Déclaration de M. Kader Arif, ministre des anciens combattants, en hommage aux combattants australiens de la Première Guerre mondiale, à Sydney le 27 novembre 2013.

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Circonstance : Déplacement en Australie, en Nouvelle-Zélande et en Nouvelle-Calédonie, du 25 novembre au 1er décembre 2013

Texte intégral

Monsieur l'Ambassadeur,
Monsieur le Consul général,
Monsieur l'Attaché de défense,
Mesdames et Messieurs les présidents d'associations,
Messieurs les Anciens combattants et vétérans,
Chers compatriotes d'Australie,
Chers amis australiens,
Mesdames, Messieurs,
Permettez-moi tout d'abord de vous remercier, monsieur le Consul général et de vous dire combien je suis heureux et honoré de l'accueil qui m'a été réservé depuis 2 jours sur le sol australien.
Cela faisait longtemps que je souhaitais venir en Australie. Dans le cadre de mes fonctions, j'ai pu mesurer la richesse mémorielle de ce pays et les liens d'amitié qui unissent nos deux pays.
J'étais d'autant plus impatient de faire ce déplacement que j'ai vécu avec nos amis australiens il y a quelques mois, un moment qui me marquera pendant des années, je le sais. Je pense bien sûr au 25 avril dernier, à l'occasion de la cérémonie commémorative de l'Anzac-Day qui est pour eux un rendez-vous régulier avec leur histoire et leur mémoire et qui fut pour moi une rencontre émotionnelle avec l'Australie.
Depuis ce jour, j'ai gardé en mémoire tant le souvenir du sacrifice des soldats australiens enterrés à Villers-Bretonneux et à Fromelles que celui du courage de tous les combattants australiens tombés au champ d'honneur de la France, ce pays si éloigné de leur grande île.
Et permettez-moi à cet instant de vous livrer à ce sujet une histoire qui m'a profondément ému.
Au lendemain de la bataille de Villers-Bretonneux, et bien que reconquise par les Alliés, la ville était détruite. Des Australiens lancèrent alors une collecte auprès d'écoliers d'un établissement de Victoria en Australie, collecte qui permit de reconstruire l'école de Villers-Bretonneux. Le jour de sa réouverture, les tableaux noirs portaient une inscription à la craie blanche : « n'oublions jamais l'Australie ».
Près de 100 ans plus tard, c'était au tour des habitants de Villers-Bretonneux de se mobiliser lorsqu'ils apprirent que l'école primaire de Strathewen en Australie avait été dévastée par un incendie. En écho à l'élan de solidarité dont leurs grands-parents avaient bénéficié, les Villers-Bretonniens récoltèrent 20 000 dollars pour participer à l'effort de reconstruction.
Le jour de l'inauguration, en 2011, 30 habitants de la petite ville de la Somme se rendirent à Strathewen et découvrirent la plaque apposée à l'entrée de l'école : « n'oublions jamais nos amis de Villers-Bretonneux, France ».
Cette belle histoire d'amitié et de fidélité est le témoignage de la fraternité qui nous lie, une fraternité exprimée courageusement il y a 100 ans, lorsqu'un dixième de la population australienne traversait les océans, pour venir en aide à une nation qu'ils ne connaissaient pas.
C'est là toute l'histoire d'amitié entre la France et l'Australie. Ce sont les 416 809 soldats engagés dans la Grande Guerre et les 60 278 qui y laissèrent leur vie.
Ce sont les 23 000 soldats tombés à Pozières en juillet et août 1916.
Ce sont les 410 soldats australiens qui reposent au cimetière des Fromelles.
C'est le village du Hamel dans le nord de la France où se mêlent le vécu local de la Grande Guerre et celui de l'Australie.
C'est le souvenir de la reconquête de Villers-Bretonneux dans la Somme le 25 avril 1918.
Une reconquête dont le président français du Conseil d'alors, Georges Clemenceau, a exprimé tout le sens en quelques mots : « je suis allé voir les soldats australiens. J'ai vu dans leur regard la volonté de se battre pour la liberté ».
Cette admiration du chef du gouvernement qu'il était il y a 100 ans se retrouvait le 25 avril dernier dans les yeux de tous ceux qui participaient, au lever du soleil, à cette grande cérémonie. Cette admiration, elle se retrouvait aussi hier dans mes yeux alors que je rendais hommage, entouré d'élèves, aux combattants australiens devant le War Memorial à Canberra.
Nous ne les oublions pas, tous ces combattants australiens, eux qui n'ont pas eu la chance, comme nous, de vivre en paix, mais dont le souvenir reste vivant dans nos mémoires.
L'admiration que je porte à tous ces soldats, n'a d'égal que celle que je porte à la manière dont les Australiens vivent et font vivre leur mémoire. Je sais leur attachement à leur histoire et à leur mémoire. Nous devons, nous Français, nous en nourrir.
Je connais l'investissement du gouvernement australien à l'approche de ces commémorations du Centenaire de la Première Guerre mondiale.
C'est d'abord ce chemin de la mémoire, véritable itinéraire du souvenir tracé au coeur des terres et du paysage français. Un chemin qui s'appuie sur les nombreuses infrastructures mémorielles des collectivités territoriales et qui relie les sites des plus importantes batailles auxquelles des soldats australiens ont pris part.
Je tiens aussi à ce que la France, et c'est ce que je m'efforce de faire avec la ministre du tourisme, Mme Sylvia Pinel, mène une véritable politique en faveur du tourisme de mémoire. Nous devons être à la hauteur de ces prochaines commémorations en garantissant, sur notre sol, le meilleur accueil possible à nos amis et partenaires étrangers à qui nous dirons la reconnaissance de la France.
C'est pourquoi je me réjouis de la coopération qui se renforce entre nos deux pays dans le domaine de la mémoire. J'ai signé avec mon homologue australien, le 22 avril dernier un mémorandum d'entente qui nous incite, Français et Australiens, à préparer un programme commémoratif commun et qui encourage les initiatives destinées à promouvoir notre mémoire partagée.
Cet accord est le signe de l'amitié franco-australienne.
Une amitié dont vous témoignez aussi aujourd'hui, chers compatriotes d'Australie. Vous rappelez, à plusieurs milliers de kilomètres de chez vous, l'attachement de la France à l'Australie.
J'étais hier à l'école franco-australienne Télopea Park de Canberra et j'ai été profondément marqué par l'enthousiasme et l'intérêt des lycéens, australiens et français, pour ces commémorations du Centenaire.
Je sais l'investissement de cet établissement puisque le projet musical proposé a été labellisé par la France. De septembre à octobre 2014, l'orchestre du lycée franco-australien présentera plusieurs concerts qui mettront en musique les liens forts qui unissent nos deux pays.
Des concerts qui seront joués ensuite en France, dans la Somme, dans le Nord et enfin à Paris, pour faire entendre à tous nos compatriotes français l'air mélodieux de la fraternité franco-australienne.
Ces concerts sont l'un des quatre événements que prévoit le cycle commémoratif commun franco-australien. Il débutera ici même en Australie, le 15 février prochain — en écho à la bataille de Gallipoli du 15 février 1915 — par le concert du Symphony Orchestra of Canberra qui jouera des oeuvres de compositeurs français des années 1900.
Par ailleurs, et tout au long de l'année 2014, une campagne d'affichage intitulée « Merci Australia » se déploiera dans toutes les grandes villes australiennes, pour rendre hommage à ceux de 14, ceux au sujet desquels Charles Bean, correspondant de guerre australien officiel, devenu historien, disait : « Il n'y a rien qui puisse changer ce que ces hommes ont fait. [...] Il n'y a rien qui puisse amoindrir la gloire de leurs actes. Elle s'élève au-dessus de la nuit des temps ».
Oui, ces hommes étaient des héros. Ils venaient d'une Nation qui fut l'une des rares à avoir refusé la conscription. Ils étaient des volontaires.
Je pense à Albert Jacka, le premier soldat australien à avoir reçu la croix de Victoria en récompense de sa bravoure et de son dévouement pendant la campagne de Gallipoli. Albert Jacka qui rejoignit ensuite le front de l'ouest et participa à la bataille de Pozières.
Je pense à Thomas Richmond Baker, engagé à 18 ans, en juin 1915. A 18 ans, lui aussi était volontaire. Intégré au 16e Bataillon, il fut plongé dans la Bataille de la Somme en 1916.
Je pense aussi à Elisabeth Pearl Corkhill qui, après avoir fait un stage d'infirmière à Sydney, s'engagea à 28 ans dans le service d'infirmerie de l'Armée australienne en juin 1915 et consacra plusieurs années de sa vie à soigner ses camarades venus d'Australie et d'ailleurs, blessés au front.
Je pense enfin à ce soldat australien, mort sur nos champs de bataille, et que l'on nomma « le soldat inconnu ». J'étais hier à l'Australian War Memorial de Canberra où le corps de ce combattant, choisi sur le site de Villers-Bretonneux a été ré-inhumé le 11 novembre 1993, il y a tout juste 20 ans.
Ce soldat inconnu symbolise l'héroïsme des Australiens. Il est un héros qui donna sa vie pour des valeurs dont nous sommes tous ici les héritiers et les dépositaires.
Un héros car, comme l'écrivit Roger Caillois, dans son livre sur la guerre, Bellone, « le héros n'est plus celui qui réussit par vaillance à rendre illustre un nom obscur, mais le soldat inconnu, c'est-à-dire celui qui sait le mieux se défaire de son nom et brouiller les traces qui eussent permis de le retrouver ».
Il est toujours très difficile de savoir si nous aurions été l'un de ces héros, et ce que nous aurions fait en temps de guerre, nous qui vivons aujourd'hui dans la paix héritée du courage et du combat de nos aînés.
Je ne saurai moi-même répondre à cette question mais je peux dire que j'aurais aimé ressembler à ces hommes.
Ceux qui s'engagèrent par conviction contre l'injustice et pour la liberté. Ceux qui, dans un esprit de fraternité, débarquèrent sur des terres lointaines pour livrer un combat dont ils étaient sûrs qu'il est aussi le sien. Comme l'ont fait ces 400 000 Australiens il y a 100 ans, ces 400 000 soldats qui font la fierté de leur Nation et qui méritent toute la reconnaissance de la nôtre.
Vive l'Australie !
Vive la France !
Vive l'amitié franco-australienne
source http://www.ambafrance-au.org, le 13 décembre 2013