Interview de M. Michel Sapin, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social à RMC le 30 janvier 2014, sur la situation du chômage et l'hypothése de la croissance économique en 2014.

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Texte intégral


JEAN-JACQUES BOURDIN
Michel SAPIN, ministre du Travail, est notre invité ce matin. Bonjour.
MONSIEUR LE MINISTRE DU TRAVAIL ET DE L'EMPLOI MICHEL SAPIN
Bonjour.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Merci. Vous savez ce que nous allons faire, Michel SAPIN ? Nous allons commencer par des questions simples, directes, et ensuite nous entrerons dans l'explication. Vous acceptez le jeu ?
MICHEL SAPIN
De toute façon, je n'ai pas le choix : c'est vous qui l'avez !
JEAN-JACQUES BOURDIN
Bon alors, en 2013, avez-vous réussi à faire baisser le chômage oui ou non ?
MICHEL SAPIN
La réponse est non si je regarde l'ensemble des chômeurs ; la réponse est oui si je regarde les jeunes de moins de vingt-cinq ans. Pour les jeunes de moins de vingt-cinq ans, le chômage a baissé.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais globalement, la réponse est non.
MICHEL SAPIN
La réponse est non. À deux mille près au dernier mois, nous n'avons pas fait baisser le nombre des chômeurs.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Je parle sur l'année.
MICHEL SAPIN
Sur l'année 2013, la réponse est non clairement.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Bon. Inverserez-vous la courbe avant la fin 2014 ? Oui, non ou peut-être ?
MICHEL SAPIN
Là, vous ne me demandez pas de constater des faits, ce que nous faisons pour 2013, vous me demandez de parler de l'avenir, donc de ce qui est devant nous. Je ne vais pas fixer comme ça une date mais nous allons faire reculer le chômage.
JEAN-JACQUES BOURDIN
En 2014, vous ferez reculer le chômage.
MICHEL SAPIN
En 2014, nous ferons reculer le chômage. Imaginez d'ailleurs que je vous dise l'inverse. Imaginez qu'à votre question : « Allez-vous en 2014 inverser ? », je vous réponde non, qu'est-ce que ça voudrait dire ? Le premier des jugements que vous porteriez, ou que nos auditeurs ou téléspectateurs porteraient, c'est : « Mais à quoi ça sert d'avoir des ministres qui regardent simplement passer les trains et qui comptent les chômeurs ? » Donc, nous sommes dans l'action. Est-ce que l'action porte tous les fruits que nous aurions souhaités ? Non, pas tous les fruits. Si ça avait porté tous les fruits, nous aurions, pour reprendre cette image, inversé la courbe du chômage à la fin de l'année alors qu'à quelques milliers près, nous ne l'avons pas fait. Mais est-ce une raison pour ne pas se mobiliser ? Vous savez, si on ne se fixe pas des objectifs, mais c'est vrai dans toute action humaine : dans une entreprise, si on ne se fixe pas des objectifs de production, même si on ne les atteint pas vraiment, on n'a pas mobilisé les troupes. Si dans une radio ou une télévision, on ne se fixe pas des objectifs de nombre d'auditeurs, on ne se mobilise pas en termes de qualité, en termes de capacité d'action, en termes de qualité de vos émissions, donc c'est la même chose pour l'action gouvernementale. Il faut avoir des objectifs. On ne les atteint pas complètement ? Eh bien, on ne les atteint pas complètement. On est critiqué pour ça ? Peut-être, mais heureusement qu'on a eu cette mobilisation. C'est ça qui a permis par exemple de faire reculer le chômage des jeunes.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Si le chômage ne baisse pas sérieusement avant 2017, est-ce que vous comprendriez que François HOLLANDE soit sanctionné ?
MICHEL SAPIN
Mais ça fera partie des éléments de jugement de l'ensemble des Français. Souvenez-vous d'ailleurs que Nicolas SARKOZY avait dit : « J'arriverai à cinq pourcents de chômage et je serai sujet sur les cinq pourcents » et il est arrivé à dix pourcents, même plus de dix pourcents. C'est-à-dire qu'il s'était fixé un objectif et il a fait le double en négatif de cet objectif. Donc oui, on est jugé aujourd'hui en France comme dans le monde sur la question du chômage parce que c'est la préoccupation principale. Ça fera partie des critères de jugement.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Est-ce que la réélection éventuelle de François HOLLANDE dépend de la réussite de la lutte contre le chômage ? oui ou non ?
MICHEL SAPIN
Ça ne dépend pas que de cela. Je vais vous prendre un exemple : Lionel JOSPIN a fait reculer profondément le chômage en France, profondément. Il y a eu une baisse considérable du nombre des chômeurs ; il n'a pourtant pas été élu président de la République. Ce n'est pas le seul sujet mais c'est un sujet décisif.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Quel taux de croissance faut-il pour faire baisser le chômage ?
MICHEL SAPIN
J'entends souvent dire, et vous étiez presque prêt à le dire, il faut au moins 1,5 pourcent de croissance.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Je l'ai entendu hier, avant-hier et d'autres fois.
MICHEL SAPIN
Oui, c'est un chiffre qui est répété. Vous savez, en ce moment il y a beaucoup de choses qu'on répète comme ça, sans jamais se poser la question de savoir pourquoi, d'où ça vient, et cætera. Il faut aujourd'hui plus que la croissance que nous avons connue en 2013 évidemment. Elle était d'un peu plus de zéro. Il faut plus que ce que nous connaissons aujourd'hui. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle le président de la République lance ce pacte de responsabilité pour accélérer la croissance.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Je vais y revenir.
MICHEL SAPIN
On va y revenir bien sûr. Pour accélérer la croissance. Au-delà de un pourcent en France, on arrive aujourd'hui à stabiliser.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Au-delà de un pourcent ; donc il faut faire mieux que les 0,8 annoncés.
MICHEL SAPIN
Au-delà de un pourcent, on stabilise. Mais il faut aussi que chacun sache, et c'est un atout pour la France à terme, c'est une difficulté immédiatement, qu'il arrive sur le marché du travail tous les ans plus de cent mille, aux alentours de cent trente mille jeunes supplémentaires, là où l'Allemagne perd cent trente mille personnes par an. Alors c'est plus facile dans un premier temps en Allemagne que chez nous, parce qu'il faut donner du travail à ces cent trente mille, mais c'est quand même à terme mieux pour nous, y compris par exemple pour payer les retraites. Mais il faut aussi créer des emplois en plus, il faut des emplois en plus et c'est là où il est nécessaire d'aller au-delà des un pourcent de croissance en ayant une préoccupation en termes de chiffres – plus de un pourcent. Mais au fond, les Français ne voient pas ce que c'est qu'un pourcentage de croissance, mais il faut que ce soit de la croissance porteuse en emploi. Il y a des activités qui produisent plus d'emploi que d'autres et c'est ces activités-là qu'il faut aussi soutenir.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Bon alors, on va parler du pacte de responsabilité, parce que l'idée c'est évidemment d'accélérer. Accélérer, le mot à la mode !
MICHEL SAPIN
Ce n'est pas un mot à la mode : c'est un mot vrai.
JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est le mot vrai. Accélérer, d'accord, accélérer la croissance, amplifier la croissance, accélérer l'activité économique. Quelques mots sur les emplois aidés, ce qu'on appelle le traitement social du chômage en 2014 : emplois d'avenir, les jeunes, combien ?
MICHEL SAPIN
Pour 2014 ?
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui.
MICHEL SAPIN
Cinquante mille de plus.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Cinquante mille de plus, très bien.
MICHEL SAPIN
Nous en avons aujourd'hui mis en place cent mille. Est-ce que je peux reprendre juste le terme de traitement social : je n'aime pas trop ce sujet-là. Pourquoi ? Parce qu'il donnerait le sentiment par exemple pour ces emplois d'avenir, ces jeunes-là de moins de vingt-cinq ans, qu'on les occupe, ce serait social. On les occupe, c'est mieux que s'ils traînaient dans les rues. Mais ce n'est pas vrai ! ce n'est pas ce qu'ils ont ! Ils ont un vrai emploi, une vraie activité, ils rendent un vrai service à la population ou dans une association. Ils ont en plus, ce qui est fondamental, une vraie formation. C'est cette formation-là qui peut leur permettre de rebondir et rebondir durablement. Quand vous sortez de votre emploi avec beaucoup plus de compétences que lorsque vous y rentrez, vous avez sacrément plus de chances de réussir dans la vie.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Les contrats de génération, combien en 2014 ?
MICHEL SAPIN
Il faut monter plus qu'aujourd'hui mais on a déjà bien démarré. Dans les petites entreprises, ça marche bien.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais c'est lent.
MICHEL SAPIN
Oui, c'est toujours lent au début. J'entends toujours ça : c'est lent, ça ne décolle pas puis tout d'un coup, hop ! ça décolle comme pour les emplois d'avenir et puis à la fin, on dit : « Oh, eh bien tiens ! vous avez réussi ». Oui !
JEAN-JACQUES BOURDIN
Combien en 2014 ? L'objectif, puisque vous aimez les objectifs.
MICHEL SAPIN
Oui, il faut se fixer des objectifs après chacun peut juger : on l'atteint, on ne l'atteint pas ; on le dépasse, on ne le dépasse pas. C'est comme ça aussi la vérité, la politique de la vérité. C'est bien de se fixer des objectifs, donc je préfère comme ça même, je le répète, si on n'atteint pas tout à fait l'objectif. Au moins, on s'est fixé un cap et on y va. Sur les contrats de génération, l'objectif global est de cent mille contrats de génération. C'est-à-dire cent mille jeunes accueillis dans les entreprises françaises pour fin 2014. Ça marche maintenant bien dans les grandes entreprises.
JEAN-JACQUES BOURDIN
On en est à combien ?
MICHEL SAPIN
Dans les grandes entreprises, on ne les compte pas parce que c'est une obligation, donc les entreprises mettent en place mais ce sont des dizaines de milliers d'emplois dans les grandes entreprises. Dans les petites entreprises, on est à un chiffre qui est aux alentours de vingt mille dans les petites entreprises. C'est celles qui ont l'habitude de cela, là où le chef d'entreprise aime avoir un jeune, il aime pouvoir lui passer le relai en quelque sorte, le relai du savoir, le relai de la compétence, le relai du geste qui fait qu'on est un bon artisan ou qu'on est un bon commerçant dans la relation avec les clients. Ça, ils savent le faire, mais il faut le faire plus encore. Il faut le faire aussi pour conserver de l'emploi pour les plus âgés. Est-ce que vous savez quel est le vrai problème du chômage ? est-ce que vous savez pourquoi le chômage n'a pas reculé en France en 2013, alors que pour les jeunes il a baissé ?
JEAN-JACQUES BOURDIN
Les chômeurs de longue durée et chômeurs âgés.
MICHEL SAPIN
Chômeurs de plus de cinquante ans. Ne disons pas entre nous âgés à plus de cinquante ans !
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, âgés au travail.
MICHEL SAPIN
Ne nous le disons pas à nous deux, à plus de cinquante ans, sinon nous pourrions échanger un sourire. Donc oui, à plus de cinquante ans, c'est quand même terrible : les entreprises n'en veulent plus. C'est ça qu'il faut changer. Les mêmes entreprises qui nous disent : « Il faut reculer l'âge du départ à la retraite », ne veulent pas garder les séniors.
JEAN-JACQUES BOURDIN
On va y revenir. Ça va coûter trois milliards d'euros à l'État en 2014 ; c'est ça ?
MICHEL SAPIN
C'est le coût de la politique dite de l'emploi en 2014. C'est les emplois d'avenir, les contrats de génération et aussi des emplois qui sont justement tournés vers les chômeurs de longue durée ou les chômeurs plus âgés.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors l'embauche maintenant. Le pacte de responsabilité pour encourager, plus qu'encourager, pour vraiment pousser les entreprises à embaucher, je voudrais m'intéresser aux TPE-PME et à la fiscalité des TPE-PME. Je me souviens très bien de la promesse de François HOLLANDE pendant la campagne : « Nous allons baisser la fiscalité, l'imposition sur les sociétés payée par les TPE-PME ». Est-ce que cette imposition va baisser oui ou non ?
MICHEL SAPIN
Je ne vais pas vous répondre clairement et nettement maintenant, mais je vais vous montrer la direction qui est prise. Dans ce pacte de compétitivité et ce pacte de responsabilité, il y a plusieurs chantiers. Là, vous me parlez du chantier de la fiscalité des entreprises.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, parce qu'il y a les assises de la fiscalité qui ont commencé hier.
MICHEL SAPIN
Les assises de la fiscalité ont commencé. Aujourd'hui en France, vous avez un taux sur les bénéfices qui est élevé par rapport aux autres. Il est à trente-trois pourcents ou un peu plus de trente-trois pourcents, parce qu'il y a cinq pourcents de surtaxes, et cætera.
JEAN-JACQUES BOURDIN
En fait, il est à trente-huit.
MICHEL SAPIN
Pas pour tout le monde, pas pour les petits mais en tous les cas, ça fait trente-huit pour certains : c'est trop élevé.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Trente en Allemagne en moyenne.
MICHEL SAPIN
Voilà, trente en moyenne. Alors que ça ne rapporte pas plus qu'en Allemagne par exemple. Pourquoi ? Parce que vous avez ce qu'on appelle la base, ce sur quoi on calcule les trente-trois ou les trente-huit pourcents qui est toute mitée, qui est pleine de trous. Et qui sait utiliser cette manière-là pour ne pas payer d'impôt ? Ce sont les plus grandes entreprises alors que l'artisan de base, le commerçant de base, lui, se le prend en pleine figure. Moi, je préfèrerais - c'est une direction, c'est une orientation – que le taux baisse et qu'il y ait moins de trous dans la base, c'est-à-dire que tout le monde soit égal devant l'impôt, et que les grands comme les petits payent à peu près la même chose, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc ce qui n'est pas du tout la promesse de François HOLLANDE.
MICHEL SAPIN
Si, c'est l'orientation : c'est de faire en sorte…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ah bon ? Mais j'ai lu quinze pourcents pour les TPE, impôt sur les sociétés, trente pourcents pour les PME, trente cinq pour les grandes. Ce n'est pas ce que disait François HOLLANDE, Michel SAPIN ? Franchement, regardez-moi : ce n'est pas ce qu'il disait ?
MICHEL SAPIN
Bien sûr, c'est la proposition qu'il faisait.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Quand on est candidat, on fait des promesses !
MICHEL SAPIN
Avec ce que nous proposons-là, nous allons dans cette direction-là.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Non, vous n'allez pas dans cette direction, vous n'allez pas vers les quinze pourcents pour les TPE ! Parce que ce sont les TPE, et vous le savez mieux que moi, les TPE et les PME qui demandent une baisse des impôts !
MICHEL SAPIN
Aujourd'hui monsieur BOURDIN, quand vous êtes au CAC 40 vous payez dix pourcents d'impôt en moyenne. Quand vous êtes les deux premiers, vous payez zéro pourcent d'impôt. Lorsque vous êtes petit artisan ou petit commerçant, vous payez trente-trois pourcents, parfois même trente-huit pourcents d'impôt. C'est ça qu'il faut inverser. Vous aviez quinze pourcents d'un côté, dix pourcents, trente-trois pourcents. Je veux que demain tout le monde, toutes les sociétés soient égales devant l'impôt.
JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est-à-dire égales à quel taux ? à trente pourcents ?
MICHEL SAPIN
Ce sera déjà un taux qui pourrait baisser par rapport à celui d'aujourd'hui.
JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est-à-dire ?
MICHEL SAPIN
Je ne veux pas préjuger du travail qui est fait. Je ne veux pas dire aux partenaires : « Discutez-en » et ensuite leur annoncer… d'autant plus que je ne suis pas le ministre des Finances et que je n'ai pas la compétence. Je peux parler du principe, je peux parler de l'orientation.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Si, parce que ça crée des emplois de baisser les impôts.
MICHEL SAPIN
Mais bien sûr, parce que cette orientation – baisser les impôts donne des marges aux entreprises, la question étant de savoir ce qu'elles font ensuite de ces marges. On souhaite que ces marges soient consacrées à l'investissement et à l'emploi. Ça fait aussi partie du deal parce que si c'est simplement pour rémunérer un peu plus l'actionnaire, ça ne servira à rien, et ça créera simplement plus d'inégalités et beaucoup d'incompréhension dans le pays.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais Michel SAPIN, vous savez bien que les TPE et les PME, ce sont des entreprises qui créent de l'emploi.
MICHEL SAPIN
C'est celles qui proportionnellement créent le plus d'emplois.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors pourquoi ne pas les encourager fiscalement ? Pourquoi ?
MICHEL SAPIN
Si nous baissons le taux comme je viens non pas de l'annoncer mais de montrer
la direction…
JEAN-JACQUES BOURDIN
De l'annoncer sans l'annoncer. C'est la direction que va prendre le gouvernement.
MICHEL SAPIN
Je montre la direction dans laquelle le gouvernement travaille aujourd'hui avec les partenaires.
JEAN-JACQUES BOURDIN
La baisse des impôts sur les sociétés.
MICHEL SAPIN
Vous le résumez ainsi mais voilà la direction dans laquelle nous travaillons. Cette direction-là, qui va en profiter, entre guillemets ? Ce sont d'abord et avant toute chose les petites et les moyennes entreprises, celles qui par ailleurs ont une capacité…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Descendre à quinze pourcents de taux d'imposition comme l'a promis François HOLLANDE, non.
MICHEL SAPIN
Mais pourquoi pas zéro pourcent, et cætera ?
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais ce n'est pas moi qui ai donné le chiffre, c'est François HOLLANDE qui l'a donné ! Ce n'est pas moi !
MICHEL SAPIN
Vous savez, c'est la quadrature du cercle. C'est l'ensemble des contradictions.
JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est-à-dire qu'on fait des promesses et on ne peut plus les tenir.
MICHEL SAPIN
Non, ce n'est pas ça. Moi, je veux bien qu'on baisse tous les impôts de tout le monde, mais si je ne vous explique pas par ailleurs comment on compense la différence, vous allez me dire : « Vous êtes un irresponsable total » et je n'ai pas envie que vous me traitiez d'irresponsable. Il faut aussi lutter contre les déficits, il faut aussi lutter contre l'endettement, et les entreprises sont les premières à comprendre – une petite ou moyenne entreprise – que quand on est trop endetté, ensuite on n'arrive pas à survivre. Et donc il faut que l'État aujourd'hui lutte aussi contre l'endettement et c'est la raison pour laquelle, ce n'est pas aussi simple que cela, les diminutions de cotisations qui vont être considérables et en particulier pour les petites entreprises, les diminutions de fiscalité éventuellement qui se préparent ne seront pas compensées par l'augmentation d'autres impôts et surtout pas par les impôts des ménages : elles seront compensées par des économies. C'est simple à dire, ce n'est pas si simple à faire.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Sur les dépenses de l'État.
MICHEL SAPIN
Pas seulement de l'État, s'il ne s'agissait que de l'État, ça ne ferait qu'un petit morceau des dépenses publiques. Les dépenses publiques, c'est mille milliards. Sur ces mille milliards, nous devons faire les économies qui permettent de baisser les impôts.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Cinquante milliards.
MICHEL SAPIN
Oui, cinquante milliards sur trois ans. C'est un travail considérable qui n'a jamais été fait. Nous avons commencé cette année avec quinze milliards d'économies. Ça n'avait jamais été fait. Oui, oui, c'est nous ! C'est nous, la gauche.
JEAN-JACQUES BOURDIN
20144, combien ? 2014, quinze milliards aussi ?
MICHEL SAPIN
Quinze milliards, c'est ce qui a été voté par le parlement.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Et 2015 ?
MICHEL SAPIN
Il faudra que ce soit un peu plus si nous voulons pouvoir redonner les marges que nous souhaitons.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Un jour vous m'expliquerez où vous faites ces économies parce que pour l'instant, je ne sais pas, Michel SAPIN.
MICHEL SAPIN
Mais on va le voir. Il y a un comité de stratégie qui est réuni autour du président de la République – il se trouve que j'en fais partie – tous les quinze jours. Qu'est-ce qu'il fait ? Il prend point par point. Il dit : « Dans tel ministère, telle dépense elle est justifiée ou pas justifiée ? Comment peut-on la rendre plus pertinente, plus efficace ? »
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous avez déjà identifié ?
MICHEL SAPIN
Tous les ministères sont concernés, le mien également par définition.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Il y a le débat autour aussi de ce que pourraient dire les chefs d'entreprises et les compensations.
MICHEL SAPIN
Je n'aime pas trop le terme de compensations. C'est le terme de contrepartie.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui. Enfin, c'est presque pareil, même si les mots ont leur importance. D'ailleurs, vous ne regrettez pas d'avoir employé le mot de stabilisation du chômage ? C'était quoi ? une stabilisation de la hausse.
MICHEL SAPIN
Non, non. La stabilisation, c'est quand c'est étale donc je ne regrette pas.
JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est étale, oui, pas quand ça monte.
MICHEL SAPIN
En disant stabilisation, j'ai bien souligné que cet objectif extrêmement ambitieux et mobilisateur, et heureusement qu'il était là, dit de l'inversion n'était pas atteint à ce moment-là. C'est aussi la reconnaissance de la réalité. Moi, j'aime bien regarder les réalités et quand je regarde une réalité, je ne cherche pas simplement à être prudent en disant : « Oh là là ! si on avait annoncé moins on aurait peut-être atteint l'objectif ». Mais si on avait annoncé moins, on n'aurait pas fait baisser le chômage des jeunes.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Des objectifs à fixer branche par branche sur le nombre d'emplois à créer ?
MICHEL SAPIN
Je pense que c'est le bon niveau, c'est le bon endroit. Pourquoi ? Parce qu'il y a des secteurs en France où le problème c'est de sauver des emplois. Dans ces cas-là, on ne va pas afficher une augmentation, mais il y a d'autres secteurs qui peuvent créer des emplois supplémentaires. Je vois que par exemple, ce qu'on appelle le secteur de la métallurgie avec une très grande fédération où il y a un vrai dialogue social entre patrons et syndicats, c'est l'UIMM, il y a un dialogue de cette nature qui est en train de se nouer. Qu'est-ce que dans la métallurgie – très grandes entreprises : RENAULT ou PEUGEOT, ce n'est pas là où vont se créer le plus d'emplois, mais aussi tous les sous-traitants, toutes les petites entreprises, qu'est-ce qu'on peut, comment on peut se projeter dans l'avenir ? Qu'est-ce qu'on peut proposer à la société ? Ce n'est pas au gouvernement, ce n'est pas un dialogue entre le gouvernement et les grands patrons.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc branche par branche des objectifs.
MICHEL SAPIN
Branche par branche. Je pense que c'est le bon endroit pour se fixer des objectifs plus précis.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Bon. Et si aucun objectif n'est fixé, ou si ces objectifs ne sont pas remplis, vous faites quoi ?
MICHEL SAPIN
Je reprends ce terme d'objectif parce que c'est celui que je me suis fixé à moi-même, en disant : quand on lutte contre le chômage, on se fixe des objectifs. Mais dans une entreprise, c'est la manière de faire d'un chef d'entreprise, d'une direction d'entreprise : il se fixe des objectifs. Il dit : « Cette année, il faut que je gagne des parts de marché ou il faut que cette année, je diminue le prix de mon produit si je veux aller attaquer un marché extérieur, ou il faut que cette année, j'augmente la qualité de mon produit si je veux avoir des clients ». Il se fixe des objectifs mais il peut se fixer des objectifs aussi en termes d'emploi, en termes d'apprentissage. Est-ce que je peux accueillir plus de jeunes ? Vous parliez des contrats de génération, nous parlions ensemble des contrats de génération qui ne vont pas suffisamment vite dans les entreprises de cinquante à trois cents : fixons-nous des objectifs plus ambitieux. Ensuite, vous allez me dire : « Est-ce que ça va être retenu ou pas retenu ? » Moi, je fais une proposition : pour reprendre les mêmes phrases que celles des entreprises dans le domaine de la construction, moi je veux qu'il y ait des réunions de chantier. C'est un grand chantier, la lutte contre le chômage. C'est un grand chantier, c'est le chantier de la nation.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Des réunions de chantier dans chaque secteur, dans chaque branche.
MICHEL SAPIN
Moi, je veux que dans chaque secteur il y ait des réunions de chantier. Ça veut dire quoi, une réunion de chantier ? Chacun le voit bien. Quand là on construit un immeuble, de temps en temps on se réunit tous, on regarde où on en est. « Tu as pris un engagement ? tu l'as respecté ? – Oui, non. – Il faut que tu accélères. – Oui, j'accélère. – Et toi, il faut que tu fasses mieux. – Oui, il faut que je fasse mieux. » Et c'est comme ça qu'on avancera, c'est comme ça qu'on mobilisera toute la société et toute la nation. Ce pacte de responsabilité, ce n'est pas un pacte entre le gouvernement, entre des ministres et des patrons : c'est un pacte qui est présenté à tous les responsables français dans ce domaine-là. C'est vrai pour le gouvernement : prenons nos responsabilités. C'est vrai pour le parlement : il prendra ses responsabilités, il y aura même un engagement de responsabilité du gouvernement devant le parlement.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Au printemps ?
MICHEL SAPIN
Oui, au printemps quand on présentera ce pacte. C'est vrai pour les partenaires sociaux, c'est vrai pour les organisations syndicales et c'est vrai pour les patrons quand même. Ça ne devrait pas être les derniers à prendre des engagements. Je vois monsieur GATTAZ avec un million, toujours là, écrit là. Maintenant je vois toujours un million. Un million, c'est quoi ? C'est un million d'emplois me dit-il. Je lui dis l'autre jour, je lui dis : « C'est quoi ? C'est un engagement ? » Il me dit : « Non, c'est un pin's ». Je dis : « C'est un pin's qui vous engage ». Oui, c'est un pin's qui l'engage.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Nous verrons. Michel SAPIN, j'ai vu que Jean-François COPÉ persistait dans l'idée de demander votre démission.
MICHEL SAPIN
Oui, ça me fait toujours rire.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ça vous fait sourire ?
MICHEL SAPIN
Pourquoi ? Parce que si au cours des dernières années il avait fallu demander la démission de chaque ministre du Travail à chaque fois qu'ils avaient reconnu un échec en termes de chômage, il y aurait eu au moins une trentaine de ministres du Travail successifs.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors question subsidiaire qui corrobore un peu la question que je viens de vous poser : est-ce que vous pensez qu'une partie de l'UMP n'a jamais accepté l'élection de François HOLLANDE ? Franchement ?
MICHEL SAPIN
Une partie de l'UMP, oui.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Elle n'a jamais accepté l'élection de François HOLLANDE ?
MICHEL SAPIN
Oui, une partie de la classe politique de droite – je dis bien une partie, parce que je n'aime pas les globalisations. Je ne veux pas dire : « La droite n'accepte pas ».
JEAN-JACQUES BOURDIN
J'ai dit une partie.
MICHEL SAPIN
Et vous avez parfaitement raison, c'est pour ça que je le souligne. Je ne veux jamais faire un procès d'intention global, je déteste cela. Quand on nous le fait à la gauche, je ne veux pas le faire à la droite. Mais à droite, et monsieur COPÉ fait partie de ceux-là évidemment, à droite il y en a qui n'acceptent pas par principe qu'il puisse y avoir d'autres qu'eux-mêmes au pouvoir, qui n'acceptent pas qu'il puisse y avoir une alternance.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ça veut dire quoi ? c'est antirépublicain à vos yeux ?
MICHEL SAPIN
Ça, c'est un raisonnement qui est effectivement antirépublicain et qu'il faut toujours dénoncer. C'est un raisonnement qui, dans le contexte d'aujourd'hui, fait le pont même involontairement avec ceux qui défilent dans la rue, comme dimanche dernier, avec les pires slogans, les pires références aux pires principes, aux mauvais principes qui ont pu animer les sociétés diverses au cours de ces années ou au cours de ce siècle ou le siècle dernier, quand on est là dans le racisme, l'antisémitisme, avec : « Dégage ! dégage ! » C'est quoi, « dégage » ? Ça veut dire : on ne veut pas te voir, on ne veut pas te voir bien que tu ais été élu. Il faut quand même que la droite fasse attention. Il y a avant-hier un député de droite, qui appartient à cette droite dite forte, qui est très faible du point de vue démocratique, qui s'est levé en disant : « Vous êtes là mais vous êtes là par défaut, par effraction ». Mais qu'est-ce que c'est que ça ! Ce n'est pas nous qui sommes injuriés dans ces cas-là : c'est les Français qui sont injuriés, c'est la démocratie qui est injuriée, c'est la République qui est injuriée. Et je pense que ça vaut une réaction de tous, de droite comme de gauche, de ceux qui ne partagent pas cela pour faire en sorte que les propos factieux restent entre les lèvres des factieux.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ce sont des propos factieux ?
MICHEL SAPIN
Oui, ce sont des propos factieux. C'est les mêmes que ceux qui étaient utilisés avant la dernière guerre par des ligues factieuses. Il faudrait qu'ils s'en souviennent et qu'ils y fassent attention.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Michel SAPIN, notre invité ce matin.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 30 janvier 2014