Interview de M. Pierre Moscovici, ministre de l'économie et des finances, à "France Info" le 27 janvier 2014, sur l'objectif prioritaire du gouvernement d'inverser la courbe du chômage, le rôle du pacte de responsabilité avec les entreprises.

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Média : France Info

Texte intégral

JEAN LEYMARIE
Bonjour, Pierre MOSCOVICI.
PIERRE MOSCOVICI
Bonjour.
JEAN LEYMARIE
Ce soir, nous connaîtrons donc les chiffres du chômage, pour toute l'année 2013, quand le chômage va-t-il baisser ?
PIERRE MOSCOVICI
Ecoutez, d'abord, j'attends moi aussi, les chiffres du chômage, Michel SAPIN hier parlait de stabilisation. Ce qui est clair, c'est que sur l'année 2013, il y a eu une décélération très nette du chômage et l'inversion de la courbe du chômage a été entamée. Et ça reste évidemment l'objectif premier…
JEAN LEYMARIE
Chômage à la fin de l'année 2013.
PIERRE MOSCOVICI
Ca reste l'objectif premier du gouvernement et du président de la République. Et c'est la raison même d'ailleurs, pour laquelle le pacte de responsabilité a été lancé. Parce qu'au fond, depuis 20 mois que nous sommes ici, nous avons mené des reformes très importantes, réforme du marché du travail, réforme des retraites, réforme de la formation professionnelle maintenant, nous avons allégé le coût du travail, nous avons réduit les déficits. La France va mieux, il y a maintenant cet amélioration de la situation de l'emploi, il y a aussi une croissance qui repart. Mais il faut faire plus ! Et plus pourquoi ? Plus pour l'emploi, et plus pour l'emploi, ça passe par une chose fondamentale, il faut que les entreprises, retrouvent confiance, investissent davantage, aillent de l'avant, c'est le sens de cette politique de l'offre dont parlait le président de la République…
JEAN LEYMARIE
Et on va en parler, dans un instant.
PIERRE MOSCOVICI
Et c'est cette politique-là, je voulais faire comprendre la logique, qui a une finalité et une seule finalité, c'est la croissance pour l'emploi. C'est l'emploi par la croissance, et c'est la raison pour laquelle, ce grand compromis économique et social doit être dessiné. C'est aussi le sens des consultations que mène aujourd'hui le Premier ministre avec les organisations syndicales.
JEAN LEYMARIE
Est-ce que vous vous donnez un objectif, un calendrier, pour la baisse du chômage ? François HOLLANDE avait donné l'objectif de la fin de l'année 2013, il n'a pas réussi à le tenir. Est-ce qu'il y a un nouvel objectif aujourd'hui ?
PIERRE MOSCOVICI
Ce qui compte encore une fois, c'est la direction et c'est le résultat. Evidemment, il faut que ça aille maintenant rapidement. Et c'est ce que nous souhaitons. Mais ça passe encore une fois, par une croissance qui soit consolidée. Les prévisions de croissance de la France aujourd'hui, c'est quelque chose comme 0,9 %, en 2014. On sait que si on veut avoir une situation de l'emploi qui s'améliore fortement, il faut aller au delà. Et on sait que pour aller au-delà, il faut que les entreprises reprennent confiance, pour investir davantage et pour embaucher davantage. C'est la raison pour laquelle dans le pacte de responsabilité, il y aura à la fois des éléments qui sont des éléments de baisse du coût du travail, François HOLLANDE l'a dit, les 30 milliards de cotisations familiales qui sont sur la table, le Crédit d'impôt Compétitivité Emploi qui est sur la table. Il y aura des assises de la fiscalité d'entreprise, qui seront installées après-demain par le Premier ministre et qui seront co-présidées par Bernard CAZENEUVE et par moi-même. Il y aura un groupe sur la fiscalité des ménages. Il y a tout un travail là, qui est mené pour que l'économie française soit plus compétitive, mais derrière il y a des contreparties, qui sont demandées aux entreprises et ces contreparties, en réalité, il y en a une, c'est l'emploi, l'emploi, l'emploi. La qualité de l'emploi, notamment pour les jeunes et pour les seniors.
JEAN LEYMARIE
Alors rentrons dans les détails, parce qu'au chapitre des contreparties ce matin, dans LE FIGARO, votre collègue Arnaud MONTEBOURG demande aux entreprises de créer, 2 millions d'emplois, est-ce que vous demandez vous aussi, Pierre MOSCOVICI, 2 millions d'emplois ?
PIERRE MOSCOVICI
Les contreparties, elles ont été fixées par le président de la République. Il a dit : elles sont au nombre de trois finalement. La première, c'est l'emploi et c'est un nombre significatif d'emploi. Pour ma part, je commencerais par prendre au pied de la lettre ce que dit Pierre GATTAZ, ce que dit le MEDEF, non pas que je le prenne comme argent comptant, mais quand le président du MEDEF arrive dans mon bureau avec un PIN'S sur lequel il y a marqué « Créons 1 million d'emplois » oui, on doit parler de la façon de créer au moins 1 million d'emplois. Deuxième chose…
JEAN LEYMARIE
Aujourd'hui, Pierre GATTAZ dit que cela ne l'engage pas. Il le redit ce matin dans LES ECHOS, il dit : il n'y a pas de donnant/donnant ?
PIERRE MOSCOVICI
Il faut que ce soit un engagement, un engagement c'est : nous mettons nos forces, si nous disons comment nous faisons, si nous travaillons filière par filière, c'est très important. Parce que si la nation et l'Etat font un effort très important pour la compétitivité des entreprises, les entreprises qu'est-ce qu'elles nous disent aujourd'hui ? Elles nous disent : on n'investit pas suffisamment, parce qu'on est bloqué sur les charges, on est bloqué sur les impôts, on veut plus de simplification. Nous disons : eh bien, baissons le coût du travail, simplifions les normes et puis améliorons la fiscalité d'entreprise. Après ça, il n'y a plus de raison de ne pas investir et de ne pas embaucher, donc c'est l'emploi la première contrepartie, la deuxième c'est la qualité de l'emploi, c'est tout ce qui va concerner la formation et puis la destination de l'emploi vers les jeunes, et vers les seniors. Et puis troisièmement, il y a tout ce qui est investissement en France, localisation des sites de production en France, et ça, c'est important ! Il faut bien que le patronat accepte une logique de contrepartie. C'est fondamental ! Parce qu'encore une fois, sinon ce sera perçu par les Français comme une simple politique de cadeau. François HOLLANDE a dit : je suis social démocrate, ce matin, je recevrais à Bercy, deux ministres allemands, le ministre conservateur des Finances, Wolfgang SCHAUBLE, le ministre social démocrate, vice-chancelier qui est Sigmar GABRIEL, et la sociale démocratie c'est ce grand compromis social où on met ensemble, l'Etat, le patronat et les syndicats pour se dire mobilisons-nous, rassemblons-nous pour cette cause qui est celle qu'aujourd'hui vous défendez, l'emploi, l'emploi, l'emploi.
JEAN LEYMARIE
Pierre MOSCOVICI, baisser les cotisations pour aider les entreprises à embaucher, c'est une méthode qui existe depuis longtemps, ça fait plus de 20 ans qu'en France, les allègements de cotisations sont largement développés. Est-ce que ce n'est pas de l'argent perdu ? Est-ce que ça marche ? Le chômage augmente ?
PIERRE MOSCOVICI
D'abord ça marche, mais ça ne marche pas suffisamment, c'est-à-dire qu'il est montré que ça fait partie des outils qui contribuent à créer de l'emploi, mais il faut en même temps, être capable de remettre sur la table ces aides fiscales, ces charges sociales pour qu'elles soient plus efficaces pour l'emploi. Et c'est la raison pour laquelle, le président de la République a dit : les cotisations familiales, aujourd'hui la politique familiale dont nous, nous orgueillissons, qui est une politique très importante, pour la France, qui nous permet un atout, d'avoir une démographie élevée. C'est un des facteurs. L'autre facteur étant la volonté des Français et des Françaises, cette politique familiale, elle repose uniquement sur le travail. L'idée c'est que ce ne soit plus le cas demain. Et ça, c'est un facteur qui est demandé depuis longtemps, mais encore une fois, la contrepartie doit être la création d'emploi. Sinon, en effet, ce ne sera pas compris.
JEAN LEYMARIE
Tout à l'heure, vous l'avez dit, vous avez rendez-vous avec deux ministres allemands, vos homologues de l'autre côté du Rhin. Le nouveau gouvernement allemand défend le projet de taxe sur les transactions financières qui était aussi un engagement de François HOLLANDE. Quand cette taxe va-t-elle voir le jour Pierre MOSCOVICI ?
PIERRE MOSCOVICI
Mais ce n'est pas l'Allemagne contre la France, c'est un projet que nous avons défendu ensemble. Et puisque vous m'interrogez là-dessus, j'en suis très heureux, je veux préciser les choses. La France est favorable à la taxe sur les transactions financières. Et aujourd'hui, en Europe, le projet a été lancé par l'Allemagne et par la France, par une lettre conjointe de Wolfgang SCHAUBLE et moi-même. Vous savez que l'Europe voulait faire une taxe sur les transactions financières, que nous n'y sommes pas parvenus et donc que nous nous sommes réfugiés, si j'ose dire sur une coopération…
JEAN LEYMARIE
Vous vous étiez opposé au projet de la commission, je le rappelle.
PIERRE MOSCOVICI
Sur une coopération renforcée…
JEAN LEYMARIE
Que vous trouviez trop exigeante.
PIERRE MOSCOVICI
Qui doit réunir 11 Etats. Et donc c'est là-dessus que nous travaillons, et ce matin, j'en parlerai avec Wolfgang SCHAUBLE et Sigmar GABRIEL sur la question comment : 1, réaliser cette taxe ? 2, comment aller vite ? Et ça, c'est nécessaire, je souhaite qu'en 2014 on aboutisse sur le projet. J'étais à Davos là, pendant 3 jours, j'ai rencontré des gens comme Bill GATES avec sa fondation, comme BONO et sa fonction ONE. C'est très important, pour le développement qu'on le fasse. Alors après, il faut entrer dans les détails et s'agissant des détails, il faut en même temps que la taxe sur les transactions financières ait une base taxable. Si on fait en sorte qu'il n'y ait plus de marché financier en Europe, qu'il n'y ait plus de Bourse en Europe, alors à ce moment-là, les ressources financières, elles iront à Londres. Et donc…
JEAN LEYMARIE
Alors je vous pose la question autrement. Est-ce qu'elle doit s'appliquer aux produits dérivés par exemple cette taxe ?
PIERRE MOSCOVICI
Certains produits dérivés mais pas tous. Et c'est précisément de ça, dont nous allons parler avec nos collègues. Mais voilà, vous avez bien posé la question. Oui, à la taxe sur les transactions financières, une taxe pour le développement aussi pour l'emploi en Europe. Mais faisons-le de manière à conserver une base taxable suffisante et trouvons une approche réaliste. Et cette approche, elle sera forcément francoallemande, parce quand les Français et les Allemands sont d'accords, alors c'est une condition, pas suffisante, mais nécessaire, indispensable pour aller de l'avant avec nos autres amis, notamment les italiens, les espagnols.
JEAN LEYMARIE
Sans renier l'engagement de François HOLLANDE d'une taxe ambitieuse Pierre MOSCOVICI ?
PIERRE MOSCOVICI
D'une taxe absolument ambitieuse qui sera sans commune mesure avec ce qui existe aujourd'hui, c'est la volonté de la France, c'est la volonté du gouvernement français, c'est la volonté du président de la République. C'est la mienne.
JEAN LEYMARIE
Valérie TRIERWEILER n'est plus la compagne de François HOLLANDE. Est-ce qu'il faut encore une première dame à l'Elysée ?
PIERRE MOSCOVICI
Ecoutez, moi, là-dessus, je ne ferais pas de commentaire. François HOLLANDE avait annoncé une clarification, elle a eu lieu. Pour le reste, le président de la République, a droit à sa vie privée. Même si c'est plus compliqué que pour un autre citoyen. Il faut respecter ce qui relève de l'intime et puis pour le reste, nous verrons ce que la vie nous réserve !
JEAN LEYMARIE
Merci, Pierre MOSCOVICI.
PIERRE MOSCOVICI
Merci, à vous.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 27 janvier 2014