Texte intégral
(...)
Q - On va parler de la Syrie. Rencontre hier à Paris entre opposants au régime d'Assad et les ministres des affaires étrangères, des Amis de la Syrie : Genève II, c'est le 22 janvier, c'est bien cela ?
R - Oui, nous souhaitons que Genève II ait lieu, je vais vous dire pourquoi, mais la décision n'est pas acquise encore. Pourquoi souhaitons-nous que Genève II ait lieu ? Parce que la Syrie, c'est le drame absolu. On en parle moins en ce moment, précisément parce que les journalistes là-bas, on les tue, on les enlève. Les journalistes n'arrivent donc pas à faire leur métier. On le comprend bien, du coup, c'est une guerre sans images. Mais il s'agit bien d'une guerre, avec 130.000 morts ; c'est épouvantable. Si on veut mettre fin à cette guerre, il n'y a pas d'autre solution que de parler, de négocier ; c'est l'objet de Genève II.
Nous souhaitons vivement que Genève II ait lieu. Simplement, la décision n'est pas acquise parce que Bachar et les terroristes font le maximum pour qu'il n'y ait pas de négociation. En fait, Bachar et les terroristes - je parle des terroristes, des extrémistes - c'est l'endroit et l'envers du même décor. Nous, nous soutenons ce qu'on appelle l'opposition modérée, c'est-à-dire les gens qui veulent une Syrie libre, démocratique...
Q - L'armée syrienne libre...
R - Mais ceux-là sont pris entre deux feux, parce que, d'un côté, Bachar leur envoie des bombes et les terroristes les combattent.
Q - Mais il y aura Genève II ? Enfin, ce n'est pas encore acquis, ce n'est pas certain !
R - Ban Ki-moon, le secrétaire général des Nations unies, nous a envoyé une lettre d'invitation qui est très bien faite. Il a aussi envoyé une lettre d'invitation à Bachar, en tout cas à son équipe...
Q - Il a répondu ou pas ?
R - Il a répondu, mais à côté si je puis dire. Il a dit : «oui, je vais vous envoyer des gens, mais pas pour discuter de ce que vous voulez».
Q - «De mon départ...»
R - Non. L'objet de Genève II, c'est écrit dans la lettre de Ban Ki-moon, c'est de discuter d'un gouvernement de transition, doté de tous les pouvoirs exécutifs, c'est-à-dire un autre régime. Bachar dit qu'il envoie des représentants mais pas pour discuter de cela.
Donc, on en est là. Il n'y a qu'une solution politique et je vais voir ce matin Sergueï Lavrov, le ministre russe, et cet après-midi John Kerry, le ministre américain. J'ai eu hier l'envoyé des Nations unies. Nous préparons cela, et nous espérons vivement que Genève II aura lieu.
Q - L'Allemagne accepte de détruire une partie de l'arsenal chimique syrien, est-ce que la France va participer à la destruction de ces armes ?
R - Nous avions dit que nous étions disponibles. Nous avons aidé à passer du principe à la réalité. Maintenant, nous n'avons pas fait de proposition en ce sens, mais il y a des pays qui se sont proposés.
Nous avons déjà - vous le savez certainement - à détruire des armes chimiques qui datent de la première guerre mondiale.
Q - La France ne participera pas aux destructions...
R - On ne l'a pas fait à ce stade.
Q - Et on le fera ?
R - Je pense que ce n'est pas nécessaire. Actuellement, il y a des capacités qui sont proposées par les Américains, par les Allemands, peut-être par d'autres, qui permettent de détruire ces armes chimiques.
(...)
Q - L'accord sur le nucléaire iranien, appliqué à partir du 20 janvier, c'est cela ? Vous confirmez ?
R - Oui. L'accord comporte deux parties, une partie, je dirais provisoire, et c'est celle-là qui va être appliquée [à partir du 20 janvier], donc c'est très bien : à la fois les Iraniens doivent prendre un certain nombre de décisions et nous, suspendre quelques sanctions.
Après, il va y avoir la deuxième partie, compliquée, qui va être la discussion, j'allais dire sur le fond, est-ce que les Iraniens acceptent de renoncer à toute perspective nucléaire militaire, ou bien, est-ce qu'ils disent simplement : on reste au niveau du seuil. Et ça, qui est évidemment l'essentiel, nous n'en avons pas encore discuté.
Mais le fait que l'accord que nous avons noué, et vous savez que la France y a beaucoup contribué, le fait que cet accord s'applique, c'est déjà une bonne chose.
(...)
Q - Est-ce que la France souhaitait le départ du président centrafricain, aujourd'hui exilé au Bénin ?
R - Nous aidons les Africains, mais nous ne voulons pas nous substituer à eux. Il est vrai que la situation était paralysée, puisque M. Djotodia, qui lui-même est un ancien Séleka, ne parvenait pas à rétablir le calme. Il y a eu une convocation de l'ensemble des pays de la région, qui avaient pris acte du fait que la transition politique en RCA ne marchait pas. Par conséquent, M. Djotodia a quitté le pouvoir. Désormais, il y a dix jours pour désigner un nouveau président.
Q - Qui va lui succéder et quand ?
R- C'est au Conseil national de transition, qui est un organe officiel, qu'il appartient de décider. Il y a un délai de dix jours. Il faut donc aller vite, mais il faut en même temps que le choix soit pertinent. En effet, nous avons en RCA un problème sécuritaire à régler. La situation humanitaire est également extrêmement grave. Concernant la transition démocratique, vous ne pouvez pas laisser un pays sans dirigeant. Il faut donc que dans les dix jours, les dirigeants soient nommés par le Conseil national de transition.
Q - On compte 100.000 réfugiés près de l'aéroport, des centaines de milliers de Centrafricains qui sont réfugiés, exilés, déracinés. 1.600 soldats français sont dans le pays. Des renforts français seront-ils envoyés ?
R - Non, ce n'est pas prévu. Il s'agit d'abord une opération où les militaires africains doivent se mobiliser. Nous sommes là pour aider, nous le faisons, et je tiens à rendre hommage à nos soldats. Je vais demander le 20 janvier à nos amis européens de nous apporter un soutien. Quelque chose est en route.
Q - Un envoi de soldats ?
R - Il s'agirait d'une aide sur l'aéroport et un appui sur le plan humanitaire.
Q - Est-il vrai que la Pologne et la Belgique, par exemple, sont prêtes à envoyer des soldats ?
R - Je suis prudent. Il faut attendre que cela soit fait. Mais je crois que les Européens vont nous aider, je l'espère en tout cas, parce que la situation en RCA ne concerne pas seulement la Centrafrique. Elle concerne tout le monde. La sécurité de l'Afrique, c'est aussi la nôtre. Une aide à la France a donc été demandée à nos partenaires européens. Cette aide concernerait aussi, ultérieurement, la formation de l'armée centrafricaine.
Q - Selon l'ancien ministre de la défense allemand, au Mali comme en Centrafrique, la France est guidée par ses propres intérêts.
R - Cette déclaration a surpris. J'ai vu hier le ministre allemand des affaires étrangères, M. Steinmeier. Il m'a dit qu'il soutenait l'action de la France en Centrafrique.
Q - Où en est-on au Mali, un an après l'intervention française ?
R - Il est nécessaire de temps en temps dresser les bilans. Il y a un an, à peu près, jour pour jour, le président du Mali appelait le président Hollande en lui disant : «si vous n'intervenez pas ce soir, demain, je suis mort». Nous sommes intervenus, aux côtés des Africains. Un an plus tard, le terrorisme a été largement éradiqué, et la sécurité a été rétablie. Un président a été légalement élu, tout comme l'Assemblée nationale. Le Mali redémarre. Je ne veux pas dire que tout soit réglé, mais c'est un grand succès pour à la fois la diplomatie et les militaires français. Il faut à la fois rester lucide et vigilant, mais tout le monde reconnait qu'il s'agit d'un grand succès.
Q - 2.500 soldats français encore au Mali ?
R - Oui, ils seront 1.600 au mois de février, puis 1.000 au printemps. Nos engagements seront tenus.
Q - Est-ce que nous allons conserver une base militaire dans le Nord du Mali, à la frontière avec le Niger ou l'Algérie ?
R - Nous aurons des soldats sur place au Mali. Ils seront essentiellement là pour l'antiterrorisme.
Q - Il s'agit de protéger AREVA aussi ?
R - AREVA se trouve au Niger. Concernant nos intérêts dans le Sahel, un collègue étranger d'un pays d'Amérique du Sud me disait récemment : «au Mali, c'est scandaleux, vous étiez les anciens colonisateurs, vous y allez pour vos propres intérêts» ! Je lui ai dit : «Cher Ami, justement, nous avons été là-bas longtemps, mais expliquez-moi quelles sont les richesses du Mali ?». J'attends toujours la réponse.
Nous sommes intervenus pour appuyer les efforts des pays africains. Nous ne sommes pas là pour nous substituer, mais pour apporter un appui en matière de sécurité et d'aide humanitaire. Quand des amis se noient, nous ne pouvons pas les ignorer en disant que cela nous est égal.
Q - Il y a certains Maliens qui disent que la France est un peu trop indulgente avec les touaregs du MNLA...
R - Je veux répondre de la manière la plus nette : nous n'avons pas à soutenir et nous ne soutenons pas des mouvements qui sont des mouvements armés. Il n'en est pas question. Maintenant, vous avez un président légalement élu, M. Keïta, ainsi qu'une assemblée. C'est aux autorités élues démocratiquement de travailler et nous leur disons : il y a des accords qui ont été passés, les accords de Ouagadougou. Il faut que des discussions se tiennent avec le Nord, mais la France ne soutient absolument pas tel ou tel mouvement.
Q - Est-ce que vous avez des nouvelles de l'enquête sur l'assassinat des deux journalistes français dans le Nord du Mali ?
R - Récemment, je n'en ai pas eu. Je sais que l'enquête se poursuit.
Q - Je voudrais terminer avec l'Europe, parce qu'on va beaucoup parler d'Europe évidemment dans les mois qui viennent. 100 députés conservateurs britanniques demandent à David Cameron que la Chambre des communes puisse mettre son veto à toute législation européenne existante et future.
R - Cela va poser un vrai problème, si la Grande-Bretagne décidait de sortir de l'Europe.
J'ai dit l'autre jour en plaisantant, mais c'était une demi-plaisanterie, que nous les Français, nous offrons des tapis rouges aux entrepreneurs britanniques. Les Britanniques sont à la fois dedans et dehors en ce moment. C'est assez commode.
Q - Et cela ne peut pas durer ?
R - Non, on ne peut pas avoir une Europe à la carte, en disant : «je prends cela et je laisse cela». Cela ne peut pas marcher. Pour reprendre une expression qui sera chère aux Britanniques - parce qu'ils aiment beaucoup les clubs -, on ne peut pas dire : «j'adhère à un club de rugby», et puis une fois dedans, «je décide de jouer au football». L'Europe a des règles qui s'appliquent aux uns et aux autres.
Nous allons avoir cette discussion peut-être à l'occasion de l'élection européenne, mais surtout après, parce que M. Cameron, le Premier ministre, a dit : «moi, je vais faire un référendum à mes conditions».
Q - Avant 2017...
R - Oui. Si l'Angleterre veut jouer le jeu, parfait, mais si l'Angleterre veut qu'il y ait l'Europe d'un côté et puis un régime totalement spécial pour la Grande-Bretagne de l'autre, je crains que ce soit très difficile.
Q - Est-ce que M. Cameron peut organiser en Grande-Bretagne un référendum sur la sortie ou pas de la Grande-Bretagne de l'Union...
R - Il peut le faire.
Q - Il peut le faire, mais là, politiquement, quelles conséquences cela aura ?
R - Il voudrait d'abord obtenir un accord très favorable à la Grande-Bretagne, et ensuite, faire un référendum, mais pour ce qui est de cet accord, s'il s'agit de détruire l'Europe, de déliter l'Europe, l'Europe ne sera pas d'accord.
Q - Vous dites non, vous, la France dit non...
R - La France est pour l'Europe, pour une Europe qui soit différente, plus sociale, et qui s'oriente vers la croissance, mais on ne peut pas faire quelque chose à la carte.
Nous sommes 28 Etats membres, si chacun dit : «voilà mes règles, et les autres, je ne les accepte pas», cela ne fonctionnera pas.
Q - Donc la Grande-Bretagne devra choisir et quitter l'Union européenne...
R - On n'en est pas là. Je souhaite que la Grande-Bretagne reste dans l'Europe, bien sûr, mais qu'elle accepte les règles européennes, qui doivent être modifiées sur certains points.
Q - Mais aujourd'hui, cette ambigüité est-elle encore supportable ?
R - Elle existe, mais nous sommes tous d'accord pour dire qu'il faut simplifier les règles européennes. En tout cas, nous sommes pour qu'il y ait plus de croissance, d'emplois en Europe, pour qu'il y ait des efforts communs en matière d'énergie, en matière de défense. S'il s'agit de dire qu'il y a deux régimes, l'un pour l'ensemble de l'Europe, et l'autre uniquement pour un pays, en l'occurrence la Grande-Bretagne, ce sera très difficile, c'est une évidence.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 14 janvier 2014
Q - On va parler de la Syrie. Rencontre hier à Paris entre opposants au régime d'Assad et les ministres des affaires étrangères, des Amis de la Syrie : Genève II, c'est le 22 janvier, c'est bien cela ?
R - Oui, nous souhaitons que Genève II ait lieu, je vais vous dire pourquoi, mais la décision n'est pas acquise encore. Pourquoi souhaitons-nous que Genève II ait lieu ? Parce que la Syrie, c'est le drame absolu. On en parle moins en ce moment, précisément parce que les journalistes là-bas, on les tue, on les enlève. Les journalistes n'arrivent donc pas à faire leur métier. On le comprend bien, du coup, c'est une guerre sans images. Mais il s'agit bien d'une guerre, avec 130.000 morts ; c'est épouvantable. Si on veut mettre fin à cette guerre, il n'y a pas d'autre solution que de parler, de négocier ; c'est l'objet de Genève II.
Nous souhaitons vivement que Genève II ait lieu. Simplement, la décision n'est pas acquise parce que Bachar et les terroristes font le maximum pour qu'il n'y ait pas de négociation. En fait, Bachar et les terroristes - je parle des terroristes, des extrémistes - c'est l'endroit et l'envers du même décor. Nous, nous soutenons ce qu'on appelle l'opposition modérée, c'est-à-dire les gens qui veulent une Syrie libre, démocratique...
Q - L'armée syrienne libre...
R - Mais ceux-là sont pris entre deux feux, parce que, d'un côté, Bachar leur envoie des bombes et les terroristes les combattent.
Q - Mais il y aura Genève II ? Enfin, ce n'est pas encore acquis, ce n'est pas certain !
R - Ban Ki-moon, le secrétaire général des Nations unies, nous a envoyé une lettre d'invitation qui est très bien faite. Il a aussi envoyé une lettre d'invitation à Bachar, en tout cas à son équipe...
Q - Il a répondu ou pas ?
R - Il a répondu, mais à côté si je puis dire. Il a dit : «oui, je vais vous envoyer des gens, mais pas pour discuter de ce que vous voulez».
Q - «De mon départ...»
R - Non. L'objet de Genève II, c'est écrit dans la lettre de Ban Ki-moon, c'est de discuter d'un gouvernement de transition, doté de tous les pouvoirs exécutifs, c'est-à-dire un autre régime. Bachar dit qu'il envoie des représentants mais pas pour discuter de cela.
Donc, on en est là. Il n'y a qu'une solution politique et je vais voir ce matin Sergueï Lavrov, le ministre russe, et cet après-midi John Kerry, le ministre américain. J'ai eu hier l'envoyé des Nations unies. Nous préparons cela, et nous espérons vivement que Genève II aura lieu.
Q - L'Allemagne accepte de détruire une partie de l'arsenal chimique syrien, est-ce que la France va participer à la destruction de ces armes ?
R - Nous avions dit que nous étions disponibles. Nous avons aidé à passer du principe à la réalité. Maintenant, nous n'avons pas fait de proposition en ce sens, mais il y a des pays qui se sont proposés.
Nous avons déjà - vous le savez certainement - à détruire des armes chimiques qui datent de la première guerre mondiale.
Q - La France ne participera pas aux destructions...
R - On ne l'a pas fait à ce stade.
Q - Et on le fera ?
R - Je pense que ce n'est pas nécessaire. Actuellement, il y a des capacités qui sont proposées par les Américains, par les Allemands, peut-être par d'autres, qui permettent de détruire ces armes chimiques.
(...)
Q - L'accord sur le nucléaire iranien, appliqué à partir du 20 janvier, c'est cela ? Vous confirmez ?
R - Oui. L'accord comporte deux parties, une partie, je dirais provisoire, et c'est celle-là qui va être appliquée [à partir du 20 janvier], donc c'est très bien : à la fois les Iraniens doivent prendre un certain nombre de décisions et nous, suspendre quelques sanctions.
Après, il va y avoir la deuxième partie, compliquée, qui va être la discussion, j'allais dire sur le fond, est-ce que les Iraniens acceptent de renoncer à toute perspective nucléaire militaire, ou bien, est-ce qu'ils disent simplement : on reste au niveau du seuil. Et ça, qui est évidemment l'essentiel, nous n'en avons pas encore discuté.
Mais le fait que l'accord que nous avons noué, et vous savez que la France y a beaucoup contribué, le fait que cet accord s'applique, c'est déjà une bonne chose.
(...)
Q - Est-ce que la France souhaitait le départ du président centrafricain, aujourd'hui exilé au Bénin ?
R - Nous aidons les Africains, mais nous ne voulons pas nous substituer à eux. Il est vrai que la situation était paralysée, puisque M. Djotodia, qui lui-même est un ancien Séleka, ne parvenait pas à rétablir le calme. Il y a eu une convocation de l'ensemble des pays de la région, qui avaient pris acte du fait que la transition politique en RCA ne marchait pas. Par conséquent, M. Djotodia a quitté le pouvoir. Désormais, il y a dix jours pour désigner un nouveau président.
Q - Qui va lui succéder et quand ?
R- C'est au Conseil national de transition, qui est un organe officiel, qu'il appartient de décider. Il y a un délai de dix jours. Il faut donc aller vite, mais il faut en même temps que le choix soit pertinent. En effet, nous avons en RCA un problème sécuritaire à régler. La situation humanitaire est également extrêmement grave. Concernant la transition démocratique, vous ne pouvez pas laisser un pays sans dirigeant. Il faut donc que dans les dix jours, les dirigeants soient nommés par le Conseil national de transition.
Q - On compte 100.000 réfugiés près de l'aéroport, des centaines de milliers de Centrafricains qui sont réfugiés, exilés, déracinés. 1.600 soldats français sont dans le pays. Des renforts français seront-ils envoyés ?
R - Non, ce n'est pas prévu. Il s'agit d'abord une opération où les militaires africains doivent se mobiliser. Nous sommes là pour aider, nous le faisons, et je tiens à rendre hommage à nos soldats. Je vais demander le 20 janvier à nos amis européens de nous apporter un soutien. Quelque chose est en route.
Q - Un envoi de soldats ?
R - Il s'agirait d'une aide sur l'aéroport et un appui sur le plan humanitaire.
Q - Est-il vrai que la Pologne et la Belgique, par exemple, sont prêtes à envoyer des soldats ?
R - Je suis prudent. Il faut attendre que cela soit fait. Mais je crois que les Européens vont nous aider, je l'espère en tout cas, parce que la situation en RCA ne concerne pas seulement la Centrafrique. Elle concerne tout le monde. La sécurité de l'Afrique, c'est aussi la nôtre. Une aide à la France a donc été demandée à nos partenaires européens. Cette aide concernerait aussi, ultérieurement, la formation de l'armée centrafricaine.
Q - Selon l'ancien ministre de la défense allemand, au Mali comme en Centrafrique, la France est guidée par ses propres intérêts.
R - Cette déclaration a surpris. J'ai vu hier le ministre allemand des affaires étrangères, M. Steinmeier. Il m'a dit qu'il soutenait l'action de la France en Centrafrique.
Q - Où en est-on au Mali, un an après l'intervention française ?
R - Il est nécessaire de temps en temps dresser les bilans. Il y a un an, à peu près, jour pour jour, le président du Mali appelait le président Hollande en lui disant : «si vous n'intervenez pas ce soir, demain, je suis mort». Nous sommes intervenus, aux côtés des Africains. Un an plus tard, le terrorisme a été largement éradiqué, et la sécurité a été rétablie. Un président a été légalement élu, tout comme l'Assemblée nationale. Le Mali redémarre. Je ne veux pas dire que tout soit réglé, mais c'est un grand succès pour à la fois la diplomatie et les militaires français. Il faut à la fois rester lucide et vigilant, mais tout le monde reconnait qu'il s'agit d'un grand succès.
Q - 2.500 soldats français encore au Mali ?
R - Oui, ils seront 1.600 au mois de février, puis 1.000 au printemps. Nos engagements seront tenus.
Q - Est-ce que nous allons conserver une base militaire dans le Nord du Mali, à la frontière avec le Niger ou l'Algérie ?
R - Nous aurons des soldats sur place au Mali. Ils seront essentiellement là pour l'antiterrorisme.
Q - Il s'agit de protéger AREVA aussi ?
R - AREVA se trouve au Niger. Concernant nos intérêts dans le Sahel, un collègue étranger d'un pays d'Amérique du Sud me disait récemment : «au Mali, c'est scandaleux, vous étiez les anciens colonisateurs, vous y allez pour vos propres intérêts» ! Je lui ai dit : «Cher Ami, justement, nous avons été là-bas longtemps, mais expliquez-moi quelles sont les richesses du Mali ?». J'attends toujours la réponse.
Nous sommes intervenus pour appuyer les efforts des pays africains. Nous ne sommes pas là pour nous substituer, mais pour apporter un appui en matière de sécurité et d'aide humanitaire. Quand des amis se noient, nous ne pouvons pas les ignorer en disant que cela nous est égal.
Q - Il y a certains Maliens qui disent que la France est un peu trop indulgente avec les touaregs du MNLA...
R - Je veux répondre de la manière la plus nette : nous n'avons pas à soutenir et nous ne soutenons pas des mouvements qui sont des mouvements armés. Il n'en est pas question. Maintenant, vous avez un président légalement élu, M. Keïta, ainsi qu'une assemblée. C'est aux autorités élues démocratiquement de travailler et nous leur disons : il y a des accords qui ont été passés, les accords de Ouagadougou. Il faut que des discussions se tiennent avec le Nord, mais la France ne soutient absolument pas tel ou tel mouvement.
Q - Est-ce que vous avez des nouvelles de l'enquête sur l'assassinat des deux journalistes français dans le Nord du Mali ?
R - Récemment, je n'en ai pas eu. Je sais que l'enquête se poursuit.
Q - Je voudrais terminer avec l'Europe, parce qu'on va beaucoup parler d'Europe évidemment dans les mois qui viennent. 100 députés conservateurs britanniques demandent à David Cameron que la Chambre des communes puisse mettre son veto à toute législation européenne existante et future.
R - Cela va poser un vrai problème, si la Grande-Bretagne décidait de sortir de l'Europe.
J'ai dit l'autre jour en plaisantant, mais c'était une demi-plaisanterie, que nous les Français, nous offrons des tapis rouges aux entrepreneurs britanniques. Les Britanniques sont à la fois dedans et dehors en ce moment. C'est assez commode.
Q - Et cela ne peut pas durer ?
R - Non, on ne peut pas avoir une Europe à la carte, en disant : «je prends cela et je laisse cela». Cela ne peut pas marcher. Pour reprendre une expression qui sera chère aux Britanniques - parce qu'ils aiment beaucoup les clubs -, on ne peut pas dire : «j'adhère à un club de rugby», et puis une fois dedans, «je décide de jouer au football». L'Europe a des règles qui s'appliquent aux uns et aux autres.
Nous allons avoir cette discussion peut-être à l'occasion de l'élection européenne, mais surtout après, parce que M. Cameron, le Premier ministre, a dit : «moi, je vais faire un référendum à mes conditions».
Q - Avant 2017...
R - Oui. Si l'Angleterre veut jouer le jeu, parfait, mais si l'Angleterre veut qu'il y ait l'Europe d'un côté et puis un régime totalement spécial pour la Grande-Bretagne de l'autre, je crains que ce soit très difficile.
Q - Est-ce que M. Cameron peut organiser en Grande-Bretagne un référendum sur la sortie ou pas de la Grande-Bretagne de l'Union...
R - Il peut le faire.
Q - Il peut le faire, mais là, politiquement, quelles conséquences cela aura ?
R - Il voudrait d'abord obtenir un accord très favorable à la Grande-Bretagne, et ensuite, faire un référendum, mais pour ce qui est de cet accord, s'il s'agit de détruire l'Europe, de déliter l'Europe, l'Europe ne sera pas d'accord.
Q - Vous dites non, vous, la France dit non...
R - La France est pour l'Europe, pour une Europe qui soit différente, plus sociale, et qui s'oriente vers la croissance, mais on ne peut pas faire quelque chose à la carte.
Nous sommes 28 Etats membres, si chacun dit : «voilà mes règles, et les autres, je ne les accepte pas», cela ne fonctionnera pas.
Q - Donc la Grande-Bretagne devra choisir et quitter l'Union européenne...
R - On n'en est pas là. Je souhaite que la Grande-Bretagne reste dans l'Europe, bien sûr, mais qu'elle accepte les règles européennes, qui doivent être modifiées sur certains points.
Q - Mais aujourd'hui, cette ambigüité est-elle encore supportable ?
R - Elle existe, mais nous sommes tous d'accord pour dire qu'il faut simplifier les règles européennes. En tout cas, nous sommes pour qu'il y ait plus de croissance, d'emplois en Europe, pour qu'il y ait des efforts communs en matière d'énergie, en matière de défense. S'il s'agit de dire qu'il y a deux régimes, l'un pour l'ensemble de l'Europe, et l'autre uniquement pour un pays, en l'occurrence la Grande-Bretagne, ce sera très difficile, c'est une évidence.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 14 janvier 2014