Texte intégral
Mesdames, Messieurs,
Chers Amis,
Même si ma vie, ma culture, mon tempérament m'ont amené depuis trente ans à découvrir et aimer la littérature américaine, je me refuse à partager totalement l'affirmation de John Steinbeck suivant laquelle l'âge que nous vivons est dangereux mais que s'il ne l'était pas, il serait ennuyeux.
Dans un contexte d'exposition croissante aux risques et aux menaces, dans un contexte qui vous contraint à envoyer quotidiennement experts et techniciens au plus près des grondements du monde, vous savez plus que d'autres que l'ennuie ne peut être préféré au danger.
Pour certains, il s'agit d'informer ; pour d'autres, de former, développer, enseigner, soigner.
Ce risque, vous l'assumez tous cependant. Quelle que soit la taille de vos structures, votre notoriété ou votre statut, vous n'avez d'autre choix que de faire preuve d'une extrême vigilance sur les questions de sécurité.
Hélas, cela ne suffit pas. J'ai en ce jour une pensée émue pour Ghislaine Dupont et Claude Verlon, enlevés puis assassinés le 2 novembre dernier dans la région de Kidal, par un groupe terroriste.
Cet assassinat a été un drame pour leurs familles, pour le métier de journaliste, pour notre pays. Il nous rappelle que tout peut basculer au hasard de l'instant présent quelle que soit l'expérience de chacun, il nous rappelle que le sang qui ne coule plus dans les veines des morts, ce sont les vivants qui le perdent.
C'est pourquoi il m'importait d'être à vos côtés aujourd'hui pour ouvrir cette première rencontre consacrée à la sécurité des acteurs de la coopération internationale.
Le ministère des affaires étrangères entretient des liens forts avec vous. Nous devons pourtant poursuivre et approfondir nos échanges, améliorer nos modes opératoires. Bref, travailler encore plus étroitement.
Nos procédures permettent d'ores et déjà de coordonner notre action en matière de gestion de crise, au service des entreprises, des ONG, des journalistes. Cette coopération est ancienne, elle a fait ses preuves. Elle faisait toutefois encore défaut auprès de vous, opérateurs publics, et ce n'est pas le moindre des paradoxes....
C'est pourquoi nous avons souhaité, avec Didier Le Bret, directeur du centre de crise, porter nos efforts sur cette relation qui doit être privilégiée parce qu'elle peut être exemplaire.
Les objectifs de ce séminaire sont pluriels :
- Il s'agit tout d'abord d'échanger avec les entreprises et les acteurs humanitaires sur leur organisation. Nous avons tout à gagner à tirer les enseignements de leur expérience ; et je tiens à remercier M. Thierry Bourgeois et M. Mego Terzian d'avoir accepté de participer à ces débats ;
- Il importe ensuite de croiser les points de vue entre opérateurs et éclairer les réponses aux questionnaires que vous avez bien voulu nous retourner. Encore une fois, l'échange de bonnes pratiques ne peut être que bénéfique et source de synergies.
Au fond, ce séminaire doit servir à nous connaître ; à mieux nous connaitre. Entre opérateurs et services, mais aussi entre opérateurs.
Le séminaire constitue en cela un moment important, pour ne pas dire fondateur. Souhaitons qu'il inspire une vraie dynamique d'échanges et de partage.
1°) Nous pourrions par exemple imaginer la création d'une plate-forme Internet réunissant l'ensemble des opérateurs de la coopération internationale. Je pense ici à l'exemple que constituent les forums du CINDEX et du CDSE pour le secteur privé. Un tel outil permettrait de fluidifier l'information entre les opérateurs et le Centre de Crise. L'ensemble des membres de ce réseau serait alerté automatiquement lors de la «dégradation» d'une situation sécuritaire.
2°) Mieux se connaitre cela conduit aussi à adopter des réflexes communs face à une situation de crise. La question de la formation se pose ici. Sur le modèle des formations dispensées par le ministère de la défense à l'attention des journalistes et des reporters, le ministère des affaires étrangères pourrait prendre l'initiative de créer une filière de formation à l'expatriation pour les agents des opérateurs publics ou sous contrat avec l'État.
3°) Mieux se connaître, cela doit aussi conduire à partager ce que chacun peut offrir aux autres. S'agissant du ministère des affaires étrangères par exemple, je pense au dispositif Ariane ainsi qu'aux conseils aux voyageurs.
- Ariane en effet permet à tout ressortissant français de déclarer gratuitement et facilement son voyage. En cas de besoin, il reçoit alors un message d'alerte lui indiquant la situation sur place et l'attitude conseillée. Nous sommes passés de 40.000 inscrits en 2012 à plus de 120.000 en ce début 2014. C'est le signe d'une prise en compte croissante des enjeux de sécurité par nos compatriotes amenés à se rendre à l'étranger. Il est donc essentiel que vos collaborateurs se l'approprient.
- les «Conseils aux voyageurs» disponibles sur le site du ministère ont quant à eux été consultés par plus de 7 millions de personnes en 2013. Certifié ISO 9001, ce site est mis à jour quotidiennement.
C'est pour vous et vos équipes un gage supplémentaire de sérieux, de rigueur, et d'actualité des informations délivrées.
4°) Mieux se connaître, cela conduit également naturellement à la définition d'une stratégie globale, inclusive. La concertation doit devenir la règle : en interministériel, mais également avec tous les acteurs présents au plan international : opérateurs, entreprises, ONG, parlementaires.... C'est parce que tous s'écouteront et se comprendront que tous finiront pas partager les mêmes objectifs.
Mes Amis,
Votre présence à l'étranger est, pour la France, un élément essentiel de la diffusion de votre expertise. Elle est une condition de notre rayonnement.
Vos actions sur le terrain contribuent à forger une image positive de notre pays. Mieux : elles l'honorent. C'est pourquoi, en plus de la sécurité physique - qui est un impératif - il est essentiel de vous offrir et de la constance politique et des garanties juridiques. La coopération internationale de la France n'en sera que mieux armée pour offrir une réponse forte et légitime aux exigences de l'heure.
Vous l'aurez compris, la première édition de cette rencontre doit nous permettre de répondre ensemble aux défis auxquels la coopération internationale française doit faire face. Il en va du rayonnement de la France à l'international.
C'est avec intérêt réel que je prendrai connaissance des conclusions de votre séminaire, sans danger, et sans ennuie !
Je vous remercie.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 21 janvier 2014