Texte intégral
Je suis heureuse d'être parmi vous aujourd'hui pour ouvrir l'université de rentrée de l'inter-syndicat national des internes. Depuis 44 ans, l'ISNI uvre au service des internes et plus généralement au service des jeunes médecins en formation.
Il y a un an, l'acronyme de votre inter-syndicat a perdu son « H ». Ce choix illustre votre volonté de représenter tous les internes, indistinctement de leur spécialité. Il marque aussi votre ambition de permettre à tous les internes de spécialité d'accéder à des terrains de stage dans le secteur ambulatoire. Nous partageons pleinement ces objectifs.
Aujourd'hui, je suis venue vous adresser deux messages. Le premier concerne l'amélioration de vos conditions de travail. Le second porte sur la place qui est la vôtre dans la stratégie nationale de santé.
I- D'abord, donc, je veux poursuivre l'amélioration de vos conditions d'exercice.
Ce sujet est décisif, tant votre place est centrale dans notre système de santé : votre contribution à la permanence des soins est précieuse. Parce qu'elle est au cur de votre formation pratique, vous en assurez souvent la viabilité.
Il y a tout juste un an, j'ai confié à un groupe de réflexion la mission de moderniser les conditions de travail des internes et des jeunes médecins en formation. Son pilotage est assuré par le directeur général de l'offre de soins, monsieur Jean DEBEAUPUIS.
Pour avancer concrètement sur cette question majeure, nous avions besoin d'une « mobilisation générale ». Pour la première fois, elle a été rendue possible : ce groupe de travail réunit mon ministère, celui de l'enseignement supérieur et de la recherche, les conférences de directeurs et de présidents de CME, les trois conférences de doyens, ainsi que toutes les instances représentatives des jeunes médecins en formation. Je tenais à vous remercier chaleureusement, vous, les internes, pour votre participation active et constructive à ces travaux.
1/ La priorité, c'est d'abord le respect du repos de sécurité.
Il s'agit là d'une exigence qui s'impose à tous, à tous les professionnels et à tous les établissements. Depuis un an, la situation s'est améliorée. Mais nous avons encore du chemin à parcourir, notamment dans les disciplines à forte activité en matière de permanence des soins. J'ai demandé aux conférences de travailler avec vous, pour évaluer précisément l'application systématique du repos de sécurité. Un bilan me sera présenté au mois de novembre. Par ailleurs, j'ai voulu que la commission d'organisation de la permanence des soins (COPS) de chaque établissement de santé s'engage plus encore dans le respect du repos de sécurité. Enfin, cette exigence sera désormais inscrite dans les conventions établies entre les CHU et les hôpitaux non universitaires : l'objectif est de sécuriser l'interne qui prend des gardes dans un autre hôpital que celui où il effectue son stage.
Plus largement, il n'est plus acceptable que les internes soient corvéables à merci. Votre enquête, citée par la commission européenne, montre que la durée moyenne de travail hebdomadaire d'un interne est de 65 à 70 heures. Je sais qu'il y a de grandes disparités entre les spécialités.
2/ Mais il est grand temps que chacun d'entre vous soit considéré comme un jeune médecin en formation.
Il est ainsi indispensable de tenir compte de vos aspirations nouvelles. Vous voulez pouvoir concilier, et je vous comprends, votre vie professionnelle et votre vie familiale. Vous souhaitez aussi, quoi de plus légitime, pouvoir profiter d'une vie culturelle et sociale.
Pour cela, et je le dis aujourd'hui sans réserve, le droit européen doit s'appliquer pour la situation des internes. Dans les prochains jours, nous travaillerons ensemble aux modalités d'application de ce droit.
Votre temps de travail doit évidemment inclure les deux demi-journées de formation universitaire, ainsi que la garde.
Le temps de formation universitaire sera dorénavant intégré aux obligations de service : il sera ainsi sanctuarisé. Les demi-journées de formation universitaire doivent figurer dans les tableaux de service : ils pourront ainsi être opposables par l'interne.
Par ailleurs, je ne suis pas favorable au décompte horaire de l'activité, notamment parce qu'il pourrait entraver la qualité de vos formations. Je n'imagine pas que l'un d'entre vous quitte le bloc opératoire au moment d'assister un chirurgien avant la fin de l'intervention, au prétexte que sa journée est finie.
Enfin, je demanderai à la direction générale de l'offre de soins de faire un bilan des modes de financement des postes d'internes dans les hôpitaux. Si des modifications doivent être proposées, elles suivront un principe simple: votre temps de travail doit s'organiser autour de votre formation.
II- Mon second message porte sur la place qui est la vôtre dans la stratégie nationale de santé.
Le 23 septembre dernier, j'ai fixé les grands objectifs de notre politique de santé. Il s'agit d'abord de redonner la priorité à la prévention, où les inégalités sont plus flagrantes, et donc plus inacceptables encore, que dans le domaine de l'accès aux soins. Je veux aussi engager la révolution du premier recours, afin de développer le travail en équipe et de permettre de véritables parcours de soins.
C'est une stratégie à dix ans.
Or, dans 10 ans, vous serez tous de jeunes médecins. Dans 10 ans, vous aurez pleinement la responsabilité de perpétuer l'excellence de notre système de santé. Et déjà, dans quelques années à peine, dans quelques mois, vous allez faire le choix d'un mode et d'un lieu d'exercice.
La stratégie nationale de santé vous concerne donc en premier lieu. C'est à vous qu'il reviendra de construire, sur le terrain, les parcours de soins. C'est ensemble que nous inventerons les modes de financement qui garantiront l'accès, à tous nos concitoyens, à une éducation en santé, à la prévention et à des soins de qualité.
Pour pouvoir travailler ensemble, il faut que vous puissiez être écoutés et entendus : comme je l'ai annoncé, des forums seront organisés dans chaque région, afin de décliner, dans les territoires, la feuille de route de la stratégie nationale de santé. L'ISNI, sera pleinement associé à ces travaux.
1/ Il faut travailler dès maintenant pour que, dans 10 ans, nos concitoyens puissent accéder à des soins de qualité sur l'ensemble du territoire.
La répétition a des vertus pédagogiques. Alors, je le redis une nouvelle fois : en matière d'installation, je ne crois pas à la coercition. Mon choix, c'est celui de l'incitation. Je pense notamment aux contrats d'engagement de service public que l'ai lancés : d'ici à 2017, je souhaite que 1500 d'entre eux soient signés. Ces contrats ne concernent pas uniquement les étudiants : ils vous concernent aussi directement.
J'ai également créé 200 postes de praticiens territoriaux de médecine générale. Cinquante jeunes médecins ont déjà signé ce contrat et cent autres le feront prochainement. En assurant un revenu minimum aux professionnels, ce nouveau statut permet de sécuriser le moment de l'installation. Nul doute que vous en apprendrez davantage, grâce au Docteur Nicole DARDEL: je sais qu'elle vous fera part de son expérience, en tant que première signataire d'un contrat de praticien territorial de médecine générale.
Pour vous encourager à faire le choix de l'exercice libéral, je veux que les possibilités de stages en médecine ambulatoire soient plus fréquentes, non seulement en médecine générale, mais aussi pour d'autres spécialités. Je pense par exemple à la pédiatrie ou à la psychiatrie. J'ai aussi créé une indemnité de transport pour les étudiants et les internes effectuant un stage en médecine ambulatoire. Ces mesures ne sont pas réservées à telle ou telle spécialité: elles visent à faciliter votre formation pratique en vous approchant des conditions d'exercice des futurs professionnels que vous serez. Par ailleurs, sans remettre en cause le classement à l'examen classant national, je souhaite que la formation pratique en inter-CHU soit accessible à davantage d'internes. Je sais à quel point cette expérience, dans un autre CHU, peut être importante pour votre formation. Je sais aussi qu'elle peut vous ouvrir de nouvelles perspectives en matière d'installation : dès l'an prochain, je veux en sanctuariser le financement.
2/ La stratégie nationale de santé vise aussi à faire évoluer votre formation pour l'adapter aux enjeux de demain.
Avec Geneviève FIORASO, ministre de l'Enseignement supérieur et de la Recherche, nous avons missionné, il y a un an, un groupe de travail pour élaborer des propositions sur le 3ème cycle des études médicales. Les professeurs François COURAUD et François-René PRUVOST, qui ont copiloté ce groupe de travail, nous remettront leurs conclusions le mois prochain. Avec Geneviève FIORASO, nous proposerons alors une feuille de route pour la modernisation du 3ème cycle des études médicales. D'ores et déjà, je peux vous assurer que la modernisation de l'internat ne se fera pas au détriment du post-internat. Le post internat doit pouvoir rester un choix : il ne doit pas être une obligation et retarder l'installation d'un jeune diplômé.
Enfin, la formation à la recherche, et par la recherche, ne doit pas être le privilège de quelques uns : chaque interne, sur la base d'un projet cohérent, doit pouvoir en bénéficier, indépendamment de sa spécialité. C'est pourquoi, j'ai doublé le nombre d'années recherche offertes aux internes : de 185 postes ouverts en 2012, nous sommes passés à 380 désormais.
Mesdames et messieurs,
Pour lutter contre les déserts médicaux, pour faire reculer toutes les inégalités, vous êtes déjà, chaque jour, en première ligne. Mais plus encore dans les années qui viennent, parce que vous serez pleinement médecins, pleinement responsables, vous porterez la stratégie nationale de santé sur le terrain. Nous partageons les mêmes objectifs : je sais donc pouvoir compter sur vous et sur votre engagement au service des patients.
Je vous renouvelle mes vux de succès pour 2013/2014 : au- delà de vos études, je souhaite que cette année universitaire, que vous ouvrez solennellement aujourd'hui, soit tout aussi productive que celle que nous venons de clôturer.
Je vous remercie.
Source http://isni.fr, le 3 décembre 2013