Déclaration de M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères, sur la situation en Centrafrique, les relations franco-danoises et sur la question climatique, à Paris le 14 février 2014.

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Circonstance : Conférence de presse conjointe avec son homologue danois, à Paris le 14 février 2014

Texte intégral

- République centrafricaine -
Q - Pour la République centrafricaine où la situation est assez alarmante, M. Ban Ki-moon a réclamé, en particulier à la France, des troupes supplémentaires. Plusieurs ONG se sont alarmées de l'exode massif des musulmans et des massacres qui concernent les enfants. Il y a eu ce matin un conseil restreint de défense et M. Deby est à Paris. Est-ce que des choses nouvelles sont en cours concernant la Centrafrique ?
R - La situation est effectivement préoccupante en Centrafrique. Le ministre de la défense s'y est rendu ainsi que dans d'autre pays voisins. J'ai aussi pu rencontrer la présidente, Mme Samba Panza, qui est une femme remarquable. Un certain nombre d'évolutions se sont produites ces derniers jours. Le secrétaire général des Nations unies nous a lancé un appel. Un conseil de défense s'est également tenu ce matin. Il a permis de définir la position de la France par rapport à ces évènements. Le président de la République a pris un certain nombre de décisions.

Q - Par rapport à la RCA, selon Amnesty international et aussi l'envoyé de l'ONU, les forces françaises et africaines sur place ne sont pas suffisantes. Est-ce que l'on attend maintenant les forces européennes pour venir en renfort ou espère-t-on améliorer la situation ?
R - La France a été la première, il y a déjà quelque mois, à appeler l'attention de la communauté internationale sur la situation en Centrafrique. Nous avons demandé aux Nations unies de prendre les décisions nécessaires pour qu'il puisse y avoir intervention. Le lendemain où cette autorisation a été donnée, la France est intervenue aux côtés des forces africaines de la MISCA. Tout le monde reconnaît que si la France n'était pas intervenue, un véritable massacre de masse aurait été commis. Même les Nations unies ont parlé d'une situation pré-génocidaire. Tout le monde rend hommage au travail qui a été effectué par les Africains et par la France pour intervenir.
La situation est très difficile sur le plan humanitaire et il va falloir aussi préparer la transition démocratique. Nous nous sommes entretenus ces derniers jours avec le secrétaire général des Nations unies. Ce dernier a souhaité que des efforts supplémentaires soient faits. Ainsi l'Europe a décidé d'intervenir. Un travail de génération de forces est actuellement en cours, qui demande à chaque pays d'évaluer combien de troupes ou quel appui il peut apporter. D'ores et déjà, quelques pays ont annoncé des contributions. Ainsi nos amis polonais ont annoncé qu'ils enverraient 150 hommes. Nous parlons au final d'une contribution de plusieurs centaines d'hommes. D'autres contributions devront être apportées sous des formes logistique et matérielle.
S'agissant de la MISCA, les troupes africaines sont déjà très nombreuses (près de 6.000 hommes) mais elles ont des difficultés de transport. Des efforts supplémentaires peuvent être faits. On compte également des problèmes à régler. Ainsi les salaires ne sont pas payés et les pays voisins ont pris un certain nombre d'engagements. Le FMI et la Banque mondiale peuvent aussi intervenir. Il y aussi le renfoncement du BINUCA, le bureau des Nations unies, qui s'occupe de tous ces problèmes et qui doit renforcer sa présence très rapidement. Des sanctions doivent aussi être prises, et cela demande l'intervention des Nations unies.
Le président de la République a appelé, hier, M. Ban Ki-moon. Le conseil de défense restreint qui s'est tenu ce matin a rappelé la position de la France et ce qui est nécessaire pour que la situation s'améliore de manière très urgente.
(...).


- Danemark -
J'ai été extrêmement heureux d'accueillir le ministre des affaires étrangères du Royaume du Danemark. J'ai aussi été très honoré que le ministre ait réservé sa première visite européenne à Paris, pour une réunion à la fois très utile et très agréable.
Le Danemark est un ami et un allié majeur de la France, et les faits le montrent. Il a été l'un des tout premiers alliés à apporter un soutien à l'opération Serval au Mali. Il s'implique fortement sur le plan humanitaire, sur le plan du développement, à la fois au Mali et, d'une autre façon, en Centrafrique.
Avec le Danemark, la France partage des valeurs fondamentales mais, plus encore, le Danemark et la France partagent la même détermination à faire prévaloir ces valeurs par des choix courageux. Je crois que, quand on parle du Danemark, c'est le mot «courage» qui vient immédiatement à l'esprit. J'en veux pour preuve, l'été dernier, notre dialogue sur la réponse à apporter à l'usage d'armes chimiques par le régime de Bachar Al-Assad.
Nos ministères connaissent bien la profondeur de nos liens et c'est d'une véritable fraternité d'armes dont on peut parler.
Les relations avec le Danemark ne se limitent pas aux questions internationales et aux questions militaires. Le Danemark, à beaucoup d'égards, est un laboratoire du futur. Il met en oeuvre des politiques innovantes dans beaucoup de domaines : l'environnement, l'énergie, les transports, et les entreprises françaises y prennent leur part et souhaitent y prendre une part encore plus importante.
Le Danemark est également - c'est davantage connu - un pays d'innovation en matière de politique sociale et nous voulons que l'Europe, dont nous avons parlé, progresse dans ce domaine.
Et puis, M. Lidegaard est un spécialiste des politiques en matière de climat, d'environnement et d'énergie. Sa contribution, désormais comme ministre des affaires étrangères, sera précieuse puisque vous savez que la France accueillera, en 2015, la conférence sur le climat. Je compte sur vous-même, Cher Collègue, pour nous aider à parvenir au succès que nous espérons tous.
Voilà, Mon Cher Martin, nous avons beaucoup de travail à faire ensemble et je suis très heureux de m'y atteler avec vous, à la fois pour le bien de la France, du Danemark et de l'Union européenne.
(...).


- Climat -
Q - Lors du voyage du président Hollande aux États-Unis il a été évoqué un effort sur le climat en vue de la Conférence de Paris 2015. J'aimerais bien vous demander si vous pouvez approfondir cette déclaration ?
R - Je voudrais dire que je suis complétement d'accord avec ce que vient de déclarer mon collègue et ami. C'est un enjeu absolument décisif puisque cela conditionne la survie de l'humanité. Pour arriver à un résultat positif à la fin de 2015 nous avons à prendre, rapidement, des décisions. En ce qui concerne l'Europe nous avons un Conseil européen au mois de mars qui a mis à son agenda l'examen des propositions de M. Barroso. Nous sommes très favorables à l'adoption, dès le mois de mars, de décisions européennes qui permettront ensuite à l'Europe d'être convaincante lorsqu'il s'agira de demander aux États-Unis, à la Chine, à l'Inde et à d'autres pays d'effectuer chacun sa part du chemin avec des décisions qui nous engagent tous. Nous comptons sur l'expérience danoise qui a, en matière d'énergie et d'environnement, réalisé de grandes choses pour ainsi travailler ensemble et préparer ce que nous espérons être le succès de l'année prochaine. Comme mon collègue et ami a une grande expérience de ces questions - le Danemark est en avance sur ces points et il était jusqu'à ces derniers jours ministre de l'environnement - je compte bien m'appuyer sur lui pour parvenir à un bon résultat.

Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 19 février 2014