Extraits d'un entretien de M. Pascal Canfin, ministre du développement, avec RFI le 6 janvier 2014, sur la situation en Centrafrique.

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Média : Radio France Internationale

Texte intégral

Q - Le ministre des relations avec le Parlement a expliqué il y a quelques jours qu'une courte session extraordinaire serait convoquée avant les municipales pour décider de la prolongation de l'opération militaire. Est-ce que le gouvernement avait, d'une certaine manière, sous-estimé les difficultés de cette opération ?
R - Nous sommes à un mois après le déclenchement de cette opération. Ce n'est pas qu'une opération française, c'est une opération internationale sous le mandat des Nations unies...
Q - Dans laquelle la France est en pointe !
R - La France est en pointe mais je rappelle qu'il y a plus de soldats africains sur place que de soldats français. Il est bien évidemment trop tôt pour tirer un bilan d'une opération militaire, un mois seulement après son début.
Ce que l'on peut d'ores et déjà dire, c'est que si le président de la République n'avait pas pris cette décision, le pays était clairement au bord de la guerre civile. Rétrospectivement, on peut se dire heureusement, quand on voit la difficulté, quand on voit les violences, quand on voit parfois le degré de haine sur place, que s'il n'y avait pas eu l'intervention internationale, nous étions au bord d'un véritable massacre. Nous avons donc fait le bon choix.
La situation est cependant difficile. Qui le nierait ? Personne ! Mais, si nous n'avions pas été là, évidemment ce serait pire.
Q - La question est la suivante : cette difficulté n'a-t-elle pas été sous-estimée ?
R - Elle n'a pas été sous-estimée ! C'est justement parce qu'on savait que c'était extrêmement compliqué sur place, extrêmement tendu, que nous sommes intervenus, sinon nous ne l'aurions pas fait. Nous n'avons donc pas sous-estimé le risque.
Nous sommes effectivement en première ligne mais, je le rappelle, c'est une opération internationale et la France.
Dans le passé, la France a fait des erreurs en Centrafrique. Elle s'est mal comportée en soutenant des dictateurs. Aujourd'hui, la France soutient la démocratie et nous en sommes fiers.
Q - Le Nigeria a commencé à rapatrier plus de 1.600 de ses ressortissants à Bangui. La semaine dernière, le nombre de personnes qui cherchaient refuge aux alentours de l'aéroport de la capitale a doublé ; il est passé à environ 100.000 personnes selon le Haut-commissariat aux Nations unies pour les réfugiés. Les affrontements auraient déjà fait plus de 1.000 morts le mois dernier et des dizaines de milliers de déplacés. Est-ce qu'aujourd'hui il ne faut pas réfléchir à un changement de stratégie ?
R - Je peux ajouter d'autres chiffres : il y a 1,5 million de personnes en Centrafrique qui sont menacées dans leur sécurité alimentaire ou sanitaire. Donc, oui, c'est un pays qui est au bord du gouffre - c'est d'ailleurs pour cela que nous y sommes. S'il y a autant d'habitants de Bangui qui essaient de venir près de l'aéroport, c'est justement parce que c'est une zone sécurisée par l'armée française notamment, ce qui prouve bien que, là où nous sommes, là où nous pouvons aller, nous faisons le travail et les gens ont confiance et cela amène de la sécurité.
Q - Est-ce qu'il n'y a pas un manque d'effectifs, alors ?
R - Il y a millier de soldats français mais il y aura bientôt, dans quelques semaines, 6.000 soldats africains. Ce n'est pas notre volonté d'être les plus en pointe. Nous sommes dans une intervention internationale, c'est notre doctrine et nous n'en changerons pas.
Nous avons trois piliers dans notre intervention et dans notre stratégie : la sécurité, les élections démocratiques le plus rapidement possible de façon à remettre un pouvoir légitime à Bangui, et le développement et l'humanitaire. C'est pour cela que nous sommes - moi particulièrement en tant que ministre du développement - totalement mobilisés pour réussir la conférence de Bruxelles le 20 janvier, qui sera le moment où nous allons mobiliser l'ensemble de la communauté internationale pour obtenir les fonds nécessaires au financement des actions humanitaire et du développement pour les deux ans à venir en Centrafrique.
Q - Le président déchu centrafricain, François Bozizé, estimait jeudi dernier sur notre antenne que seule une démission de l'actuel président, Michel Djotodia permettrait de ramener le calme dans le pays. Que pensez-vous de cet avis ?
R - Je n'ai aucun commentaire à faire sur les avis des uns et des autres sur la classe politique centrafricaine ! Nous, nous sommes là pour assurer la sécurité et vous venez de le dire à juste titre, il reste encore beaucoup de travail à faire. Nous sommes là pour engager, avec les Nations unies, un processus électoral et pour assurer la mobilisation de la communauté internationale sur l'humanitaire et le développement. Je ne vais évidemment pas commenter toutes les déclarations des uns et des autres sur la classe politique centrafricaine. (...).source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 7 janvier 2014