Texte intégral
Mesdames et Messieurs,
Je veux d'abord vous dire le plaisir que c'est pour moi d'accueillir ici, au Quai d'Orsay, le ministre des affaires étrangères d'Allemagne, mon ami Frank Walter Steinmeier.
Depuis la constitution du nouveau gouvernement allemand, le 17 décembre dernier, nous avons déjà eu, avec Frank Walter, plusieurs occasions de nous rencontrer et d'échanger hors de réunions internationales ou européennes ou en marge de celles-ci. Hier encore, nous étions ensemble au Conseil affaires étrangères à Bruxelles et, demain, nous serons également ensemble à Montreux pour la conférence dite de Genève II.
Ces réunions nous laissent peu de temps pour approfondir un certain nombre de sujets. Or, nous voulons prendre le temps, comme aujourd'hui, d'entretiens à la fois amicaux et substantiels, pour contribuer à la relation exceptionnelle entre nos deux pays. Nous pensons tous les deux qu'il faut tirer profit du moment actuel.
La France et l'Allemagne vont connaître une phase de trois années sans élection nationale. Le Parlement européen et la Commission seront renouvelés dans quelques mois. Il y a là une séquence, un calendrier que nous voulons utiliser pleinement pour donner une impulsion nouvelle à la coopération entre l'Allemagne et la France au bénéfice à la fois de nos deux pays et de l'Union européenne.
À l'issue de cette première réunion de travail, je crois que l'on peut tirer au moins deux enseignements, l'un sur la méthode et l'autre sur le fond.
Pour ce qui est de la méthode, nous avons décidé d'approfondir notre coopération et peut-être de revoir un peu les moyens. Par exemple - et nous l'avons déjà fait très naturellement avant le Conseil des affaires étrangères d'hier -, désormais nous nous consulterons systématiquement avant les réunions européennes pour déterminer dans quelle mesure nos positions peuvent être coordonnées.
Nous avons également décidé de faire un certain nombre de déplacements à l'étranger ensemble, dans des régions qui sont d'intérêt conjoint pour nos deux pays et pour l'Union européenne. Nous pourrons alors rendre compte ensemble de ces déplacements devant le Bundestag et devant l'Assemblée nationale. Frank Walter, je te réserve la primeur de donner le nom de nos premiers déplacements.
Nous avons aussi décidé de lancer ensemble un travail de prospective sur les crises, sur leur anticipation et sur leur prévention. Dans la perspective des élections européennes, nous avons choisi de faire quelques déplacements ensemble pour faire connaître à nos concitoyens l'importance de l'Union européenne et le projet que nous pouvons porter pour son avenir.
Sur le fond, notre réunion d'aujourd'hui a déjà permis d'identifier de premiers axes de travail prioritaires et certains d'entre eux ont été particulièrement soulignés, à la fois récemment par le président de la République et par la chancelière d'Allemagne.
Il y a l'axe de la convergence économique et sociale entre la France et l'Allemagne, qui doit aller de pair avec le renforcement de l'Union économique et monétaire pour renforcer la croissance et l'emploi, pour développer l'investissement, pour préparer l'avenir.
Il y a un axe que nous avons examiné aujourd'hui qui est la lutte contre le changement climatique. Nous sommes déterminés, Frank Walter et moi-même, à agir ensemble pour que l'on prépare bien la conférence «Paris-climat» de 2015 et que l'on mette aussi à profit la présidence allemande du G8 en 2015 pour aller en ce sens. Évidemment, les questions climatiques sont aussi liées à la transition énergétique et il y a beaucoup de choses à faire ensemble dans ce domaine.
Nos pays travailleront également ensemble pour le développement de l'Europe de la défense. Hier, nos collègues de la défense des deux pays, Allemagne et France, se sont réunis. Le Conseil européen de décembre dernier a pris des décisions importantes, il faut maintenant les mettre en oeuvre de façon ambitieuse.
Tous ces aspects et d'autres seront certainement abordés et traduits lors du conseil des ministres franco-allemand qui aura lieu le 19 février prochain. Cette réunion permettra d'ouvrir un nouveau cycle de coopérations franco-allemandes très profondes et très fructueuses.
Il y a donc beaucoup de travail à accomplir et je peux vous assurer que Frank Walter Steinmeier et moi-même sommes déterminés à l'accomplir, dans l'intérêt de nos deux pays et de l'Union européenne.
(...)
Q - Concernant ce que vous allez faire avant les élections, s'agit-il de meetings électoraux en commun ou est-ce une autre démarche plus modeste ?
R - Nous verrons la forme mais, par exemple, nous pourrions aller dans des universités expliquer aux étudiants et, au-delà d'eux - grâce la presse -, à un vaste public comment nous approchons les questions européennes, comment nous voyons l'avenir de l'Europe, quelles sont les difficultés et comment nous pensons les surmonter. Ce ne sont pas des meetings au sens électoral du terme, même si Frank Walter et moi-même nous sommes des responsables politiques. Mais en tant que ministres des affaires étrangères, il faut que nous ayons une vision large, longue et que nous touchions un public important.
(...).
Q - Qu'est-ce que la France attend exactement de l'Allemagne concernant les dossiers de la Centrafrique et du Mali ? En avez-vous parlé et êtes-vous satisfait de la réponse de votre homologue ?
R - Nous avons évoqué longuement les questions africaines, à la fois au téléphone, en préparant la réunion d'hier et à nouveau lors de cette réunion.
Nous sommes extrêmement satisfaits des décisions prises. Pour la République centrafricaine, la journée d'hier a été marquée par trois décisions très positives. La première, c'est l'élection d'une femme remarquable à la présidence de transition en Centrafrique. La seconde décision, prise à Bruxelles, c'est la promesse de 500 millions de dollars consacrés essentiellement à l'humanitaire et au développement. La troisième décision, c'est que l'Europe accepte la mise en place d'une opération militaire européenne dans ce pays, aux côtés des Africains, des Français, et dans le cadre des Nations unies. La France est donc très satisfaite.
S'agissant de l'Allemagne, elle prendra ses décisions précises et matérielles en fonction de ses possibilités. Elle ne peut pas être partout. Il y a les perspectives sur le Mali et celles en République centrafricaine. Nos ministres de la défense se sont vus hier, nous-mêmes en avons parlé et le gouvernement allemand annoncera certainement dans quelques jours où il souhaite porter son effort.
Le fait que l'Europe apporte son concours aux Africains et à la France est évidemment un aspect très important.
Certains avaient pu regretter que la France soit seule. Non, la France n'est pas seule. Elle a été à l'avant-garde, rejointe par ses amis européens et c'est une bonne chose.
( )
Q - Monsieur le Ministre, votre collègue allemand a exprimé des attentes modestes vis-à-vis de la conférence de Genève II qui va commencer demain à Montreux. Est-ce qu'il a préconisé les «petits pas» ? Il a cité trois mesures. Est-ce également votre approche ou êtes-vous encore plus ambitieux concernant cette conférence ?
R - Jean Jaurès, qui est un homme pour lequel nous avons tous les deux beaucoup d'admiration, fixait un objectif à toute action politique et cela vaut aussi pour les ministres des affaires étrangères, il disait «aller à l'idéal et comprendre le réel». Cela définit bien les choses.
L'idéal c'est évidemment la paix. La situation en Syrie et dans les pays voisins est une situation tragique, épouvantable, plus de 130.000 morts, des millions de réfugiés, de déplacés, au moment même où nous parlons des dizaines et des dizaines de gens qui se font tuer, une responsabilité écrasante de M. Bachar Al-Assad, tout cela vous le savez.
L'idéal est donc d'aller vers la paix. Et la paix, nous partageons cette opinion Frank Walter et moi-même, cela passe par une situation politique, il n'y a pas d'autre solution que politique. Et une solution politique cela veut dire discuter, d'où Genève II. Donc c'est cela le grand objectif.
Et, en même temps, le réel ce sont les difficultés, les divisions, les exactions de toute sorte. Les difficultés le mot est faible parce que tous les jours des livraisons d'armes, parce que la présence de troupes étrangères, le Hezbollah, l'Iran, parce que la présence des terroristes et leur action, parce qu'il y a aussi des difficultés à rendre unie l'opposition ; finalement on y est parvenu.
Et donc il faut, sous l'égide des Nations unies, qu'on ait comme objectif des avancées vers la paix.
Il faut savoir que ce sera difficile, mais l'objectif a été fixé par la lettre d'invitation du secrétaire général des Nations unies. Et c'est à cela qu'il faut rester fidèle : l'ordre du jour. L'ordre du jour de la conférence de Genève II, c'est bâtir par consentement mutuel un gouvernement de transition en Syrie doté de tous les pouvoirs exécutifs.
Donc, il y aura, si nous rassemblons tout cela, à la fois une série de pas concrets, ceux qu'a cités Frank-Walter, cessez-le-feu, accès humanitaire, tout ce qui peut permettre d'améliorer la situation sur le terrain, mais sans jamais perdre de vue que l'objectif c'est : gouvernement de transition doté de tous les pouvoirs exécutifs. Et une conférence réussie, c'est une conférence qui saura combiner ces deux approches.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 22 janvier 2014
Je veux d'abord vous dire le plaisir que c'est pour moi d'accueillir ici, au Quai d'Orsay, le ministre des affaires étrangères d'Allemagne, mon ami Frank Walter Steinmeier.
Depuis la constitution du nouveau gouvernement allemand, le 17 décembre dernier, nous avons déjà eu, avec Frank Walter, plusieurs occasions de nous rencontrer et d'échanger hors de réunions internationales ou européennes ou en marge de celles-ci. Hier encore, nous étions ensemble au Conseil affaires étrangères à Bruxelles et, demain, nous serons également ensemble à Montreux pour la conférence dite de Genève II.
Ces réunions nous laissent peu de temps pour approfondir un certain nombre de sujets. Or, nous voulons prendre le temps, comme aujourd'hui, d'entretiens à la fois amicaux et substantiels, pour contribuer à la relation exceptionnelle entre nos deux pays. Nous pensons tous les deux qu'il faut tirer profit du moment actuel.
La France et l'Allemagne vont connaître une phase de trois années sans élection nationale. Le Parlement européen et la Commission seront renouvelés dans quelques mois. Il y a là une séquence, un calendrier que nous voulons utiliser pleinement pour donner une impulsion nouvelle à la coopération entre l'Allemagne et la France au bénéfice à la fois de nos deux pays et de l'Union européenne.
À l'issue de cette première réunion de travail, je crois que l'on peut tirer au moins deux enseignements, l'un sur la méthode et l'autre sur le fond.
Pour ce qui est de la méthode, nous avons décidé d'approfondir notre coopération et peut-être de revoir un peu les moyens. Par exemple - et nous l'avons déjà fait très naturellement avant le Conseil des affaires étrangères d'hier -, désormais nous nous consulterons systématiquement avant les réunions européennes pour déterminer dans quelle mesure nos positions peuvent être coordonnées.
Nous avons également décidé de faire un certain nombre de déplacements à l'étranger ensemble, dans des régions qui sont d'intérêt conjoint pour nos deux pays et pour l'Union européenne. Nous pourrons alors rendre compte ensemble de ces déplacements devant le Bundestag et devant l'Assemblée nationale. Frank Walter, je te réserve la primeur de donner le nom de nos premiers déplacements.
Nous avons aussi décidé de lancer ensemble un travail de prospective sur les crises, sur leur anticipation et sur leur prévention. Dans la perspective des élections européennes, nous avons choisi de faire quelques déplacements ensemble pour faire connaître à nos concitoyens l'importance de l'Union européenne et le projet que nous pouvons porter pour son avenir.
Sur le fond, notre réunion d'aujourd'hui a déjà permis d'identifier de premiers axes de travail prioritaires et certains d'entre eux ont été particulièrement soulignés, à la fois récemment par le président de la République et par la chancelière d'Allemagne.
Il y a l'axe de la convergence économique et sociale entre la France et l'Allemagne, qui doit aller de pair avec le renforcement de l'Union économique et monétaire pour renforcer la croissance et l'emploi, pour développer l'investissement, pour préparer l'avenir.
Il y a un axe que nous avons examiné aujourd'hui qui est la lutte contre le changement climatique. Nous sommes déterminés, Frank Walter et moi-même, à agir ensemble pour que l'on prépare bien la conférence «Paris-climat» de 2015 et que l'on mette aussi à profit la présidence allemande du G8 en 2015 pour aller en ce sens. Évidemment, les questions climatiques sont aussi liées à la transition énergétique et il y a beaucoup de choses à faire ensemble dans ce domaine.
Nos pays travailleront également ensemble pour le développement de l'Europe de la défense. Hier, nos collègues de la défense des deux pays, Allemagne et France, se sont réunis. Le Conseil européen de décembre dernier a pris des décisions importantes, il faut maintenant les mettre en oeuvre de façon ambitieuse.
Tous ces aspects et d'autres seront certainement abordés et traduits lors du conseil des ministres franco-allemand qui aura lieu le 19 février prochain. Cette réunion permettra d'ouvrir un nouveau cycle de coopérations franco-allemandes très profondes et très fructueuses.
Il y a donc beaucoup de travail à accomplir et je peux vous assurer que Frank Walter Steinmeier et moi-même sommes déterminés à l'accomplir, dans l'intérêt de nos deux pays et de l'Union européenne.
(...)
Q - Concernant ce que vous allez faire avant les élections, s'agit-il de meetings électoraux en commun ou est-ce une autre démarche plus modeste ?
R - Nous verrons la forme mais, par exemple, nous pourrions aller dans des universités expliquer aux étudiants et, au-delà d'eux - grâce la presse -, à un vaste public comment nous approchons les questions européennes, comment nous voyons l'avenir de l'Europe, quelles sont les difficultés et comment nous pensons les surmonter. Ce ne sont pas des meetings au sens électoral du terme, même si Frank Walter et moi-même nous sommes des responsables politiques. Mais en tant que ministres des affaires étrangères, il faut que nous ayons une vision large, longue et que nous touchions un public important.
(...).
Q - Qu'est-ce que la France attend exactement de l'Allemagne concernant les dossiers de la Centrafrique et du Mali ? En avez-vous parlé et êtes-vous satisfait de la réponse de votre homologue ?
R - Nous avons évoqué longuement les questions africaines, à la fois au téléphone, en préparant la réunion d'hier et à nouveau lors de cette réunion.
Nous sommes extrêmement satisfaits des décisions prises. Pour la République centrafricaine, la journée d'hier a été marquée par trois décisions très positives. La première, c'est l'élection d'une femme remarquable à la présidence de transition en Centrafrique. La seconde décision, prise à Bruxelles, c'est la promesse de 500 millions de dollars consacrés essentiellement à l'humanitaire et au développement. La troisième décision, c'est que l'Europe accepte la mise en place d'une opération militaire européenne dans ce pays, aux côtés des Africains, des Français, et dans le cadre des Nations unies. La France est donc très satisfaite.
S'agissant de l'Allemagne, elle prendra ses décisions précises et matérielles en fonction de ses possibilités. Elle ne peut pas être partout. Il y a les perspectives sur le Mali et celles en République centrafricaine. Nos ministres de la défense se sont vus hier, nous-mêmes en avons parlé et le gouvernement allemand annoncera certainement dans quelques jours où il souhaite porter son effort.
Le fait que l'Europe apporte son concours aux Africains et à la France est évidemment un aspect très important.
Certains avaient pu regretter que la France soit seule. Non, la France n'est pas seule. Elle a été à l'avant-garde, rejointe par ses amis européens et c'est une bonne chose.
( )
Q - Monsieur le Ministre, votre collègue allemand a exprimé des attentes modestes vis-à-vis de la conférence de Genève II qui va commencer demain à Montreux. Est-ce qu'il a préconisé les «petits pas» ? Il a cité trois mesures. Est-ce également votre approche ou êtes-vous encore plus ambitieux concernant cette conférence ?
R - Jean Jaurès, qui est un homme pour lequel nous avons tous les deux beaucoup d'admiration, fixait un objectif à toute action politique et cela vaut aussi pour les ministres des affaires étrangères, il disait «aller à l'idéal et comprendre le réel». Cela définit bien les choses.
L'idéal c'est évidemment la paix. La situation en Syrie et dans les pays voisins est une situation tragique, épouvantable, plus de 130.000 morts, des millions de réfugiés, de déplacés, au moment même où nous parlons des dizaines et des dizaines de gens qui se font tuer, une responsabilité écrasante de M. Bachar Al-Assad, tout cela vous le savez.
L'idéal est donc d'aller vers la paix. Et la paix, nous partageons cette opinion Frank Walter et moi-même, cela passe par une situation politique, il n'y a pas d'autre solution que politique. Et une solution politique cela veut dire discuter, d'où Genève II. Donc c'est cela le grand objectif.
Et, en même temps, le réel ce sont les difficultés, les divisions, les exactions de toute sorte. Les difficultés le mot est faible parce que tous les jours des livraisons d'armes, parce que la présence de troupes étrangères, le Hezbollah, l'Iran, parce que la présence des terroristes et leur action, parce qu'il y a aussi des difficultés à rendre unie l'opposition ; finalement on y est parvenu.
Et donc il faut, sous l'égide des Nations unies, qu'on ait comme objectif des avancées vers la paix.
Il faut savoir que ce sera difficile, mais l'objectif a été fixé par la lettre d'invitation du secrétaire général des Nations unies. Et c'est à cela qu'il faut rester fidèle : l'ordre du jour. L'ordre du jour de la conférence de Genève II, c'est bâtir par consentement mutuel un gouvernement de transition en Syrie doté de tous les pouvoirs exécutifs.
Donc, il y aura, si nous rassemblons tout cela, à la fois une série de pas concrets, ceux qu'a cités Frank-Walter, cessez-le-feu, accès humanitaire, tout ce qui peut permettre d'améliorer la situation sur le terrain, mais sans jamais perdre de vue que l'objectif c'est : gouvernement de transition doté de tous les pouvoirs exécutifs. Et une conférence réussie, c'est une conférence qui saura combiner ces deux approches.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 22 janvier 2014