Texte intégral
A. LAGUILLER (LO)
France 2 -
Le 31 mai 2001
F. David - C'est un peu traditionnel de vous recevoir à cette époque puisque cela fait 30 ans, je crois, que Lutte ouvrière célèbre sa fête le week-end de la Pentecôte, à Presles dans le Val-d'Oise. La situation est peut-être un peu particulière, parce qu'on parle beaucoup de vous, peut-être plus que d'habitude, peut être en raison des problèmes dans la majorité plurielle. On parle du rôle que vous auriez en ce moment dans la situation politique, parce que l'extrême gauche serait en pointe. Faites-vous le même diagnostic ?
- "Je crois, en tout cas, que j'ai réussi à pousser R. Hue et que si lui a réussi à pousser Jospin qui ne bougeait pas beaucoup, c'est parce que je poussais derrière. Ce qui prouve d'ailleurs que, contrairement à ce que dit R. Hue, on peut être tout à fait efficace en étant à l'extérieur du Gouvernement et parfois plus efficace qu'à l'intérieur."
Quand vous dites que "vous avez poussé R. Hue", est-ce à dire que vous lui avez rendu service ou que vous l'avez amené à faire le constat qu'il fallait qu'il fasse vite pour rattraper ce que se passait à l'extrême gauche ?
- "Je crois surtout que je l'ai poussé parce que la situation est difficile pour les dizaines de milliers de travailleurs qui, aujourd'hui, sont menacés par les plans sociaux, par les plans de licenciements. Il était bien normal que j'avance la revendication de l'interdiction des licenciements dans toutes ces entreprises, qui, pour la plupart, font du profit. Même quand elles ont difficultés passagères, elles sont adossées à de grands groupes qui font du profit. C'est une revendication que je défends depuis 1995 et qui aujourd'hui, rencontre un écho de plus en plus grand dans la population ouvrière et dans les couches populaires. C'est cela qui a poussé R. Hue à s'opposer. Il aurait pu le faire depuis longtemps puisque cette majorité ne tient pas sans les votes du PC. Ce moyen de pression, c'est la première fois que R. Hue l'utilise. Je crois que l'on a vu que L. Jospin reculait si on le poussait et je crois qu'il faut le pousser encore plus fort pour qu'on interdise ces suppressions d'emplois dans toutes ces grandes entreprises."
C'est un peu compliqué : vous poussez le PC et on sait qu'il est un peu coincé par ce carcan de la majorité plurielle, il cherche à regagner le terrain qu'il a notamment perdu aux municipales, peut-être à votre profit et en même temps, vous rencontrez régulièrement R. Hue ces temps-ci. Vous n'êtes pas forcément main dans la main, mais vous êtes souvent ensemble dans les mêmes cortèges de manifestation. Vous serez encore ensemble dans la rue le 9 juin. C'est compliqué ce qui se passe entre vous et le PC ?
- "Non, ce n'est pas compliqué. Contrairement à ce que beaucoup disent ou pensent, je ne me présente pas pour faire chuter le PC. L'extrême gauche n'est pas là pour que le PC s'amenuise. Si à la présidentielle je fais un très bon score et que R. Hue en fait un très bon aussi, je serais très satisfaite parce que je pense qu'au-delà de la politique du PC, c'est-à-dire sa participation gouvernementale avec laquelle je suis bien sûr en désaccord, il est important que les militants du PC dans les entreprises, en particulier dans ces entreprises où aujourd'hui les travailleurs sont contraints de se battre le dos au mur, existent et qu'ils continuent d'exister. Si vraiment il y a une poussée vers l'extrême gauche et qu'il y en à une vers le PC, cela crée un rapport de force qui est bien plus favorable aux intérêts des travailleurs. Je me présente, Lutte ouvrière se présent pour avoir des élus. Je crois que nous prendrons des voix à tout le monde et, je l'espère, aux électeurs du PS parce que bon nombre de leurs électeurs sont déçus de voir un Gouvernement qui se prétend de gauche qui n'a pas cette volonté politique de s'opposer au patronat pour interdire ces licenciements."
Vous voulez essayer de ratisser large ?
- "Tout à fait. Le problème pour la gauche gouvernementale, au-delà des succès de l'extrême gauche - qu'il faut bien sûr relativiser -, c'est le taux d'abstention ne cesse de monter aux élections dans les couches populaires. Là aussi, il faudrait que le Gouvernement se pose des questions par rapport à cela."
Vous parlez déjà de la future présidentielle, on peut comprendre que vous serez une nouvelle fois candidate. Certains s'interrogent sur ce que sera l'attitude de l'extrême gauche au second tour de cette élection présidentielle. On dit que si elle n'appelle pas à voter pour le candidat de gauche qui sera présent au second tour, cela conduirait à une victoire de la droite. Est-ce que cette accusation est fondée ?
- "Si j'étais devant L. Jospin, est-ce le PS appellerait à voter pour moi, soit disant pour faire barrage à la droite ? Le problème ne se pose pas comme cela. De toute façon, gouvernement de gauche ou de droite, les travailleurs sont contraints de se battre, parce qu'à chaque fois, ces gouvernements dirigent en fonction des intérêts du grand patronat. C'est presque plus clair quand c'est la droite, parce que les travailleurs savent qu'il faut se battre, c'est très clair. On l'a vu en 1995 lorsque les projets de M. Juppé concernant la remise en cause des retraites dans le secteur public a fait se lever une grande partie du monde du travail contre lui. C'est aussi ce qu'il faudrait faire contre la gauche. Mais il y a une certaine paralysie parce que c'est un gouvernement de gauche."
Est-il sûr que vous ne donnerez aucune consigne de vote pour le second tour de l'élection présidentielle ? C'est votre position pour l'instant ?
- "En 1988, je n'ai pas appelé à voter pour quiconque au second tour. Si les élections avaient lieu aujourd'hui, évidemment, je n'appellerais pas non plus à voter pour M. Jospin - s'il s'avère qu'il est vraiment candidat au second tour. Mais ce n'est pas forcément une position commune à l'extrême gauche puisqu'à la LCR, les camarades, se posent la question. Elle n'est pas encore tranchée. Nous attendons d'ailleurs de voir ce qu'ils vont faire fin juin à leur congrès, pour ensuite décider d'un éventuel accord avec eux."
(source http://sig.premier-ministre.gouv.fr, le 31 mai 2001)
France 2 -
Le 31 mai 2001
F. David - C'est un peu traditionnel de vous recevoir à cette époque puisque cela fait 30 ans, je crois, que Lutte ouvrière célèbre sa fête le week-end de la Pentecôte, à Presles dans le Val-d'Oise. La situation est peut-être un peu particulière, parce qu'on parle beaucoup de vous, peut-être plus que d'habitude, peut être en raison des problèmes dans la majorité plurielle. On parle du rôle que vous auriez en ce moment dans la situation politique, parce que l'extrême gauche serait en pointe. Faites-vous le même diagnostic ?
- "Je crois, en tout cas, que j'ai réussi à pousser R. Hue et que si lui a réussi à pousser Jospin qui ne bougeait pas beaucoup, c'est parce que je poussais derrière. Ce qui prouve d'ailleurs que, contrairement à ce que dit R. Hue, on peut être tout à fait efficace en étant à l'extérieur du Gouvernement et parfois plus efficace qu'à l'intérieur."
Quand vous dites que "vous avez poussé R. Hue", est-ce à dire que vous lui avez rendu service ou que vous l'avez amené à faire le constat qu'il fallait qu'il fasse vite pour rattraper ce que se passait à l'extrême gauche ?
- "Je crois surtout que je l'ai poussé parce que la situation est difficile pour les dizaines de milliers de travailleurs qui, aujourd'hui, sont menacés par les plans sociaux, par les plans de licenciements. Il était bien normal que j'avance la revendication de l'interdiction des licenciements dans toutes ces entreprises, qui, pour la plupart, font du profit. Même quand elles ont difficultés passagères, elles sont adossées à de grands groupes qui font du profit. C'est une revendication que je défends depuis 1995 et qui aujourd'hui, rencontre un écho de plus en plus grand dans la population ouvrière et dans les couches populaires. C'est cela qui a poussé R. Hue à s'opposer. Il aurait pu le faire depuis longtemps puisque cette majorité ne tient pas sans les votes du PC. Ce moyen de pression, c'est la première fois que R. Hue l'utilise. Je crois que l'on a vu que L. Jospin reculait si on le poussait et je crois qu'il faut le pousser encore plus fort pour qu'on interdise ces suppressions d'emplois dans toutes ces grandes entreprises."
C'est un peu compliqué : vous poussez le PC et on sait qu'il est un peu coincé par ce carcan de la majorité plurielle, il cherche à regagner le terrain qu'il a notamment perdu aux municipales, peut-être à votre profit et en même temps, vous rencontrez régulièrement R. Hue ces temps-ci. Vous n'êtes pas forcément main dans la main, mais vous êtes souvent ensemble dans les mêmes cortèges de manifestation. Vous serez encore ensemble dans la rue le 9 juin. C'est compliqué ce qui se passe entre vous et le PC ?
- "Non, ce n'est pas compliqué. Contrairement à ce que beaucoup disent ou pensent, je ne me présente pas pour faire chuter le PC. L'extrême gauche n'est pas là pour que le PC s'amenuise. Si à la présidentielle je fais un très bon score et que R. Hue en fait un très bon aussi, je serais très satisfaite parce que je pense qu'au-delà de la politique du PC, c'est-à-dire sa participation gouvernementale avec laquelle je suis bien sûr en désaccord, il est important que les militants du PC dans les entreprises, en particulier dans ces entreprises où aujourd'hui les travailleurs sont contraints de se battre le dos au mur, existent et qu'ils continuent d'exister. Si vraiment il y a une poussée vers l'extrême gauche et qu'il y en à une vers le PC, cela crée un rapport de force qui est bien plus favorable aux intérêts des travailleurs. Je me présente, Lutte ouvrière se présent pour avoir des élus. Je crois que nous prendrons des voix à tout le monde et, je l'espère, aux électeurs du PS parce que bon nombre de leurs électeurs sont déçus de voir un Gouvernement qui se prétend de gauche qui n'a pas cette volonté politique de s'opposer au patronat pour interdire ces licenciements."
Vous voulez essayer de ratisser large ?
- "Tout à fait. Le problème pour la gauche gouvernementale, au-delà des succès de l'extrême gauche - qu'il faut bien sûr relativiser -, c'est le taux d'abstention ne cesse de monter aux élections dans les couches populaires. Là aussi, il faudrait que le Gouvernement se pose des questions par rapport à cela."
Vous parlez déjà de la future présidentielle, on peut comprendre que vous serez une nouvelle fois candidate. Certains s'interrogent sur ce que sera l'attitude de l'extrême gauche au second tour de cette élection présidentielle. On dit que si elle n'appelle pas à voter pour le candidat de gauche qui sera présent au second tour, cela conduirait à une victoire de la droite. Est-ce que cette accusation est fondée ?
- "Si j'étais devant L. Jospin, est-ce le PS appellerait à voter pour moi, soit disant pour faire barrage à la droite ? Le problème ne se pose pas comme cela. De toute façon, gouvernement de gauche ou de droite, les travailleurs sont contraints de se battre, parce qu'à chaque fois, ces gouvernements dirigent en fonction des intérêts du grand patronat. C'est presque plus clair quand c'est la droite, parce que les travailleurs savent qu'il faut se battre, c'est très clair. On l'a vu en 1995 lorsque les projets de M. Juppé concernant la remise en cause des retraites dans le secteur public a fait se lever une grande partie du monde du travail contre lui. C'est aussi ce qu'il faudrait faire contre la gauche. Mais il y a une certaine paralysie parce que c'est un gouvernement de gauche."
Est-il sûr que vous ne donnerez aucune consigne de vote pour le second tour de l'élection présidentielle ? C'est votre position pour l'instant ?
- "En 1988, je n'ai pas appelé à voter pour quiconque au second tour. Si les élections avaient lieu aujourd'hui, évidemment, je n'appellerais pas non plus à voter pour M. Jospin - s'il s'avère qu'il est vraiment candidat au second tour. Mais ce n'est pas forcément une position commune à l'extrême gauche puisqu'à la LCR, les camarades, se posent la question. Elle n'est pas encore tranchée. Nous attendons d'ailleurs de voir ce qu'ils vont faire fin juin à leur congrès, pour ensuite décider d'un éventuel accord avec eux."
(source http://sig.premier-ministre.gouv.fr, le 31 mai 2001)