Déclaration de Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé, sur la lutte contre la pauvreté et le refus de la misère, Paris le 17 octobre 2013.

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Circonstance : Conférence pauvreté ATD Quart Monde à Paris le 17 octobre 2013

Texte intégral


Je suis très heureuse d'être parmi vous aujourd'hui, même si c'est dans un cadre formel. L'Assemblée nationale, c'est la représentation de la nation et vous y avez toute votre place.
Je veux saluer l'initiative du Président de l'Assemblée nationale, Claude Bartolone, qui a tenu à organiser cette conférence. Elle témoigne, cher Claude, de la constance de ton engagement à combattre la précarité sous toutes ses formes.
En cette journée mondiale du refus de la misère, je veux également saluer tout particulièrement le mouvement ATD Quart Monde pour sa lutte sans relâche contre toutes les formes d'exclusion. Saluer aussi son président, Pierre-Yves Madignier, pour le combat singulier qu'il mène et dont nous voyons aujourd'hui qu'il porte ses fruits.
La pauvreté, ce sont des chiffres qu'on répète à l'envi. 14% de pauvres en 2010. Près de 9 millions de Français qui vivent avec moins de 964 euros par mois.
Mais la pauvreté, ce ne sont pas seulement des chiffres. Ce sont des vies, des destins comme les autres qui, un jour, se sont fracassés. La pauvreté, ce sont les mille et un arrangements du quotidien pour se soigner, faire partir les enfants en vacances, trouver un emploi. Et affronter le regard des autres.
La pauvreté s'est banalisée et c'est insupportable. Lutter contre la pauvreté de certains, c'est faire progresser l'égalité de tous. C'est tout le sens du message de Joseph Wresinski, gravé sur le parvis des droits de l'homme, où vous vous rendrez tout à l'heure : « Là où des hommes sont condamnés à vivre dans la misère, les droits de l'homme sont violés. S'unir pour les faire respecter est un devoir sacré ».
Votre action militante a permis de grandes avancées :
- C'est, par exemple, la reconnaissance par les pouvoirs publics de l'expertise des personnes pauvres avec la création par ce gouvernement d'un huitième collège du Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale (CNLE). Après un an d'expérimentation, ce collège sera institutionnalisé { l'occasion du renouvellement des membres du CNLE, en décembre prochain. Nous consacrons ainsi un principe qui vous est cher : celui de la participation des personnes aux politiques qui les concernent. Leur expérience et leur vécu nous sont précieux.
- Autre exemple de l'aboutissement des actions d'ATD, c'est le lancement, avec Marie-Arlette Carlotti, d'actions pour l'accès aux droits et contre le non recours aux prestations sociales. Notre fil rouge, c'est l'accès de tous aux droits de tous. Lorsque l'on observait, en 2011, que plus de la moitié (54%) des personnes éligibles au revenu de solidarité active n'y avait pas recours, il fallait nous rendre { l'évidence : ce dispositif n'était pas adapté. Comprendre les raisons du non recours et y apporter des réponses concrètes : c'est l'objet d'une expérimentation menée depuis la fin de l'année dernière en Loire-Atlantique et en Seine-et-Marne.
- Une grande campagne publique de communication sera organisée l'an prochain sur ce thème. Il ne s'agit pas seulement de convaincre les personnes qui ont besoin d'aide de faire la démarche de demande d'une prestation. Il s'agit aussi de changer le regard des autres sur elles.
Changer notre regard : c'est sans doute le plus nécessaire, mais aussi le plus difficile.
Je sais qu'ATD est aujourd'hui mobilisé pour que la précarité sociale devienne le vingtième critère de discrimination prohibé par la loi. Je comprends la force symbolique de ce combat et la portée que la loi lui donnerait.
Ma conviction, c'est que seule une mobilisation de la société tout entière pourra nous permettre d'éradiquer nos préjugés et de lutter efficacement, et d'une manière nouvelle, contre la pauvreté.
Source www.atd-quartmonde.fr, le 19 novembre 2013