Texte intégral
THOMAS SOTTO
Bonjour Najat VALLAUD-BELKACEM.
MADAME LA MINISTRE NAJAT VALLAUD-BELKACEM EN CHARGE DES DROITS DES FEMMES
Bonjour.
THOMAS SOTTO
On entendait dans le journal de 08 heures : hier soir, un nouveau règlement de comptes particulièrement violent a eu lieu à Marseille. Un homme de quarante ans a été abattu d'une rafale de kalachnikov devant son fils de neuf ans. On entendait des mères de famille qui disaient : « On n'est même plus en sécurité à la sortie de l'école ». La veille Manuel VALLS, le ministre de l'Intérieur, était venu à Marseille pour se féliciter notamment des progrès dans la lutte contre la délinquance. Ça veut dire qu'on fanfaronne mais que la réalité, c'est que la situation ne s'améliore pas du tout là-bas.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Ça veut dire que la situation reste difficile, en effet, mais que malgré tout les efforts qui ont été déployés sur le terrain et notamment les zones de sécurité prioritaires ont permis de mettre à la fois plus de policiers dans les rues et de faire travailler mieux ensemble les collectivités locales, la police, la justice, sur des sujets qui sont
THOMAS SOTTO
Mais le quatrième règlement de comptes est spectaculaire encore depuis le début de l'année, depuis le mois de janvier.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Bien sûr, bien sûr, mais on peut dénoncer évidemment ce règlement de comptes ; on peut constater avec une forme d'effroi en effet la violence qui peut encore advenir à Marseille. Maintenant, on ne peut pas dire pour autant que le gouvernement n'ait rien fait sur ce sujet. C'est un combat continu mais les efforts que nous avons déployés commencent à produire déjà des résultats.
THOMAS SOTTO
Il est peut-être un peu tôt pour s'en féliciter et pour aller à Marseille dire que tout va bien, quand on voit que la situation reste très tendue.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Je crois que de manière générale sur les questions d'insécurité, il faut toujours considérer que le travail est à remettre sur l'ouvrage parce que pardon ! l'ouvrage est à remettre sur le tapis parce que c'est comme cela. Parce que vous n'êtes pas derrière chaque délinquant, vous n'êtes pas derrière chaque meurtrier en puissance en train de le surveiller. En revanche, vous créez un climat, vous faites en sorte que les officiers de police en particulier soient présents dans les rues pour rassurer les habitants, vous renouez la confiance aussi entre les habitants et les institutions. Donc, c'est comme cela que les choses progressent ; maintenant, il faudra encore en faire toujours plus parce que c'est vrai que c'est une ville dans laquelle le niveau de violence atteint est assez désastreux, oui.
THOMAS SOTTO
Najat VALLAUD-BELKACEM, c'est la polémique qui gonfle depuis hier : des parents d'élèves de primaire reçoivent des textos qui sèment le malaise. Je vous en cite un : « L'éducation nationale va éduquer à nos enfants qu'ils ne naissent pas fille ou garçon comme Dieu l'a voulu mais qu'ils choisissent de le devenir, avec des intervenants homos ou lesbiennes qui viendront leur bourrer la tête d'idées monstrueuses ». Comment pouvez-vous rassurer ces parents ce matin ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
D'abord en leur disant que, vous savez, la vocation de l'école c'est d'apprendre. D'apprendre quoi aux enfants ? D'apprendre à lire, à compter, à écrire, d'apprendre aussi les valeurs de la République, que parmi les valeurs de la République il y a la liberté, l'égalité, la fraternité. L'égalité, c'est notamment l'égalité entre les filles et les garçons. C'est cela qu'on apprend aujourd'hui à l'école aux enfants. Est-ce que ça a quelque chose à voir avec le contenu de ces SMS, avec une soi-disant théorie du genre qui n'existe pas, avec des cours d'éducation sexuelle.
THOMAS SOTTO
C'est ce que dénoncent ceux qui envoient ces textos.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Ceux qui envoient ces textos, si vous creusez un petit peu le sujet, sont des réactionnaires. Madame Farida BELGHOUL, pour la citer par son nom pour que tout le monde aille se renseigner, est une proche d'Alain SORAL et connue pour ses positions extrémistes. Je trouve que c'est extrêmement dangereux de donner une telle audience à ces tentatives de détourner les parents de leur obligation scolaire, parce que je vous rappelle que dans ce pays aussi existe une obligation de scolariser ces enfants, de raconter des énormités qui, plus elles sont grosses, et plus elles passent
THOMAS SOTTO
« Ce sont des énormités » : ça veut dire que dans le nouveau programme ABC Égalité des sexes, on ne va pas questionner les enfants sur leur identité sexuelle ? Jamais, à aucun moment ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Aucunement évidemment, et je le redis ici pour tous les parents qui nous écoutent : on ne parle aucunement de sexualité à des enfants de primaire. On leur parle de ce que les filles et les garçons doivent pouvoir ambitionner d'être à égalité plus tard, dans les rêves qu'ils font, dans les ambitions professionnelles qu'ils peuvent avoir, dans les compétences sportives qu'ils peuvent vouloir acquérir. On sait bien qu'un certain nombre de différences de chances, d'opportunités et donc de réussite se construisent au plus jeune âge parce que les filles vont avoir moins confiance en elles, parce que les garçons vont être moins incités que les filles à la lecture, par exemple ; du coup, ils auront de moins bons résultats que les filles et c'est dommageable aussi. Nous, on veut ouvrir toutes les chances et toutes les opportunités aux filles comme aux garçons, et donc on leur apprend l'égalité et le respect entre les sexes, rien de plus. Et si vous me permettez juste un mot, je voudrais quand même dire à quel point je suis scandalisée par les propos de Jean-François COPÉ sur ce sujet ; Jean-François COPÉ qui fait le pari de la peur, du fantasme, de l'inquiétude des parents ; Jean-François COPÉ qui, ce faisant, apporte son soutien donc à madame BELGHOUL et derrière madame BELGHOUL, à Alain SORAL et toutes les théories défendues par ce dernier.
THOMAS SOTTO
Il ne l'a pas dit de manière aussi directe.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Si. Lorsque Jean-François COPÉ dit : « Je comprends les inquiétudes des parents quant à une théorie du genre », lui qui sait parfaitement qu'il n'y a aucune théorie du genre développée dans les écoles primaires de France bien entendu, monsieur COPÉ fait en effet le pari du fantasme et je trouve que ça ne le grandit pas et c'est extrêmement dangereux.
THOMAS SOTTO
Vous dites ce matin que l'UMP, certains à l'UMP jouent le jeu de ces extrémistes que vous dénonciez, qui envoient ces textos ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Absolument. Je dis qu'en disant cela, monsieur COPÉ, qui sait parfaitement que nous n'apprenons pas la sexualité aux enfants de primaire, en laissant croire que cela pourrait être possible, en venant soutenir cette théorie complètement fumeuse de madame BELGHOUL, monsieur COPÉ en effet se range du côté des extrémistes contre la République et ses valeurs.
THOMAS SOTTO
Il y a un autre sujet qui vous sépare de l'UMP : votre projet de loi sur la parité femmes-hommes. On dit femmes-hommes ou hommes-femmes d'ailleurs ? ou c'est indifférent ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
(rires) Moi je dis femmes-hommes tout simplement parce que c'est l'ordre alphabétique. Les femmes arrivent avant les hommes dans l'ordre alphabétique.
THOMAS SOTTO
C'est une raison comme une autre ! Hier, l'Assemblée nationale a donc adopté ce projet de loi pour l'égalité femmes-hommes ; l'UMP s'est donc majoritairement abstenue, notamment parce qu'elle est mécontente du toilettage de la loi Veil sur l'IVG avec la suppression de la notion de situation de détresse. Est-ce que c'était bien nécessaire finalement de toucher à ce texte et de remuer tout ça ? Ça ne fonctionnait pas trop mal jusqu'à présent comme ça, non ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
D'abord il y a une idée reçue qui est fausse, qui voudrait que depuis quarante ans on n'a pas retouché à la loi Veil. Permettez-moi de corriger : on a retouché souvent à la loi Veil. Par exemple à l'origine, l'IVG n'était pas remboursée par la Sécurité sociale, elle l'a été par la suite. À l'origine, les jeunes filles mineures en étaient exclues, elles ont été autorisées à y recourir par la suite. Donc progressivement en fait, le législateur est venu compléter cette loi Veil, et compléter une loi comme celle-là, c'est aussi la conforter. C'est lui donner l'assurance de résister au temps et aux résistances qui, malgré tout, se manifestent dans la société. Parce que vous voyez bien qu'il y a toujours des volontés de revenir en arrière ici où là, elles sont parfois très minoritaires c'est fort heureusement le cas dans notre pays on voit dans d'autres pays que ça peut devenir plus important. Et donc, que le législateur vienne réaffirmer le droit à l'IVG en enlevant tout ce qui le conditionnait de façon superfétatoire d'une certaine façon, parce qu'on n'allait pas vérifier la détresse réelle des femmes ; en revanche, c'était une condition écrite dans la loi.
THOMAS SOTTO
Donc pour vous, c'était nécessaire de le faire ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Oui, c'était une façon d'actualiser, de conforter ce droit fondamental pour les femmes.
THOMAS SOTTO
Je voudrais m'adresser à la porte-parole du gouvernement qui a mal au dos disait avec le sourire tout à l'heure Nicolas CANTELOUP ; on va parler du chômage. Pendant des mois, vous avez répété que la courbe du chômage s'inverserait à la fin 2013 ; on l'a vu, c'est raté. Aussi vrai que l'inversion aurait été un succès, est-ce que le mot échec peut sortir de la bouche de la porte-parole du gouvernement ? est-ce que le gouvernement s'est planté là-dessus ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Je peux vous répondre assurément que nous aurions souhaité d'autres résultats, donc d'une certaine façon qu'il y a en effet une forme de déception chez nous à n'avoir pas, dès la fin de l'année 2013, atteint l'inversion de la courbe du chômage.
THOMAS SOTTO
Donc c'est un échec.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Est-ce que c'est un échec ? Je n'aime pas le terme « échec » parce que ça voudrait dire que, d'une certaine façon, allez hop ! on tourne la page et on passe à autre chose, on passe à un autre engagement. Mais non ! On maintient le même engagement, simplement on fait le constat
THOMAS SOTTO
C'est pour quand alors, l'inversion de la courbe ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Attendez, on fait le constat qu'il nous faut accélérer et amplifier les efforts que nous avons commencé à déployer pour réussir cette inversion de la courbe du chômage d'où le pacte de responsabilité.
THOMAS SOTTO
Il n'y a plus de date maintenant. François HOLLANDE dit : « Ça va dépendre de la croissance. » On attend un pourcent de croissance, on sait qu'il faut 1,5 minimum pour créer de l'emploi, donc ce sera quand ? 2016 ? 2017 ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Non, encore une fois que les choses soient claires. Le fait de n'avoir pas atteint l'inversion de la courbe du chômage fin de l'année 2013 ne signifie en aucun cas que les politiques que nous avons conduites pour y arriver étaient les mauvaises politiques. C'est pour ça que je réfute le mot d'« échec ». Les politiques que nous avons conduites, par exemple la loi de sécurisation de l'emploi ou encore les emplois d'avenir, le contrat de génération, et cætera, tout cela allait dans le bon sens pour renouer avec l'emploi. Simplement, il faut aller plus vite d'où les allègements de charges pour les entreprises que nous avons prévus dans le cadre du pacte de responsabilité.
THOMAS SOTTO
Il faudra être patient. Dernière question rapidement : Thomas LE DRIAN, fils de son ministre de la Défense de père, a été nommé au comité exécutif du premier bailleur de France, la Société Nationale Immobilière. Libé a estimé que ses fonctions n'étaient pas à la hauteur de son CV. Est-ce qu'il y a là un piston à la Jean SARKOZY ? Vous avez été très sévère à l'époque de l'EPAD et de l'affaire Jean SARKOZY.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
On parle d'un jeune homme, donc Thomas LE DRIAN, qui a à la fois des diplômes, une expérience, un parcours au sein de la Caisse des Dépôts et Consignations qui lui donnaient toute légitimité et toutes compétences
THOMAS SOTTO
Ce n'est pas ce que dit Libé en l'occurrence.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Pour devenir directeur
THOMAS SOTTO
Oui, pour rentrer notamment au comité exécutif qui est un poste
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
D'EFIDIS si mes souvenirs sont bons. Voilà. Bref ! pour exercer en gros des responsabilités dans un domaine, le contrôle de gestion, dans lequel il s'était spécialisé depuis des années, depuis sa sortie d'études. Voilà, c'est une mobilité interne.
THOMAS SOTTO
Il n'y a pas de népotisme ? Ça n'a rien à voir avec l'affaire Jean SARKOZY ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Mais il n'y a évidemment eu aucune intervention, d'ailleurs ce n'est pas compliqué : il suffit d'interroger pour le coup la société en question, la SNI. Il se trouve que tout le conseil d'administration de cette société a hier même réaffirmé son soutien à la candidature de Thomas LE DRIAN, qui a été choisi pour ses compétences et sa légitimité.
THOMAS SOTTO
Donc il n'y a rien à dire ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Mais moi, je pense qu'il faut faire attention à ne pas tomber dans le n'importe quoi non plus. On se souvient très bien de l'affaire Jean SARKOZY qui nous avait choqués à l'époque. Si monsieur Jean SARKOZY avait eu le diplôme, les compétences, et l'expérience acquise durant plusieurs années pour diriger l'EPAD, on l'aurait sans doute moins critiqué. Il n'avait aucun de ces trois critères, vous vous en souvenez tout de même, donc je crois qu'il n'y a rien de comparable en effet.
THOMAS SOTTO
Merci Najat VALLAUD-BELKACEM d'être venue ce matin en direct sur Europe 1. Bonne journée !
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Merci.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 29 janvier 2014