Texte intégral
PATRICK COHEN
Bonjour, Michel SAPIN.
MICHEL SAPIN
Bonjour.
PATRICK COHEN
Avant de parler d'économie, des perspectives de l'emploi pour les mois à venir, j'aimerais que vous nous parliez de politique et de crédibilité de la parole publique, est-ce que ce matin vous mesurez l'impact de ce pari raté sur lequel le Président de la République s'était engagé ?
MICHEL SAPIN
Mais pari raté, c'est vous qui le dites, il n'a jamais fait un pari, il n'a jamais présenté cela comme un pari
PATRICK COHEN
Comme un engagement !
MICHEL SAPIN
Comme un objectif !
PATRICK COHEN
Comme un engagement !
MICHEL SAPIN
Un objectif mobilisateur !
PATRICK COHEN
Il a parlé d'engagement !
MICHEL SAPIN
Comme un objectif mobilisateur ! Et heureusement que le Président de la République ou que le ministre du Travail a des objectifs mobilisateurs. L'inverse d'un objectif mobilisateur, c'est quoi ? C'est dire : « le chômage augmente, je n'y peux rien, je laisse passer et je compte les chômeurs chaque mois » ; l'objectif mobilisateur, c'est ce qui nous a permis de mener à bien on y reviendra peut-être un certain nombre de politiques qui par exemple, au-delà du chômage global, fait baisser fortement en France le chômage des jeunes. Est-ce que c'est rien ? Ca me parait être important ! J'entendais un commentaire sur qui disait : « c'est rien ». Le chômage des moins de 25 ans c'est rien ? C'est le coeur du chômage !
PATRICK COHEN
Eh bien ça veut dire que le chômage des autres catégories augmente plus fortement que la moyenne aussi et notamment les chômeurs de longue durée ?
MICHEL SAPIN
Cela veut dire que, en particulier mais on peut rentrer dans les détails que les chômeurs de plus 50 ans augmentent alors que les chômeurs de moins de 50 ans, le nombre lui-même, a diminué. Donc, au-delà
PATRICK COHEN
Michel SAPIN
MICHEL SAPIN
Au-delà de l'objectif global
PATRICK COHEN
Qui n'est pas atteint, l'objectif n'est pas atteint, est-ce que ça n'affaiblit pas la parole présidentielle
MICHEL SAPIN
Quand vous vous
PATRICK COHEN
Et, si l'objectif était de redonner de la confiance, de porter un message d'espoir aux acteurs économiques, est-ce que ce n'est pas raté ?
MICHEL SAPIN
Quand vous vous fixez un objectif, que vous êtes à 2 doigts d'atteindre cet objectif, à 2 mètres, si je voulais comparer cela à une course ou à un marathon - puisque quelqu'un prenait cette comparaison qui est assez bonne est-ce que vous vous dites : l'objectif était mauvais, j'arrête, je ne bouge plus ? Non ! Vous vous dites : Jai toujours cet objectif, j'accélère, je renforce, je fais l'effort supplémentaire qui permet de faire en sorte très simplement que le chômage en France recule. C'est quand même un objectif de base pour tout gouvernement !
PATRICK COHEN
Vous avez toujours cet objectif, donc vous allez nous dire que la courbe
MICHEL SAPIN
De faire reculer le chômage ? Evidemment, oui.
PATRICK COHEN
La courbe va s'inverser en 2014 ?
MICHEL SAPIN
Mais évidemment tout gouvernement aujourd'hui
PATRICK COHEN
Ou vous êtes vacciné contre les promesses hasardeuses ?
MICHEL SAPIN
Est-ce que vous voulez que je vous fasse la promesse que le chômage va augmenter ? Qu'est-ce que ce serait qu'un gouvernement qui se fixerait comme objectif de voir augmenter le chômage ? Donc soyons un peu raisonnables, y compris dans les commentaires. Un gouvernement agit, il agit en fonction d'un objectif, cet objectif est partagé par tous : il faut faire reculer le chômage en France. Il a reculé pour les jeunes, il doit reculer pour tous. Nous n'avons pas atteint l'objectif, la courbe globale du chômage ne s'est pas inversée, nous sommes à 2 doigts de le faire. Est-ce que c'est le moment de baisser les bras ? Non ! C'est le moment, au contraire, de renforcer nos politiques, d'accélérer, d'allumer tous les moteurs. On y reviendra
PATRICK COHEN
On va y revenir !
MICHEL SAPIN
C'est aussi la question de la création d'emplois dans les entreprises qui est évidemment ce qui a manqué en 2013.
PATRICK COHEN
Pour la petite histoire, ou l'histoire politique tout court, c'est bien vous Michel SAPIN qui avez convaincu François HOLLANDE à l'été 2012 qu'il y avait un coup à jouer, que la baisse était possible d'ici à la fin 2013 ?
MICHEL SAPIN
Ce n'est pas une histoire de personne ! Je répète qu'on se fixe un objectif
PATRICK COHEN
Oui ! Mais
MICHEL SAPIN
Le Président de la République fixe un objectif
PATRICK COHEN
Vous avez contribué à ce que le Président fixe cet objectif ?
MICHEL SAPIN
Nous regardons les uns et les autres si cet objectif peut être atteint, cet objectif est atteignable, nous sommes à 2 doigts, à 2 doigts. On a l'impression dans les commentaires des uns et des autres, je le comprends puisqu'on est dans le symbole, que tout aurait été raté, que ce n'est pas du tout atteint, non on est à 2 doigts de cela, à quelques jours peut-être, à quelques mois, à 2 doigts de cela. Donc, il faut continuer, il faut renforcer, il ne faut pas dire : C'est simple, c'est facile. Enfin, qui pense que c'est facile ? Moi j'en connais un qui a fait une campagne électorale, pas cette fois-ci, mais la fois d'avant, en disant : je vais ramener le chômage à 4% et il nous l'a laissé à 11%, donc voilà
PATRICK COHEN
Non ! Il y a eu le choc de la crise financière en 2008.
MICHEL SAPIN
Mais oui ! Le choc de la crise. Eh bien, là, il y a un autre choc - que chacun connait bien - c'est le choc de 2011, celui auquel Nicolas SARKOZY n'a pas su faire face et qu'il nous a légué en héritage et avec lequel nous contre lequel nous agissons, nous le faisons
PATRICK COHEN
Sauf
MICHEL SAPIN
Concrètement
PATRICK COHEN
Sauf que l'Allemagne
MICHEL SAPIN
Sereinement
PATRICK COHEN
Ou la Grande Bretagne, les Etats-Unis
MICHEL SAPIN
Sûrement.
PATRICK COHEN
Ont inversé leur courbe l'an dernier, ce qui n'est pas le cas de la France.
MICHEL SAPIN
Oui ! Parce que le chômage n'était pas lancé à la même vitesse. Regardez toutes les courbes, regardez de quand elles datent, à quel moment elles ont commencé et vous verrez qu'effectivement l'Allemagne avait déjà commencé à faire reculer le chômage il y a un an et demi, que l'Angleterre avait déjà commencé à faire reculer le chômage il y a un an et que, nous, nous avons été confrontés à une France où le chômage était lancé à plein. Entre un chômage lancé à plein et un chômage qui est faible, il y a toute la différence de l'action nécessaire, celle que nous menons.
PATRICK COHEN
C'est à la fin de l'an dernier, quand vous avez compris que le pari ne serait pas tenu, que le virage du Pacte de responsabilité a été décidé
MICHEL SAPIN
Non ! C'est une vision
PATRICK COHEN
C'est la courbe qui a provoqué le virage ?
MICHEL SAPIN
Non ! C'est une vision qui est erronée. Je vais vous expliquer pourquoi, mais je suis persuadé que vous allez le comprendre : si on veut se battre et je le dis toujours et le Président de la République le dit depuis le début contre le chômage, il faut allumer 2 moteurs, ce n'est pas l'un ou l'autre, ou l'un, puis l'autre, il faut allumer 2 moteurs : le premier moteur, quand le chômage est lancé à plein, c'est le moteur dit des politiques de l'emploi, lutter contre le chômage des jeunes, nous le faisons, nous le réussissons
PATRICK COHEN
Les Emplois aidés !
MICHEL SAPIN
C'est les c'est qu'on les appellera les Emplois aidés. Mais faites attention à ce que ça n'apparaisse pas comme dévalorisant, car ce sont de vrais emplois
PATRICK COHEN
Quatre-vingt mille en 2013 !
MICHEL SAPIN
Il y a eu 100.000 Emplois d'avenir l'année dernière, en 2013, c'est 100.000 solutions pour 100.000 jeunes qui ne sont donc pas au chômage et qui sont dans un vrai emploi avec une vraie formation et un vrai avenir. Donc, ça, c'est le premier moteur.
PATRICK COHEN
Et, dans le même temps, près de 90.000 emplois détruits dans le secteur marchand ?
MICHEL SAPIN
Ca, c'est le premier moteur ; Et le deuxième moteur, c'est celui de l'économie, ce que vous appellerez le secteur marchand, 2013 il y avait 0 croissance, avec 0 croissance il y a évidemment de la destruction d'emplois, c'est ce qui s'est passé beaucoup moins que les années précédentes si là aussi on voulait faire la comparaison mais prenons simplement 2013 où nous sommes en responsabilité, c'est là où il y a des destructions d'emploi, il y a des créations et des destructions, plus de destructions que de créations, donc le deuxième moteur qu'il faut allumer, non pas à la place du premier mais avec le premier, c'est celui de l'activité économique, de l'activité dans les entreprises, de la croissance de notre économie et de la création d'emplois ; c'est celui non pas de
PATRICK COHEN
Et on va vous répondre, Michel SAPIN, pourquoi avoir tant tardé à allumer ce deuxième moteur ?
MICHEL SAPIN
Mais c'est parce que chacun voit bien que ça ne sert à rien de vouloir contrecarrer une situation économique en profondeur, qui était celle d'une Europe en difficulté, d'un Euro dont tout le monde disait qu'il allait exploser, d'inquiétude des entreprises par rapport à un contexte international, au contraire, à partir de la fin de l'année dernière, où il y a un début de croissance qui revient, où il y a une stabilisation européenne, c'est le moment d'accélérer ce moteur-là, c'est le moment de faire en sorte que ce moteur s'allume à plein alors qu'il est allumé mais à toute petite vitesse. C'est ce que nous faisons ! Ce n'est pas non pas un tournant mais c'est un plus, ça vient en plus et c'est ce qui doit permettre pour 2014, avec le moteur des politiques de l'emploi d'un côté et le moteur de la croissance et de la création d'emplois dans l'entreprise de faire reculer fortement et durablement le chômage.
PATRICK COHEN
C'est peut-être ce que vous faites Michel SAPIN mais pas à grande vitesse, s'il y a urgence pourquoi ne pas baisser les charges tout de suite ou dans les mois à venir, sans atteindre 2015 ?
MICHEL SAPIN
Mais parce que vous avez aussi remarqué que la plaie qui frappe la France et depuis de nombreuses années - ce n'est pas seulement le chômage, c'est aussi le déficit des finances publiques et quand on baisse une charge comme vous dites ça veut dire qu'on baisse une recette par exemple de l'Etat
PATRICK COHEN
Une cotisation !
MICHEL SAPIN
Une cotisation ou une recette de la Sécurité Sociale, et si on arrive en disant : Ecoutez, c'est très simple, on supprime tout de suite là - du jour au lendemain 30 milliards. C'est quoi ? On finance par l'emprunt comme avait fait d'autres avant, 30 milliards de dette supplémentaire, 30 milliards d'emprunt supplémentaire à rembourser, des intérêts à payer sur 30 milliards de plus dès maintenant ? Non ! Il faut faire un travail sérieusement. Il y a une perspective, c'est celle de la suppression de cette cotisation qui permet le financement de la branche « famille » qui sera assuré autrement mais pas assuré par des augmentations d'impôts, pas assuré par de l'endettement mais assuré par des économies budgétaires et l'économie budgétaire
PATRICK COHEN
Donc, il faut du temps pour faire des économies ?
MICHEL SAPIN
Eh bien l'économie ce n'est pas qu'il faille du temps pour le faire, il faut décider vite
PATRICK COHEN
Pour les décider.
MICHEL SAPIN
Parce qu'il faut décider vite, parce que les économies budgétaires elles portent leurs fruits lentement par définition, c'est vrai dans un ménage comme c'est vrai dans l'Etat.
PATRICK COHEN
Jean-François COPE réclame votre démission ?
MICHEL SAPIN
Ca c'est le degré 0 de la politique, qui est tout à fait à l'image de Jean-François COPE.
PATRICK COHEN
Avez-vous déjà croisé à l'Elysée monsieur Peter HARTZ, l'ex-conseiller du Chancelier SCHROEDER, le père des grandes réformes allemandes entre 2003 et 2005, est-il exact qu'il va conseiller François HOLLANDE ?
MICHEL SAPIN
Ecoutez, je ne l'ai pas croisé à l'Elysée, il peut m'être arrivé de l'avoir croisé dans tel ou tel colloque ou telle ou telle rencontre, c'est quelqu'un qui est intéressant, mais je ne crois pas qu'il soit question qu'il soit conseiller politique du Président de la République.
PATRICK COHEN
Non ! Mais vous devez le savoir, il a l'oreille du Président de la République ?
MICHEL SAPIN
Mais j'ai cru comprendre que c'était un journal allemand qui parle de cela
PATRICK COHEN
Oui !
MICHEL SAPIN
Moi je lis les journals (sic) français, le journal français.
PATRICK COHEN
Oui ! Mais enfin vous êtes aussi peut-être mieux informé et avant nous qu'à la lecture des journaux allemands, Michel SAPIN ?
MICHEL SAPIN
Non ! Mais monsieur HARTZ
PATRICK COHEN
Il n'est pas conseiller ?
MICHEL SAPIN
Mais, pour dire les choses, monsieur HARTZ est quelqu'un qui a conseillé le gouvernement allemand à un moment donné, qui a travaillé avec lui sur un projet enfin même sur une réalisation, sur des mesures qui touchent
PATRICK COHEN
L'agenda 2000 ! Ce qu'on a appelé l'agenda 2000.
MICHEL SAPIN
Qui touchent ce qu'on appelle le marché du travail, ça eu des effets bénéfiques et des effets difficiles, c'est-à-dire le
PATRICK COHEN
La pauvreté !
MICHEL SAPIN
Oui ! La pauvreté, des petits jobs - enfin bon les choses ne sont pas tout roses comme ça en Allemagne, elles sont aussi très contrastées, y compris à la duite de ces décisions-là - qu'on l'écoute, qu'on parle avec lui et qu'on regarde quelle était l'expérience, ça me parait être la moindre des choses, on a le droit d'ouvrir les yeux, d'ouvrir les oreilles, on n'est pas obligés de suivre pour autant.
PATRICK COHEN
Donc il va peut-être conseiller le Président, mais sans trop le dire ?
MICHEL SAPIN
Ça, c'est vous qui parler.
PATRICK COHEN
Michel SAPIN invité de France Inter jusqu'à 8 h 55, on vous retrouve dans quelques minutes avec les questions des auditeurs qui nous appellent au 01.45.24.7000.
source : Service d'information du Gouvernement, le 28 janvier 2014