Texte intégral
Deux points principaux seront à l'ordre du jour de ce Conseil européen : l'approfondissement de l'Union économique et monétaire et la politique de sécurité et de défense commune. Avant de les aborder, je tiens à vous faire part des grandes avancées obtenues hier sur les travailleurs détachés.
La mobilisation personnelle du président de la République a fait bouger les lignes afin de mieux protéger les travailleurs détachés, dans leur pays d'emploi comme dans leur pays d'origine. Des coopérations éviteront les contournements. Les États se sont engagés à fournir toutes informations sur les sous-traitants pour lutter contre les sociétés-écrans. On pourra exiger des travailleurs détachés eux-mêmes la preuve que leurs conditions de travail et de salaire respectent les règles. Les donneurs d'ordre seront responsables des agissements de leurs sous-traitants. Les sanctions, enfin, seront appliquées dans tous les États membres et les amendes pourront être recouvrées dans le pays d'origine. Aucune impunité ne pourra persister.
Vous le voyez, une Europe sociale est possible, à condition que l'on s'en donne les moyens et que l'on sache négocier.
Le Conseil européen sera l'occasion d'évoquer l'Union économique et monétaire. La crise a révélé la nécessité d'harmoniser les économies de la zone euro. Notre mot d'ordre doit être la solidarité. L'union bancaire en est un parfait exemple. Notre objectif est de la compléter avant la fin de la législature du Parlement européen, en mai, avec un mécanisme de résolution unique. Les grandes lignes d'un accord politique ont déjà été trouvées hier au sein du conseil Ecofin. Enfin, nous nous doterons de règles communes pour gérer les crises bancaires. Je salue la nomination d'une grande spécialiste de la régulation financière, la française Danièle Nouy, à la tête du comité de supervision de la BCE. Elle aura notamment en charge de conduire la prochaine phase de tests de résistance des établissements bancaires.
Les contrats de compétitivité et de croissance ne doivent pas être dissociés de mécanismes de solidarité financière. Ils doivent résulter d'un diagnostic économique d'ensemble sur la zone euro avant d'être adaptés à chaque pays. Il n'est pas non plus question de créer une usine à gaz mais de s'aligner sur le calendrier du semestre européen.
Sur la Politique européenne de défense et de sécurité, notre méthode est la même, fondée sur la négociation en amont. Cette politique sera à l'ordre du jour pour la première fois depuis cinq ans, à la demande de la France. C'est un processus de longue haleine que nous entamons. À l'heure où des événements dramatiques se produisent partout dans le monde, il y a urgence. Je pense à la Centrafrique, où la situation est si dramatique que le concours de la France a été demandé. Je rends hommage à nos soldats qui ont péri hier et adresse mes sincères condoléances à leurs familles.
En République centrafricaine, l'Union européenne est au rendez-vous. Elle apportera un soutien financier de 50 millions à la Misca à travers la Facilité de paix. La Commission européenne a relevé l'aide humanitaire d'urgence de 12 à 20 millions d'euros : c'est aujourd'hui le premier bailleur de fonds du pays. Les commissaires Piebalgs et Georgieva sont très engagés.
L'Union européenne doit être un acteur-clé de la sécurité internationale. La politique de sécurité et de défense commune est un facteur d'économie stratégique ainsi que de développement industriel.
Nous veillerons à la mise en place d'une stratégie de sûreté maritime et de lutte contre l'immigration illégale, à l'exécution du mandat confié à la Haute représentante sur les frontières sahélo-sahariennes, au suivi des capacités des États tiers et des États membres, notamment en matière d'avions ravitailleurs et de drones, au moyen de schémas de mise en commun ainsi qu'aux mécanismes de soutien aux capacités nationales par des exemptions de TVA.
Nous serons attentifs, enfin, au soutien apporté aux industries européennes.
Nous n'avons qu'un objectif : bâtir une Europe plus protectrice et plus solidaire, pour la croissance et pour l'emploi.
(Interventions des parlementaires)
Je vous prie d'excuser l'absence de Jean-Yves Le Drian, pourtant auditionné ce matin par votre commission des affaires étrangères et de la défense, et dont vous connaissez l'engagement, mais qui part tôt demain au Tchad.
La France consacre deux points de PIB à la défense. Les dépenses militaires d'investissement font marcher l'économie ; nous plaidons pour qu'il en soit tenu compte dans le calcul du déficit. Nous soutenons aussi l'idée de leur appliquer un taux réduit de TVA.
La politique européenne de sécurité et de défense est une politique relativement jeune mais dont les résultats ne sont pas nuls : 27 opérations sur trois continents, excusez du peu ! Il n'en faut pas moins renforcer nos capacités militaires, y compris en matière aérienne et de drones.
Les conclusions du Conseil Affaires étrangères et défense des 18 et 19 novembre derniers ont identifié des axes d'action sur les trois volets du mandat de décembre 2012. Le Conseil européen à venir est le premier moment clé de la nouvelle période qui s'ouvre. Un rendez-vous spécifiquement consacré à la politique de sécurité et de défense devra être fixé fin 2014-début 2015, sous présidence italienne, dont il constituera, m'a-t-on assuré à Rome, une priorité.
Les contractions budgétaires doivent encourager les Européens à mutualiser leurs capacités militaires. La France a joué un rôle moteur dans le partage des avions ravitailleurs. Une flotte internationale de six à huit appareils sera bientôt opérationnelle.
Depuis 2010, l'Union européenne a lancé des missions militaires en Somalie, au Mali, au Niger. Une mission de formation des forces centrafricaines est envisagée.
Le silence de l'Europe sur l'intervention en République centrafricaine est critiqué par certains. Notez qu'une intervention immédiate était indispensable et que les unités opérationnelles européennes ne peuvent pas encore être mobilisées. L'Union européenne a néanmoins accru les fonds à destination de la République centrafricaine.
Soyons clairs : la défense européenne n'existe pas encore en tant que telle. Les Opex nationales ne peuvent être financées par l'Union européenne. En revanche, celle-ci peut intervenir en matière de formation et aussi d'équipements. Le Conseil Affaires étrangères et défense des 18 et 19 novembre a donné en ce sens mandat à la Haute représentante d'élaborer un mécanisme de financement de l'Union.
Un mot sur les drones. Notre objectif est de développer un drone de surveillance d'ici 2020-2025. Mandat en a été donné à l'Agence de défense européenne. Un drone tactique sera ensuite à l'étude.
L'idée d'un Livre blanc européen a été émise dans le Livre blanc national. L'exercice pourrait être lancé en 2015. Il faudra éviter les discussions trop abstraites et s'attacher au caractère opérationnel de la politique de défense commune.
M. Gattolin a évoqué le cas portugais. Un nouveau budget d'austérité a été adopté au Portugal pour 2014, date à laquelle le pays entend revenir sur le marché des dettes souveraines. Mais attendons l'issue des discussions avec la troïka. La directrice générale du FMI vient d'estimer que la consolidation budgétaire avait été trop rapide et trop forte dans le pays.
M. Bizet a reconnu que la Commission européenne avait salué notre budget et encouragé nos efforts de réforme. Olli Rehn, dont on connaît les affinités politiques, a jugé ce budget responsable et fondé sur des hypothèses plausibles. Quant aux prévisions pour 2015, je vous rassure : il n'y aura pas de dérapage. Nos divergences avec la Commission s'expliquent aisément : Bruxelles calcule les déficits à politique inchangée. Notre déficit sera inférieur à 3 % en 2015.
L'augmentation de 3 milliards d'euros du capital de la BEI est inédite. La France disposera ainsi de 7 milliards d'euros, contre 4 milliards auparavant. Nous avons déjà signé pour 5,7 milliards de prêts ; 1,5 milliard d'euros sera mis à disposition des hôpitaux dans le cadre du programme «Hôpital d'avenir». Je signerai bientôt un engagement semblable pour financer les universités -qui n'étaient, pas plus que les hôpitaux, éligibles aux fonds de la BEI avant que nous n'en fassions modifier les statuts.
La taxe sur les transactions financières (TTF) verra le jour : l'engagement pris par le président de la République sera tenu. L'avis consultatif rendu par le service juridique du Conseil européen ne portait que sur la territorialité de la taxe. Nous avançons main dans la main avec l'Allemagne sur ce dossier : notez que l'accord CDU-SPD maintient cette question sur la table.
J'en viens à la dimension sociale et à la mise en place d'un tableau de bord sur les indicateurs sociaux, dans le cadre de l'Union économique et monétaire, acte fondateur qui est à mettre au crédit de la France. Cinq indicateurs ont été proposés : ils devraient être validés lors du Conseil européen de décembre et rien n'empêche d'en proposer d'autres. Les ministres du travail ou des affaires sociales pourraient ainsi participer aux conseils Ecofin.
La création d'une capacité budgétaire européenne ne sera pas facile. Cela fait néanmoins partie des pistes défendues par le tandem Hollande-Merkel. L'idée d'une présidence à temps plein de la zone euro a été évoquée. Le président Martin Schulz a commandé un rapport sur sa faisabilité.
L'intégration des questions sociales au semestre européen est également une demande du président Van Rompuy.
Dans le domaine bancaire, nous allons assister, les 19 et 20 décembre, à une petite révolution. La supervision unique des banques des vingt-huit États membres minimisera les risques de défaillance. Le mécanisme sera opérationnel dans moins d'un an. Un accord vient en outre d'être trouvé sur un mécanisme de résolution unique, deuxième pilier de l'Union bancaire, pour la zone euro et les États membres volontaires. Des tests de résistance seront conduits sur tous les établissements bancaires en 2014.
Enfin, l'accord récent envisage l'harmonisation des règles relatives à la rémunération des dépôts.
J'en viens aux accords d'association. Il est regrettable que l'Ukraine l'ait refusé. De nombreux manifestants demandent désormais le rapprochement avec l'Union européenne. Notre offre demeure sur la table. Mais l'Ukraine n'est pas à acheter, pas plus que l'Europe n'est à vendre : à nous de réamorcer notre dialogue sur de nouvelles bases. De nouvelles mesures russes de rétorsion ne sont pas à exclure. L'Union européenne et la France ont fait appel à la non-violence et à la reprise du dialogue à Kiev. Le leader de l'opposition, M. Vitali Klitchko, doit être respecté.
Le président de la République a rencontré les représentants de tous les pays des Balkans. L'octroi du statut de candidat à l'Albanie dépendra des réformes internes : lutte contre la corruption, réforme de l'administration publique.
Nous avons encouragé le dialogue entre la Serbie et le Kosovo. Face à ces avancées, la France a soutenu l'ouverture d'un dialogue entre l'Union européenne et la Serbie. La stabilisation de la région est cruciale et notre responsabilité est grande.
Q - (Sur le Mali et la République centrafricaine)
R - Le président malien, hier à Strasbourg, a rendu hommage au rôle moteur de la France et témoigné que l'Union européenne avait répondu à ses demandes.
Q - (Sur l'Europe de la défense)
R - La politique de sécurité et de défense commune est encore jeune. Nous voulons des avancées concrètes en matière de capacités et pour être ensemble sur des théâtres d'opérations comme les Balkans, quand la Kfor se retirera. J'espère que vous pourrez dire dans un an : que de chemin parcouru !
Je n'entrerai pas dans les détails budgétaires sur lesquelles M. Cazeneuve est plus compétent que moi.
Un mandat très clair a été donné aux institutions européennes pour faire progresser la politique de sécurité et de défense commune. Ce sera un processus à moyen, sinon long terme. Nous aurons un rendez-vous décisif fin 2014. Il faudra définir la base technologique de la défense européenne.
Au-delà même des impératifs de défense, 400 000 emplois sont en jeu. Cela n'a pas échappé à mes collègues européens. Certains, d'ailleurs, qui n'avaient d'yeux que pour l'Otan, se rapprochent d'une dynamique européenne. Je pense en particulier à la Pologne, qui pourrait prendre bientôt des décisions très importantes par leur impact sur l'Europe de la défense. Je ne peux vous en dire plus pour le moment.
Q - (Sur la protection des données personnelles)
R - La question est stratégique. Les récentes révélations ont montré l'importance de renforcer les règles. La protection des données a été à l'ordre du jour du dernier Conseil des 24 et 25 octobre à la demande de la France. Il a été décidé que le règlement relatif à la protection des données personnelles serait adopté au plus tard début 2015. Toute personne résidant dans l'Union européenne devra bénéficier des protections offertes par le droit européen et les entreprises devront voir leurs formalités assouplies. Les responsables de traitement devront se voir appliquer la législation européenne.
La politique de sécurité et de défense commune est aussi le moyen de renforcer la protection des données. Le système de géo-positionnement Galileo est entièrement maîtrisé par les Européens, alors que le GPS est aux mains des militaires américains. Les 38 satellites de Galileo seront opérationnels dans deux ans. C'est une question de souveraineté.
Q - (Sur la situation en Ukraine)
R - Sans apporter des garanties, nous pouvons agir. À Kiev, j'ai vu des jeunes de toutes conditions, de tous âges, qui refusaient la décision du Gouvernement de tourner le dos à l'Europe. L'Union européenne était prête à apporter quelques centaines de millions d'euros mais exigeait des contreparties : liberté de la presse, réforme du mode de scrutin, fin de la justice sélective symbolisée par le cas de Mme Timochenko. Le gouvernement ukrainien, subissant sans doute les pressions russes, a décliné notre proposition. Nous avons dit que la porte restait ouverte, à condition que les réformes demandées soient accomplies. Une mission de médiation a été confiée à Mme Ashton, à laquelle participe la vice-secrétaire d'État américaine. Nous veillerons à ce que la force ne soit pas employée contre les manifestants.
Q - (Sur les travailleurs détachés)
R - Nous revenons de loin. Beaucoup pariaient sur notre échec. Rien n'aurait alors changé, au moins pendant un an.
S'agissant de l'article 9, c'est bien une liste ouverte d'informations qui est prévue. Elle sera précisée par la loi française et les documents devront être écrits en français.
L'article 12 responsabilise les donneurs d'ordre, obligatoirement et sans seuil dans le BTP, facultativement ailleurs. C'est une belle avancée. Il y a dix-huit mois, certains pays ne nous auraient pas rejoints. C'est significatif : certains prennent conscience de la résonance de ce dossier dans l'opinion et ne veulent pas donner de grain à moudre aux eurosceptiques. Je salue le choix de la Pologne, qui a privilégié l'intérêt européen.
Libre circulation, oui ; exploitation des travailleurs, non : voilà le principe qui a guidé la position de la France. J'ai rencontré le président de la Fédération française du bâtiment ; il partageait nos positions, y compris sur la nécessaire responsabilisation des entreprises du secteur.
La Fédération française du bâtiment a même mené une campagne de communication sur ces questions.
Dans les jours qui viennent, des discussions s'ouvriront entre le Conseil, la Commission et le Parlement européen pour rédiger un texte. Cela doit être fait avant mai. Peut-être pourra-t-on arracher encore quelques concessions mais le mieux est souvent l'ennemi du bien.
La lutte contre les distorsions de concurrence passe aussi par un salaire minimal. Là aussi, pas à pas, on y arrive.
Q - (Sur les accords de l'Union européenne avec les États-Unis et le Canada)
R - L'accord Union européenne-Canada est bien avancé mais non encore adopté. Le Parlement français sera bien sûr appelé à ratifier les accords avec le Canada et les États-Unis. Si un seul État membre ne les ratifie pas, ils ne seront pas appliqués.
Un travail préalable énorme reste devant nous avant de conclure l'accord avec les États-Unis.
Q - (Sur le marché unique européen)
R - Le marché unique est au coeur de l'Europe. Nous ne saurions donc, entre nous, fausser la concurrence. Cela dit, les crédits d'impôt ne posent pas problème s'ils ne sont pas anti-concurrentiels : ce n'est notamment pas le cas du CIR. CIR et CICE répondent aux besoins de dynamisation des entreprises. La Commission européenne n'y est pas défavorable par principe.
Q - (Sur le budget de l'Union européenne)
R - Je comprends qu'il s'agit d'une conclusion plutôt que d'une interpellation. Il dépendra aussi du Parlement qu'il n'y ait pas de dérapage budgétaire dans les lois de finances pour 2014 et 2015... Ces dernières années, la crédibilité de la France s'est émoussée et les responsabilités sont pour le moins partagées...
Q - (Sur les suppressions d'emplois annoncés par EADS
R - M. Montebourg et le Premier ministre lui-même se sont saisis de ce dossier. Tout sera fait par l'État pour qu'il n'y ait pas de suppressions d'emplois. Pour soutenir la recherche et l'innovation, nous plaidons pour une TVA à taux réduit sur les produits de l'industrie de défense, je l'ai dit. Et nous ne sommes pas défavorables à la soustraction des investissements de défense du solde maastrichtien.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 13 décembre 2013
La mobilisation personnelle du président de la République a fait bouger les lignes afin de mieux protéger les travailleurs détachés, dans leur pays d'emploi comme dans leur pays d'origine. Des coopérations éviteront les contournements. Les États se sont engagés à fournir toutes informations sur les sous-traitants pour lutter contre les sociétés-écrans. On pourra exiger des travailleurs détachés eux-mêmes la preuve que leurs conditions de travail et de salaire respectent les règles. Les donneurs d'ordre seront responsables des agissements de leurs sous-traitants. Les sanctions, enfin, seront appliquées dans tous les États membres et les amendes pourront être recouvrées dans le pays d'origine. Aucune impunité ne pourra persister.
Vous le voyez, une Europe sociale est possible, à condition que l'on s'en donne les moyens et que l'on sache négocier.
Le Conseil européen sera l'occasion d'évoquer l'Union économique et monétaire. La crise a révélé la nécessité d'harmoniser les économies de la zone euro. Notre mot d'ordre doit être la solidarité. L'union bancaire en est un parfait exemple. Notre objectif est de la compléter avant la fin de la législature du Parlement européen, en mai, avec un mécanisme de résolution unique. Les grandes lignes d'un accord politique ont déjà été trouvées hier au sein du conseil Ecofin. Enfin, nous nous doterons de règles communes pour gérer les crises bancaires. Je salue la nomination d'une grande spécialiste de la régulation financière, la française Danièle Nouy, à la tête du comité de supervision de la BCE. Elle aura notamment en charge de conduire la prochaine phase de tests de résistance des établissements bancaires.
Les contrats de compétitivité et de croissance ne doivent pas être dissociés de mécanismes de solidarité financière. Ils doivent résulter d'un diagnostic économique d'ensemble sur la zone euro avant d'être adaptés à chaque pays. Il n'est pas non plus question de créer une usine à gaz mais de s'aligner sur le calendrier du semestre européen.
Sur la Politique européenne de défense et de sécurité, notre méthode est la même, fondée sur la négociation en amont. Cette politique sera à l'ordre du jour pour la première fois depuis cinq ans, à la demande de la France. C'est un processus de longue haleine que nous entamons. À l'heure où des événements dramatiques se produisent partout dans le monde, il y a urgence. Je pense à la Centrafrique, où la situation est si dramatique que le concours de la France a été demandé. Je rends hommage à nos soldats qui ont péri hier et adresse mes sincères condoléances à leurs familles.
En République centrafricaine, l'Union européenne est au rendez-vous. Elle apportera un soutien financier de 50 millions à la Misca à travers la Facilité de paix. La Commission européenne a relevé l'aide humanitaire d'urgence de 12 à 20 millions d'euros : c'est aujourd'hui le premier bailleur de fonds du pays. Les commissaires Piebalgs et Georgieva sont très engagés.
L'Union européenne doit être un acteur-clé de la sécurité internationale. La politique de sécurité et de défense commune est un facteur d'économie stratégique ainsi que de développement industriel.
Nous veillerons à la mise en place d'une stratégie de sûreté maritime et de lutte contre l'immigration illégale, à l'exécution du mandat confié à la Haute représentante sur les frontières sahélo-sahariennes, au suivi des capacités des États tiers et des États membres, notamment en matière d'avions ravitailleurs et de drones, au moyen de schémas de mise en commun ainsi qu'aux mécanismes de soutien aux capacités nationales par des exemptions de TVA.
Nous serons attentifs, enfin, au soutien apporté aux industries européennes.
Nous n'avons qu'un objectif : bâtir une Europe plus protectrice et plus solidaire, pour la croissance et pour l'emploi.
(Interventions des parlementaires)
Je vous prie d'excuser l'absence de Jean-Yves Le Drian, pourtant auditionné ce matin par votre commission des affaires étrangères et de la défense, et dont vous connaissez l'engagement, mais qui part tôt demain au Tchad.
La France consacre deux points de PIB à la défense. Les dépenses militaires d'investissement font marcher l'économie ; nous plaidons pour qu'il en soit tenu compte dans le calcul du déficit. Nous soutenons aussi l'idée de leur appliquer un taux réduit de TVA.
La politique européenne de sécurité et de défense est une politique relativement jeune mais dont les résultats ne sont pas nuls : 27 opérations sur trois continents, excusez du peu ! Il n'en faut pas moins renforcer nos capacités militaires, y compris en matière aérienne et de drones.
Les conclusions du Conseil Affaires étrangères et défense des 18 et 19 novembre derniers ont identifié des axes d'action sur les trois volets du mandat de décembre 2012. Le Conseil européen à venir est le premier moment clé de la nouvelle période qui s'ouvre. Un rendez-vous spécifiquement consacré à la politique de sécurité et de défense devra être fixé fin 2014-début 2015, sous présidence italienne, dont il constituera, m'a-t-on assuré à Rome, une priorité.
Les contractions budgétaires doivent encourager les Européens à mutualiser leurs capacités militaires. La France a joué un rôle moteur dans le partage des avions ravitailleurs. Une flotte internationale de six à huit appareils sera bientôt opérationnelle.
Depuis 2010, l'Union européenne a lancé des missions militaires en Somalie, au Mali, au Niger. Une mission de formation des forces centrafricaines est envisagée.
Le silence de l'Europe sur l'intervention en République centrafricaine est critiqué par certains. Notez qu'une intervention immédiate était indispensable et que les unités opérationnelles européennes ne peuvent pas encore être mobilisées. L'Union européenne a néanmoins accru les fonds à destination de la République centrafricaine.
Soyons clairs : la défense européenne n'existe pas encore en tant que telle. Les Opex nationales ne peuvent être financées par l'Union européenne. En revanche, celle-ci peut intervenir en matière de formation et aussi d'équipements. Le Conseil Affaires étrangères et défense des 18 et 19 novembre a donné en ce sens mandat à la Haute représentante d'élaborer un mécanisme de financement de l'Union.
Un mot sur les drones. Notre objectif est de développer un drone de surveillance d'ici 2020-2025. Mandat en a été donné à l'Agence de défense européenne. Un drone tactique sera ensuite à l'étude.
L'idée d'un Livre blanc européen a été émise dans le Livre blanc national. L'exercice pourrait être lancé en 2015. Il faudra éviter les discussions trop abstraites et s'attacher au caractère opérationnel de la politique de défense commune.
M. Gattolin a évoqué le cas portugais. Un nouveau budget d'austérité a été adopté au Portugal pour 2014, date à laquelle le pays entend revenir sur le marché des dettes souveraines. Mais attendons l'issue des discussions avec la troïka. La directrice générale du FMI vient d'estimer que la consolidation budgétaire avait été trop rapide et trop forte dans le pays.
M. Bizet a reconnu que la Commission européenne avait salué notre budget et encouragé nos efforts de réforme. Olli Rehn, dont on connaît les affinités politiques, a jugé ce budget responsable et fondé sur des hypothèses plausibles. Quant aux prévisions pour 2015, je vous rassure : il n'y aura pas de dérapage. Nos divergences avec la Commission s'expliquent aisément : Bruxelles calcule les déficits à politique inchangée. Notre déficit sera inférieur à 3 % en 2015.
L'augmentation de 3 milliards d'euros du capital de la BEI est inédite. La France disposera ainsi de 7 milliards d'euros, contre 4 milliards auparavant. Nous avons déjà signé pour 5,7 milliards de prêts ; 1,5 milliard d'euros sera mis à disposition des hôpitaux dans le cadre du programme «Hôpital d'avenir». Je signerai bientôt un engagement semblable pour financer les universités -qui n'étaient, pas plus que les hôpitaux, éligibles aux fonds de la BEI avant que nous n'en fassions modifier les statuts.
La taxe sur les transactions financières (TTF) verra le jour : l'engagement pris par le président de la République sera tenu. L'avis consultatif rendu par le service juridique du Conseil européen ne portait que sur la territorialité de la taxe. Nous avançons main dans la main avec l'Allemagne sur ce dossier : notez que l'accord CDU-SPD maintient cette question sur la table.
J'en viens à la dimension sociale et à la mise en place d'un tableau de bord sur les indicateurs sociaux, dans le cadre de l'Union économique et monétaire, acte fondateur qui est à mettre au crédit de la France. Cinq indicateurs ont été proposés : ils devraient être validés lors du Conseil européen de décembre et rien n'empêche d'en proposer d'autres. Les ministres du travail ou des affaires sociales pourraient ainsi participer aux conseils Ecofin.
La création d'une capacité budgétaire européenne ne sera pas facile. Cela fait néanmoins partie des pistes défendues par le tandem Hollande-Merkel. L'idée d'une présidence à temps plein de la zone euro a été évoquée. Le président Martin Schulz a commandé un rapport sur sa faisabilité.
L'intégration des questions sociales au semestre européen est également une demande du président Van Rompuy.
Dans le domaine bancaire, nous allons assister, les 19 et 20 décembre, à une petite révolution. La supervision unique des banques des vingt-huit États membres minimisera les risques de défaillance. Le mécanisme sera opérationnel dans moins d'un an. Un accord vient en outre d'être trouvé sur un mécanisme de résolution unique, deuxième pilier de l'Union bancaire, pour la zone euro et les États membres volontaires. Des tests de résistance seront conduits sur tous les établissements bancaires en 2014.
Enfin, l'accord récent envisage l'harmonisation des règles relatives à la rémunération des dépôts.
J'en viens aux accords d'association. Il est regrettable que l'Ukraine l'ait refusé. De nombreux manifestants demandent désormais le rapprochement avec l'Union européenne. Notre offre demeure sur la table. Mais l'Ukraine n'est pas à acheter, pas plus que l'Europe n'est à vendre : à nous de réamorcer notre dialogue sur de nouvelles bases. De nouvelles mesures russes de rétorsion ne sont pas à exclure. L'Union européenne et la France ont fait appel à la non-violence et à la reprise du dialogue à Kiev. Le leader de l'opposition, M. Vitali Klitchko, doit être respecté.
Le président de la République a rencontré les représentants de tous les pays des Balkans. L'octroi du statut de candidat à l'Albanie dépendra des réformes internes : lutte contre la corruption, réforme de l'administration publique.
Nous avons encouragé le dialogue entre la Serbie et le Kosovo. Face à ces avancées, la France a soutenu l'ouverture d'un dialogue entre l'Union européenne et la Serbie. La stabilisation de la région est cruciale et notre responsabilité est grande.
Q - (Sur le Mali et la République centrafricaine)
R - Le président malien, hier à Strasbourg, a rendu hommage au rôle moteur de la France et témoigné que l'Union européenne avait répondu à ses demandes.
Q - (Sur l'Europe de la défense)
R - La politique de sécurité et de défense commune est encore jeune. Nous voulons des avancées concrètes en matière de capacités et pour être ensemble sur des théâtres d'opérations comme les Balkans, quand la Kfor se retirera. J'espère que vous pourrez dire dans un an : que de chemin parcouru !
Je n'entrerai pas dans les détails budgétaires sur lesquelles M. Cazeneuve est plus compétent que moi.
Un mandat très clair a été donné aux institutions européennes pour faire progresser la politique de sécurité et de défense commune. Ce sera un processus à moyen, sinon long terme. Nous aurons un rendez-vous décisif fin 2014. Il faudra définir la base technologique de la défense européenne.
Au-delà même des impératifs de défense, 400 000 emplois sont en jeu. Cela n'a pas échappé à mes collègues européens. Certains, d'ailleurs, qui n'avaient d'yeux que pour l'Otan, se rapprochent d'une dynamique européenne. Je pense en particulier à la Pologne, qui pourrait prendre bientôt des décisions très importantes par leur impact sur l'Europe de la défense. Je ne peux vous en dire plus pour le moment.
Q - (Sur la protection des données personnelles)
R - La question est stratégique. Les récentes révélations ont montré l'importance de renforcer les règles. La protection des données a été à l'ordre du jour du dernier Conseil des 24 et 25 octobre à la demande de la France. Il a été décidé que le règlement relatif à la protection des données personnelles serait adopté au plus tard début 2015. Toute personne résidant dans l'Union européenne devra bénéficier des protections offertes par le droit européen et les entreprises devront voir leurs formalités assouplies. Les responsables de traitement devront se voir appliquer la législation européenne.
La politique de sécurité et de défense commune est aussi le moyen de renforcer la protection des données. Le système de géo-positionnement Galileo est entièrement maîtrisé par les Européens, alors que le GPS est aux mains des militaires américains. Les 38 satellites de Galileo seront opérationnels dans deux ans. C'est une question de souveraineté.
Q - (Sur la situation en Ukraine)
R - Sans apporter des garanties, nous pouvons agir. À Kiev, j'ai vu des jeunes de toutes conditions, de tous âges, qui refusaient la décision du Gouvernement de tourner le dos à l'Europe. L'Union européenne était prête à apporter quelques centaines de millions d'euros mais exigeait des contreparties : liberté de la presse, réforme du mode de scrutin, fin de la justice sélective symbolisée par le cas de Mme Timochenko. Le gouvernement ukrainien, subissant sans doute les pressions russes, a décliné notre proposition. Nous avons dit que la porte restait ouverte, à condition que les réformes demandées soient accomplies. Une mission de médiation a été confiée à Mme Ashton, à laquelle participe la vice-secrétaire d'État américaine. Nous veillerons à ce que la force ne soit pas employée contre les manifestants.
Q - (Sur les travailleurs détachés)
R - Nous revenons de loin. Beaucoup pariaient sur notre échec. Rien n'aurait alors changé, au moins pendant un an.
S'agissant de l'article 9, c'est bien une liste ouverte d'informations qui est prévue. Elle sera précisée par la loi française et les documents devront être écrits en français.
L'article 12 responsabilise les donneurs d'ordre, obligatoirement et sans seuil dans le BTP, facultativement ailleurs. C'est une belle avancée. Il y a dix-huit mois, certains pays ne nous auraient pas rejoints. C'est significatif : certains prennent conscience de la résonance de ce dossier dans l'opinion et ne veulent pas donner de grain à moudre aux eurosceptiques. Je salue le choix de la Pologne, qui a privilégié l'intérêt européen.
Libre circulation, oui ; exploitation des travailleurs, non : voilà le principe qui a guidé la position de la France. J'ai rencontré le président de la Fédération française du bâtiment ; il partageait nos positions, y compris sur la nécessaire responsabilisation des entreprises du secteur.
La Fédération française du bâtiment a même mené une campagne de communication sur ces questions.
Dans les jours qui viennent, des discussions s'ouvriront entre le Conseil, la Commission et le Parlement européen pour rédiger un texte. Cela doit être fait avant mai. Peut-être pourra-t-on arracher encore quelques concessions mais le mieux est souvent l'ennemi du bien.
La lutte contre les distorsions de concurrence passe aussi par un salaire minimal. Là aussi, pas à pas, on y arrive.
Q - (Sur les accords de l'Union européenne avec les États-Unis et le Canada)
R - L'accord Union européenne-Canada est bien avancé mais non encore adopté. Le Parlement français sera bien sûr appelé à ratifier les accords avec le Canada et les États-Unis. Si un seul État membre ne les ratifie pas, ils ne seront pas appliqués.
Un travail préalable énorme reste devant nous avant de conclure l'accord avec les États-Unis.
Q - (Sur le marché unique européen)
R - Le marché unique est au coeur de l'Europe. Nous ne saurions donc, entre nous, fausser la concurrence. Cela dit, les crédits d'impôt ne posent pas problème s'ils ne sont pas anti-concurrentiels : ce n'est notamment pas le cas du CIR. CIR et CICE répondent aux besoins de dynamisation des entreprises. La Commission européenne n'y est pas défavorable par principe.
Q - (Sur le budget de l'Union européenne)
R - Je comprends qu'il s'agit d'une conclusion plutôt que d'une interpellation. Il dépendra aussi du Parlement qu'il n'y ait pas de dérapage budgétaire dans les lois de finances pour 2014 et 2015... Ces dernières années, la crédibilité de la France s'est émoussée et les responsabilités sont pour le moins partagées...
Q - (Sur les suppressions d'emplois annoncés par EADS
R - M. Montebourg et le Premier ministre lui-même se sont saisis de ce dossier. Tout sera fait par l'État pour qu'il n'y ait pas de suppressions d'emplois. Pour soutenir la recherche et l'innovation, nous plaidons pour une TVA à taux réduit sur les produits de l'industrie de défense, je l'ai dit. Et nous ne sommes pas défavorables à la soustraction des investissements de défense du solde maastrichtien.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 13 décembre 2013