Interview de Mme Geneviève Fioraso, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche à I-Télé le 3 janvier 2014, sur l'enseignement supérieur et la formation professionnelle.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Média : Itélé

Texte intégral


CHRISTOPHE BARBIER
Bienvenue, bonjour. Tout à l’heure c’est la rentrée du gouvernement. Petit déjeuner place Beauvau, et puis après l’Elysée. Alors dans quelle humeur va-t-on trouver ce gouvernement ?
GENEVIEVE FIORASO
D’abord bonjour et bonne année. Requinqué, on a eu une petite trêve, même si quand on est ministre et lorsqu’on est membre d’un gouvernement dans un pays qui se pose beaucoup de questions sur son avenir, qui est en Europe où on doit faire face à des sujets assez inédits. On pense toujours en réalité à son travail. On n’arrive pas vraiment à décrocher.
CHRISTOPHE BARBIER
La crise pèse toujours quand même sur l’action des ministres.
GENEVIEVE FIORASO
C’est notre responsabilité, surtout d’y faire face et d’y trouver des réponses. Mais le président de la République a donné le la. Nous a rappelé une fois de plus, mais nous ça ne nous a pas étonné parce que c’est ce qu’on entend tous les mercredis au conseil des ministres, il nous a donné sa priorité : l’emploi, l’emploi, toujours l’emploi.
CHRISTOPHE BARBIER
Alors on va y venir, mais c’est aussi une année particulière que l’année 2014. C’est l’année des élections, municipales, européennes. Ca va être aussi l’année d’un remaniement probable. Ca pèse sur les esprits ?
GENEVIEVE FIORASO
Vous savez le remaniement, l’arlésienne du remaniement on l’a déjà entendu plusieurs fois.
CHRISTOPHE BARBIER
Ca finira par arriver !
GENEVIEVE FIORASO
Ca finira bien par arriver un jour. En attendant il faut travailler. Je crois qu’il ne faut pas se poser de questions et un ministre encore moins que tout autre, j’allais dire. Que vous les journalistes vous posiez des questions c’est normal. Nous on doit faire notre travail dans le temps qui nous est imparti, on doit toujours faire comme si ça pouvait s’arrêter demain. C’est-à-dire faire le maximum dans notre journée de travail.
CHRISTOPHE BARBIER
Manuel VALLS qui vous reçoit est un prétendant pour Matignon, peut-être l’Elysée un jour. Ca va jouer dans l’ambiance de la matinée ?
GENEVIEVE FIORASO
Non pas du tout. Pas du tout. Je crois qu’on va parler travail. On va d’abord être content de se retrouver, on va échanger. Et puis on va parler des priorités de cette année. Non, encore une fois, encore une fois la France est confrontée quand même, j’allais dire à une crise de croissance. Oui nous devons rebondir. Rebondir sur le plan industriel, sur le plan de la recherche, mieux former, donc des sujets qui m’intéressent en tant que ministre de la recherche et de l’enseignement supérieur. Créer des emplois, arriver à un seuil de croissance qui nous permet de créer des emplois. Convaincre les Français d’investir plutôt que d’épargner. Le taux d’épargne n’a jamais été aussi élevé. Retrouver la confiance, je crois que c’est plus important que toutes les tergiversations sur l’avenir d’untel ou untel.
CHRISTOPHE BARBIER
Alors vous, vous êtes gâtée parce que vous retournez à l’Elysée cet après-midi pour un tête-à-tête avec le président. De quoi allez-vous lui parler ?
GENEVIEVE FIORASO
Vous savez je lui laisse quand même la primeur des propos que je vais lui dire. Je crois que c’est normal qu’au bout de 18 mois on fasse un bilan en tête à tête sur le travail qui a été effectué. Tout d’abord pour mettre en mouvement l’université et la recherche et surtout l’université et l’enseignement supérieur. J’ai passé 18 mois vraiment à me concentrer sur l’amélioration des conditions de formation des étudiants, et sur l’engagement des universités qui est réel, je l’ai vérifié. J’ai fait le tour de France des universités, j’ai vérifié leur engagement, leur modernité. On a une image des universités qui ne correspond pas à ce qu’elles sont vraiment.
CHRISTOPHE BARBIER
Elles veulent vraiment emmener les jeunes vers l’emploi maintenant.
GENEVIEVE FIORASO
Absolument, absolument ! D’ailleurs il y a eu une récente étude de l’OCDE qui a surpris tout le monde. Pas moi, parce que j’avais vu sur le terrain l’engagement encore une fois des équipes des universités et des écoles et des établissements enseignement supérieur. Cette étude de l’OCDE dit qu’un diplômé de l’enseignement supérieur, quelqu’un qui sort de l’université avec un diplôme Bac+5 ont entre 90 et 97% de chance d’être inséré professionnellement, durablement avec un contrat durable. Donc vous voyez ça ne correspond pas aux a priori que l’on peut avoir. Même dans les sciences humaines et sociales, dans les disciplines où on croit apparemment que c’est plus difficile que dans les disciplines de sciences plus dures d’être inséré professionnellement.
CHRISTOPHE BARBIER
Alors le ton de cette rentrée est aussi donné par les voeux du président du 31 décembre. Vous avez noté comme chacun le tournant social libéral du président.
GENEVIEVE FIORASO
Social démocrate, mais il a toujours été sur une ligne sociale démocrate.
CHRISTOPHE BARBIER
Tout de même, priorité aux entreprises, la main tendue, ça c’est social libéral.
GENEVIEVE FIORASO
Mais le rapport GALLOIS que disait-il d’autre sur la compétitivité des entreprises dans lequel il préconisait, et je l’en remercie une fois de plus la sanctuarisation de la recherche, pour laquelle je me bats depuis des années, bien avant d’être ministre. Où il préconisait la diffusion de cette recherche, son transfert pour créer de l’emploi grâce à l’innovation, la diffusion de l’innovation. En tant qu’élue de Grenoble j’ai une certaine expérience dans le domaine, j’ai travaillé dix ans en entreprise. Donc ce gouvernement a toujours soutenu les entreprises qui investissent, et veut les pousser à investir. Si nous n’investissons pas davantage nous ne créerons pas d’emploi. Donc il faut retrouver la confiance pour l’investissement. Simplement ça n’avait peut-être pas été aussi formalisé aussi clairement. Là, au moins la ligne est claire, la ligne est cohérente, elle est cohérente avec ce que nous faisons depuis 18 mois.
CHRISTOPHE BARBIER
Et il y aura aussi une loi pour la formation professionnelle, l’emploi, l’emploi, l’emploi a martelé François HOLLANDE.
GENEVIEVE FIORASO
Oui.
CHRISTOPHE BARBIER
Cette loi en quoi vous concerne-t-elle vous à la recherche et à l’enseignement supérieur ?
GENEVIEVE FIORASO
Où sont les meilleurs pédagogues aujourd’hui ? Ils sont à l’université, ils sont dans l’enseignement public, bien entendu. Donc il faut que l’université qui pour l’instant démarche que pour 4% dans ce gros budget de la formation professionnelle soit davantage présente. Donc nous allons lancer deux initiatives. D’abord j’ai mis la formation tout au long de la vie dans les missions de l’enseignement supérieur public, ce qui n’avait jamais été fait. Et puis nous allons accueillir 200.000 chômeurs ou personnes en reconversion pour les former, les reconvertir et leur permettre de retrouver un emploi, de s’insérer à nouveau. Nous allons aussi nous adresser aux décrocheurs qui ont pu avoir un travail mais pas très qualifiés mais qui ont acquis une expérience, et nous allons par la valorisation des acquis de l’expérience, nous allons leur donner un diplôme avec un tutorat, avec un travail qui va les engager sur plusieurs années. Donc des initiatives très précises. Et puis nous voulons emmener ces 50% d’une classe d’âge à la diplomatie de l’enseignement supérieur. Aujourd’hui nous sommes à 42%. C’est un objectif de Lisbonne fixé par l’Europe il y a dix ans, nous ne l’avons pas atteint. L’Allemagne l’a atteint par exemple. Donc nous allons nous donner les moyens, c’est l’innovation pédagogique, c’est l’alternance. C’est tout ce que nous remettons en mouvement dans l’université.
CHRISTOPHE BARBIER
Et comment faire pour que les jeunes les plus brillants, ceux qui sont très bien diplômés ne partent pas à l’étranger après avoir fait de la recherche pour y créer des start-up ?
GENEVIEVE FIORASO
D’abord c’est formidable de partir à l’étranger, tous ceux qui ont une expérience à l’étranger autour de vous vous le dirons, mais ils reviennent ensuite parce qu’il y a en France une qualité de vie, il y a un attachement au pays qui vous a formé. Et ils reviennent riches d’une expérience de l’étranger. Et puis s’ils restent à l’étranger, pourquoi pas. Ce seront nos meilleurs ambassadeurs.
CHRISTOPHE BARBIER
On a payé leurs études et ils vont faire profiter…
GENEVIEVE FIORASO
Oui mais nous accueillons aussi dans nos docteurs, les doctorants 40% de jeunes qui viennent de l’étranger et certains restent ici. Donc si vous voulez l’université elle échappe au cocorico, l’université elle transmet la culture française dans le monde et c’est important que l’université diffuse dans le monde. Mais nous devons, vous avez raison, nous ne devons pas perdre nos talents, mais les chiffres montrent que ce n’est pas le cas.
CHRISTOPHE BARBIER
Alors il y a une université qui vit une rentrée difficile c‘est celle de Versailles Saint-Quentin, est-ce que vous lui donnerez les 4 millions d’euros qui manquent à sa trésorerie ?
GENEVIEVE FIORASO
Alors là, ça n’est pas comme ça du tout qu’il faut poser la question. D’abord il faut analyser les choses, nous l’avons fait très vite. Pourquoi manque t-il de la trésorerie ? Parce qu’il y a eu, la Cour des Comptes l’a dit, nous l’avons vérifié par l’accompagnement que nous avons maintenant mis en place au moment du passage à l’autonomie. Donc suite à la loi votée par…
CHRISTOPHE BARBIER
PECRESSE.
GENEVIEVE FIORASO
PECRESSE, le compte n’y était pas. C’est-à-dire que le glissement vieillissement technicité, excusez-moi c’est un peu technique n’était pas pris en compte. Bref, l’augmentation des salaires…
CHRISTOPHE BARBIER
Remettez de l’argent !
GENEVIEVE FIORASO
Des charges, attendez, n’était pas pris en compte. Mais surtout on n’avait pas regardé de près les budgets. Et il y avait des recettes que la Cour des Comptes, je lui laisse ce mot, qualifie peut-être d’insincères, en tout cas qui ont été majorées de 18 millions d’euros.
CHRISTOPHE BARBIER
L’équipe dirigeante a triché ?
GENEVIEVE FIORASO
Non n’a pas triché, a majoré des recettes, a été optimiste sur les recettes. Donc ces 18 millions d’euros qui ont été dépensés évidemment ils n’ont pas été avérés, donc ils manquent à la trésorerie, donc nous avons regardé avec l’université ce qui pouvait être fait en toute responsabilité parce que si chaque fois qu’une université a ainsi majorité des recettes ou …
CHRISTOPHE BARBIER
S’est trompée…
GENEVIEVE FIORASO
S’est trompée dans sa gestion.
CHRISTOPHE BARBIER
Il faut payer.
GENEVIEVE FIORASO
Il faut payer. On ne s’en sort pas. Et surtout on pénalise ceux qui ont fait des efforts. Donc j’ai mis en place une formation pour les nouvelles équipes parce qu’on n’apprend pas d’un seul coup comme ça à gérer un budget. Et nous avons recouvré également près de 3 millions de factures qui avaient été envoyées mais qui n’avaient pas été recouvrées.
CHRISTOPHE BARBIER
Et elles menacent de fermer au mois de février. Vous l’empêcherez ?
GENEVIEVE FIORASO
Non c’est absolument faux, vous n’avez pas regardez les dernières informations où il remercie le ministère de l’accompagnement qui est fait et où il dit qu’il n’y a aucun risque de fermeture.
CHRISTOPHE BARBIER
Donc vous pouvez rassurer les étudiants ce matin, ils auront une fac ouverte en février.
GENEVIEVE FIORASO
Je rassure absolument les étudiants, les parents, nous l’avons fait, et même le président de l’université, qui était assez inquiet, comme vous avez pu le constater, donc qui lançait des appels au secours, nous l’accompagnons, nous l’avons au téléphone de nombreuses fois par jour. Nous l’accompagnons, mais nous l’accompagnons avec rigueur. Et nous avons déjà recouvré près de trois millions d’euros de créances qui n’avaient simplement pas été payés, des factures impayées.
CHRISTOPHE BARBIER
Christiane TAUBIRA envisage pour cette année que le divorce par consentement mutuel ne passé plus devant le juge, mais soit traité au greffe, plus facilement. Est-ce que c’est une bonne idée ? Et c’est presque autant à la femme qu’à la ministre que je m’adresse.
GENEVIEVE FIORASO
Ecoutez pour l’avoir vécu, ce n’est pas une expérience traumatisante, mais si ça peut décharger les juges, pourquoi pas. Parce que les juges ont quand même beaucoup de jugements parfois en retard, donc il vaut mieux qu’ils s’intéressent aux conflits lorsqu’on divorce par consentement mutuel c’est qu’on a su dépasser le conflit. Donc ça ne me choque absolument pas.
CHRISTOPHE BARBIER
L’ambiance sur les élections municipales va peser bien entendu sur ce printemps. Est-ce que vous pensez que la gauche va être sanctionnée dans ses villes, notamment la votre Grenoble parce que le gouvernement n’a pas les résultats qu’il escomptait.
GENEVIEVE FIORASO
Vous savez il faut toujours être prudent dans les pronostics électoraux parce que j’ai vécu moi la défaite d’Hubert DUBEDOU à Grenoble que personne n’avait vu venir…
CHRISTOPHE BARBIER
En 83 face à Alain CARIGNON.
GENEVIEVE FIORASO
Et qui était parfaitement injuste. Oui, que j’ai battu aux élections législatives lorsqu’il a voulu se représenter quand il est sorti de prison après sa peine de non éligibilité. Donc vous voyez l’histoire parfois…
CHRISTOPHE BARBIER
Donc tout peut arriver, rien n’est acquis quand même dans ces municipales.
GENEVIEVE FIORASO
A des tournants imprévisibles.
CHRISTOPHE BARBIER
Il n’y a pas d’usure, quand même des équipes municipales sortantes qui sont en place depuis longtemps à gauche.
GENEVIEVE FIORASO
Je crois quand les maires sont reconnus, quand ils ont fait un travail sérieux, à la fois de gestion mais aussi d’amélioration de la qualité de la vie, de prise en compte de la solidarité, de dynamisation des territoires, eh bien je crois que ça se passe très bien pour ces maires là. Et ces maires des grandes villes en majorité ils sont de gauche, donc je n’ai pas vraiment d’inquiétude. En tant que ministre je veux travailler davantage d’ailleurs avec les collectivités. Je crois que c’était une grande erreur de mes prédécesseurs c’est d’avoir oublié les collectivités territoriales, pour l’innovation, pour l’enseignement supérieur, pour l’amélioration de la qualité de la vie des étudiants : le logement, mais aussi le sport, l’accès aux activités culturelles, vous savez ce que c’est, ça ouvre l’esprit. Et bien je crois que c’est indispensable de davantage travailler avec les collectivités, mais dans un effort de réduction des dépenses publiques.
CHRISTOPHE BARBIER
Est-ce que Mickaël SCHUMACHER est bien soigné au CHU de Grenoble, ou est-ce qu’il ne faudra pas le transférer pour la suite à Paris ou à Berlin ?
GENEVIEVE FIORASO
Alors sans être chauvine, c’est le meilleur service de neurochirurgie en Europe, l’un des meilleurs en tout cas. Le professeur BENABID qui est quelqu’un qui est nobélisable l’avait encore renforcé, maintenant il travaille sur des projets de recherche à Grenoble. Et tous ces successeurs, le professeur Michel GUET (phon), le professeur CHABARDES, qui ont opéré, sont vraiment des experts reconnus au niveau international pour la neurochirurgie donc il est dans les meilleurs mains du monde. Maintenant il est dans un état critique et je lui souhaite vraiment de s’en sortir parce que c’est un magnifique champion. Et puis c’est son anniversaire aujourd’hui. J’espère que toute l’amitié qu’il y a autour de lui, lui donnera des forces pour s’en sortir.
CHRISTOPHE BARBIER
Geneviève FIORASO merci, bonne journée.
GENEVIEVE FIORASO
Merci à vous.
Source : Service d'information du gouvernement, le 6 janvier 2014