Texte intégral
LAURENT BAZIN
Jean-Michel APHATIE, vous recevez donc ce matin le ministre du Travail, Michel SAPIN.
JEAN-MICHEL APHATIE
Bonjour Michel SAPIN.
MICHEL SAPIN
Oui, bonjour.
JEAN-MICHEL APHATIE
J'ai promis tout à l'heure que vous dissiperiez le brouillard dans la politique gouvernementale : de combien de milliards d'euros vont baisser les charges des entreprises, d'ici à 2017 ? On n'a pas bien compris.
MICHEL SAPIN
Si, vous avez bien vu quel était l'objectif, l'objectif
JEAN-MICHEL APHATIE
L'objectif c'est d'être
MICHEL SAPIN
Non mais l'objectif
JEAN-MICHEL APHATIE
De combien ? 30 milliards, 50 milliards ?
MICHEL SAPIN
Vous avez bien compris quel était l'objectif du président de la République, c'est que les choses soient claires, soient nettes, soient simples pour les entreprises ; et lorsqu'il dit, de manière très simple, « on va supprimer la ligne cotisations, pour la famille », c'est une manière extrêmement simple et extrêmement compréhensible, par les chefs d'entreprise, par les entreprises, de faire baisser les cotisations qui pèsent sur le travail. Voilà.
JEAN-MICHEL APHATIE
Ça s'ajoute au crédit d'impôt ou pas ?
MICHEL SAPIN
Donc, ce sont les 30 milliards qui aujourd'hui sont payés par les entreprises
JEAN-MICHEL APHATIE
Ça c'est les 35 milliards.
MICHEL SAPIN
C'est 35 milliards au total, 30 milliards, c'est ces 30 milliards-là qui vont, progressivement, diminuer, jusqu'à disparaitre en 2017.
JEAN-MICHEL APHATIE
Et ça englobe le crédit d'impôt.
MICHEL SAPIN
Ça prend le crédit d'impôt
JEAN-MICHEL APHATIE
D'accord.
MICHEL SAPIN
Plus d'autres possibilités, d'autres nécessités, de baisse. Mais les choses sont simples, d'ailleurs
JEAN-MICHEL APHATIE
Donc 30
MICHEL SAPIN
D'ailleurs c'est ça qui fait que ça a été perçu par les chefs d'entreprise. Les grands, qui commentent toujours avant des nuances, mais moi j'en rencontre aussi sur le terrain, et qui me disent : là on a compris, vous nous avez compris, c'est comme ça que l'on va pouvoir redémarrer.
JEAN-MICHEL APHATIE
Qui peut s'engager sur les contreparties ? Le MEDEF dit : « nous on va créer un million d'emplois », mais enfin, on dit ça comme un objectif, ce n'est pas un engagement. Vous comprenez le langage du MEDEF ?
MICHEL SAPIN
Oui mais je vois bien tous les jeux de mots sur : est-ce que ce sont des conditions, est-ce que ce sont des engagements, est-ce que ce sont des contreparties ? J'aime bien le terme de contrepartie, parce qu'au fond il exprime bien l'équilibre nécessaire. Mais quel est l'objectif ? Pour tous, d'un côté comme de l'autre, c'est d'avoir une confiance partagée, une confiance partagée. L'Etat s'engage, il s'engage sur quoi ? On vient d'en parler : supprimer les cotisations, 30 milliards, qui pèsent sur le travail. Ça pèse pas sur les entreprises, ça pèse sur le travail. Ça pèse d'une manière ou d'une autre, d'ailleurs y compris sur le salaire des salariés dans l'entreprise. Et de l'autre côté, quel est l'engagement ? L'engagement c'est de faire en sorte que les entreprises participent au maximum de leurs possibilités, à la seule bataille qui compte aujourd'hui
JEAN-MICHEL APHATIE
L'emploi.
MICHEL SAPIN
qui est la bataille contre le chômage pour l'emploi. C'est ces engagements-là qui doivent se traduire. Le premier
JEAN-MICHEL APHATIE
Mais c'est un objectif, dit le MEDEF.
MICHEL SAPIN
Le premier à avoir mis à son veston, un million d'emplois
JEAN-MICHEL APHATIE
Oui, c'est Pierre GATTAZ.
MICHEL SAPIN
c'est monsieur GATTAZ. Quand il met un million d'emplois sur son veston, c'est pour que ça se voit. Ça doit être quelque chose comme un engagement.
JEAN-MICHEL APHATIE
Vous attendez du MEDEF qu'il signe un contrat
MICHEL SAPIN
Ça doit être une forme de contrepartie de sa part, le million qu'il porte à la boutonnière. Eh bien c'est cela qui doit se traduire dans les engagements réciproques et qu'on doit pouvoir vérifier, c'est normal, lorsqu'on est dans la confiance, on doit vérifier que cette confiance est méritée, à chaque stade du chemin qui est devant nous.
JEAN-MICHEL APHATIE
Ceux qui ne sont pas contents, et comme vous êtes ministre du Travail, ça doit vous importer, Michel SAPIN, ce sont les syndicats.
MICHEL SAPIN
Oui
JEAN-MICHEL APHATIE
Thierry LEPAON, disait dans LE MONDE, au début de la semaine, c'est Pierre GATTAZ qui est le Premier ministre.
MICHEL SAPIN
Oui, mais je pense qu'il le sait lui-même, c'est une expression, disons carrée, mais qui ne représente pas la réalité. Je ne pense pas que ce soit ce qu'il pense au fond de lui-même.
JEAN-MICHEL APHATIE
Mais, ils sont mécontents les syndicats.
MICHEL SAPIN
Simplement, attention au terme « les syndicats ». La France a, je ne sais pas s'il faut dire une richesse
JEAN-MICHEL APHATIE
FO, CGT, beaucoup de méfiance de la CFDT.
MICHEL SAPIN
a une richesse qui est d'avoir beaucoup d'organisations syndicales. Très bien, et chacune doit être respectée pour ce qu'elle est et pour ce qu'elle représente, et la CGT représente une force très importante et elle doit être respectée comme telle, y compris sur les positions de fond qu'elle exprime. Mais la diversité syndicale n'est pas celle que vous décrivez. Certaines organisations syndicales sont prêtes à monter dans ce train qui est le train de la confiance
JEAN-MICHEL APHATIE
Avec méfiance.
MICHEL SAPIN
mais elles sont exigeantes.
JEAN-MICHEL APHATIE
La CFDT est méfiante
MICHEL SAPIN
Mais la méfiance
JEAN-MICHEL APHATIE
Vous pensez à la CFDT, mais il y a une grosse méfiance à la CFDT.
MICHEL SAPIN
Mais la méfiance, c'est la vision pessimiste, la vôtre, de l'exigence
JEAN-MICHEL APHATIE
Ah, la mienne, d'accord.
MICHEL SAPIN
Et l'exigence c'est la vision optimiste qu'est la mienne.
JEAN-MICHEL APHATIE
D'accord.
MICHEL SAPIN
Lorsque des organisations syndicales sont exigeantes, elles sont dans leur rôle, et c'est à nous, nous, organisations patronale et gouvernement, d'être là, à la hauteur de cette exigence. La France doit accélérer, pour accélérer la croissance et faire reculer durablement le chômage.
JEAN-MICHEL APHATIE
Qui va payer les cotisations familiales ? On n'a pas compris, ça.
MICHEL SAPIN
Eh bien vous avez parfaitement compris, y compris en posant cette question.
JEAN-MICHEL APHATIE
Ah, c'est vrai ? J'ai compris sans le comprendre.
MICHEL SAPIN
Comme vous le savez vous-même
JEAN-MICHEL APHATIE
Expliquez-moi.
MICHEL SAPIN
Comme vous le savez vous-même, cette question n'a plus de sens. Quand vous posez cette question, vous laissez penser aux auditeurs que, puisqu'on baisse une cotisation quelque part, on va augmenter un impôt ou une cotisation ailleurs.
JEAN-MICHEL APHATIE
C'est un peu ce qu'on se dit, oui.
MICHEL SAPIN
Voilà, oui, c'est ce que vous dites, c'est ce que vous laissez penser. Eh bien non, c'est justement la volonté aujourd'hui du président de la République, c'est terminer de compenser une baisse de quelque chose par une hausse d'autre chose. On va compenser la baisse de la cotisation, par la baisse de la dépense. C'est la seule solution pour pouvoir se sortir de la situation d'aujourd'hui, tout en respectant nos engagements, mais pas seulement nos engagements, nos volontés de diminution des déficits et de l'endettement, et tout en faisant en sorte
JEAN-MICHEL APHATIE
Vous allez tout faire en même temps ?
MICHEL SAPIN
Mais oui, eh bien c'est ça le principe, c'est ça le principe d'une politique cohérente !
JEAN-MICHEL APHATIE
D'accord, d'accord.
MICHEL SAPIN
Ce n'est pas une politique qui oppose quelque chose à autre chose, c'est une politique qui avance sur tous les fronts, c'est la cohérence de la politique gouvernementale et de la volonté du président de la République.
JEAN-MICHEL APHATIE
Et puisqu'on parle de la baisse des dépenses publiques, vous serez dans moins de 10 minutes maintenant, à l'Elysée, sous la présidence de François HOLLANDE, vous participerez à la première réunion du Conseil stratégique de la dépense publique, et on nous dit aussi que nos impôts pourraient baisser dès 2015 ! C'est formidable, tout va baisser !
MICHEL SAPIN
Prenons les choses dans l'ordre.
JEAN-MICHEL APHATIE
Oui.
MICHEL SAPIN
On veut toujours commenter l'étape suivante, avant même d'avoir commencé l'étape d'aujourd'hui.
JEAN-MICHEL APHATIE
Ah, on ne la commente pas, c'est juste une information
MICHEL SAPIN
On vient de le faire.
JEAN-MICHEL APHATIE
c'est l'Elysée qui dit enfin, des conseillers à l'Elysée qui disent : vos impôts vont baisser en 2015.
MICHEL SAPIN
Aujourd'hui, nous accélérons, pour que la croissance soit plus forte, que le chômage recule. A partir de là, et par la diminution des dépenses, à partir de là on retrouve des marges de manoeuvre. Au profit de qui allons-nous mettre ces marges de manoeuvre ? Au profit de l'économie française, de la compétitivité de nos entreprises. C'est la baisse des cotisations et si la croissance est plus forte que prévu, si nous allons plus vite que nous le prévoyons aujourd'hui, oui, les premiers à qui il faudra rendre grâce, parce qu'ils ont fait des efforts considérables, depuis 4 ans, ce sont l'ensemble des Français, par une baisse des impôts. Mais que les choses se fassent dans l'ordre. Réussissons cette étape : une croissance plus forte, un recul durable du chômage, et alors d'autres perspectives s'ouvriront peut-être plus vite qu'on ne le dit.
JEAN-MICHEL APHATIE
Baisse des charges, baisse des dépenses publiques, baisse des impôts, on peut parler d'un changement de politique, Michel SAPIN.
MICHEL SAPIN
Non, c'est
JEAN-MICHEL APHATIE
Ah non ?
MICHEL SAPIN
Enfin, je sais bien, j'aime bien on veut toujours dire : c'est un changement, un tournant, un virage, tout ça. On prend toutes les images que l'on voudra, ce n'est pas comme ça que les choses se présentent. Nous devions
JEAN-MICHEL APHATIE
Ce n'est pas un changement ?
MICHEL SAPIN
Nous devions faire en sorte que le bateau qui était en train de couler, soit remis à flots. On coulait parce que les déficits augmentaient, on coulait parce que le chômage augmentait, on coulait parce qu'il n'y avait plus de croissance, et donc là, le bateau, nous l'avons remis en marche, et la cohérence c'est qu'il aille plus vite. Plus de croissance, plus d'emploi, et à partir de là moins de dépenses et donc une possibilité de faire baisser les impôts.
JEAN-MICHEL APHATIE
Je cite, SAPIN Michel, dans L'OPINION, le journal L'OPINION d'aujourd'hui, « il faut créer un choc pour que les chefs d'entreprise perçoivent qu'un changement profond est à l'oeuvre ».
MICHEL SAPIN
Oui, un changement profond dans l'économie
JEAN-MICHEL APHATIE
Michel SAPIN est d'accord avec ça ?
MICHEL SAPIN
dans l'économie elle-même. Dans l'économie elle-même.
JEAN-MICHEL APHATIE
Oui, changement.
MICHEL SAPIN
Reprenons les mots, là aussi, du président de la République, qui sont justes. De deux choses l'une, ou bien, puisque la croissance est en train, là, de réapparaitre, les chefs d'entreprise, ils restent l'arme au pied, ils attendent, ils attendent la confirmation, et rien ne se passera, la croissance sera molle. Ou bien aujourd'hui, est c'est ça le changement, dans leur tête, dans leur tête de patron d'entreprise, ils disent : oui, c'est le moment d'investir, oui c'est le moment d'embaucher, et à ce moment-là, la croissance sera plus forte, plus forte encore qu'elle n'est prévue aujourd'hui. C'est ça la confiance retrouvée entre les acteurs économiques et politiques.
JEAN-MICHEL APHATIE
Vous êtes un bon avocat du changement, Michel SAPIN. François HOLLANDE va-t-il clarifier sa situation personnelle ?
MICHEL SAPIN
Alors, que disait-il ? « Les questions privées, se traitent en privé ».
JEAN-MICHEL APHATIE
Eh bien voilà. Michel SAPIN, avocat du changement, était l'invité de RTL ce matin, merci, bonne journée.
LAURENT BAZIN
Merci Michel SAPIN, bonne journée à vous. A demain Jean-Michel.
JEAN-MICHEL APHATIE
A demain !
Source : Service d'information du Gouvernement, le 23 janvier 2014