Déclaration de Mme Fleur Pellerin, ministre des petites et moyennes entreprises, de l'innovation et de l'économie numérique, sur les mesures en faveur de l'innovation pour la croissance économique, Paris le 7 novembre 2013.

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  • Fleur Pellerin - Ministre des petites et moyennes entreprises, de l'innovation et de l'économie numérique

Circonstance : Conférence de presse conjointe de Mme Fleur Pellerin, ministre des PME, de l'innovation et de l'économie numérique avec M. Pierre Moscovici, ministre de l'économie et des finances, à "Prêt Union", le 7 novembre 2013

Texte intégral

Monsieur le ministre de l’Economie et des Finances, cher Pierre,
Mesdames et Messieurs,

Je suis particulièrement heureuse d’être parmi vous, trois jours après le lancement par le Premier ministre à Saint-Etienne du plan que j’ai coordonné à sa demande, "Une nouvelle donne pour l’innovation". J’y reviendrai.
"Prêt d’Union" est en effet un bel exemple de l’économie du XXIème siècle et des entreprises qui en sont les acteurs : cette économie, c’est celle de la transformation numérique qui accélère toutes les dynamiques, c’est celle de la révolution de l’économie collaborative, c’est celle des start-up et des PME innovantes dont le modèle de croissance est si spécifique.
Cette économie du XXIème siècle, elle charrie des valeurs positives d’ouverture, de collaboration et de participation. Cette économie du XXIème siècle, c’est elle qui porte la croissance de demain.
Dans la situation difficile que traverse notre pays, certains peuvent être tentés par le repli, par le statu quo. Or, rien ne serait plus dangereux pour notre pays que de rester au milieu du gué ; d’être à la fois exposés aux changements profonds de notre économie, mais sans y prendre toute notre part. Car la vague est là, qu’on le veuille ou non. Elle peut nous emporter ; mais elle peut aussi nous porter ; cela ne dépend QUE de nous.
Notre cap, vous le connaissez, c’est un engagement volontaire et résolu de notre pays dans la préparation de l’avenir, dans cette économie du XXIème. Il ne suffit évidemment pas de le décréter. Notre responsabilité politique, c’est de créer les conditions pour que ces mutations soient synonymes de progrès économique et social pour notre pays.
Ces conditions relèvent selon moi de deux exigences qui doivent nous animer. Ces deux exigences, ce sont l’innovation, d’une part, et la confiance, d’autre part.
Sans innovation, nous subirons le changement, alors que nous avons tous les atouts pour en être des acteurs de premier plan. Je dis bien de premier plan.
C’est toute l’ambition du plan "Une nouvelle donne pour l’innovation" présenté en début de semaine. Comme l’a rappelé le Premier ministre, Jean-Marc AYRAULT, à Saint-Etienne lundi, "l’innovation, c’est un état d’esprit, c’est un écosystème, c’est une culture".
Ce n’est donc pas tant de nouveaux moyens dont la France a besoin mais d’un changement des pratiques et de la pensée sur l’innovation, c’est-à-dire d’une nouvelle donne pour l’innovation.

Cette nouvelle repose sur quatre axes, structurant 40 mesures.
* Le premier axe, c’est l'innovation par tous. L’innovation naît de la mobilisation de tous les talents. C’est une aventure humaine dont le ressort est la créativité. L’innovation implique des femmes et des hommes de toute origine et de toutes les formations.
* Le deuxième axe concerne l'innovation ouverte. L’innovation ne se planifie pas : elle émerge de la rencontre d’acteurs d’univers différents. Ce sont ces rencontres qu’il faut stimuler, entre laboratoires et entreprises, entre grands groupes et PME, entre entrepreneurs et financeurs, en soutenant la dynamique des écosystèmes.
* Le troisième axe du plan concerne l'innovation publique. Face à l’innovation continue, l’Etat doit évaluer et améliorer les résultats de ses politiques publiques en faveur de l’innovation.
* Le quatrième axe du plan, c’est l’innovation pour la croissance. L’innovation est portée par des entreprises innovantes, souvent des start-up, des PME ou des ETI. Leur accompagnement dans leur trajectoire de croissance doit mobiliser tous les leviers disponibles et lever tous les verrous qu’elles rencontrent.
Plusieurs actions du plan sont ainsi spécifiquement dédiées au renforcement de notre industrie de financement de l’innovation, un enjeu majeur si l’on compare, par exemple, les montants investis par le capital-risque américain avec ceux investis par le capital-risque européen, un facteur 10 en notre défaveur !

Parmi les mesures, je citerai brièvement :

  • une réforme pour favoriser le regroupement des business angels ;
  • une réforme des règles de gestion des FIP/FCPI pour simplifier leur investissement et accroître leur taille ;
  • et enfin la création d’un amortissement fiscal pour les groupes qui investissent dans les PME, mesure que Pierre MOSCOVICI a présenté à l’instant.

Prêt d’Union réussit aujourd’hui une levée de fonds de 9 millions d’euros. C’est un succès important, qui montre qu’un champion français du financement participatif est en train d’éclore. Que la croissance des start-up c’est possible !
Voilà pour l’innovation, qui ne doit cependant pas être notre seule exigence.
Car dans le même temps, il faut être conscient que les vagues d’innovation peuvent remettre en cause la position des acteurs en place. Il ne faut pas l’ignorer, sans pour autant en être l’otage. Notre rôle est donc aussi d’accompagner les acteurs, car le changement n’est acceptable que s’il a lieu dans la confiance.
Confiance des acteurs économiques, pour les raisons que je viens d’indiquer. Mais aussi confiance de nos citoyens, car l’innovation concerne toute la société et peut être l’objet d’inquiétudes légitimes. Je pense par exemple à la nécessaire protection des données personnelle de nos concitoyens sur Internet.
La plate-forme "Prêt d’Union", spécialisée dans le prêt à la consommation entre particuliers, est un bel exemple de cette double exigence d’innovation et de confiance qui doit nous animer.
Cela va sans dire, "Prêt d’Union" est un service résolument innovant, qui réinvente d’une certaine manière le modèle mutualiste : l’épargne des uns sert à financer les crédits des autres, en évitant des opérations de transformation complexes et risquées entre les deux parties.
Nous savons tous à quel point les banques peuvent parfois se montrer réticentes face aux idées nouvelles des créateurs et des porteurs de projets, face à une prise de risque : c’est aussi pour partie normal, car à chacun son métier. Mais, aujourd’hui, nous avons besoin d’encourager toutes les audaces, de donner leur chance à des solutions toujours plus novatrices... bref, de soutenir l’innovation sous toutes ses formes, même les plus inattendues.
Le financement participatif est une solution alternative à la fois simple et efficace, qui permet aux entreprises innovantes de tirer leur épingle du jeu, et aux citoyens épargnants de soutenir, au "coup de coeur" et parfois par conviction, des créateurs et des entrepreneurs de talent. Pour le dire en bon français, le "crowdfunding", c’est "love money" pour tous !
Je suis persuadée que le potentiel du financement participatif est énorme pour soutenir nos entreprises et leur croissance, c’est-à-dire aussi pour la création d’emplois en France.
Entre 2012 et 2013, le montant de collecte de fonds dans le monde a littéralement doublé !
En France, depuis 2008, 60 000 projets ont déjà été financés grâce aux plateformes de crowdfunding, ce qui représente près de 40 millions d’euros !
Aussi alternatif qu’il soit, le crowdfunding n’en demeure pas moins une activité de financement. C’est pourquoi, en ouvrant et en libéralisant cette activité, nous devons être attentifs à ce que tant nos concitoyens que l’écosystème économique et financier aient confiance dans ces nouvelles modalités.

Voilà le sens des travaux du Gouvernement pour le financement participatif ! Et voilà pourquoi j’ai organisé, en septembre dernier, les Assises du financement participatif, qui ont réuni près de 800 participants !
Trois pistes de réforme, qui toutes vont dans le sens d’une simplification du cadre réglementaire, ont d’ores et déjà été avancées :

  • la création d’un statut spécifique de conseiller en financement participatif, avec l’allégement des contraintes en fonds propres ;
  • l’allègement des contraintes de publicité en cas d’appel public à l’épargne ;
  • enfin, l’autorisation du prêt rémunéré dans le cadre du financement participatif, ce qui constitue une entaille faite au monopole bancaire.

Parallèlement, BPIFrance a lancé un portail Internet entièrement consacré au crowdfunding, qui référence l’ensemble des sites et des projets concernés.
La consultation, ouverte par les Assises, continue jusqu’au 15 novembre : tout le monde peut commenter les textes mis en ligne, et faire ses propres propositions. Notre méthode d’action politique est fondée sur la concertation et sur la prise en compte des propositions des acteurs de terrain.
La synthèse que nous élaborerons à l’issue de cette consultation servira ensuite de base pour les modifications législatives, règlementaires et de doctrine. Puis, les nouveaux articles de loi feront partie de l’ordonnance de simplification portée par Pierre MOSCOVICI, et entreront en vigueur au premier trimestre 2014.
La France est en pointe sur ces questions. Nous avons l’opportunité de faire de notre pays une place de référence pour le crowdfunding dans l’Europe et dans le monde. Nous serons au rendez-vous, car comme je vous l’ai dit, nous sommes résolus à faire pleinement bénéficier notre pays des grandes transformations que traverse l’économie moderne.
Je vous remercie de votre attention.

Source http://www.redressement-productif.gouv.fr, le 13 novembre 2013