Déclaration de Mme Héléne Conway-Mouret, ministre des français de l'étranger, sur les relations franco-canadiennes et sur les Français résidant à l'étranger, à Toronto le 4 février 2014.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Circonstance : Déplacement au Canada du 2 au 8 février-rencontre avec la communauté française, à Toronto le 4 février 2014

Texte intégral

Monsieur l'Ambassadeur,
Monsieur le Consul général,
Monsieur le Président de la Commission des lois de l'Assemblée nationale,
Mesdames et Messieurs les Élus,
Chers Amis,
(...)
Il faut avoir lu «La peau d'un lion», du grand Michael Ondaatje, pour comprendre le sentiment qui accompagne la découverte d'une ville aussi diverse, aussi multiple que Toronto.
À propos de cette métropole, où il vit depuis plusieurs décennies, Michael écrit : «Avant que la ville réelle puisse être perçue, elle a dû être imaginée, à la façon dont les rumeurs et les grands contes constituent une sorte de cartographie».
En vous rencontrant ce soir, j'ai à l'esprit que chacun de vous a de Toronto une cartographie personnelle, intime, qui suit les contours d'aspirations, d'espoirs, de cheminements qui vous sont propres.
Et pourtant, votre présence ici et dans les environs de la ville dessine une même géographie, très contemporaine, celle d'une France qui s'ouvre au monde, celle d'un pays qui démontre chaque jour un peu plus l'étendue de ses talents, et la légitimité de ses ambitions.
Certains jugeront peut-être la responsabilité lourde à porter, mais je crois que cela appelle plutôt de la fierté : ici, à Toronto, en Ontario, vous êtes la voix et les visages de la France. Je n'irai pas jusqu'à dire que vous êtes ses ambassadeurs, Philippe Zeller serait ravi de se voir ainsi démultiplié... vous n'êtes plus seul. En tout cas vous êtes autant de relais.
C'est pourquoi je suis heureuse d'être parmi vous. Les rencontres avec les Français de l'étranger sont toujours des moments privilégiés, chaleureux. Elles donnent à éprouver la solidité du lien national. Elles montrent combien les Français ont plaisir à se retrouver, loin, très loin parfois de leur pays.
Je trouve d'ailleurs dommage qu'un certain nombre de chroniqueurs et polémistes hexagonaux ne m'accompagnent pas dans mes déplacements... Ils verraient ici cette image d'une France énergique, enthousiaste, optimiste, qui épouse efficacement et intelligemment les dynamiques du monde.
C'est précisément cette image que vous offrez, vous, Français d'Ontario. Depuis que je suis arrivée au Canada dimanche, je rencontre des compatriotes confiants en l'avenir, conscients de leurs atouts et heureux de pouvoir les valoriser dans un pays avec lequel nous partageons tant de choses.
Si j'en crois la démographie de votre communauté, ces liens sont appelés à se renforcer encore dans les prochaines années, pour le plus grand bénéfice de nos deux pays.
Vous le constatez au quotidien, la communauté française en Ontario augmente de manière très régulière. Si le nombre des inscrits au consulat dépasse les 10.000, nous savons que vous êtes en réalité nettement plus nombreux, notamment à Toronto.
Vos itinéraires sont très variés. Certains d'entre vous ont fait leur vie ici, d'autres la débutent. Je pense en premier lieu aux jeunes qui viennent étudier dans l'une des nombreuses et prestigieuses universités que compte la ville. Leur nombre croit chaque année, comme celui des jeunes en VIE, ou bénéficiant du programme vacances-travail.
Je viens de m'entretenir avec certains d'entre eux. Je leur ai rappelé combien le gouvernement et le ministère des affaires étrangères sont résolus à soutenir ces initiatives qui offrent à notre jeunesse des opportunités exceptionnelles.
Certains de ces jeunes s'installeront durablement, à la faveur de rencontres qui auront changé le cours de leurs destins. Nombre d'entre vous ont ainsi fondé une famille franco-canadienne. Pour beaucoup - près des trois-quarts ! - vous bénéficiez de la double nationalité.
En ma qualité de ministre des Français de l'étranger, il m'importe de vous garantir un accompagnement et une attention de tous les instants. D'abord parce que notre diplomatie a toujours eu l'exigence de veiller aux intérêts et à la sécurité de tous les Français, où qu'ils se trouvent.
Ensuite, j'ai la ferme conviction, et elle est amplement partagée par le ministre des affaires étrangères, Laurent Fabius, par le Premier ministre, Jean-Marc Ayrault, et par l'ensemble du gouvernement, que la mobilité internationale des Français est une chance pour notre pays. Elle est certes une opportunité individuelle pour ceux qui tentent l'aventure, et j'en ai été vingt ans durant, à Dublin : mais elle est aussi une opportunité, qui profite collectivement à la France.
Vous Français de l'étranger vous repoussez les frontières de la France. C'est une conviction, et c'est un constat. Partout où un Français trouve sa place, développe des activités, fait vivre notre langue et notre création, c'est la France tout entière qui se trouve renforcée. À travers vous, notre pays rayonne. Il s'affirme comme «puissance globale» et comme «puissance repère», pour reprendre deux concepts chers à Laurent Fabius.
Cette manière de voir est assez neuve. Elle rejoint une préoccupation, celle de la diplomatie économique, qui consiste à activer tous les leviers susceptibles de renforcer les intérêts économiques de la France, sa compétitivité, son attractivité.
Cette exigence vous associe d'une certaine manière à l'effort de redressement de notre pays. Je vous invite d'ailleurs à dire et à redire à nos amis ontariens combien ils sont les bienvenus chez nous. Ils le seront toujours. Entrepreneurs, investisseurs, étudiants : tous ont de multiples opportunités à saisir en France. Dites-leur les atouts de nos infrastructures, de notre système de formation, de notre système de soin. Ils doivent savoir compter sur un gouvernement résolu à favoriser l'emploi et l'investissement en France, en simplifiant les procédures, en donnant de la visibilité fiscale et juridique. La détermination des pouvoirs publics est absolue en la matière, et vous en convaincre, c'est déjà convaincre à moitié vos interlocuteurs.
Lors de sa venue, en mars dernier, Jean-Marc Ayrault a insisté sur la nécessité de développer les investissements croisés entre nos deux pays. J'ai rencontré les représentants de la communauté d'affaires ce midi : je peux vous assurer qu'ils n'attendent que cela !
Ils peuvent compter sur le réseau diplomatique et consulaire pour les y aider. Sur les agences de l'État aussi, sur les conseillers du commerce extérieur. Je forme par ailleurs le voeu que la section locale de la chambre de commerce franco-canadienne puisse croître et trouve rapidement sa vitesse de croisière, afin d'apporter à nos entreprises l'appui nécessaire.
Rappelons-le : plus de 200 entreprises françaises sont installées en Ontario. Des grandes entreprises, mais aussi des PME, des entrepreneurs individuels, des artisans. À tous, nous devons offrir un même niveau de conseil et de service, pour qu'un écosystème dense et dynamique se développe. Les échanges entre nos deux pays en seront plus intenses.
Les liens de la France et du Canada ne se limitent toutefois pas à la seule dimension économique, loin s'en faut ! Ils sont historiques, culturels, linguistiques. Affectifs aussi, et les associations présentes ce soir en témoigneront, je crois, mieux que quiconque. Quand on est ancien combattant, programmateur culturel, parent d'élève, lorsqu'on consacre ses jours, et parfois ses nuits, à faire vivre la France dans une métropole aussi riche et dynamique que Toronto, il faut beaucoup de passion, il faut beaucoup d'amour. Pour vous féliciter, et en guise de remerciement, permettez-moi de vous dédier ce beau mots de Dany Laferrière : «Ceux qui aiment ont toujours raison».
C'est vrai. Et cela crée des obligations à votre endroit. C'est pourquoi mon ministère s'attache à simplifier votre quotidien, à comprendre vos besoins et à essayer d'y répondre.
Permettez-moi de vous en convaincre, à l'aide de deux exemples concrets.
Le premier, c'est celui de l'adaptation de notre réseau consulaire. Je sais combien vos attentes sont grandes en la matière. C'est pourquoi j'ai engagé un programme de modernisation de nos consulats, en cohérence avec le « choc de simplification » souhaité par le président de la République et mis en oeuvre par le gouvernement.
Puisqu'il est question d'affaires consulaires, je tiens à saluer le remarquable travail effectué par le consulat général de Toronto pour favoriser l'intégration de nos compatriotes au marché du travail ontarien. Il le fait en étroit partenariat avec l'agence du Rdée, que je visiterai demain, et qui contribue notablement au dynamisme et à la cohésion de votre communauté.
Deuxième exemple concret de mesures utiles, et j'en finirai là : la réforme de votre représentation politique.
Outre les 23 parlementaires siégeant au Sénat et à l'Assemblée nationale aujourd'hui, des conseillers consulaires relaieront bientôt vos aspirations, vos attentes et vos questionnements auprès des services de l'État. Ils siègeront pour certains dans la future et nouvelle assemblée des Français de l'étranger.
Vous élirez vos conseillers consulaires le samedi 24 mai prochain, soit au même moment que les élections européennes : deux échéances qui influeront grandement sur votre quotidien de Français expatrié et d'Européen.
Ce sont des élections d'importance, je vous incite à exprimer votre vote.
Le moment est venu pour moi de conclure. Au sein de vos entreprises, au sein des services de l'État, vous donnez corps et âme à la France. Et que dire du travail, remarquable, des équipes du Lycée français de Toronto, des personnels de l'Alliance française - on vient de me rappeler qu'il s'agit de la deuxième d'Amérique du nord, et elle continue de s'agrandir ! : ils donnent à notre culture, à notre langue, à notre pensée, un fabuleux pouvoir d'attraction. C'est précieux dans une ville aussi cosmopolite que Toronto, où convergent les peuples du monde.
J'ai d'ailleurs appris que Toronto, en Huron, signifiait «le lieu de rencontre». Je comprends dès lors mieux pourquoi tant de Français se sentent bien ici, au point de s'y installer. Ils savent qu'ils pourront être eux-mêmes, et qu'ils seront respectés, appréciés pour ce qu'ils sont.
Voilà de quoi resserrer un peu plus l'amitié pluriséculaire qui lie la France et l'Ontario. L'année 2015 célébrera d'ailleurs cette relation singulière avec éclat : c'est en effet la date qu'a choisie l'Ontario pour commémorer la venue de Samuel de Champlain sur les rives de ses lacs, et le début du «fait français» dans la région.
Jean-Marc Ayrault a émis le souhait que la France s'associe à ces célébrations et je m'en suis entretenue tout à l'heure avec la ministre Madeleine Meilleur.
Il y a fort à parier que ces célébrations vous conforteront dans la certitude d'avoir trouvé ici, en Ontario, une terre dont on peut attendre beaucoup, et à laquelle il convient, je pense, de donner autant.
Vive l'amitié franco-canadienne, vive la République et vive la France !
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 13 février 2014