Déclarations de MM. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères, et Pascal Canfin, ministre du développement, sur la désignation de la France comme pays hôte en 2015 de la Conférence sur le climat, à Varsovie le 22 novembre 2013.

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Circonstance : 19ème conférence des parties à la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (COP19), à Varsovie (Pologne) les 21 et 22 novembre 2013

Texte intégral

Mesdames et Messieurs,
Merci d'être là.
Nous avons voulu avec mes deux collègues et amis, Philippe Martin et Pascal Canfin, tenir un point de presse immédiatement après que la COP ait désigné la France pour accueillir, en 2015, la COP 21. Nous sommes heureux de cette désignation.
C'est une grande responsabilité. Nous prenons cette responsabilité avec plaisir. C'est un acte très militant, de la part de la France, pour l'environnement et pour la lutte contre le dérèglement climatique. Nous prenons également cette désignation avec esprit de responsabilité parce que nous savons que c'est très difficile. Mais nous pensons que c'est une nécessité, compte tenu à la fois de l'importance de ces problèmes et aussi de ce que représente la France.
Dans mon propos à la tribune, j'ai dit l'esprit avec lequel nous allons aborder ces travaux ; nous avons commencé bien sûr à le faire. Nous agirons d'une manière collective parce que c'est seulement ainsi que nous pouvons préparer le succès que nous espérons. Collectif, cela veut dire à la fois avec les Polonais, puisque cette conférence a eu lieu à Varsovie, et surtout avec les Péruviens, qui vont organiser la conférence de l'an prochain ; avec le secrétariat exécutif de la COP qui joue un rôle très important ; avec toute une série d'organes qui jouent un rôle de préparation également très important ; avec les Nations unies, puisqu'il y aura en septembre 2014 un important sommet du secrétaire général des Nations unies qui joue un rôle d'impulsion politique déterminant ; avec toute une série d'autres instances que vous connaissez qui vont parsemer le chemin jusqu'à 2015 ; et, bien sûr, avec la société civile et avec les membres de la COP, les 195 États qui en font partie.
Nous voulons donc agir de manière collective, offensive parce que les problèmes posés sont extrêmement profonds. Les travaux scientifiques qui sont incontestables et extrêmement précieux montrent que si une action déterminée n'est pas menée, nous allons à la catastrophe que ce soit sous l'angle de l'élévation du niveau des océans, de la fonte de la calotte glacière, de l'expansion des déserts, de l'aggravation - même si elle est encore discutée - de l'intensité des phénomènes climatiques extrêmes. Pour demain, après-demain et même pour aujourd'hui, la situation est tellement menaçante qu'il faut agir de façon extrêmement offensive.
Il faut quelque chose d'un peu nouveau : agir d'une manière positive signifie, bien sûr, qu'il y a des contraintes à respecter et parfois à renforcer, mais en même temps la transition de l'écologie est un élément de croissance de lutte contre la pauvreté. Il faut donc présenter les solutions non pas seulement comme répondant à une contrainte mais comme offrant des possibilités nouvelles.
C'est autour de ce triptyque que mes deux amis ministres et moi-même allons préparer des actions. Du point de vue pratique, puisque nous avons déjà commencé à travailler dessus, il y a une équipe qui se réunit périodiquement à Paris avec des moyens humains et des moyens logistiques autour des trois ministres ici présents. Nous avons un ambassadeur « climat », extrêmement compétent, M. Jacques Lapouge, qui conduit les négociations. Nous avons Pierre-Henri Guignard qui est le secrétaire général de la Conférence qui coordonne la préparation sur tous les aspects logistiques.
La conférence Paris 2015 aura lieu au Bourget car cela représente, sur le plan logistique, la meilleure capacité d'accueil et d'accessibilité pour les délégations officielles, la société civile et les médias qui sont des composantes très importantes du succès de la conférence.
Il y aura bien sûr beaucoup de partenariats à mettre à oeuvre. Nous avons, avec mes amis, rencontré ici beaucoup de responsables ministériels et nous le faisons en permanence.
Il faut que nous renforcions et construisions ces partenariats avec les pays les plus mobilisés : ceux qui sont les premières victimes du dérèglement climatique, avec les pays émergents, qui mesurent l'ampleur du défi et avec qui nous devons discuter des moyens de jouer un rôle central, qui doit être le leur, tout en assurant leur bon développement.
Nous devons également renforcer et construire ces partenariats avec la Pologne, le Pérou, l'équipe de la Convention climat, le Secrétariat des Nations unies, pour que 2014 ouvre la voie à un accord de Paris ambitieux en 2015 ; avec la société civile que nous allons sans cesse rencontrer, que Pascal Canfin rencontrera après cette conférence de presse, nous devons nouer dès aujourd'hui des relations de travail, fondées sur l'écoute et sur la confiance.
Il s'agit donc d'un effort diplomatique sans précédent pour les deux et trois années à venir que nous lançons avec Philippe Martin et Pascal Canfin, qui va demander à la fois beaucoup de détermination, beaucoup d'esprit de dialogue et beaucoup de décisions.
D'ailleurs, j'ai rencontré un certain nombre de ministres ou de chefs de délégation depuis hier - les délégations chinoise, brésilienne, américaine, russe, indonésienne, polonaise, péruvienne...-, et je leur ai demandé ce qu'ils attendaient du pays hôte et les erreurs à éviter. L'attitude du pays hôte doit être à la fois une attitude d'écoute et, en même temps, de contribution à la décision tout en observant, bien sûr, les préoccupations des uns et des autres. Nous allons essayer de faire tout cela.
Ce n'est pas un hasard si la France s'est portée candidate. La France et le gouvernement français ont pris la mesure de l'importance du défi, qui est considérable. La France, compte tenu des choix qu'elle fait dans ce domaine, est un pays respecté qui peut faire le pont entre les préoccupations adverses et contribuer à apporter des solutions.
J'ai dit, dans mon propos à la tribune, que l'on attend de cette COP 21, que nous appellerons «Paris Climat 2015», que des décisions soient prises.
Et puis, nous avons des relations positives avec beaucoup de partenaires, avec toutes les régions et cela devra pouvoir aider à trouver des solutions.
Voilà ce que je voulais vous dire en quelques mots.
Cette échéance diplomatique sera probablement la plus importante de l'ensemble du quinquennat, puisque l'on attend environ 25.000 invités officiels ; c'est donc quelque chose de considérable.
Voilà la raison pour laquelle le président de la République a décidé de présenter la candidature de la France. Nous nous sommes mis au travail et nous avons la satisfaction de voir que cette COP a choisi la France pour accueillir le monde en 2015 et faire le maximum pour prendre les décisions nécessaires face à ce que je n'appelle pas - vous avez remarqué cela - le changement climatique, mais le dérèglement climatique.
Les mots ont toujours un sens ; dans un pays comme la France lorsqu'il est question de l'augmentation de la chaleur, une partie du pays ne trouve pas cela forcément négatif. Il ne s'agit pas simplement de plus de chaleur, d'autant que dans certains cas cela se réduira au contraire à plus de froid en raison des phénomènes de courants... Il ne s'agit pas non plus d'un changement climatique, puisque le mot changement très souvent a une connotation positive ; c'est un dérèglement. Il faudrait un mot plus fort, en anglais on pourrait dire «Climate destruction», c'est un mot qui est plus fort et qui doit bien faire comprendre à l'ensemble des populations à quel point la menace est grande.
Ce matin, la délégation de l'île de Nauru, avec la moitié de son gouvernement était là. Ils ont expliqué qu'il ne s'agit pas pour eux d'une question de qualité de la vie mais d'une question de vie ou de mort. Si l'océan monte, il n'y aura plus d'île et ils n'auront plus nulle part où aller. Ce sont des phénomènes qui peuvent se produire et il va donc falloir faire partager cette prise de conscience pour essayer de trouver des solutions.
Voilà l'esprit dans lequel nous abordons cette grande tâche.
Peut-être, Pascal, veux-tu revenir sur tel ou tel point ?
Pascal Canfin - Très rapidement, pour dire que ce que nous voulons faire à Paris c'est une conférence des ambitions et une conférence de solutions.
Conférence de l'ambition car nous savons que si nous ne réussissons pas à Paris, la probabilité que nous réussissions collectivement à maintenir la température dans un cadre de 2 degrés sera extrêmement limitée, voire nulle. Nous n'avons pas le droit, collectivement, d'échouer à Paris.
Et une conférence des solutions parce que, même si j'ai beaucoup moins d'expérience que Laurent Fabius, je pense que l'on peut tous reconnaître que la capacité de l'humanité et de 195 pays à se mettre d'accord sur un partage du fardeau d'une manière coopérative et pacifique dans l'histoire est proche de zéro.
Donc, nous devons ne pas parler de partage du fardeau mais au contraire de partage des solutions, de partage des opportunités à Paris. C'est ce que nous voulons construire. Nous avons deux ans maintenant pour le faire et nous allons le faire avec un leadership conjoint avec les Péruviens. Je pense que c'est aussi une des nouveautés dans la méthode et le processus que nous voulons apportées, avoir un leadership conjoint avec la présidence précédente. Il est évident que si la présidence péruvienne tire dans une direction et nous dans une autre nous échouerons en 2014 et nous échouerons en 2015. Donc, une des conditions du succès c'est de trouver une forme de leadership conjoint et nous avons la volonté, comme les Péruviens, de le faire.
Q - Vous n'avez pas parlé des négociations de Varsovie. Le texte qui a été posé sur la table ce matin vous satisfait-il ? Est-il suffisamment ambitieux pour donner une feuille de route consistante pour donner des chances à la signature d'un accord à Paris ?
R - Comme vous l'avez dit, les négociations ne sont pas terminées et, par expérience, nous savons que le résultat n'est pas connu avant la fin des négociations.
Il y a des points qui, semble-t-il, ont avancé et il y en a d'autres qui restent encore en discussion. Évidemment, notre souhait, c'est que le maximum de points avancent puisque ce qui aura été décidé, ici et à Lima, n'aura pas à être décidé à Paris.
Les spécialistes disent que l'on va quand même faire un certain nombre de pas en avant. Je reste prudent, j'attends de voir quel est le texte réel qui sortira. Je souhaite en tout cas, puisque Varsovie était conçue comme une conférence d'étape, que cette étape soit la plus ambitieuse possible.
Q - Que manque-t-il à cette heure dans le texte pour que la France soit satisfaite de la Conférence de Varsovie ?
R - Il y a des choses à dire sur les engagements et sur les financements. Nous sommes dans une séquence durant laquelle ce qui devra être produit doit l'être en temps opportun, c'est-à-dire 2014/début 2015, et servir pour que Paris puisse prendre ses décisions. Ce n'est pas en apportant des éléments deux mois avant la conférence de Paris que nous pourrons prendre des décisions. À l'heure où l'on parle, il y a des groupes de ministres qui discutent encore des points précis.
Q - (en anglais) sur Copenhague.
R - Nous avons beaucoup réfléchi au bilan de Copenhague et nous sommes interrogés sur la raison pour laquelle Copenhague n'a pas mieux réussi.
Les causes sont nombreuses. Et l'on m'a dit que l'une des erreurs à ne pas répéter à Paris, c'est éviter que ce soit les chefs d'État et de gouvernement qui se précipitent à Paris à la fin de la Conférence et qui arbitrent. C'est noté.
De ce point de vue, l'initiative qu'a prise Ban Ki-moon m'a semblé excellente puisque le sommet des Nations unies, qui va avoir lieu en septembre 2014, va permettre un engagement politique extrêmement fort, en tout cas nous l'espérons, de la part de toute une série de pays. Il s'agira d'impulsions politiques qui vont nous aider ensuite à avancer sur le plan technique et politique.
Donc, nous n'envisageons pas que ce soit les chefs d'États et de gouvernement qui viennent à Paris au dernier moment pour dire «voilà ce qu'il faudrait faire sur le financement, sur l'accord sur la forêt...». Non, nous demandons une impulsion politique qui va être donnée par la réunion des Nations unies et, après, c'est à nous collectivement de mettre les choses en oeuvre.
Outre la réunion des Nations unies, il va y avoir une série de rencontres. Nous pensons aux principales : les COP à Lima et le pré-COP au Venezuela, des échéances comme le G8 et le G20. Ce sont des échéances où on parle de ces sujets. Il va y avoir des réunions plus spécifiques en matière économique comme le Grand forum à Davos en janvier qui va être utile. Il va y avoir des réunions plus spécialisées.
Et c'est donc à partir de tout cela que nous espérons que les choses vont avancer avec une impulsion politique. Mais nous ne pensons pas que la conclusion de la conférence à Paris doive être faite par les chefs d'État et de gouvernement.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 26 novembre 2013