Déclaration de M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères, sur la situation en République centrafricaine, à Paris le 26 novembre 2013.

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Mesdames et Messieurs,

Je viens de réunir les grandes organisations non gouvernementales pour évoquer avec elles la situation dans la République centrafricaine. Vous savez que cette situation est tragique.
D'abord sur le plan humanitaire puisque l'on compte un grand nombre de déplacés et de réfugiés dans des pays voisins. 1,5 million de personnes, sur une population totale de 5 millions, sont dans le dénuement absolu. Pour ne citer qu'un chiffre: il n'y a que 7 chirurgiens pour une population de 5 millions d'habitants. La situation est donc complètement catastrophique sur le plan humanitaire.
Sur le plan sécuritaire, vous savez qu'il y a malheureusement un grand nombre d'exactions, de pillages, de viols et de recrutements d'enfants soldats. Il y a aussi des affrontements entre bandes armées, dont la Seleka, un groupe prétendument de soldats mais qui est en fait formé de brigands. Cela entraîne des réactions extrêmement graves qui ne sont pas dans la tradition centrafricaine. Ces exactions, ces combats ont pris souvent un tour ethnique et religieux. Alors que les autorités religieuses, catholiques, protestantes et musulmanes, que j'ai rencontrées lors de mon déplacement sur place il y a quelques semaines, sont au contraire attachées à un fonctionnement harmonieux.
Sur le plan sécuritaire nous sommes dans une situation de «Non-État». L'implosion de la Centrafrique risque d'avoir des conséquences extrêmement graves sur les pays voisins : au nord le Tchad, à l'est le Soudan, au sud le Congo et le Cameroun à l'ouest.
Dans le même temps, une question politique est posée. Les autorités actuelles sont des autorités transitoires et il faut rétablir un fonctionnement politique normal. Il est nécessaire d'organiser au plus tard en février 2015 des élections. Il faut un rétablissement de l'état civil et de la Constitution.
Vous avez enfin un enjeu de développement économique. Il s'agit d'un pays potentiellement riche. Il possède des forêts, des diamants et d'autres ressources, mais il a été pillé. Il ne fonctionne plus et ne reçoit plus de recettes car les routes qui vont vers le Cameroun sont coupées et peu sûres. Il faudra se préoccuper donc de son développement économique.
Les ONG nous avaient alertés, au mois d'août, sur cette situation. Au mois de septembre, le président de la République a été le premier, à la tribune des Nations unies, à alerter la communauté internationale sur la situation dans la République centrafricaine. J'ai ensuite pris le relais. Je trouve que la communauté internationale a vivement réagi, ainsi que les pays africains et l'Union africaine. Un certain nombre de forces africaines sont en cours de déploiement dans le pays.
Il y a des forces françaises sur place, mais elles sont peu nombreuses. J'ai eu cet après-midi au téléphone le secrétaire général des Nations unies, M Ban Ki-moon, qui m'a confirmé que la semaine prochaine une résolution sous le chapitre 7 serait déposée. Elle permettra aux forces africaines et à des éléments français, si nécessaire avec des appuis européens, de pouvoir agir pour que cette situation catastrophique de non-droit sur le plan humanitaire prenne fin.
Concrètement cela veut dire que, la semaine prochaine, il devrait y avoir un vote aux Nations unies qui donnera autorisation de l'ONU aux autorités compétentes d'intervenir. Ensuite, selon des modalités à définir, les autorités africaines soutenues par des éléments français, pourront faire leur travail.
Sur un plan humanitaire il s'agira de porter secours de manière extrêmement rapide aux populations en difficulté, en particulier à Bossangoa où, autour de l'archevêché, 40.000 personnes seraient réfugiées, dans des conditions dramatiques. Le Premier ministre centrafricain, que je recevais hier, me disait que les réfugiés n'y avaient chacun que 1m2 pour survivre, et parfois pour mourir.
Une action de transition politique sera à mener, en accompagnement du développement économique. Nous voulons mener cela avec les Africains - ils sont au centre de la solution -, avec nos amis européens. Je me suis rendu sur place avec la commissaire européenne chargée des questions humanitaires, Mme Kristalina Giorgeva, et j'y retournerai bientôt.
Les ONG qui étaient présentes ce soir ont bien voulu partager notre analyse et se féliciter de l'action de la communauté internationale et de la France. Elles sont prêtes à faire leur travail pour stopper cette catastrophe humanitaire.
Ces questions seront examinées au sommet de l'Élysée la semaine prochaine. Une partie spécifique du programme sera consacrée à la République centrafricaine. Le secrétaire général des Nations unies m'a dit qu'il souhaitait pouvoir y participer, ce qui donnera à cette réunion une force particulière. La République centrafricaine sera, de plus en plus dans les semaines qui viennent, au coeur de l'actualité. Il s'agit d'arrêter la catastrophe en République centrafricaine et de reconstruire un pays qui actuellement n'existe plus. Merci.

Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 2 décembre 2013