Déclaration de M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères, sur le rôle de l'Agence française de développement, à Paris le 7 janvier 2014.

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Circonstance : Ouverture des journées du réseau de l’Agence française de développement, à Paris le 7 janvier 2014

Texte intégral

Madame la Présidente du conseil d'administration,
Madame la Directrice générale,
Mesdames et Messieurs les Directeurs,
Mesdames et Messieurs, Chers Amis,
Je vous remercie beaucoup de m'avoir invité à votre «conférence des ambassadeurs». J'ai plaisir à voir toutes celles et tous ceux qui sont là et au-delà de cette salle je crois comprendre. J'espère que les vacances de Noël, pour ceux qui ont pu en prendre, ont été bonnes car vous avez beaucoup travaillé l'an dernier et je crois comprendre qu'il y aura beaucoup de travail cette année.
Je suis heureux d'ouvrir ces journées du réseau de l'AFD et de vous présenter mes meilleurs voeux pour 2014. Je vous demande d'être mes ambassadeurs auprès de vos collaborateurs dans vos agences, sur le terrain, à travers le monde afin de transmettre ces voeux chaleureux.
Ma présence parmi vous aujourd'hui est le signe de mon attachement à l'AFD et à la politique de développement.
Vous connaissez également l'action et l'engagement du ministre délégué à mes côtés Pascal Canfin. La France consacre au développement des moyens importants et nous figurons chaque année parmi les principaux bailleurs de fonds mondiaux. Il s'agit d'un effort utile et dont la France peut être fière, même s'il faut l'expliquer à notre population qui, compte tenu des difficultés qu'elle rencontre, n'en est pas toujours aussi consciente qu'on le souhaiterait.
Au cours des déplacements que j'ai effectués ces derniers mois, j'ai pu constater le professionnalisme des équipes de l'AFD. Vous êtes le visage de l'expertise française en matière de développement. Cette qualité, cet enracinement, cette excellence contribuent à notre rayonnement et sert notre influence. Vous constituez une référence.
Vous représentez, à ce titre, un maillon essentiel de notre dialogue avec les pays des Sud, dialogue décisif alors que ces pays - en Asie, en Afrique, en Amérique du Sud, en Océanie - prennent une importance considérable. Bref, l'AFD constitue un des piliers de notre action diplomatique. L'agence se situe au coeur des enjeux économiques, sociaux et environnementaux contemporains, au coeur des réponses que nous devons apporter aux crises et aux mutations du monde en développement.
Mesdames et Messieurs,
Parce qu'elle est directement au contact avec ces mutations, ces bouleversements, l'AFD doit être une institution mobile, capable d'évoluer rapidement. Je crois qu'elle l'est. Nous assistons depuis 20 ans à une modification des pôles de croissance entre le Nord et Sud, à une modification de la rareté entre les hommes et les ressources naturelles, à une mise en concurrence sans précédent des «modèles » économiques et sociaux. Face à ces défis, la question des modes de développement a pris une importance décisive, stratégique.
La France, aujourd'hui comme par le passé, agit dans toutes les enceintes internationales, pour une mondialisation maîtrisée, plus respectueuse des équilibres socio-économiques et environnementaux. L'AFD est un instrument privilégié de cette politique. Bien entendu, avec moins de 10 % de l'APD mondiale, nous ne pouvons pas tout. Mais nous pouvons et devons montrer l'exemple, sans arrogance, imaginer des solutions innovantes et construire des coalitions avec d'autres bailleurs de fonds pour inventer ces politiques publiques globales dont le monde a besoin dans les domaines du développement humain et de l'environnement.
L'AFD s'est déjà beaucoup adaptée à toutes ces transformations, elle devra continuer de s'adapter, aux évolutions des enjeux généraux et notamment climatiques.
Vous avez transformé vos modalités d'intervention et développé une palette d'instruments qui font de l'agence un opérateur polyvalent que nous envient nos partenaires. Cette capacité d'innovation et d'adaptation sera nécessaire dans les années à venir. Les conditions de financement qu'offre l'AFD ne seront pas nécessairement faciles. Notre situation financière générale du pays, vous la connaissez, elle n'est pas bonne. Et il y a beaucoup de compétiteurs pour répondre aux besoins de financement des pays en développement. C'est déjà vrai dans les pays émergents, cela le sera demain dans une partie croissante de l'Afrique, en particulier.
C'est donc votre savoir-faire, votre écoute, votre capacité à monter des projets ambitieux et globaux, spécifiques, des coalitions d'acteurs complexes qui représenteront vos principaux atouts. L'avantage comparatif de l'Agence par rapport à d'autres bailleurs de fonds, ce sera de plus en plus votre expertise dans des domaines variés : de l'agriculture familiale aux nouvelles technologies, en passant par les partenariats publics privés dans les infrastructures, l'économie sociale et solidaire, ou encore l'énergie solaire.
Cette expertise et ce savoir-faire seront aussi, à terme, concurrencés par les agences de pays «émergés». Après avoir sorti de la misère des centaines de millions d'habitants, ces pays sont aujourd'hui de plus en plus présents dans des projets de coopération notamment en Afrique. Leur présence est une chance pour ce continent et un défi pour nous. Se joue une compétition d'influence, une concurrence sur des modèles de développement et des systèmes de valeurs. L'AFD devra s'adapter aux besoins de nos partenaires, à la multiplication et à la diversification des acteurs du développement comme à l'évolution des débats internationaux.
Mesdames et Messieurs,
Pour aborder ces enjeux qui tombent sous le sens pour les spécialistes que vous êtes, l'AFD a besoin de sérénité et de confiance. C'est l'objectif des nominations récentes auxquelles nous avons procédé : notamment une nouvelle directrice générale et une nouvelle Présidente du conseil d'administration, que je salue et qui ont toute ma confiance.
J'ai souhaité qu'elles travaillent ensemble dans un climat apaisé. Je sais que c'est le cas. Elles y mettent leur talent. Je me réjouis des signes de confiance avec le personnel, qui ont été manifestés, et d'une relance des partenariats avec les acteurs extérieurs.
Les attentes sont fortes : de nombreux chantiers sont en cours qui devront porter leurs fruits en 2014 dans un climat marqué, dans votre domaine comme dans les autres, par une exigence de performance et de dialogue.
En 2013, l'AFD a rempli son contrat avec 7,8 milliards d'engagements, une multiplication des activités et des partenariats. Dans un contexte marqué par l'exigence de sérieux budgétaire que je n'ai pas besoin de rappeler, vous devrez en 2014 plus que jamais justifier l'utilité de votre action, des deniers publics qui vous sont confiés, des projets que vous financerez. L'opinion publique, la société civile, le Parlement qui s'apprête à discuter du projet de loi d'orientation sur le développement vous demandent, c'est légitime, des comptes. Il faudra non seulement obtenir des résultats, les évaluer, mais aussi les mettre en valeur.
Comme ministre de tutelle, je favoriserai l'action et la réussite de l'AFD pour les années à venir. C'est pourquoi j'ai souhaité que le renforcement des fonds propres de l'Agence soit le plus ambitieux possible. Il y a eu toute une série de discussions. Mme Paugam n'en porte pas les stigmates mais je puis vous assurer que les discussions ont été serrées. En général, lorsque l'on dit cela après une réunion diplomatique, cela veut dire que ce fut sanglant. Chacun a fait valoir ses arguments. Le ministère des finances, que je connais un peu pour l'avoir dirigé, a fait valoir le sien sans surprise. Finalement, le Premier ministre, comme c'est son rôle, a arbitré.
L'AFD devra nous aider à remplir nos engagements internationaux et atteindre les objectifs fixés par le CICID. Le choix d'un scénario d'engagements annuels de 8,5 milliards d'euros par an avec une clause de revoyure en 2015 a été validé par le Premier ministre.
Il permettra de mettre en oeuvre les engagements du sommet Afrique-France de décembre dernier. Nous devons développer notre partenariat avec l'Afrique, avec celle qui souffre comme avec celle qui émerge. L'avenir de ce continent qui comptera bientôt 2 milliards d'habitants est un enjeu majeur pour lui-même, pour la France et l'Europe. Son développement harmonieux représentera un gisement de croissance majeur et nous en avons bien besoin.
C'est pourquoi la France s'est engagée à augmenter ses moyens d'intervention sur ce continent : ils devraient passer à 20 milliards d'euros sur les cinq prochaines années pour l'ensemble de l'Afrique continentale. La pluralité des situations implique de conserver une palette équilibrée d'instruments, parmi lesquels les dons et les financements concessionnels conserveront une bonne place au profit des pays les moins avancés. Au-delà, l'Agence devra porter haut et fort les objectifs de notre diplomatie en Asie et en Amérique latine.
S'agissant du contrat d'objectifs et de moyens qui fixera la feuille de route de l'Agence pour les 3 années à venir, je souhaite que l'ensemble des ministères de tutelle et l'Agence se mettent d'accord d'ici la fin de ce mois sur les objectifs, les modalités et les indicateurs de résultats. Cette feuille de route devra être fondée sur les 3 piliers de l'Agenda Post-2015 : les piliers économique, environnemental et social du développement. Des indicateurs de résultats pertinents devront permettre de rendre compte des avancées obtenues.
C'est à travers les projets que vous développerez que la France témoignera de son investissement pour la solidarité internationale, pour le développement durable et pour un développement économique respectueux des équilibres sociaux. Si notre pays reste une puissance à vocation globale, universelle, c'est aussi parce qu'elle peut offrir à nos partenaires à travers l'AFD une certaine vision du monde au-delà de ses seuls intérêts nationaux.
Mesdames et Messieurs,
Notre politique de développement s'insère dans notre action diplomatique d'ensemble et elle doit donc contribuer aux priorités que nous nous fixons. J'en mentionnerai trois qui vous concernent très directement, en laissant de côté l'Europe : la paix, la planète, le redressement.
Premièrement, la paix. Il n'existe pas de sécurité sans développement et pas de développement sans sécurité. C'est pourquoi, il ne peut y avoir un agenda séparé avec d'un côté des développeurs, de l'autre des diplomates, voire des militaires. Évidemment chacun a son métier, ses procédures et ses exigences. Mais le développement doit s'inscrire dans un processus politique de reconstruction.
Je souhaite ainsi que l'AFD approfondisse sa réflexion sur ses interventions dans les pays en crise. Au Mali, et plus généralement dans le Sahel, demain en RCA, nous sommes confrontés à des pays dont les structures étatiques sont fragiles, voire inexistantes - c'est le cas en RCA -, et où les principes traditionnels de l'aide au développement sont souvent peu adaptés.
C'est un sujet ancien et un enjeu très actuel. Comment assurer l'efficacité de notre coopération dans ces pays qui sortent de guerres fratricides ? Comment faire en sorte que ces États où la puissance publique a souvent déserté ne retombent pas dans le chaos ?
Il faut à la fois s'assurer que l'aide est utilisée efficacement et soutenir la reconstruction de l'État, ce qui implique de s'appuyer sur lui. Voilà un défi auquel l'AFD doit travailler pour accomplir pleinement sa mission de coopération au service de la lutte contre la pauvreté.
J'invite à cet égard les directeurs d'Agence de ces pays et, de façon générale, l'ensemble des directeurs d'agence à travailler main dans la main avec nos ambassadeurs et avec les autres services. L'expérience de terrain de l'AFD et ses capacités de réflexion doivent être mobilisés. L'aide au développement ne peut pas tout faire. Elle ne peut pas se substituer à la reconstruction politique, mais elle peut faire pencher la balance. C'est l'enjeu et la force de votre mission.
Deuxième objectif dont je veux parler : la planète. La diplomatie climatique est et sera décisive face aux conséquences des dérèglements climatiques.
Je ne parle pas de réchauffement climatique parce c'est, d'abord, scientifiquement inexact. Ce réchauffement se traduira dans certains cas par un refroidissement. Je ne parle pas non plus de changement parce qu'au fond, le changement ne fait pas allusion à tel ou tel phénomène climatique, c'est souvent reçu comme positif. Il s'agit en réalité d'un dérèglement climatique, en anglais «climate disturbance». Je crois que c'est en ces termes qu'il faut en parler, faute de quoi nos concitoyens, et plus généralement la population mondiale, ne perçoivent pas l'ampleur de ce qui est en train de se préparer.
Avec la préparation de Paris Climat 2015, que nous allons accueillir, ce sera évidemment une question majeure de l'année qui vient et de l'année suivante.
Nous possédons en France une expertise reconnue dans le domaine de l'économie verte : je compte sur l'AFD pour la promouvoir et mettre en avant l'agenda positif des enjeux climatiques. L'Agence est un acteur de référence dans les débats internationaux. C'est pour la France un atout considérable qu'il faudra mettre à profit dans la préparation de Paris Climat 2015. Par les hasards du calendrier, je reçois à déjeuner Mme Figueres qui est la secrétaire exécutive de la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques.
Le renforcement des fonds propres permettra, à l'approche de la Conférence, de dégager de nouvelles marges de manoeuvre en faveur de projets orientés vers la lutte contre le dérèglement climatique. Donc, priorité climat.
Troisièmement, ce qu'on appelle le redressement - et on pense bien sûr au redressement de notre propre pays.
Mesdames et Messieurs, je veux profiter de notre rencontre pour évoquer - ce n'est pas un sujet très facile - les rapports entre politique de développement et diplomatie économique. Vous savez que j'ai fait de cette dernière un axe majeur de mon action au ministère des affaires étrangères parce que nous devons tous participer au redressement de la France et à celui de son commerce extérieur. Le redressement économique est une nécessité pour l'emploi, pour nos finances publiques et pour notre capacité, demain, à poursuivre une politique étrangère et de développement ambitieuse.
À moyen et long terme, l'influence et le rayonnement d'un pays comme le nôtre dépendent en effet largement de son poids économique. Le poids et le rôle ce ne sont pas la même chose. Si, alors que la France a un rôle international très puissant, son poids économique devenait trop faible, la distorsion ne serait pas supportable. Sans redressement économique, notre capacité à agir sur le monde diminuera. La diplomatie économique concerne donc toutes les dimensions de notre action diplomatique.
C'est pourquoi j'ai demandé à l'AFD, sans remettre en cause sa vocation au service de la solidarité internationale, de pleinement contribuer à nos intérêts économiques.
Avec un réseau de 71 agences et bureaux de représentation, l'AFD dispose d'un rayonnement exceptionnel qui devrait encore s'accroître avec la décision du CICID d'élargir son champ d'intervention. Elle est aujourd'hui, avec presque 8 milliards d'engagements annuels, notre principal outil financier pour nourrir des relations bilatérales avec les pays du Sud.
Je suis convaincu que l'Agence peut à la fois répondre aux besoins de nos partenaires et promouvoir les secteurs d'excellence de nos entreprises. Si nous agissons avec méthode et rigueur, nous trouverons le juste équilibre. Autrement dit, l'AFD peut parfaitement concourir au développement des intérêts français sans perdre en rien sa raison d'être et son âme. Je constate que les États-Unis, la Corée du Sud, le Japon et l'Allemagne - pour ne parler que d'eux - assignent aujourd'hui un objectif de promotion de leur économie nationale à leur effort d'APD.
L'idée que notre aide au développement puisse aussi contribuer à notre économie est aussi ancienne que la coopération. Cela n'atténue en rien sa générosité. Le débat a d'ailleurs largement évolué. Nos partenaires sont aujourd'hui beaucoup plus ouverts à une coopération d'intérêts mutuels que leur proposent par ailleurs les pays émergents. Et ils réclament tout autant notre APD que les investissements de nos entreprises.
Que les choses soient claires ! Il ne s'agit en aucun cas de revenir sur le déliement ou de subventionner des projets qui n'auraient pas d'intérêt au regard du développement ou de soutenir des entreprises dont la qualité des prestations ne permettrait pas de gagner des marchés sans soutien public. Les entreprises françaises savent combien elles ont gagné au déliement de l'ensemble des marchés publics de l'aide mondiale dont la France représente moins de 10 %. Il ne s'agit donc pas de revenir aux protocoles d'antan, aux éléphants blancs et aux procédures douteuses. La concurrence dans le domaine de la coopération a permis de recentrer les projets sur l'intérêt de nos partenaires et d'en réduire le coût. C'est un acquis.
Mais, cela fixé, il me semble possible de faire davantage. C'est précisément la question que j'ai soumise à votre direction générale, avec laquelle je m'entretiens chaque mois. Comment faire en sorte que l'AFD prenne mieux en compte la défense des intérêts français, tout en préservant son identité et sa vocation ?
Un travail de réflexion sur ce sujet a été entrepris et il sera proposé prochainement au conseil d'administration. On me dit qu'il est de grande qualité. Il convient d'en définir la déclinaison opérationnelle. Je ne crois pas que le ministre des affaires étrangères doive sur ce sujet se substituer à son opérateur. C'est à vous, qui êtes au quotidien confronté à ces questions, de préciser les mesures concrètes qui assureront le bon équilibre entre les différentes exigences. Vous pourrez mettre à profit ces journées du réseau pour échanger sur ce sujet et dégager les mesures concrètes qui découlent de ces réflexions. Mais vous avez bien compris la préoccupation qui est non seulement la mienne mais celle du gouvernement tout entier.
Je voudrais, pour terminer, aborder deux considérations.
La première est d'ordre général. L'objectif pour l'AFD en matière économique doit être de créer dans les pays où elle intervient un écosystème favorable aux entreprises, singulièrement aux entreprises françaises, en particulier dans les pays à revenu intermédiaire ou émergents. Pour cela l'AFD doit intensifier son dialogue direct avec nos entreprises aussi bien au niveau des agences locales que du siège. L'expérience a montré que, quand vous contribuez dans nos pays partenaires à redéfinir des politiques publiques ou des normes collectives, vous pouvez naturellement créer un climat favorable à nos entreprises. Encore faut-il évidemment avoir un contact permanent avec elles.
Pour développer cette complémentarité, vous devez renforcer vos échanges avec les grands groupes, avec - c'est plus compliqué - les PME, les cabinets d'ingénierie, les chambres de commerce et d'industrie et l'ensemble des acteurs de développement international de l'économie française. Je pense notamment à la BPI, à Ubifrance, et à d'autres.
Là encore, soyons clairs. Il est nécessaire au niveau des appels d'offre de tracer des frontières claires, de protéger les agents de l'AFD contre tout risque juridique, contre des interventions ponctuelles en faveur des uns ou des autres. Mais en amont du financement des projets, il faut que l'équipe de France à l'international se rassemble, échange, continue de former une intelligence collective au service du développement et de notre économie.
L'AFD gère désormais un Fonds dédié à l'expertise technique de 20 millions d'euros : le FEXTE. Cela fait de vous un acteur majeur de l'expertise. Ce Fonds a vocation à s'adresser aux opérateurs et bureaux d'études français. Il devrait exercer un effet de levier sur les marchés d'entreprises. C'est une bonne chose. Il importe aussi que l'AFD s'implique dans les discussions sur le chantier de la rationalisation de l'expertise française à l'international, chantier que nous avons ouvert et dont le ministère des affaires étrangères a le leadership. Nous sommes dans ce domaine de l'expertise encore trop dispersés et, de ce fait là, moins performants que nos partenaires européens. Je n'ai plus les chiffres en tête mais lorsque l'on compare ce que nous faisons en matière d'expertise et ce que font nos amis allemands, alors que nous avons une capacité tout à fait aussi importante, le rapport doit être de 1 à 10. Là, il faut progresser et nous prendrons nos décisions sur ce sujet au cours du premier trimestre de cette année. Notre marge de progression me semble importante. C'est un enjeu aussi bien en termes de marché que d'influence.
Deuxième remarque, avant la fin du trimestre, l'Agence doit pour chaque pays développer une analyse fine des secteurs dans lesquels une offre française est susceptible de rencontrer le besoin de nos partenaires. Elle doit, sur cette base, élaborer un plan d'action pour déterminer précisément parmi ces secteurs, ceux qui présentent un intérêt économique et commercial. Certains d'entre vous le font déjà. La procédure gagnerait à être systématique.
Ce travail devra être réalisé en lien avec le conseil économique qui, à ma demande, entoure désormais la plupart de nos ambassadeurs. Au niveau du siège à Paris, l'AFD pourra également s'appuyer sur la direction des entreprises et de l'économie internationale du Quai d'Orsay. Ces secteurs cibles devront être croisés avec les attentes du pays partenaire et être actualisés régulièrement. Les éléments de ce plan d'action devront être pris en compte dans les documents transversaux de stratégie des pays couvrant toute l'aide bilatérale. Je souhaite que dans les fiches de présentation des projets au comité d'identification, au comité des financements et au comité d'engagement, figure désormais une rubrique dédiée à l'analyse des intérêts économiques français. L'AFD n'a pas à se substituer aux opérateurs du commerce extérieur, mais ce passage de l'implicite à l'explicite permettra d'éclairer la décision du conseil d'administration et d'en débattre.
Tout cela représente une continuité d'éléments, qui avaient été engagés, et en même temps une certaine évolution, mais ce n'est nullement un changement de la vocation de l'agence. C'est à la fois une évolution certaine des mentalités et des pratiques et une clarification des attentes des pouvoirs publics.
Madame la Présidente,
Madame la Directrice générale
Mesdames, Messieurs,
Cher Amis,
J'ai commencé mon propos en vous disant que l'AFD était l'opérateur de notre dialogue avec les Sud. À la réflexion, - mais ceci est plus complexe que le propos que je vais tenir - la question n'est pas tant celle du Nord et du Sud, que celle de la cohabitation de trois types de populations.
Nous avons les 4 milliards d'habitants du Sud émergents qui aspirent légitimement à rattraper notre niveau de vie : comment peuvent-ils tirer la croissance mondiale sans épuiser les ressources naturelles de la planète ?
Nous avons le milliard d'êtres humains qui vivent encore dans la misère, en Afrique et ailleurs. Comment les aider à en sortir, alors qu'ils sont plus que jamais soumis aux aléas de toutes sortes, notamment climatiques et aux variations subites des marchés mondiaux ?
Et puis, il y a le milliard d'êtres humains qui vit dans les pays développés et dont les économies, à l'image de l'économie française, sont aujourd'hui en besoin de croissance. Comment enrayer la crise et préserver leurs modèles sociaux dans un marché mondialisé ?
Notre mission - je dis la nôtre parce que nous sommes attelés à la même tâche - consiste à répondre à ces questions. L'AFD y a un rôle majeur à jouer. C'est l'intérêt exceptionnel de votre travail. Je souhaite que ces journées du réseau y participent pleinement.
Je veux dire, à la fin de ce propos, ma totale confiance dans vous-mêmes, Mesdames, et dans vous tous, Mesdames et Messieurs. Je veux à la fois vous souhaiter beaucoup d'énergie pour la tâche qui vous attend. Et, par avance, pour le travail qui a déjà été fait et pour celui qui va être fait, au nom du président de la République et du gouvernement, je vous adresse mes très chaleureux remerciements.
Merci.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 8 janvier 2014