Déclaration de M. Pierre Moscovici, ministre de l'économie et des finances, sur l'entrée en vigueur de l'espace européen unique de paiement (SEPA) et ses conséquences pour les entreprises, Avignon le 16 décembre 2013.

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Circonstance : Conférence de presse sur l'espace européen unique de paiement, à Avignon le 16 décembre 2013

Texte intégral

Mesdames et Messieurs,
Bonjour à tous et merci de votre présence. L'objet de mon déplacement aujourd'hui à Avignon est simple : il s'agit de sensibiliser et de mobiliser les TPE et les PME, alors que nous sommes dans la dernière ligne droite de la mise en oeuvre de l'Espace Européen Unique de Paiement, le SEPA. Je participe à une table ronde ce matin avec les banques, les chambres consulaires, les organisations professionnelles et de nombreux chefs d'entreprises précisément pour battre le rappel.
L'enjeu se résume en quelques mots. Le 1er février prochain, le SEPA entrera pleinement en vigueur. Le SEPA va modifier la manière dont tous les prélèvements et tous les virements sont faits, par toutes les entreprises, dans toute la France. Toutes les entreprises doivent prendre des mesures opérationnelles concrètes pour être capables de continuer à faire des virements et des prélèvements après le 1er février. Si elles ne le font pas, cela représente pour elles un risque opérationnel majeur : leurs opérations de paiements quotidiennes – verser les salaires, encaisser le règlement d'un fournisseur, payer ses factures… – seront bloquées. Or si les grandes entreprises ont anticipé le passage au SEPA, les TPE et les PME n'ont pas encore pleinement conscience des modifications opérationnelles qu'elles doivent mettre en oeuvre pour se mettre en conformité avec cette nouvelle donne. Mon déplacement de ce jour a donc pour objectif de les sensibiliser et de les informer, alors que la date butoir du 1er février approche à grands pas.
Revenons en quelques mots sur ce qu'est le SEPA. Je n'entre pas dans le détail, parce que je l'avais présenté avec précision lors d'une conférence de presse conjointe, le 23 septembre, avec le gouverneur de la Banque de France. Pour le contexte, disons que le SEPA est la conséquence logique de la création de l'euro : à partir du moment où les européens partagent une monnaie unique, il est normal et bénéfique d'avoir un espace européen unique où il n'y a pas de différence entre les paiements d'un pays à l'autre de l'Europe. En clair, le SEPA fait tomber des barrières qui sont encore, aujourd'hui, une source de complexité et de coûts pour les citoyens et les entreprises dans leur vie de tous les jours.
Le SEPA prévoit donc que les 18 pays de la zone euro utilisent à partir du 1er février le même format pour deux moyens de paiement très courants, le prélèvement et le virement. Les chèques et les paiements par carte bancaire ne sont pas concernés par le SEPA et continueront de fonctionner de la même manière. Mais pour les virements et les prélèvements, il y aura désormais un format unique, que tout le monde – je dis bien tout le monde, toutes les entreprises, toutes les TPE et les PME – devra utiliser.
Cela implique que les entreprises se préparent à ce passage au SEPA, en prenant un certain nombre de mesures pratiques. Comme je le disais, les grosses entreprises ont bien progressé dans cette voie, mais les TPE et les PME sont encore à la traîne. Aujourd'hui, 60% des virements et 15% des prélèvements sont conformes au modèle SEPA en France, ce qui veut dire que les entreprises sont loin d'être toutes prêtes, et qu'elles doivent rapidement se préoccuper de leur adaptation opérationnelle interne pour ne pas se retrouver en difficulté le 1er février. C'est un sujet européen et technique donc les petites entreprises ont l'impression que cela n'a pas d'impact sur elles, mais c'est tout-à-fait incorrect : elles sont au premier rang du passage au SEPA.
Quelques mots de ce que ce passage au SEPA implique concrètement pour elles. Elles ont des mesures internes pratiques à prendre : contacter leur banque pour obtenir un identifiant SEPA, contacter leur fournisseur de logiciel ou leur expert comptable pour vérifier la compatibilité des outils de gestion après le passage au SEPA, vérifier qu'elles disposent des coordonnées bancaires des bénéficiaires de leur virement sous le bon format européen, fournir des informations supplémentaires à l'occasion d'un virement par rapport au virement domestique actuel. Ce n'est pas une liste exhaustive, mais c'est pour vous donner une idée du type de démarches que les TPE et les PME doivent entreprendre d'ici le 1er février 2014. C'est loin d'être insurmontable, mais il ne faut pas s'y prendre à la dernière minute.
La question que tout le monde se pose, c'est : que se passe-t-il si les TPE et les PME ne font pas ces démarches dans les temps ? Eh bien elles s'exposent alors à d'importantes difficultés opérationnelles, puisqu'elles prennent alors le risque de voir leurs virements et prélèvements bloqués à compter du 1er février. Cela veut dire concrètement ne plus être capable de verser les salaires, d'encaisser les règlements des clients, de régler les facteurs aux fournisseurs, par exemple. Pour une TPE et une PME, cela peut notamment créer de vrais problèmes de trésorerie, et on sait que les tensions sur ce point sont déjà importantes.
Les entreprises ne sont pas seules pour réussir leur passage au SEPA. Les TPE et les PME peuvent se tourner vers leurs interlocuteurs quotidiens pour obtenir des informations et mettre en oeuvre les quelques mesures pratiques que j'évoquais : les banques, les experts-comptables, les fournisseurs de logiciel de gestion, les organisations professionnelles et les chambres consulaires sont là pour les assister.
Je ne voudrais pas laisser s'installer l'idée que le SEPA, c'est de la paperasse et des coûts en plus. A l'origine, le SEPA est une demande du secteur privé, qui a bien compris qu'il y avait aussi là un enjeu de compétitivité. Il y a en effet de nombreux avantages au SEPA, que je veux brièvement rappeler ici :
- Une entreprise ayant des clients et des fournisseurs dans plusieurs pays européens n'aura plus à ouvrir plusieurs comptes bancaires en Europe, elle pourra utiliser un seul compte dans une seule banque et effectuer facilement toutes ses opérations, comme payer un fournisseur à l'étranger. C'est donc une formidable opportunité pour les entreprises qui veulent se développer à l'export ;
- La centralisation des paiements va également permettre aux entreprises de réduire les coûts de formalités administratives et de frais bancaires ;
- Le passage au SEPA sera aussi l'occasion de revoir le processus de traitement et de suivi internes des factures, alors que les PME utilisent encore beaucoup le chèque : il y a là une opportunité de modernisation, au travers de l'automatisation des traitements, avec des gains de productivité à la clé ;
- Enfin, le passage au SEPA prévoit aussi que l'exécution des opérations de paiement soit plus rapide – attention, je ne parle pas des délais de paiement mais bien de l'exécution de l'ordre de paiement lui-même, une fois qu'il a été introduit par le donneur d'ordre. Ainsi le virement sera exécuté en un jour ouvrable, dans tous les pays européens du SEPA. Cette accélération des délais de règlement va contribuer à donner de l'air aux entreprises qui connaissent des tensions de trésorerie. Vous le savez, c'est un point qui me mobilise beaucoup : je sais qu'il est critique pour de nombreuses TPE et PME. J'ai ainsi présenté en février dernier un « plan trésorerie » complet pour apaiser les tensions, dont la mise en oeuvre est très avancée. C'était le sens de la réforme de l'assurance-crédit, en juin dernier par exemple, de la mise en place dès le début 2013 d'aides à la trésorerie, grâce à un dispositif géré par Bpifrance et permettant d'apporter 500M€ de crédits de trésorerie aux PME et TPE en difficulté, ou des dispositions pour faire respecter les délais de paiement dans le projet de loi consommation.
Je rencontrerai d'ailleurs cet après-midi une entreprise local, Naturex, leader mondial des ingrédients naturels de spécialité d'origine végétale, qui a un chiffre d'affaires de 300 millions d'euros, et qui a justement profité du passage au SEPA pour faire des gains de productivité, notamment en modernisant ses outils de pilotage de la trésorerie.
Derrière ce chantier un peu technique, un peu austère qu'est le SEPA, il y a donc aussi à la clé des enjeux de productivité et de compétitivité pour nos entreprises, qui doivent les encourager à s'adapter dans les meilleurs délais à la nouvelle donne européenne pour les prélèvements et les virements.
Merci.
Source http://www.economie.gouv.fr, le 17 décembre 2013