Interview de Mme Sylvia Pinel, ministre de l'artisanat, du commerce et du tourisme, à "France Info" le 3 décembre 2013, sur les contours d'un futur projet gouvernemental sur le travail le dimanche.

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Média : France Info

Texte intégral

JEAN LEYMARIE
L'an prochain, il y aura donc une nouvelle loi sur le travail du dimanche. Je voudrais que l'on regarde d'abord ce qui va se passer en attendant la nouvelle loi. Est-ce que par exemple tous les magasins de bricolage pourront dimanche prochain ?
SYLVIA PINEL
Alors le rapport de Jean-Paul BAILLY a présenté un certain nombre de recommandations. Le Premier ministre a, hier, affirmé le principe du repos dominical. Mais il a également évoqué la loi future, mais également le régime transitoire pour prendre en compte les difficultés qui sont apparues. Il nous a demandé avec Michel SAPIN d'engager des discussions avec les représentants du secteur du bricolage, puisque le sujet se pose davantage en Ile de France pour poser un certain nombre de pré requis. Pour avoir des garanties sur le volontariat, sur les compensations données aux salariés, avant de prendre une disposition pour ouvrir les magasins du secteur du bricolage en Ile de France. Donc d'abord étape de discussions, d'échanges avec ces représentants de ce secteur, pour obtenir un certain nombre de droits, de droits sociaux en faveur de ces salariés, ce qui est bien sûr important.
JEAN LEYMARIE
Donc pour l'instant la fermeture reste la règle, même si une dérogation arrive ?
SYLVIA PINEL
Une dérogation arrivera une fois que nous aurons certaines garanties.
JEAN LEYMARIE
Et quelle échéance ?
SYLVIA PINEL
Dès que les discussions auront pu être positives et dès qu'elles s'engageront avec les représentants de ce secteur, le Premier ministre nous a demandé d'engager cette discussion dans les prochains jours. Donc si les choses se passent bien, ça peut aller vite. Mais là, la balle maintenant est dans le camp des représentants de ce secteur.
JEAN LEYMARIE
Avant la fin de l'année, Sylvia PINEL ?
SYLVIA PINEL
Cela dépendra des garanties. Je ne peux pas présager de ce que nous diront les représentants du secteur. Nous avons un certain nombre de pré requis sur le volontariat, sur les conditions de travail, sur les salaires, c'est important, puisque nous ne voulons pas de banalisation du travail du dimanche. Donc pour cela, lorsqu'il y a nécessité d'ouverture ou volonté d'ouvrir, il faut que les salariés puissent en avoir des contreparties.
JEAN LEYMARIE
Y aura-t-il à terme, madame la ministre plus de magasins ouverts le dimanche en France ?
SYLVIA PINEL
Il y a le principe qui est réaffirmé. Il y a aujourd'hui, beaucoup de salariés qui travaillent déjà le dimanche. Ce que nous voulons, c'est clarifier la loi. Nous avons hérité d'un 1000 feuilles législatif qui ne simplifie pas la vie des Français.
JEAN LEYMARIE
Ca tout le monde en convient, mais...
SYLVIA PINEL
Personne n'y comprend rien. Oui, mais justement l'objectif de la future loi, c'est de réaffirmer le principe du repos dominical et de clarifier le dispositif avec deux aspects dans cette clarification. Le premier c'est les dimanches des maires avec la possibilité pour les maires d'ouvrir le dimanche, et une initiative à la main des commerçants. Ce qui nous permet…
JEAN LEYMARIE
Il faut expliquer ça, d'un mot ! Un maximum de 12 dimanche par an, c'est-à-dire un dimanche par mois, une partie décidée par les magasins, une partie par les maires.
SYLVIA PINEL
Pour des besoins occasionnels. Pour aujourd'hui, ces dimanches, ils sont utilisés pour les fêtes de fin d'année et le premier dimanche des soldes de janvier. Au-delà, il n'y a pas d'ouverture occasionnelle et on sait très bien que pour la rentrée scolaire, certaines fêtes particulières ou des évènements locaux, les commerçants auraient peut-être envie de faire une animation spécifique, spéciale pour justement montrer leur savoir-faire, leur qualité, leur proximité, à l'heure du e-commerce, c'est important. Donc premier dispositif, celui-là ! Ensuite, nous définissons ou nous réaffirmons la possibilité d'avoir des périmètres d'animation concertée, commerciale ou des périmètres d'animation concertée touristique, pour que les touristes présents et c'est important, puissent…
JEAN LEYMARIE
Ça c'est le nouveau jargon Sylvia PINEL.
SYLVIA PINEL
Non, mais c'est pour expliquer comment cela passe, des nouvelles définitions de périmètres et ces définitions de périmètres passent par et c'est une innovation importante, par un dialogue social et un dialogue territorial. Sans dialogue social, sans dialogue territorial, on ne pourra pas déroger à cette règle.
JEAN LEYMARIE
Mais vous ne m'avez pas répondu : y aura-t-il plus de magasins ouverts le dimanche dans deux ans, dans trois ans ?
SYLVIA PINEL
Déjà sur les 12 dimanches vous constatez que c'est plus. Ensuite, cela dépendra de la qualité du dialogue social et du dialogue territorial. Dans notre société, c'est important de prendre en compte les évolutions et les attentes des consommateurs, mais en même temps, derrière ces entreprises qui travaillent le dimanche, qui ouvrent le dimanche, il y a des salariés et les compensations doivent être à la hauteur de leurs attentes, c'est pour ça, que nous mettons le dialogue social au coeur de cette réforme.
JEAN LEYMARIE
Est-ce que tous les salariés qui travaillent le dimanche auront un salaire majoré ?
SYLVIA PINEL
Le rapport BAILLY fait un certain nombre de préconisations, de recommandations en la matière, oui, nous voulons qu'il n'y ait plus d'incohérence et d'inégalité entre les salariés qui travaillent dans des commerces en fonction de leur zone géographique, s'ils sont en zone touristique ou pas. Il n'y avait pas les mêmes avantages. L'objectif c'est bien de donner les mêmes droits aux uns et aux autres.
JEAN LEYMARIE
Y compris dans les magasins de moins de 11 salariés, puisque là-dessus le rapport est sceptique ?
SYLVIA PINEL
Le rapport fait une proposition pour permettre aux commerces, aux petits commerces, aux petits commerces de TPE, de Très Petites Entreprises, et notamment dans les zones touristiques, qui sont constituées souvent de petites entreprises, d'avoir un système de compensation alléger pour ne pas mettre en péril la vitalité économique de ces entreprises. Ce n'est pas les mêmes réalités économiques dans une petite entreprise de moins de 11 salariés dans un commerce qu'une enseigne, tout le monde peut le comprendre.
JEAN LEYMARIE
Donc là, les employeurs ne seront pas obligés de donner un salaire amélioré ?
SYLVIA PINEL
Nous allons à partir de ce moment, de ce jour, nous allons engager avec les partenaires sociaux et les groupes parlementaires, un dialogue, une discussion sur la base des recommandations du rapport BAILLY, il y a des choses que nous devons travailler, notamment les critères pour définir les périmètres. Tout cela est sur la table aujourd'hui et nous continuons ce dialogue, parce que c'est un sujet qui passionne, qui est souvent complexe. Donc il faut prendre le temps de ce dialogue avec les partenaires sociaux, pour affiner les propositions du rapport BAILLY.
JEAN LEYMARIE
Les commerces de proximité suivent de très près évidemment ce dossier, et d'autant plus que beaucoup d'artisans et commerçants en ce moment, sont très inquiets de la hausse de la fiscalité. Vous venez d'être interpellés notamment par les représentants des restaurateurs au sujet de cette TVA qui va passer de 7 % à 10 % dans la restauration. Les restaurateurs expliquent qu'ils sont étranglés. Allez-vous reporter la hausse de la TVA ? Allez-vous les aider ?
SYLVIA PINEL
D'abord pourquoi cette augmentation de la TVA ? Il faut reprendre les choses dans l'ordre, c'est parce qu'il y a plus d'un an, le gouvernement a décidé de mettre en place, le pacte national pour la compétitivité, la croissance et l'emploi, avec comme mesure phare, le crédit d'impôt compétitivité emploi, qui permet un abaissement du coût du travail. Et lorsque j'ai pris mes fonctions, l'ensemble de ces professionnels, me demandait une baisse du coût du travail pour pouvoir investir, pour pouvoir recruter ou maintenir leur emploi. Le gouvernement a pris en compte cette demande, et pour financer le CICE, nous avons fait appel à une modulation du taux de TVA, mais aussi à des réductions de la dépense publique. Donc cette augmentation de la TVA, elle n'est pas sans sens. C'est dans la restauration par exemple, le CICE c'est plus d'un milliard d'euros qui va dans les entreprises de la restauration, parce que leur masse salariale correspond aux critères du CICE. Donc je crois que les restaurateurs sont aussi dans la moyenne européenne, et c'est une décision qui était juste et annoncée depuis plus d'un an.
JEAN LEYMARIE
Donc vous ne bougerez pas là-dessus, on l'a compris. Mais les restaurateurs insistent sur les faillites qui augmentent dans leur secteur et d'après leurs chiffres, ces faillites ont augmenté de 8 % depuis le début de l'année. Que se passe-t-il ?
SYLVIA PINEL
Vous remarquerez que l'augmentation de la TVA, là, pour le coup, n'y est pour rien, puisque la TVA n'est pas encore mise en place.
JEAN LEYMARIE
Mais pour eux, c'est un argument pour dire : aidez-nous ! Soutenez-nous !
SYLVIA PINEL
Mais il y a d'autres moyens d'aider le secteur de la restauration. Nous avons mis en place un comité de filière, pour faire le bilan du contrat d'avenir, par rapport à la baisse de la TVA, nous avons fait le constat que ce bilan était mitigé. Nous avons pris un certain nombre de mesures pour rassurer les consommateurs sur le fait-maison, sur la rénovation du titre de « maître restaurateur. » Nous avons pris un certain nombre de mesures pour les travailleurs indépendants qui avaient manifesté un certain nombre d'inquiétude, sur le lissage des cotisations retraites, sur la possibilité de déclarer ses cotisations sociales sur le salaire estimé, non pas le salaire déclaré les années précédentes. Donc nous avons compris cette inquiétude, mais on ne peut pas tout mélanger. Le CICE est important pour ces entreprises-là, il leur donnera d'ailleurs, parce que beaucoup n'ont pas demandé le préfinancement. Donc une bouffée d'oxygène. Vous le voyez, le gouvernement agit avec méthode sur ces sujets-là.
JEAN LEYMARIE
Sylvia PINEL, vous êtes aussi ministre du Tourisme et vous avez lancé tout récemment les Assises du Tourisme. Et là aussi, inquiétude y compris inquiétude dans le secteur. Parce que si la France reste la première destination touristique mondiale, les recettes du tourisme sont loin derrière. Comment ça se fait ?
SYLVIA PINEL
Nous sommes troisièmes en termes de recettes, l'objectif des assises c'est bien justement de relancer, de mobiliser en faveur de cette grande cause qu'est le tourisme, qui est une belle ambition pour la France.
JEAN LEYMARIE
Qu'est-ce qui nous manque ? On n'a pas assez chambres d'hôtels, on ne sourit pas assez aux touristes, c'est quoi ?
SYLVIA PINEL
Nous avons des durées de séjour trop courtes. Aujourd'hui, l'objectif c'est bien d'allonger la durée de temps passé en France, par nos visiteurs internationaux pour augmenter justement les recettes liées au tourisme. Et dans cette consultation que nous menons, les Français eux aussi, pourront donner leur avis sur le site Internet ouvert à cet effet, pour faire part de leur expérience, de leur volonté de s'impliquer et tout simplement d'être aussi hospitalier.
JEAN LEYMARIE
C'est ça qui nous manque aujourd'hui ?
SYLVIA PINEL
Ça peut être un élément, mais ce n'est pas le seul. Mais je crois qu'il y a un ensemble, un ensemble qui appelle une mobilisation, une implication de tous les Français.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 3 décembre 2013