Texte intégral
(...)
Q - Vous irez à Bruxelles pour des négociations avec les Russes. Évidemment, le coeur de l'affaire, c'est l'Ukraine. Considérez-vous, après la nuit qui vient de s'écouler, que la situation s'est un petit peu apaisée avec la fin de l'état d'urgence, l'évacuation éventuelle des bâtiments, et la non poursuite, ou en tout cas la libération d'un certain nombre de manifestants ? Y a-t-il moins de danger ce matin qu'il n'y en avait il y a 48 heures ?
R - Les réactions internationales, qui ont condamné l'excès de violence de la part des pouvoirs publics en Ukraine et appelé au dialogue, se sont traduites effectivement par une nuit plus apaisée. Ce qui va se passer aujourd'hui est très important. Pourquoi ? Parce qu'il y a une convocation de la Rada, le Parlement ukrainien, qui doit, nous l'espérons, revenir sur une dizaine de lois qui ont été adoptées dans l'urgence, le 16 janvier de cette année. Elles visaient à réprimer toutes les manifestations, à punir sévèrement celles et ceux qui descendent dans la rue, pour exprimer leurs souhaits sur les perspectives politiques de leur pays. Bref, nous espérons effectivement qu'aujourd'hui sera une journée qui marque un retour vers le dialogue.
Q - Mais l'opposition pro-européenne ne veut pas cogérer le pays avec Ianoukovitch. Considérez-vous que Catherine Ashton, au nom de l'Europe, va aller demander son départ, demain, officiellement ou est-ce que c'est cela le sujet qui est posé aujourd'hui ?
R - La proposition qui a été faite par M. Ianoukovitch à l'égard de l'opposition est considérée à Kiev comme une mesure dilatoire pour, en quelque sorte, faire exploser cette contestation dans la rue.
Q - Mais, est-ce qu'il faut qu'il parte, Ianoukovitch ?
R - Les opposants demandent à ce qu'il y ait des élections présidentielles anticipées. C'est le dialogue qui apportera la réponse, et Mme Ashton portera pour l'UE ce soir à Kiev cette demande de dialogue
Q - Mais la réunion d'aujourd'hui, c'est cela le sujet, c'est obtenir les élections anticipées.
R - Cela peut être un élément de cette discussion.
Q - C'est ce que vous allez demander aux Russes.
R - J'imagine que les présidents Barroso et Van Rompuy qui les reçoivent demanderont aux Russes de ne rien faire en termes d'ingérence, afin que les Ukrainiens choisissent librement leur avenir. On l'a vu, la décision qui a été prise par le pouvoir de ne pas signer l'accord d'association avec l'Union européenne n'a sans doute pas été prise totalement librement par M. Ianoukovitch.
Q - Considérez-vous que la parenthèse des Jeux Olympiques à Sotchi va permettre au pouvoir russe d'être un peu moins intransigeant sur ce domaine ? Est-ce que cette parenthèse peut être utile pour obtenir quelque chose ?
R - Le fait que l'ensemble des médias s'intéresse à la Russie, à cette partie du monde, est propice à ce que nous puissions trouver une solution politique en Ukraine. C'est la seule solution que nous devons porter les uns, les autres. C'est ce que je suis d'ailleurs allé dire moi-même aux opposants. Je suis allé sur la place Maidan rencontrer les manifestants. J'ai vu le Premier ministre ukrainien et je lui ai dit qu'il ne pourrait pas résoudre cette question par la violence, et que la communauté internationale, notamment l'Europe, sera très attentive à la façon dont il gérait la situation.
Il faut que nous trouvions les voies et moyens pour qu'un jour l'Ukraine soit arrimée au continent européen plus qu'elle ne l'est aujourd'hui. Pourquoi ? Parce qu'en arrière-plan il y a un enjeu économique majeur. L'Ukraine est un très grand pays, qui, un jour, pourra avoir davantage de relations commerciales avec l'Union européenne. C'est un marché, mais c'est aussi un espace de libertés aux frontières de l'Union européenne. Que veulent les gens qui manifestent dans la rue ? Un système politique démocratique au niveau des standards européens et une évolution de l'économie qui profite non pas à une minorité mais à l'ensemble...
Q - C'est la corruption qui est au coeur de tout cela...
R - Une oligarchie est à la tête de l'économie ukrainienne. Les chefs d'entreprise français que je rencontre me demandent quand il y aura des règles du jeu qui leur permettent de candidater et d'être choisis avec des règles transparentes. C'est un des enjeux de l'accord de libre-échange que l'Union européenne souhaite signer avec l'Ukraine.
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Q - Dernier point, à propos de la Turquie : ce référendum sur l'adhésion à l'Union européenne, proposé par François Hollande, qui aura lieu en France. On sait que ces questions ne se poseront pas avant 2017, 2018, 2019, 2020. Pourquoi proposer un référendum dont on sait très bien qu'il n'aura pas lieu ?
R - Je ne pense pas que vous puissiez dire qu'il n'aura pas lieu dans l'absolu. Ce sont les règles de l'Union européenne pour accueillir un nouveau pays : il faut l'unanimité des États membres qui se prononcent selon les règles qui leur sont propres. Si un jour la Turquie a fait les efforts nécessaires à son adhésion, les réformes structurelles lui permettant de pouvoir intégrer l'Union européenne, le peuple français sera alors consulté. Ce n'est pas seulement le cas en France, c'est aussi le cas aussi en Autriche par exemple.
Q - Quelle est la position de la France aujourd'hui, c'est-à-dire la position de François Hollande à l'égard de la Turquie ? C'est oui, oui mais ? Il est favorable ou pas à l'entrée de la Turquie ?
R - La France avait dit oui à une perspective européenne pour la Turquie en 2005 et les négociations avaient commencé à l'époque. Nous disons aujourd'hui aux Turcs, s'ils souhaitent entrer dans l'Union européenne, qu'ils doivent respecter le «cahier des charges» européen. La Turquie doit réformer les règles en matière économique, par exemple pour davantage de transparence des marchés publics ; réformer la justice ; réformer la liberté de la presse et nous assurer que les valeurs de l'Europe soient partagées. Nous verrons, à l'issue de ces négociations qui dureront plusieurs années, si la Turquie est vraiment motivée par la perspective européenne et si les États européens se prononcent alors en faveur de son adhésion.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 29 janvier 2014
Q - Vous irez à Bruxelles pour des négociations avec les Russes. Évidemment, le coeur de l'affaire, c'est l'Ukraine. Considérez-vous, après la nuit qui vient de s'écouler, que la situation s'est un petit peu apaisée avec la fin de l'état d'urgence, l'évacuation éventuelle des bâtiments, et la non poursuite, ou en tout cas la libération d'un certain nombre de manifestants ? Y a-t-il moins de danger ce matin qu'il n'y en avait il y a 48 heures ?
R - Les réactions internationales, qui ont condamné l'excès de violence de la part des pouvoirs publics en Ukraine et appelé au dialogue, se sont traduites effectivement par une nuit plus apaisée. Ce qui va se passer aujourd'hui est très important. Pourquoi ? Parce qu'il y a une convocation de la Rada, le Parlement ukrainien, qui doit, nous l'espérons, revenir sur une dizaine de lois qui ont été adoptées dans l'urgence, le 16 janvier de cette année. Elles visaient à réprimer toutes les manifestations, à punir sévèrement celles et ceux qui descendent dans la rue, pour exprimer leurs souhaits sur les perspectives politiques de leur pays. Bref, nous espérons effectivement qu'aujourd'hui sera une journée qui marque un retour vers le dialogue.
Q - Mais l'opposition pro-européenne ne veut pas cogérer le pays avec Ianoukovitch. Considérez-vous que Catherine Ashton, au nom de l'Europe, va aller demander son départ, demain, officiellement ou est-ce que c'est cela le sujet qui est posé aujourd'hui ?
R - La proposition qui a été faite par M. Ianoukovitch à l'égard de l'opposition est considérée à Kiev comme une mesure dilatoire pour, en quelque sorte, faire exploser cette contestation dans la rue.
Q - Mais, est-ce qu'il faut qu'il parte, Ianoukovitch ?
R - Les opposants demandent à ce qu'il y ait des élections présidentielles anticipées. C'est le dialogue qui apportera la réponse, et Mme Ashton portera pour l'UE ce soir à Kiev cette demande de dialogue
Q - Mais la réunion d'aujourd'hui, c'est cela le sujet, c'est obtenir les élections anticipées.
R - Cela peut être un élément de cette discussion.
Q - C'est ce que vous allez demander aux Russes.
R - J'imagine que les présidents Barroso et Van Rompuy qui les reçoivent demanderont aux Russes de ne rien faire en termes d'ingérence, afin que les Ukrainiens choisissent librement leur avenir. On l'a vu, la décision qui a été prise par le pouvoir de ne pas signer l'accord d'association avec l'Union européenne n'a sans doute pas été prise totalement librement par M. Ianoukovitch.
Q - Considérez-vous que la parenthèse des Jeux Olympiques à Sotchi va permettre au pouvoir russe d'être un peu moins intransigeant sur ce domaine ? Est-ce que cette parenthèse peut être utile pour obtenir quelque chose ?
R - Le fait que l'ensemble des médias s'intéresse à la Russie, à cette partie du monde, est propice à ce que nous puissions trouver une solution politique en Ukraine. C'est la seule solution que nous devons porter les uns, les autres. C'est ce que je suis d'ailleurs allé dire moi-même aux opposants. Je suis allé sur la place Maidan rencontrer les manifestants. J'ai vu le Premier ministre ukrainien et je lui ai dit qu'il ne pourrait pas résoudre cette question par la violence, et que la communauté internationale, notamment l'Europe, sera très attentive à la façon dont il gérait la situation.
Il faut que nous trouvions les voies et moyens pour qu'un jour l'Ukraine soit arrimée au continent européen plus qu'elle ne l'est aujourd'hui. Pourquoi ? Parce qu'en arrière-plan il y a un enjeu économique majeur. L'Ukraine est un très grand pays, qui, un jour, pourra avoir davantage de relations commerciales avec l'Union européenne. C'est un marché, mais c'est aussi un espace de libertés aux frontières de l'Union européenne. Que veulent les gens qui manifestent dans la rue ? Un système politique démocratique au niveau des standards européens et une évolution de l'économie qui profite non pas à une minorité mais à l'ensemble...
Q - C'est la corruption qui est au coeur de tout cela...
R - Une oligarchie est à la tête de l'économie ukrainienne. Les chefs d'entreprise français que je rencontre me demandent quand il y aura des règles du jeu qui leur permettent de candidater et d'être choisis avec des règles transparentes. C'est un des enjeux de l'accord de libre-échange que l'Union européenne souhaite signer avec l'Ukraine.
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Q - Dernier point, à propos de la Turquie : ce référendum sur l'adhésion à l'Union européenne, proposé par François Hollande, qui aura lieu en France. On sait que ces questions ne se poseront pas avant 2017, 2018, 2019, 2020. Pourquoi proposer un référendum dont on sait très bien qu'il n'aura pas lieu ?
R - Je ne pense pas que vous puissiez dire qu'il n'aura pas lieu dans l'absolu. Ce sont les règles de l'Union européenne pour accueillir un nouveau pays : il faut l'unanimité des États membres qui se prononcent selon les règles qui leur sont propres. Si un jour la Turquie a fait les efforts nécessaires à son adhésion, les réformes structurelles lui permettant de pouvoir intégrer l'Union européenne, le peuple français sera alors consulté. Ce n'est pas seulement le cas en France, c'est aussi le cas aussi en Autriche par exemple.
Q - Quelle est la position de la France aujourd'hui, c'est-à-dire la position de François Hollande à l'égard de la Turquie ? C'est oui, oui mais ? Il est favorable ou pas à l'entrée de la Turquie ?
R - La France avait dit oui à une perspective européenne pour la Turquie en 2005 et les négociations avaient commencé à l'époque. Nous disons aujourd'hui aux Turcs, s'ils souhaitent entrer dans l'Union européenne, qu'ils doivent respecter le «cahier des charges» européen. La Turquie doit réformer les règles en matière économique, par exemple pour davantage de transparence des marchés publics ; réformer la justice ; réformer la liberté de la presse et nous assurer que les valeurs de l'Europe soient partagées. Nous verrons, à l'issue de ces négociations qui dureront plusieurs années, si la Turquie est vraiment motivée par la perspective européenne et si les États européens se prononcent alors en faveur de son adhésion.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 29 janvier 2014