Texte intégral
JEAN LEYMARIE
Est-ce que le chômage va continuer à reculer le mois prochain ?
MICHEL SAPIN
Regardons déjà ce mois-ci. Je comprends tout-à-fait qu'une fois engrangée, si je puis dire, la bonne nouvelle, vous vouliez passer à la suite, et je vais vous en parler de la suite, évidemment, mais le fait du jour, c'est que, oui, le nombre des chômeurs a diminué. Je vois bien tous les pinailleurs du monde, qui diront « oui mais », « mais, mais », mais le fait du jour c'est que, après des mois, des années d'augmentation, chaque mois, du nombre des chômeurs, cela diminue. C'est donc le début de l'inversion, et prenons-le pas comme la réussite d'un pari, on n'est pas là à jeter une pièce en l'air pour regarder de quel côté elle retombe, si c'est côté pile ou côté face, c'est la réussite ou c'est le résultat d'une politique, d'une volonté et d'une politique qui a porté ses fruits. Alors, maintenant, oui, il faut que ce soit dans la durée, parce qu'un chiffre, ça ne fait pas une tendance, mais enfin, si vous n'avez pas le premier chiffre, vous n'avez pas non plus la tendance.
JEAN LEYMARIE
Je peux vous poser la question autrement, il y a évidemment cet engagement de François HOLLANDE à inverser la courbe du chômage avant la fin de l'année, cet engagement sera-t-il tenu devant les Français ?
MICHEL SAPIN
Pour qu'il puisse être tenu, il faut d'abord que ça commence, donc ça commence. Aujourd'hui, c'est le début de l'inversion, ce qui veut dire...
JEAN LEYMARIE
Vous n'êtes pas sûr qu'il sera tenu.
MICHEL SAPIN
Mais, vous connaissez l'avenir ? Vous êtes madame Soleil ? Non, vous êtes monsieur LEYMARIE et moi je suis monsieur SAPIN. Donc, je ne suis pas dans la prévision de l'avenir, je suis dans l'action, et dans l'action d'aujourd'hui, il y a quoi ? Il y a deux grands domaines, qui ont permis d'avoir les chiffres d'aujourd'hui, qui permettront d'avoir des chiffres qui iront dans le bon sens dans les mois qui viennent. C'est d'abord la bataille sur le front économique, parce que c'est le fond des choses, c'est évidemment la solution durable, c'est que l'économie aille mieux, que les entreprises aillent mieux, qu'il y ait plus de marchés, qu'il y ait plus de consommation, qu'il y ait donc plus d'emploi dans l'économie française.
JEAN LEYMARIE
Vous trouvez qu'elle va mieux, l'économie, Michel SAPIN ?
MICHEL SAPIN
Oui, elle frémit, elle frémit, elle va mieux. Il y a d'ailleurs, y compris dans les chiffres du chômage, la traduction d'une certaine reprise de l'activité, avec une certaine reprise de l'emploi, mais ce n'est pas suffisant, donc il faut continuer, il faut faire en sorte que, au cours de l'année, 2014, nous ayons une croissance qui soit une croissance suffisamment forte et suffisamment durable. Et puis il y a un deuxième front, un deuxième front de l'emploi, c'est ce que l'on appelle les politiques de l'emploi. J'entends parfois, comment dirais-je...
JEAN LEYMARIE
Les emplois aidés.
MICHEL SAPIN
Voilà, les emplois aidés, mais...
JEAN LEYMARIE
On va y venir, mais je reste sur la reprise, parce que vous mesurez l'immense décalage entre les affirmations du gouvernement, qui dit : « L'économie commence à aller mieux », et ce que ressent la majorité des Français, à savoir que ça va très mal, que ça ne va pas mieux, Michel SAPIN, du tout.
MICHEL SAPIN
Mais évidemment qu'il y a un décalage, parce que c'est le décalage entre le moment où les choses bougent positivement et le moment où on le ressent dans la réalité des choses. C'est pour ça que vous n'allez pas me voir, ici, avec un énorme sourire, en disant « ça y est, tout est gagné, tout est... », non, pas du tout, c'est simplement la preuve que l'action ça paie, que les efforts, et les efforts des Français, ça donne des résultats, ce sont les premiers résultats, nous sommes rentrés dans l'ère des résultats. Après, ... lance des politiques, c'est difficile, vous savez, pendant des mois et des mois, j'avais à commenter l'augmentation du nombre des chômeurs, et je disais : « Ça augmente, mais ça augmente moins vite qu'avant ». On me disait : « Ah oui, mais quand même, ça augmente ». Mais c'est très difficile de ralentir la montée du chômage, c'est ce que nous avons fait, et là on est au moment où ça s'inverse, et je commente une baisse du chômage. Donc c'est quoi l'objectif, maintenant? Que cette baisse soit continue, que mois après mois le nombre des chômeurs baisse, c'est l'activité économique qui reprend, encore insuffisamment, mais qui reprend réellement, les chefs d'entreprise nous le disent, qu'ils sentent ces frémissements, et c'est les politiques de l'emploi, qui sont des politiques fondamentales, parce que si on ne s'occupe pas de ceux qui sont au chômage depuis très longtemps, si on ne propose pas des solutions à des jeunes qui ont ni emploi, ni formation, qui n'ont jamais eu une première expérience, comment voulez-vous qu'ils aient une deuxième expérience, puisqu'ils ont pas eu la première expérience ? Si on ne s'occupe pas de ceux-là, ils resteront au bord du chemin, même s'il y avait une croissance forte.
JEAN LEYMARIE
Si on regarde l'ensemble des catégories à Pôle emploi, la hausse est toujours là, + 0,8 % au mois d'octobre, Michel SAPIN.
MICHEL SAPIN
Oui, là aussi c'est normal, on regarde tous les chiffres, et les chiffres sont là pour être ça.
JEAN LEYMARIE
Ce sont des chiffres officiels.
MICHEL SAPIN
Evidemment. Qu'est-ce que l'on appelle un chômeur, en France ? Qu'est-ce que l'o appelle un chômeur au niveau international, aux Etats-Unis, en Allemagne ou en Italie ? C'est quelqu'un qui n'a pas travaillé. J'ai l'air de dire une Lapalissade, mais c'est quelqu'un qui n'a pas travaillé. En France, le nombre des chômeurs, a diminué. Nous avons heureusement des statistiques plus fines, qui nous permettent de voir ce que, au fond, deviennent ceux qui étaient chômeurs. Et qu'est-ce que ça fait apparaitre ces statistiques, c'est que, un certain nombre de ceux qui étaient chômeurs, ont retrouvé un emploi, mais un emploi qui est un emploi partiel, ou un emploi qui n'est pas, qui est un emploi à contrat à durée déterminée.
JEAN LEYMARIE
Mais c'est un vrai problème, ça, Michel SAPIN...
MICHEL SAPIN
Evidemment...
JEAN LEYMARIE
Y compris, quand on voit ces chiffres. 2/3 des nouveaux CDD sont des contrats très courts, c'est-à-dire des contrats de moins d'un mois. Comment est-ce qu'on peut vivre...
MICHEL SAPIN
Ça, ça ne date pas d'aujourd'hui, ce sont des chiffres...
JEAN LEYMARIE
Mais oui, mais c'est une tendance qui est là, les petits boulots deviennent la norme.
MICHEL SAPIN
Bien sûr...
JEAN LEYMARIE
Comment est-ce que l'on vit avec des contrats de moins d'un mois ?
MICHEL SAPIN
Juste, ne confondons pas les chiffres d'un mois avec les chiffres qui correspondent à une évolution au cours des dix dernières années. Donc, au cours des dix dernières années, les dix dernières années, ce n'était pas Michel SAPIN qui était ministre du Travail. Si vous voulez, je peux vous donner des noms, mais ils sont plutôt à droite de l'hémicycle. Pendant dix ans, au cours de ces dix dernières années, les contrats de moins d'un mois ont été multipliés par 10. Dix fois plus. Donc, la société s'est installée dans une vision, qui est une vision qui fait porter à une partie des Français, pas la totalité, mais à peu près à 10, 20 % des Français, tout le poids de la précarité. Ça ne va pas, bien entendu, on lutte contre cela, il y a des accords qui ont été passés avec les partenaires sociaux pour lutter contre cela.
JEAN LEYMARIE
Mais la tendance s'installe.
MICHEL SAPIN
Non, ce n'est pas, la tendance est là, c'est la traduction ici d'une reprise, aujourd'hui, c'est par des petits contrats ou par du temps partiel. Ça n'est pas suffisant, c'est aussi la bataille que nous menons. La bataille contre le chômage, c'est la bataille pour qu'il y ait des emplois, et c'est la bataille pour qu'il y ait des bons emplois. Un bon emploi, c'est un emploi qui donne de la visibilité. Je reprends les emplois d'avenir...
JEAN LEYMARIE
Parlons-en des emplois d'avenir.
MICHEL SAPIN
Les emplois d'avenir, c'est des contrats qui sont suffisamment longs, à peu près de l'ordre de trois ans, parce que sur trois ans...
JEAN LEYMARIE
Pas tous, hein.
MICHEL SAPIN
C'est la durée normale de ces contrats, de ces emplois d'avenir, c'est sur trois ans. Ça peut être un an renouvelable, mais c'est sur trois ans. Et donc, toutes les formations de ces jeunes, s'intègrent sur trois années, ce qui permet de trouver des solutions.
JEAN LEYMARIE
C'est bien que vous parliez de formation, parce qu'il parait que vous êtes très en retard sur les formations. Combien de ces jeunes en emploi d'avenir, bénéficient-ils d'une formation aujourd'hui ?
MICHEL SAPIN
Non, non, mais là aussi c'est, pardon, on pinaille sur les choses, mais...
JEAN LEYMARIE
Ah, on ne pinaille pas, la formation c'est capital pour l'avenir.
MICHEL SAPIN
Non, mais ce n'est pas vous qui pinaillez, mais la caractéristique de ces emplois d'avenir c'est que c'est la première fois qu'il y a un emploi, avec obligatoirement une formation à côté, donc regardons...
JEAN LEYMARIE
Mais, elle est là, sur le terrain, la formation ?
MICHEL SAPIN
Elle est sur le terrain, évidemment. Le chiffre...
JEAN LEYMARIE
Combien sont-ils aujourd'hui ?
MICHEL SAPIN
De quoi ?
JEAN LEYMARIE
A bénéficier d'une formation ?
MICHEL SAPIN
Mais, tous bénéficient d'une formation, tous, il n'y en a pas un, allez les voir, allez les rencontrer. Quand on rencontre un emploi d'avenir, la première chose qu'il dit quand je lui demande : mais qu'est-ce qu'il y a de mieux dans ton emploi ? La première chose qu'il me dit : c'est que j'ai de l'argent dans la poche. Ça me donne mon autonomie, ça me permet de vivre. Mais la deuxième, il me dit : mais il y a de la formation. Alors après, il y a les chiffres c'est quoi, c'est quel type de formation ? Alors, ce que l'on appelle les formations qualifiantes, il y en a 1/3 aujourd'hui, mais c'est la totalité demain, parce qu'on travaille sur trois ans, donc c'est vraiment, franchement, je veux bien que le scepticisme soit la maladie la plus répandue aujourd'hui, mais à force d'être sceptique, on finit par rendre toute la société française complètement pessimiste. Mais ce n'est pas le pessimisme qui va nous sortir de la situation. Vous avez aujourd'hui un bon chiffre, qui n'est pas une bonne nouvelle, qui est la traduction d'une, de la capacité à agir contre le chômage, de la capacité à faire en sorte que des jeunes retrouvent des emplois, parce que vous n'avez pas commenté ce chiffre, mais pour les jeunes, c'est pas depuis un mois que ça baisse, depuis six mois, chaque mois, il y a moins de chômeurs de moins de 25 ans qui sont recensés, donc ça veut dire qu'il y a des chômeurs de moins de 25 ans qui ont trouvé des emplois. Plus de 25 000 d'entre eux ont trouvé un emploi, ça prouve que la politique, ça a un effet, qu'on peut agir contre le chômage et qu'il faut continuer à agir contre le chômage. Tant qu'il y a encore 3 millions de chômeurs mais il y a un champ énorme d'action, c'est ça qui doit nous mobiliser, c'est ça qui doit nous permettre de faire baisser durablement le chômage.
JEAN LEYMARIE
Et les Contrats de génération, Michel SAPIN, on est très, très loin des objectifs que vous vous êtes fixés. Pourquoi est-ce que ça ne marche pas ?
MICHEL SAPIN
La maladie du scepticisme vous a vraiment définitivement frappé.
JEAN LEYMARIE
Ce sont les chiffres également...
MICHEL SAPIN
Mais bien entendu...
JEAN LEYMARIE
On se souvient, François HOLLANDE, pendant sa campagne, en parlait, un sénior, un junior...
MICHEL SAPIN
Oui, c'est ce qui se passe, donc venez avec nous, vous allez rencontrer... Hier, avec le Président de la République, on voyait des séniors et des juniors, mais il y a de quoi vous redonner confiance en la vie, confiance en la société, confiance en l'économie, confiance en la jeunesse ! Et ça a de quoi donner défiance aux sceptiques. Non, vous dites aujourd'hui ce que vous disiez sur les Contrats de génération, ce que vous disiez sur les Emplois d'avenir il y a six mois. Il y a six mois... « ah, les emplois d'avenir ça marche pas, ça décolle pas », aujourd'hui on est quasiment arrivé aux 100 000 emplois d'avenir. Mais il faut quand même un certain temps pour que ça porte une politique.
JEAN LEYMARIE
Les contrats de génération, c'est combien aujourd'hui ?
MICHEL SAPIN
Le contrat de génération, dans les petites boites, ça marche très bien, il y en a plus de 15 000 aujourd'hui dans les petites boites, dans les très grandes boites ça ne se compte pas de la même manière, c'est des dizaines de milliers dans les grandes boites, des dizaines de milliers, mais dites-le ! Dites-le que chez QUICK, chez EADS, chez THALES...
JEAN LEYMARIE
C'est combien, des dizaines de milliers, Michel SAPIN ?
MICHEL SAPIN
Comment ?
JEAN LEYMARIE
C'est combien, des dizaines de milliers ?
MICHEL SAPIN
Mais c'est des dizaines de milliers, il y en aura, sur une année, plus de 30 000 dans les grandes boites, dans les petites boites il y en aura plus de 30 000. Le chiffre, l'objectif que nous avait fixé le président de la République, c'est-à-dire 100 000 par an, c'est un chiffre qui sera atteint, évidemment.
JEAN LEYMARIE
Quand ?
MICHEL SAPIN
Mais, au cours de 2014, vous aurez 100 000 contrats de génération, c'est-à-dire 100 000 jeunes qui auront trouvé un emploi grâce à cela. Donc, vraiment, le message que je voudrais vous faire passer, pas tellement à vous, mais si on continue à toujours être sceptique sur tout, mais la France ne s'en sortira pas, ayez confiance en vous, ayez confiance dans les Français ! Je ne vous demande pas d'avoir confiance dans le gouvernement, mais d'avoir confiance en la France !
Source : Service d'information du Gouvernement, le 2 décembre 2013