aujourd'hui 72 nations étrangères. Elles seront toutes mises à l'honneur le 14 juillet prochain à l'occasion du défilé sur les Champs Elysées.
L'État doit s'impliquer entièrement pour le développement du tourisme de mémoire, un tourisme que je veux voir se développer. C'est dans cet esprit qu'agit le ministère de la Défense par l'intermédiaire de la Direction de la mémoire, du patrimoine et des archives.
Chargé d'entretenir de nombreux lieux historiques liés aux conflits contemporains, il conduit d'abord une véritable politique de rénovation, de revalorisation et de dynamisation.
Je pense aux sépultures des militaires morts au combat. 265 nécropoles nationales, 7 cimetières militaires étrangers entretenus par la France, 2 000 carrés militaires aménagés dans les cimetières communaux sur tout notre territoire et 140 cimetières de garnison situés à l'étranger relèvent du ministère de la Défense.
Au total, 863 000 corps reposent en ces lieux. 863 000 corps qui nous invitent au souvenir, à l'hommage, au rappel de ce sacrifice. 863 000 soldats dont nous devons veiller à préserver la mémoire.
Le programme pluriannuel de rénovation que nous menons est doté d'un budget total de 40 millions d'euros, soit une augmentation de 30% du budget habituellement consacré à cette mission.
L'entretien des nécropoles est un devoir. La France doit rendre hommage à ses morts avec constance et respect. Cette politique s'accompagne d'une volonté de valorisation et de dynamisation des sites de mémoire. L'Etat veut être à la hauteur du cycle commémoratif qui s'annonce et qui se veut exceptionnel.
C'est ainsi que pour la première fois, j'ai pu dégager une enveloppe de 1,5 millions d'euros spécifiquement dédiée au tourisme de mémoire.
La traduction concrète de cet investissement de l'Etat se met en oeuvre immédiatement puisque je signerai tout à l'heure 3 conventions majeures :
- avec la communauté d'agglomération de Lens-Liévin pour la construction du centre d'interprétation de Souchez avec une participation de l'Etat de 680 000 euros ;
- avec le comité du monument national de l'Hartmannswillerkopf pour la création de l'Historial franco-allemand qui représente pour nous un coût de 570 000 euros ;
- avec le Conseil général de l'Aisne enfin pour la rénovation du Musée de la Caverne du Dragon avec une participation du ministère de 300 000 euros.
Ces trois sites de mémoire, inscrits dans des territoires marqués par l'histoire de la Première Guerre mondiale, vous seront présentés tout à l'heure par les porteurs de projet.
Seconde traduction de l'engagement majeur de l'Etat en vue du Centenaire, j'ai décidé de consacrer deux nouveaux sites comme Hauts Lieux de la mémoire nationale : Notre-Dame-de-Lorette, j'en ai parlé tout à l'heure, et le site comprenant la nécropole de Fleury devant Douaumont et la Tranchée des baïonnettes.
Ils sont les deux premiers sites de la Grande Guerre à devenir Hauts lieux de la mémoire nationale aux côtés des sept autres que sont le camp du Struthof, le Mont-Valérien, le mémorial de l'Ile de la Cité, le Mont-Faron, le mémorial de l'ancienne prison de Montluc, le mémorial des guerres d'Indochine à Fréjus et le mémorial de la guerre d'Algérie et des combats de Tunisie et du Maroc au quai Branly.
Etat acteur de premier plan mais aussi et surtout Etat partenaire des acteurs locaux, de tous ceux, spécialistes du tourisme, historiens, associations, citoyens, jeunes et moins jeunes, qui travaillent ensemble à faire vivre nos territoires, et avec qui nous réinventons une manière de nous rappeler notre histoire passée, de vivre notre mémoire présente, de construire l'avenir de la France.
Le tourisme de mémoire répond ainsi à cet enjeu essentiel qui est celui du développement des relations entre l'Etat et les collectivités locales, celui de la rencontre entre l'Etat et ses régions mais aussi des Français et des étrangers avec notre histoire dans la diversité du territoire national.
Pour qu'aucune mémoire ne soit perdue, comme l'a souhaité le Président de la République, pour que personne ne soit oublié dans ces commémorations, nous veillerons à inscrire de la manière la plus juste l'histoire individuelle de ces femmes et de ces hommes, une histoire qui se mêla à celle de la Nation et au destin de notre pays, sur les sites patrimoniaux français.
La mobilisation des acteurs locaux dont vous témoignez aujourd'hui est le signe qu'ici comme partout ailleurs en France, les collectivités locales sont à l'avant-garde pour la valorisation de leur patrimoine, l'accueil des touristes étrangers, la sensibilisation de l'ensemble de la population à l'enjeu mémoriel et aux commémorations mais aussi pour la diffusion de la connaissance historique.
Et je veux rappeler ici que le tourisme de mémoire lui-même a une histoire. Au lendemain de la Grande Guerre, des Anciens combattants sillonnaient les champs de bataille sur lesquels ils avaient vu tomber leurs frères d'armes et des familles et femmes endeuillées marchaient sur les traces de leurs fils, de leurs pères, de leurs époux qui n'étaient pas rentrés.
Acteur de la Grande Guerre, témoin de notre histoire, le combattant revenait sur le lieu de bataille tel un pèlerin, sur le lieu de ses souffrances et du sacrifice de sa jeunesse. Ce sont d'autres pèlerins, d'autres touristes à qui il s'agit aujourd'hui de faire découvrir votre région, les régions de France.
Nous tous, Etat et acteurs locaux avons rendez-vous avec notre histoire, soyons à la hauteur ! Nous avons une grande histoire, une belle histoire à faire partager au monde entier !
Je vous remercie.
Source http://www.nord.gouv.fr, le 25 novembre 2013