Texte intégral
ROLAND SICARD
Les chauffeurs routiers manifestent encore ce matin, pour protester contre l'écotaxe. Ils organisent des opérations de blocages. Le gouvernement a suspendu cette écotaxe, est-ce qu'il ne va pas, simplement, la supprimer, finalement ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Que les choses soient claires, ce n'est pas l'écotaxe qui met en difficultés les routiers, puisque par définition elle n'est même pas encore appliquée, donc le Premier ministre a pris la décision de suspendre cette écotaxe, et nous y reviendrons, au terme d'une discussion qui s'engage, y compris d'ailleurs par les travaux parlementaires qui vont commencer, pour voir dans quelles mesures et comment il faut faire...
ROLAND SICARD
Ça veut dire qu'il y aura des aménagements.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Aménagé ou pas, tout va être posé à plat, dans le cadre de cette commission parlementaire qui va s'installer, et qui va reprendre la mesure telle qu'elle avait été adoptée, de façon un peu précipitée, un peu improvisée, et faire en sorte que nous ayons une mesure qui s'applique de la façon la plus efficace possible, sans porter atteinte à un secteur économique, en particulier le secteur agroalimentaire. Je le disais, s'agissant des routiers, ça n'est pas l'écotaxe qui leur porte préjudice, puisqu'elle ne s'applique pas encore, en revanche, c'est vrai que ce secteur...
ROLAND SICARD
Non, mais ils disent que ça va leur porter préjudice, et que ça va entrainer des faillites.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
En revanche, c'est vrai que ce secteur connait des difficultés, indéniablement, depuis 2007 on estime que l'activité dans le secteur a baissé de quelques 20 %. Donc, ces difficultés, elles viennent notamment d'une concurrence déloyale et du manque d'harmonisation sociale en Europe, qui fait que tous ne son pas au même niveau d'exigence, et c'est pour ça que mon collègue, Frédéric CUVILLIER, ministre du Transport, a lancé un grand plan de lutte contre la concurrence déloyale, c'est pour ça que François HOLLANDE insiste tellement pour que la directive détachement des travailleurs, qui encadre, vous savez, la façon dont des travailleurs peuvent aller dans un autre pays de l'Union européenne, pour travailler, soit mieux appliquée, avec les règles plus claires, pour éviter les fraudes telle qu'elles existent aujourd'hui. Je pense que c'est ainsi que nous apporterons un début de réponse au secteur routier.
ROLAND SICARD
Autrement dit, aujourd'hui, c'est la jungle en Europe.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Aujourd'hui, il y a la liberté d'aller et venir en Europe, la liberté d'aller travailler dans un autre Etat, qui est une bonne chose, et au contraire, il faut la soutenir cette liberté, mais en même temps, il faut des règles, parce que tous les Etats n'ont pas le même cadre social, n'ont pas le même droit du travail, et donc nous devons plutôt tirer l'Europe vers le haut, c'est pour ça que par exemple l'annonce par madame MERKEL, d'une réflexion sur un salaire minimal dans son pays, est une bonne nouvelle, et nous devons toujours pousser dans ce sens, plutôt que de laisser se détricoter petit à petit nos droits, par manque d'harmonisation sociale.
ROLAND SICARD
Ce que vous dites, ce matin, quand même, sur l'écotaxe, c'est qu'elle s'appliquera, de toute façon.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Il y a un travail qui a commencé...
ROLAND SICARD
En 2015 ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Il y a un travail qui a commencé, le calendrier n'est pas défini. Je pense que, vous savez, encore une fois, ce qui a pêché jusqu'à présent, c'est trop de précipitation, trop d'improvisation dans la façon dont on a adopté cette écotaxe, dans la façon dont on a reporté son application dans un premier temps...
ROLAND SICARD
Elle a été adoptée il y a longtemps, hein.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
... je parle de l'ancien gouvernement... Oui, oui, bien sûr, je parle de l'ancien gouvernement en disant cela, qu'il l'a adoptée, donc, dans une forme de précipitation, qui en a reporté l'application une première fois, sans pour autant préparer la suite, et donc aujourd'hui, on reprend le dossier, on invite les parlementaires à se pencher concrètement sur ses conditions d'application, et lorsque ce travail sera prêt, alors nous y verrons plus clair. Mais je pense qu'il faut se donner le temps.
ROLAND SICARD
L'autre dossier, c'est le travail du dimanche. Jean-Marc AYRAULT va recevoir un rapport aujourd'hui. Est-ce qu'il faut assouplir ses règles ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Le travail du dimanche, vous savez, ça pose des questions complexes, et le Premier ministre a demandé à Jean-Paul BAILLY, d'en appréhender toutes les dimensions, c'est-à-dire que c'est à la fois la question des nouvelles pratiques des consommateurs, qui peut se poser, on l'a beaucoup entendu dire, certains consommateurs souhaiteraient pouvoir faire leurs courses le dimanche, mais c'est aussi la question de la protection des salariés, à laquelle il faut toujours que nous puissions veiller, et c'est enfin la façon, dont, d'un territoire à l'autre, peut-être, on n'est pas totalement obligé d'appliquer exactement les mêmes règles, et il y a peut-être un petit peu de souplesse, en effet, à obtenir, au niveau territorial. C'est cet équilibre compliqué qu'il faut trouver entre ces trois exigences...
ROLAND SICARD
Il y aura une nouvelle loi ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Est-ce que ça passera par une loi ? Ça n'est pas forcément nécessaire, le Premier ministre va s'exprimer en début de matinée, tout à l'heure, lorsque Jean-Paul BAILLY va lui remettre son rapport. Mais moi, ce que je crois, c'est que nous avons, de toute façon, intérêt à clarifier la donne, parce que notamment depuis la loi Mallié de 2009, donc, qui avait multiplié les dérogations au principe de non-travail le dimanche, depuis cette loi, on est dans une situation, une espèce de jungle, où on ne comprend pas forcément quelles sont les règles qui s'appliquent, c'est pas forcément très efficace comme système de dérogation, parce que ça change d'un secteur à l'autre, d'un territoire à l'autre, et c'est assez inéquitable, en plus, et on se retrouve avec des enceintes... des enseignes, pardon, qui ne comprennent pas pourquoi, elles, on leur interdit de travailler le dimanche, alors que d'autres le peuvent.
ROLAND SICARD
Mais l'interdiction restera la règle.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Je crois que le principe du non travail le dimanche doit rester la règle, et donc, moi, personnellement, j'y suis attachée, parce que je pense que c'est un principe à la fois protecteur des salariés et protecteur de la cohésion sociale dans notre pays, oui...
ROLAND SICARD
Sujet tout-à-fait...
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
... parce que je pense que tout n'est pas consommation, il y a aussi la famille, et qu'il faut que nous garantissions cette possibilité, aux salariés, d'avoir un jour à part, un jour fait pour le repos.
ROLAND SICARD
Sujet tout-à-fait différent, les députés ont adopté un texte sur la prostitution, les clients seront pénalisés, 1 500 d'amende. Est-ce que vous pensez que ça va faire baisser la prostitution ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
C'est le souhait, évidemment, c'est la volonté derrière ce texte, qui est un texte, comme son titre le dit bien, de lutte contre le système prostitutionnel, donc l'idée c'est de mettre un frein au développement exponentiel de la traite, parce que c'est de traite que l'on parle avec ce texte, avant tout, c'est la traite qui constitue aujourd'hui la réalité de la prostitution, c'est-à-dire des femmes notamment, des hommes parfois, qui sont totalement asservis, jetés dans un marché, avec une demande dans ce marché, avec certes des réseaux, des proxénètes, qu'il s'agit toujours de combattre, et nous renforçons le combat contre ces derniers, mais aussi avec une demande, la clientèle, qu'il s'agit de responsabiliser, car elle fait fonctionner le système, par son existence, et donc c'est vrai que s'en prendre à la demande, c'est souhaiter, en effet, faire reculer le phénomène.
ROLAND SICARD
Les adversaires du texte, disent que ça va pousser, au contraire, les prostituées dans la clandestinité.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Il y a une chose que je ne comprends pas, c'est que, de fait, c'est aujourd'hui que les personnes prostituées sont dans la clandestinité, et tout particulièrement depuis que, même le racolage passif, comme vous le savez, est sanctionné, criminalisé. Donc, aujourd'hui, ce sont les personnes prostituées qui sont poursuivies, pour dire les choses simplement, qui sont emmenées en garde à vue, qui sont criminalisées, et donc c'est aujourd'hui qu'elles se méfient des institutions. Demain, dans la proposition de lui qui s'apprête à être votée, au contraire, nous les dépénalisons, ce n'est plus elles qu'on poursuit, ce sont les clients, et elles, au contraire, nous faisons tout pour les sortir de la prostitution, en leur mettant à disposition un parcours de sortie de prostitution, avec des aides, pour se loger, des aides pour se former, des aides pour se soigner ; donc vous voyez, nous les sortons plutôt de la clandestinité, et des aides pour trouver un emploi, pour leur offrir une véritable alternative. Je pense que c'est un projet très ambitieux.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 2 décembre 2013