Point de presse de MM. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères, et Zlatko Lagumdzija, ministre des affaires étrangères de Bosnie-Herzégovine, à Paris le 30 octobre 2001, et interview au quotidien bosnien "Nezavisne Novine" le 31, sur la coopération entre la France et la Bosnie-Herzégovine, la situation politique et économique régionale, et l'engagement de la Bosnie dans la lutte contre le terrorisme.

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Circonstance : Déjeuner de travail avec M. Zlatko Lagumdzija, président du Conseil des ministres et ministre des Affaires étrangères de Bosnie-Herzégovine, à Paris le 30 octobre 2001

Média : Nezavisne Novine - Presse étrangère

Texte intégral

Point de presse à Paris le 30 octobre 2001 :
Nous avons fait le point de l'ensemble des sujets, de la coopération avec la communauté internationale, des progrès intérieurs qui passent par de nouvelles lois, de nouvelles réglementations, des évolutions de mentalité. Nous avons consacré également une partie de nos échanges à la situation régionale. J'ai eu l'occasion de rappeler ce qui est fait par la France, par l'Union européenne, en ce qui concerne la question du Kosovo, de la Macédoine, ces efforts sont bien connus, mais je répète que cela forme un tout.
Enfin, nous avons eu un échange également important à propos de la lutte mondiale contre le terrorisme. M. Lugumdzija m'a expliqué de quelle façon très déterminée et très résolue les autorités de Bosnie-Herzégovine s'étaient engagées dans ce combat qui concerne tout le monde, tous les gouvernements responsables car le terrorisme, lui, ne fait pas de distinction.
Nous travaillerons à ce que cette visite ait des suites utiles, aussi bien sur le plan diplomatique que sur le plan économique. Nous adresserons un signal aux entreprises françaises intéressées par cette région car il est intéressant pour elles d'aller plus nombreuses sur ce nouveau marché. Globalement, il s'agit, à travers cet échange et cette visite, de renforcer ce que l'on peut appeler le partenariat entre la communauté internationale et la Bosnie-Herzégovine.
Ce dont je suis sûr, c'est de l'engagement du gouvernement des autorités de Bosnie-Herzégovine et du Premier ministre personnellement, dans la lutte contre le terrorisme, c'est ce qui, aujourd'hui, me paraît déterminant.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 5 novembre 2001)
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Interview au quotidien bosnien "Nezavisne Novine" à Paris le 31 octobre 2001 :
Q - Comment estimez-vous aujourd'hui la coopération entre la France et la Bosnie-Herzégovine, dans le contexte des changements politiques qui ont eu lieu en Bosnie-Herzégovine depuis l'arrivée de l'Alliance au pouvoir ?
R - Vous connaissez l'engagement résolu de la France, depuis dix ans, en faveur de la paix et de la stabilité en Bosnie-Herzégovine. La France reste animée de la même volonté politique, avec ses partenaires de l'Union européenne, d'accompagner dans les Balkans les changements démocratiques, la coopération régionale et le développement économique. Naturellement, il incombe au premier chef aux autorités démocratiques de Bosnie-Herzégovine, qui se sont fixé comme politique de tourner le dos résolument au passé, de concrétiser les choix courageux qu'elles ont faits.
Avec les changements politiques intervenus en Bosnie-Herzégovine, comme dans la région, c'est un nouvel état d'esprit qui prévaut. Mon déplacement à Sarajevo, en mars dernier, a été l'occasion d'un échange à la fois direct, amical et dense avec M. Lagumdzjia. Depuis lors, les contacts se sont multipliés, notamment avec la visite de M. Michel Sapin, ministre de la Fonction publique, qui s'est rendu à Sarajevo, ainsi que trois missions de parlementaires français.
Les autorités de Bosnie-Herzégovine s'emploient à donner corps et à consolider les institutions de leur pays qui sont nées des accords de Dayton, comme elles l'ont fait avec l'adoption de la loi électorale : elles savent qu'elles peuvent compter sur le soutien politique de la France dans cette voie. Mes entretiens aujourd'hui avec M. Zlatko Lagumdzija, me permettent d'affirmer que la France a, avec la Bosnie, un partenaire pleinement engagé à trouver des solutions aux problèmes actuels.
Q - Comment évaluez-vous l'importance de la Bosnie-Herzégovine dans le cadre des changements démocratiques dans la région ?
R - Les changements démocratiques ont introduit une nouvelle donne régionale. Ainsi des relations d'Etat à Etat ont été établies avec la Croatie et la RFY, développements qui contribuent à la stabilité régionale. Ainsi, dans ce nouveau contexte, la succession de l'ex-Yougoslavie a été enfin réglée.
Il est désormais clair en Bosnie-Herzégovine, comme dans les autres pays de la région, que toute solution imposée par la force ou toute forme de soutien à l'extrémisme, de quelque bord qu'il provienne, n'a aucune chance de prévaloir en Europe.
Votre pays a un rôle majeur à jouer, en concertation avec ses voisins et partenaires, pour intensifier les relations, resserrer les liens, faciliter les échanges à l'intérieur comme à l'extérieur de son espace économique. L'avenir de l'Europe du sud-est réside dans la coopération entre Etats et communautés. La Bosnie-Herzégovine est au cur de cette évolution nécessaire.
Ce renforcement de la coopération régionale doit aller de pair avec le rapprochement avec l'Europe.
Q - Partagez-vous certaines réflexions selon lesquelles la Bosnie-Herzégovine est placée, par une communauté internationale qui souhaite à tout prix parvenir à un parallélisme sur les questions des intégrations européennes, dans une situation inégale par rapport à ses voisins, notamment la RFY, si l'on considère que le "retard" de la Bosnie-Herzégovine est le résultat de la politique du régime de Milosevic lors de la dernière décennie ?
R - Au Sommet de Zagreb, nous avons tous ensemble défini une perspective claire de rapprochement des pays de cette région avec l'Union européenne. Les principes qui ont alors été énoncés valent pour tous, chaque pays ayant à résoudre ses propres problèmes et à surmonter ses propres difficultés. Chacun avance à son propre rythme. Dans ce processus, la Bosnie-Herzégovine n'est pas jugée par rapport à ses voisins mais sur ses mérites propres. C'est une démarche qui s'inscrit dans la durée. Depuis l'arrivé au pouvoir de l'Alliance, des progrès substantiels ont été accomplis sur la ''feuille de route'' devant conduire à la négociation d'un Accord de stabilisation et d'association avec l'UE.
Q - La France est souvent considérée sur la défensive en Bosnie-Herzégovine, surtout dans le domaine économique et des projets communs, des investissements et des entreprises françaises en Bosnie-Herzégovine. Y a-t-il des signes d'un changement en cours ?
R - Je relève certains investissements importants réalisés par la France en Bosnie-Herzégovine, tels ceux d'Intermarché (''Interex'') à Sarajevo, Tuzla et bientôt Banja Luka. D'autres secteurs comme le téléphone, l'électricité, l'eau ou le chauffage urbain s'ouvriront en Bosnie-Herzégovine, qui intéressent les entreprises et investisseurs français.
Sans doute devons- nous faire mieux ensemble, et davantage. C'est pourquoi nous avions décidé, lors de ma visite à Sarajevo en mars, de mettre en place un forum économique franco-bosnien qui s'est réuni en juin dernier. Nous sommes déterminés de part et d'autre à favoriser le développement de nos échanges et à appuyer toutes les initiatives allant dans ce sens. La mise en oeuvre effective de réformes institutionnelles et économiques garantissant un environnement favorable est de nature à accroître les relations commerciales entre nos deux pays.
Je souligne la vitalité de nos relations culturelles, avec le Centre André-Malraux et l'ouverture de cercles francophones en Bosnie-Herzégovine. Nous allons ouvrir un centre culturel à Mostar, ville ou nous participons à la reconstruction du vieux pont.
Q - Comment estimez-vous le rôle de la Bosnie-Herzégovine dans le combat contre le terrorisme ? Dans quelle mesure la Bosnie-Herzégovine est-elle trop soulignée comme un pays où, selon certaines hypothèses, se trouvent des éléments du réseau de Ben Laden ? Quelles sont les expériences françaises en ce sens, quand on considère les quatre millions de musulmans vivant dans votre pays ?
R - Les nouvelles autorités de l'Etat de Bosnie-Herzégovine ont su rassembler autour d'elles les dirigeants des entités et élaborer un plan d'action contre le terrorisme. La coopération des forces de police a permis l'arrestation d'individus jugés dangereux. Cette coopération doit se poursuivre et se renforcer. Il y a une solidarité de plus en plus forte entre les pays d'Europe pour lutter contre toutes les formes de trafics et de criminalité organisée : la Bosnie-Herzégovine doit aussi y prendre sa part.
La France, de son côté, mène une coopération active avec les pays engagés dans la lutte contre le terrorisme. Nous appelons à une mobilisation aussi large que possible dans ce domaine, sous l'égide des Nations unies, et à un renforcement de la coopération internationale.
La France a mis en garde contre les risques d'amalgame entre terrorisme et Islam. La lutte contre les réseaux terroristes et ceux qui les soutiennent est une priorité : elle requiert la plus grande solidarité.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 5 novembre 2001)