Texte intégral
PATRICK COHEN
Quelques mots d'abord sur la fiscalité, au moment où Jean-Marc AYRAULT commence ses consultations, à titre personnel qu'est-ce qui vous choque dans le système fiscal français, qu'est-ce quil faudrait changer en priorité ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Ce qu'on a déjà commencé à améliorer, disons, plutôt que changer. Améliorer, c'est à dire le manque de progressivité de l'impôt sur le revenu en particulier, on a déjà commencé à le faire puisque depuis 18 mois nous avons par exemple créé une nouvelle tranche à 45% qui permet de taxer davantage ceux qui ont le plus les moyens ; nous avons rapproché, comme nous nous y étions engagés, l'imposition sur le capital et l'imposition sur le travail. Mais on peut toujours aller plus loin pour Comment dire ? En finir avec une situation où l'impôt sur le revenu est profondément mité par des niches fiscales - et c'est d'ailleurs pour ça que beaucoup parlent de la nécessité de rapprocher l'impôt sur le revenu d'une part et la CSG d'autre part - parce que la CSG qui, elle, est proportionnelle, pour le coup s'applique sur une assiette plus large et peut paraître plus simple, après il y a un certain nombre de difficultés à opérer ce rapprochement mais justement c'est bien de commencer la réflexion pour voir dans quelle mesure c'est faisable ou pas, mais je pense qu'il y a beaucoup de choses à améliorer dans notre impôt.
PATRICK COHEN
Davantage de progressivité, en langage courant, ça veut dire faire payer davantage les plus riches ou les classes moyennes supérieures, Najat VALLAUD-BELKACEM ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Pour assurer une meilleure redistribution des richesses en effet. D'ailleurs, quand je vous dis qu'on a déjà commencé à le faire, regardez ce que nous dit l'INSEE par exemple, je trouve que ses chiffres ont été assez peu commentés in fine, l'INSEE qui nous dit que depuis 18 mois avec les réformes fiscales qui ont été menées l'égalité ou plus exactement la lutte contre les inégalités
PATRICK COHEN
La redistribution ! Oui.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
La redistribution a progressé dans notre pays
PATRICK COHEN
Oui !
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
La lutte, donc moi je pense que nous sommes sur la bonne voie et que c'est le bon moment aujourd'hui, comme l'a décidé le Premier ministre, de faire cette remise à plat fiscal, qui associe en plus - moi je trouve que c'est quand même assez intéressant et inédit - les partenaires sociaux, ce n'était pas si fréquent de les voir se prononcer sur ce sujet de façon institutionnelle par le passé, qui associe très largement les groupes politiques puisque le Premier ministre va aussi les recevoir et qui va devoir se poser la question, au-delà donc de la progressivité de l'impôt, de manière plus générale de son efficacité aussi au service de la croissance et de la relance de l'emploi et donc il sera question de compétitivité, d'impôt sur les entreprises aussi bien que sur les ménages, mais aussi d'économies en dépenses publiques par exemple.
PATRICK COHEN
Mais je retiens que ça pourrait déboucher sur encore plus d'impôts pour les plus favorisés ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Le Premier ministre a précisé que ça se ferait de toute façon à prélèvement obligatoire constant, donc ça il faut que ce soit clair, que les économies en dépenses publiques
PATRICK COHEN
Oui ! Mais ça...
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Elles allaient continuer
PATRICK COHEN
Ça, ça peut vouloir dire qu'il y a des gagnants et des perdants
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Mais je
PATRICK COHEN
Et donc les perdants
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Je suis d'accord avec vous
PATRICK COHEN
Vous serez en haut de l'échelle ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Prélèvement obligatoire constant évidemment ça ne signifie pas qu'on ne revoit pas le montant de chaque impôt et certains impôts peuvent augmenter quand d'autres baisseront, mais en tout cas l'ensemble, la totalité des prélèvements obligatoires, devra être stabilisé.
PATRICK COHEN
Journée mondiale de la violence faite aux femmes, l'an dernier en France 148 femmes sont mortes sous les coups de leur conjoint ou de leur ex-conjoint. Comment les sauvez ? Comment faire ?
NAJAT VALLAUD-BLKACEM
D'abord en faisant en sorte que, dès qu'elles tirent la sonnette d'alarme, d'une certaine façon une réponse leur soit apportée, en multipliant les possibilités pour elles de tirer la sonnette d'alarme. Multiplier ces possibilités, c'est, comme nous le faisons, renforcer une ligne d'écoute qui est le 39.19, je le répète le 39.19 - que nous faisons en sorte de voir fonctionner 7 jours sur 7 je signerai la convention avec les associations qui le font fonctionner cette année, enfin la... cet après-midi pardon
PATRICK COHEN
C'est aujourd'hui ! Oui.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Cette convention
PATRICK COHEN
Vous vous y rendez ! Oui.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Cet après-midi, avec un financement que je leur apporte de plus de 30% par rapport à ce que ces associations pouvaient avoir jusqu'à présent, qui va leur permettre de multiplier le nombre de personnes au bout du fil pour répondre à ces femmes victimes de violences et d'être là de 8 h à 22 h du lundi au dimanche.
PATRICK COHEN
Et, une fois que l'alerte est donnée, la réponse suit ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
La deuxième façon de tirer la sonnette d'alarme c'est que, quand une femme pousse la porte d'un commissariat ou d'une gendarmerie, elle ait affaire à des professionnels formés, c'est-à-dire qui sachent lui répondre et qui ne la laissent pas tomber complètement désarmée devant le fait qu'elle soit hésitante, qu'elle vienne déposer une plainte pour la retirer le lendemain, qu'elle soit sous emprise psychologique, etc.
PATRICK COHEN
Parce que ça arrive aujourd'hui ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Parce que ça arrive très souvent, parce que les violences faites aux femmes sont très spécifiques et entraînent ce type de comportements, donc les professionnels en face doivent savoir répondre, accompagner, apporter les réponses nécessaires, et la meilleure façon qu'ils apportent les réponses nécessaires, notamment la situation sociale de la femme, qui souvent explique pourquoi elle n'ose pas sortir des violences : que vais-je devenir, où vais-je habiter, que faire de mes enfants ? La meilleure façon de lui apporter ces réponses c'est d'avoir dans ces commissariats et gendarmeries des intervenants sociaux, des assistants sociaux qui soient là pour lui apporter ces réponses, notamment d'hébergement
PATRICK COHEN
Et il y en aura ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Et il y en aura des hébergements, puisque nous avons décidé de
PATRICK COHEN
Enfin des assistants sociaux d'abord, des hébergements j'allais y venir ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Alors les assistants sociaux, pardon, les assistants sociaux oui puisque nous en créons 350 d'ici 2017 - nous doublons le stock existant et puis des hébergements parce que c'est souvent la question numéro 1 que se posent ces femmes, il y en aura puisque nous avons décidé d'en créer 1.650 de plus, d'hébergements d'urgence dédiés aux femmes victimes de violences avec ou sans enfant d'ici 2017. Mais je tiens, si vous me permettez
PATRICK COHEN
Oui ! Vous avez eu le temps de voir le clip qui a été mis en ligne par « PAROLES DE FEMMES », on en parlait tout à l'heure
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Oui !
PATRICK COHEN
Qui vous interpelle ce matin, clip où l'on voit la directrice de l'association multiplier les appels au 115 pour trouver une place, un hébergement pour une femme battue et ses 3 enfants, 21 appels passés, aucun résultat, le 115 ne répond pas.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
C'est précisément pour cela que nous adoptons les mesures que je viens d'évoquer, c'est-à-dire à la fois avoir une ligne d'écoute 39.19 qui soit dédiée, je le redis, la bonne ligne à appeler c'est le 39.19
PATRICK COHEN
Oui !
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Et puis par ailleurs faire en sorte qu'il y ait des hébergements dédiés aux femmes victimes de violences en nombre suffisant, ce qui n'était pas le cas jusqu'à présent, je rejoins absolument le constat de l'association en question - que font d'ailleurs toutes les autres associations - nous n'avions pas suffisamment d'accueils dédiés pour les femmes victimes de violences, ce qui fait que non seulement le 115 ne répondait pas suffisamment souvent comme vous le dites, mais en plus
PATRICK COHEN
Encore aujourd'hui ! Oui.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Mais en plus, en termes d'orientation, il lui arrivait d'orienter des femmes victimes de violences dans des hébergements ouverts à tous les publics, où les femmes victimes de violences pouvaient se retrouver finalement avec des sans domicile fixe, avec des gens en errance, vous imaginez la situation catastrophique pour ces femmes qui sont quand même dans Voilà ! Dans un post trauma, donc nous avons décidé de leur
PATRICK COHEN
C'est la première fonction du 115 ! Et par ailleurs, Najat VALLAUD-BELKACEM, c'est quand même inquiétant à l'approche de l'hiver encore une fois ce 115 qui ne répond pas pour les gens qui ont besoin d'être hébergés, d'avoir un toit ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
C'est pour ça que Cécile DUFLOT, vous l'aurez entendu la semaine dernière, a annoncé en effet une mobilisation sans précédent sur ce sujet pour faire en sorte que nous soyons en mesure de répondre. Mais moi je vous dis pour ce qui me concerne, c'est-à-dire précisément cette question des femmes victimes de violences, je crois que la meilleure solution c'est de leur dédier des réponses spécifiques, ce n'est pas de les traiter comme un public plus large dans lequel on les mélange et on oublie leur spécificité et donc je tiens beaucoup à ces 1.650 places d'hébergement d'urgence, dont je dis d'ailleurs que nous n'attendons pas 2017 pour les créer puisque nous en avons déjà créés plus de 260 cette année et nous allons monter en puissance pour atteindre les 1.650. Un dernier mot sur cette question de l'hébergement des femmes victimes de violences, dans la loi sur l'égalité entre les femmes et les hommes - que je présente en ce moment au Parlement - j'inscris sans doute ce qui est le plus important, à savoir le principe de l'éviction du domicile conjugal du conjoint violent, parce que je pense qu'à un moment donné la bonne façon de répondre à cette situation des violences faites aux femmes c'est aussi de dire : eh bien il n' y a pas de double peine à leur appliquer à elles, non seulement elles ont subi des violences
PATRICK COHEN
Ne pas les faire vivre sous le même toit ! Oui.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Mais, en plus, chercher un logement, c'est à l'auteur des coups de partir. Or aujourd'hui, pour votre information, l'auteur des coups n'est évincé de son domicile conjugal que dans 6% des cas, 6% des cas, c'est ça le vrai le truc insupportable et, donc, c'est contre cela que nous luttons en inscrivant cette éviction, mais pour celles qui préfèrent quand même changer de domicile et on peut comprendre pourquoi par manque de sécurité, etc., eh bien nous aurons ces places d'hébergement pour elles.
PATRICK COHEN
Dans quelques minutes, Najat VALLAUD-BELKACEM, vous allez débattre avec le sociologue Eric FASSIN sur la proposition de loi qui sera débattue cette semaine à l' Assemblée et qui vise à sanctionner les clients des prostituées. C'est une initiative parlementaire portée par 2 députés PS, on les a entendus ici, pour être clair avec votre soutien
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Ah oui !
PATRICK COHEN
Ou avec celui du gouvernement ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Avec mon soutien plein et entier, mais on va pouvoir détailler cela
PATRICK COHEN
Et avec celui du gouvernement
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Oui ! Avec celui du gouvernement.
PATRICK COHEN
Tout entier ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
C'est une proposition de loi qui va absolument dans le bon sens.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 25 novembre 2013