Interview de M. Pierre Moscovici, ministre de l'économie et des finances, à "France 2" le 17 décembre 2013, sur la mise en oeuvre d'une union bancaire au niveau européen.

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Texte intégral

ROLAND SICARD
Vous étiez hier soir à Berlin pour régler les détails du prochain sommet européen de jeudi et vendredi, vous avez rencontré le ministre des Finances Allemand, c'est toujours la France et l'Allemagne qui font la pluie et le beau temps en Europe ?
PIERRE MOSCOVICI
Vous êtes bien informé car cette réunion n'était pas tout à fait à l'agenda officiel ! La France et l'Allemagne c'est toujours particulier, c'est autour de la France et de l'Allemagne que l'Europe s'est construite, de leur réconciliation, ce sont les deux principales économies de la Zone Euro et de l'Europe et, donc, c'est une relation toujours particulière. Quand la France et l'Allemagne arrivent à travailler ensemble, quand elles font des propositions ensemble, alors l'Europe peut avancer, ça ne suffit pas, il faut que les autres se joignent à cela…
ROLAND SICARD
Justement ! Si…
PIERRE MOSCOVICI
Mais il faut que ce soit, comme on dit dans le jargon, un moteur…
ROLAND SICARD
Ces apartés…
PIERRE MOSCOVICI
Un moteur franco-allemand et, ce moteur, il va connaître une nouvelle impulsion avec le retour de madame MERKEL - mais avec une nouvelle coalition - puisque désormais les Conservateurs de la CDU sont associés aux Socio-démocrates du SPD.
ROLAND SICARD
On va y revenir ! Mais ces apartés franco-allemands ça n'agace pas nos partenaires ?
PIERRE MOSCOVICI
Ce n'était pas un aparté en l'occurrence, c'était une réunion de plusieurs ministres pour faire avancer…
ROLAND SICARD
C'était secret ! Vous l'avez dit.
PIERRE MOSCOVICI
Pour faire avancer un dossier qui est fondamental qu'on appelle l'union bancaire, l'union bancaire c'est le complément de l'union monétaire. Vous savez que la crise financière de 2008 a été le départ de la crise économique et c'était d'abord une crise du système bancaire et ce que nous cherchons à faire c'est à trouver des mécanismes communs, uniques dans l'Europe, qui permettent de prévenir les crises bancaires et puis aussi de résoudre les faillites bancaires, il faut arrêter de faire en sorte que, si une banque fait faillite, d'abord ça ne soit pas le même régime en France, en Allemagne, en Autriche, en Italie et, ensuite, que ce soit le contribuable qui paie - ceux qui doivent payer ce sont les banques elles-mêmes - d'où la nécessité de mettre en place ce qu'on appelle un fonds de résolution unique. C'est un sujet qui parait éloigné mais qui en réalité est très proche, parce que, si on a la sécurité du système financier, si on a les mêmes taux d'intérêt partout en Europe, on aura enfin une vraie zone monétaire et financière unique...
ROLAND SICARD
Est- ce qu'on va y arriver ?
PIERRE MOSCOVICI
Qui sera bonne pour la croissance.
ROLAND SICARD
Est-ce qu'on va y arriver ce week-end ?
PIERRE MOSCOVICI
On va y arriver j'espère avant ce week-end, avant le conseil européen, c'est le travail des ministres de l'Economie et des Finances, c'est vrai que j'étais hier à Berlin, je serai ce soir à Bruxelles, demain…
ROLAND SICARD
Ca a avancé hier soir ?
PIERRE MOSCOVICI
Ca été utile ! Demain encore à Bruxelles, demain soir dans la nuit à Bruxelles et je pense que jeudi aux premières heures de l'aube nous aurons en effet cet achèvement historique, cette réalisation historique, que ce sera une vraie union bancaire qui complètera l'union monétaire et qui permettra d'avoir la stabilité financière et, en même temps, la garantie des déposants, la protection des contribuables. Il faut que, quand une faillite bancaire intervienne, ce soit celui qui faute qui paie mais qu'il y ait aussi des mécanismes de solidarité uniques
ROLAND SICARD
Vous parliez de l'Allemagne, Angela MERKEL va donc gouverner avec les Socio-démocrates, ça va changer quoi ?
PIERRE MOSCOVICI
Je pense que, d'abord, ça change tout de même l'orientation politique, l'équilibre politique, avant la précédente coalition c'était la CDU, les chrétiens démocrates, ce sont les Conservateurs, avec un parti libéral, un petit parti, qui était un parti très libre échangiste, très libéral dans son essence - y compris économique – et, là, il y a des partenaires qui sont les Socio-démocrates et il y aura des avancées sociales, je pense notamment en ce qui concerne les retraites, je pense aussi de la création d'un SMIC en Allemagne, il n'en existe pas aujourd'hui, un SMIC unique…
ROLAND SICARD
Mais pour nous, Français, ça changera quoi ?
PIERRE MOSCOVICI
Je pense qu'on aura…
ROLAND SICARD
Moins de dureté allemande ?
PIERRE MOSCOVICI
On aura une Allemagne qui sera davantage tournée – et c'est bien dans le contexte européen – vers la croissance, il faut que le mandat du prochain Parlement européen qui sera élu au mois de mai soit un mandat non plus d'austérité mais de croissance, que l'objectif ce soit l'emploi…
ROLAND SICARD
Ce n'était pas le cas avant ?
PIERRE MOSCOVICI
C'est vrai que la dernière mandature a été une mandature beaucoup trop tournée vers l'austérité, beaucoup trop, mais c'est la raison d'ailleurs pour laquelle, depuis l'élection de François HOLLANDE, nous nous battons pour la croissance, nous voulons rééquilibrer, réorienter la construction européenne. Nous l'avons déjà fait, je vais prendre un exemple : la France devait revenir en-dessous de 3% de déficit en terme de PIB en 2013, nous avons obtenu un délai de 2 ans, nous avons mis en place précisément cette union bancaire ; nous avons aussi mis en place des outils pour la croissance à travers la Banque Européenne d'Investissement qui finance par exemple le « Plan Campus » ou le « Plan Hôpital » en France et, donc, nous voulons que cette Europe elle soit plus… de la croissance, ce sera plus facile je crois dans la nouvelle configuration et d'autant que l'assainissement financier a été largement réalisé.
ROLAND SICARD
Autre sujet, la presse de ce matin affirme que Jean-Marc AYRAULT a voulu prendre le contrôle de Bercy, de votre ministère, notamment en remplaçant un de vos collaborateurs les plus proches, le directeur du Trésor, ce directeur est toujours là, Jean-Marc AYRAULT a échoué ?
PIERRE MOSCOVICI
Ecoutez ! Franchement je vous assure ce genre de papier, je le lis hélas, ne m'intéresse absolument pas…
ROLAND SICARD
Mais la réalité c'est quoi ?
PIERRE MOSCOVICI
Je vais vous dire ce qu'est la réalité, la réalité c'est que je suis ministre des Finances et que je me… j'allais dire je me défonce, je vais sans compter jusqu'au bout de mes forces pour faire en sorte que notre pays puisse trouver plus de croissance, plus d'équilibre financier…
ROLAND SICARD
Mais est-ce qu'il y a eu conflit entre vous et Jean-Marc AYRAULT ?
PIERRE MOSCOVICI
Et que sur le plan européen les choses avancent vers la croissance et, donc, je ne suis pas du tout dans ce genre de commentaire. Ce que je peux vous dire c'est que Jean-Marc AYRAULT est le chef du gouvernement, que c'est un homme pour qui j'ai le plus grand respect et que nos options politiques, des options socio-démocrates précisément, réformistes - l'opposition a l'immobilisme, nous, nous partageons – il peut y avoir à tel ou tel moment une petite crispation ou un petit débat, mais…
ROLAND SICARD
C'était le cas en l'occurrence ?
PIERRE MOSCOVICI
Mais, en l'occurrence, je ne sais pas bien ce qui s'est passé ! Mais c'est vrai que j'estime que, quand un fonctionnaire de la nature du directeur du Trésor doit être remplacé, ça se fait en conseil des ministres… Bon ! Mais il n'y a pas de malaise, je travaille très volontiers avec Jean-Marc AYRAULT, derrière le Président de la République, avec une même… je dirais obsession, pour faire en sorte que la France retrouve la croissance et l'emploi, que la France se redresse, qu'elle redresse ses finances publiques, qu'elle redresse son appareil productif et ce genre de commentaire largement romancé ne décrit absolument pas ce que peut être le travail entre des hommes qui se respectent et qui sont attelés à la même tâche au service des Français. Vous vous doutez bien que quand le ministre de l'Economie et des Finances et le Premier ministre se rencontrent c'est pour parler de la France, ce n'est pas pour parler de ce genre de sujet.
ROLAND SICARD
Vous parliez de croissance, quels sont les objectifs ? Les mêmes que ceux prévus initialement…
PIERRE MOSCOVICI
Eh bien nous avons…
ROLAND SICARD
Pour 2013, pour 2014 ?
PIERRE MOSCOVICI
En 2013 nous connaissons à peu près la croissance française, elle sera de 0,1, j'espère 0,2%, avec quand même une évolution marquée en cours d'année qui fait que nous avons déjà retrouvé un rythme annuel de 1%, 1% ou autour de 1% ça devrait être 2014 - j'espère que nous ferons mieux – et puis, e n2015, nous devrions être à 1,7 ou 2%, bref la France est déjà sortie de la récession. Je sais que beaucoup de Français en doutent, je sais qu‘il y a encore beaucoup de souffrances, qu'il y a beaucoup d'entreprises dans la difficulté, mais il y a une vraie tendance, avec notamment une reprise de la production industrielle, la tâche du gouvernement ce n'est pas – encore une fois – ce genre de petit commentaire, c'est de faire en sorte que nous mettions en place les réformes qui permettent à l'économie française d'être plus compétitive, d'avoir plus d'investissements, de créer plus de croissance et de créer plus d'emplois, et avec l'objectif que nous a fixé le Président de la République : inverser la courbe du chômage. L'inversion de la courbe du chômage…
ROLAND SICARD
Vous y croyez avant la fin de l'année ?
PIERRE MOSCOVICI
Mais, l'inversion de la courbe du chômage, elle est déjà faite pour les jeunes depuis le mois d'avril, il y a 25.000 jeunes qui sont sortis du chômage et je trouve que c'est vraiment une excellente chose, c'est vrai en partie grâce aux Emplois d'avenir - mais la jeunesse est une grande cause qui nous mobilise – et, s'agissant de l'inversion du chômage dans son ensemble, nous avons eu en octobre de premiers signaux qui restent à confirmer, mais en effet cet objectif est un objectif atteignable, pour lequel le gouvernement se bat, ça passe par un très bon travail commun entre le ministre de l'Economie et des Finances, le ministre de l'Emploi, sous la houlette du Premier ministre et derrière le Président de la République qui donne l'impulsion et le cap. Il y a une stratégie et cette stratégie je sais que c'est une stratégie qui demande des efforts aux Français, mais c'est une stratégie qui porte ses fruits et ces fruits s'appellent croissance et ils s'appellent emploi, mais c'est encore une fois tout ce qui me mobilise et ça passe aussi par une Europe qui elle-même soit tournée vers la croissance et l'emploi et vers ce travail franco-allemand qui permet justement de réorienter l'Europe.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 17 décembre 2013