Texte intégral
JEAN-JACQUES BOURDIN
Aurélie FILIPPETTI, bonjour.
AURELIE FILIPPETTI
Bonjour.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ministre de la Culture et de la Communication. Le président de la République est aux Etats-Unis, il sera aujourd'hui dans la Silicon Valley, il va rencontrer des entrepreneurs américains et français, d'ailleurs, qui travaillent dans le domaine des nouvelles technologies notamment. Parlons des géants d'Internet, parlons-en, est-il vrai que le président de la République va évoquer une forme d'harmonisation fiscale entre les Etats-Unis et la France ?
AURELIE FILIPPETTI
Pas seulement entre les Etats-Unis et la France, il y a un problème pour en fait tous les pays, y compris tous les pays européens, en matière de fiscalité de ces géants du Net, mais c'est un problème aussi pour les Etats-Unis.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Les GOOGLE, YAHOO, les AMAZON, il y en a tant.
AURELIE FILIPPETTI
On sait par exemple, aux Etats-Unis, les Etats américains ont dû prendre des mesures spécifiques pour que AMAZON paye enfin des impôts équivalents à l'impôt sur les sociétés dans chacun des Etats. En Grande-Bretagne, le Parlement britannique mène une enquête sur justement l'évasion fiscale qu'organiserait AMAZON. En Allemagne il y a des inquiétudes similaires, à la fois sur le réseau des librairies physiques, en Allemagne, et puis la concurrence fiscale déloyale menée par AMAZON. On a cherché, par exemple sur la presse, à trouver le moyen de faire payer, par GOOGLE, finalement la valeur ajoutée qu'ils vont chercher sur les sites des éditeurs de presse et qu'ils mettent dans leurs sites d'actualité qui sont constamment mis à jour, puisque ces articles-là, ces informations, ils vont bien les chercher sur les sites d'éditeurs de presse, donc il faut qu'ils les payent quelque part. Donc on a, en France, trouvé un accord avec GOOGLE, ils vont payer 60 millions d'euros à un fonds qui permettra ensuite d'investir dans la modernisation, notamment numérique, des éditeurs de presse.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Une fois 60 millions d'euros, ou ?
AURELIE FILIPPETTI
Non, c'est 60 millions d'euros sur 3 ans.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Sur 3 ans.
AURELIE FILIPPETTI
Il y a des dossiers qui sont déposés, par les journaux, par les titres, et il y a une commission qui se réunit et qui choisit les dossiers qui peuvent être alimentés par ce fond.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors, j'ai des questions très précises, allez-vous taxer ces géants d'Internet ?
AURELIE FILIPPETTI
Il faut les d'abord il faut les taxer parce qu'ils doivent payer l'impôt comme toutes les sociétés, ce n'est pas normal voyez, le président de la République est allé chez vente-privee.com, qui est une entreprise française.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Je sais, oui, j'ai reçu son patron.
AURELIE FILIPPETTI
Voilà, cette entreprise-là elle paye à elle seule plus d'impôt sur les sociétés, etc., que l'ensemble des géants de l'Internet qui sont présents en France, ce n'est pas normal, on voit bien qu'il y a un problème. Le problème c'est que, eux, font évidemment de l'optimisation fiscale.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Eh bien oui, de l'optimisation, ils sont en Irlande, par exemple, pour payer moins d'impôts.
AURELIE FILIPPETTI
Ils sont en Irlande, ils sont au Luxembourg, enfin ils vont là où en fait ils peuvent payer le moins d'impôts.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors comment leur faire payer plus d'impôts ?
AURELIE FILIPPETTI
Alors, il y a plusieurs solutions. D'abord, à partir de 2015, au sein de l'Union Européenne, la TVA va être payée dans le pays du consommateur, celui qui achète le produit, ce qui semble logique, puisqu'aujourd'hui ce n'est pas le cas, si votre siège est au Luxembourg, eh bien la TVA elle va être payée au Luxembourg, déjà ça va changer à partir de 2015. Et puis en matière d'impôt sur les sociétés, il y a tout un travail qui est fait avec l'OCDE, avec les parlementaires français évidemment, sur la notion un peu technique d'établissement virtuel stable, c'est-à-dire en gros ce n'est pas parce que vous êtes dans l'univers numérique que vous n'êtes pas une entreprise qui fait des bénéfices et que vous ne devez pas payer d'impôt, et qu'il faut trouver le moyen, la base. Evidemment, pour ça, il faut un accord international, et c'est pour ça que le fait que le président de la République soit aux Etats-Unis, en parle avec l'Administration américaine, et en parle aussi avec les présidents, les patrons de ces grandes entreprises, est important.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Il y aura une loi ou pas ? Non, ce sont des amendements qui seront
AURELIE FILIPPETTI
Non mais ça, tout ce qui concerne l'impôt sur les sociétés, etc., c'est en loi de Finances, bien sûr.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Les amendements seront déposés par des députés socialistes, je le sais
AURELIE FILIPPETTI
Les amendements, voilà, c'est ça. Maintenant, ça c'est pour l'impôt, maintenant il y a un certain nombre de régulations qu'on peut mettre en place en dehors de l'impôt, par exemple pour AMAZON, moi ce que j'ai fait voter aujourd'hui
JEAN-JACQUES BOURDIN
« Tout le monde en a assez d'AMAZON », je me souviens ce que vous avez dit !
AURELIE FILIPPETTI
Mais oui, mais d'ailleurs la proposition de loi elle a été votée à l'unanimité, droite/gauche, pour empêcher AMAZON de faire une concurrence déloyale sur les frais d'expédition des livres, concurrence déloyale vis-à-vis des libraires, des libraires indépendants, des libraires physiques, qui souffrent, et dont on a besoin dans chacune de nos villes.
JEAN-JACQUES BOURDIN
La loi a été votée, elle sera appliquée quand, parce que AMAZON continue à proposer les -5 ?
AURELIE FILIPPETTI
Pour l'instant elle a été votée à l'Assemblée, et maintenant elle va partir au Sénat
JEAN-JACQUES BOURDIN
Elle sera promulguée quand ?
AURELIE FILIPPETTI
Et donc voilà, ça prend un petit peu de temps. Il faut aussi qu'on notifie à Bruxelles, que Bruxelles nous donne l'autorisation
JEAN-JACQUES BOURDIN
Il y en a pour 1 an encore !
AURELIE FILIPPETTI
Ça prendra quelques mois, voilà.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Encore quelques mois, bon !
AURELIE FILIPPETTI
Mais oui, mais au moins on l'a fait votée et à l'unanimité, ce qui est très très important.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Est-il vrai que GOOGLE a écopé d'un redressement fiscal d'1 milliard d'euros, c'est vrai ou pas ?
AURELIE FILIPPETTI
Alors moi je ne suis pas ministre du Budget, même si j'étais ministre du Budget je ne pourrai pas vous le dire puisque c'est le secret fiscal, donc, en l'occurrence, j'ai entendu comme vous cette information, qui effectivement ne m'étonnerait pas.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Est-il vrai que d'autres grands du Net sont en procédure fiscale, si je puis dire ?
AURELIE FILIPPETTI
Mais c'est normal qu'il y ait des procédures fiscales, puisque justement on sait bien que ces entreprises font de l'optimisation
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc vous confirmez ?
AURELIE FILIPPETTI
Et que ce soit, là encore, que ce soit la droite ou la gauche, à l'Assemblée ou au Sénat, il y a une grande vigilance de l'ensemble des parlementaires sur ces questions-là, il faut qu'on arrive à trouver des solutions, tout simplement pour rétablir une juste concurrence entre ces géants du Net et les autres entreprises. Maintenant, la spécificité de ces entreprises-là, c'est qu'elles utilisent aussi des contenus culturels, elles font circuler, je vous ai parlé d'articles de presse, mais c'est aussi de la musique, des films, etc., et c'est normal que, donc, ils participent au financement de la création, ça c'est ce qu'on appelle l'exception culturelle. En France ça marche d'après l'après-guerre
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc là, c'est une façon de les taxer.
AURELIE FILIPPETTI
Non, ce n'est pas une façon de les taxer, parce que ça ne va pas dans les caisses de l'Etat.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui j'ai compris, ça ne va pas dans les caisses de l'Etat.
AURELIE FILIPPETTI
Voyez, par exemple
JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est reversé, j'ai compris
AURELIE FILIPPETTI
Les chaînes de télé, elles participent au financement des films, parce qu'ensuite après elles vont les diffuser, c'est une forme de mécanisme comme ça qu'il faut mettre en place sur ces sociétés du numérique.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Aurélie FILIPPETTI, le 19 janvier 2012 oui, qu'est-ce que vous voulez dire ? Vous aviez envie de dire quelque chose encore, oui.
AURELIE FILIPPETTI
Parce que l'exception culturelle ça fait partie des grands principes que le président de la République a rappelé hier aux Etats-Unis, parce que nous avons, dans le cadre de l'accord de libre échange, qui est négocié en ce moment avec les Etats-Unis, nous avons réaffirmé le principe de l'exception culturelle. Ça veut dire qu'on doit pouvoir avoir ce mécanisme de régulation et le libre échange, le commerce sans contrainte, ça doit quand même avoir certaines limites en matière de produits culturels et audiovisuels.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Bien. Aurélie FILIPPETTI, le 19 janvier 2012, à Nantes, discours de François HOLLANDE, je l'ai le discours, « je m'engage à sanctuariser le budget de la culture. » 2013, -4% le budget de la culture, 2014 -2% et 2015, moins combien ?
AURELIE FILIPPETTI
Voyez, c'est -4, -2, donc
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc quoi, 0 ?
AURELIE FILIPPETTI
J'espère que
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous espérez ou vous êtes certaine ?
AURELIE FILIPPETTI
On a commencé à travailler
JEAN-JACQUES BOURDIN
Je sais.
AURELIE FILIPPETTI
Avec Bernard CAZENEUVE. On travaille très bien
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous avez même rencontré le ministre du Budget lundi.
AURELIE FILIPPETTI
Lundi, vous savez tout, comme tous les ministres d'ailleurs !
JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est mon métier.
AURELIE FILIPPETTI
Et donc on a commencé à bien travailler, et il y a, de la part de Bernard CAZENEUVE, de ses équipes, une écoute, et puis ils savent très bien que le ministère de la Culture a participé, et c'est normal
JEAN-JACQUES BOURDIN
Est-ce que vous dites ce matin, « nous avons participé, maintenant ça suffit, on ne touche plus au budget » ?
AURELIE FILIPPETTI
Mais je ne vais pas faire d'ultimatum, je n'ai pas besoin de faire d'ultimatum
JEAN-JACQUES BOURDIN
Non, d'accord
AURELIE FILIPPETTI
Puisqu'il y a un dialogue et un travail qui se passe très bien avec Bernard CAZENEUVE
JEAN-JACQUES BOURDIN
Et c'est ce que vous demandez ?
AURELIE FILIPPETTI
Et qui va prendre 3 mois, puisque ça fini en avril.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais c'est ce que vous demandez ?
AURELIE FILIPPETTI
Je souhaite avoir, évidemment, un budget qui permette au ministère de la Culture de continuer à assumer ses missions.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Non mais ça, ça ne veut rien dire, le même, le même qu'en 2014 ?
AURELIE FILIPPETTI
Le meilleur budget possible.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous êtes extraordinaire. Le meilleur, je souhaite avoir un budget qui me permette de continuer je vous demande si vous souhaitez, si vous dites il ne faut pas toucher au ministère de la Culture ?
AURELIE FILIPPETTI
Jean-Jacques BOURDIN, moi je ne suis pas comme Pierre GATTAZ
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ah bon ?
AURELIE FILIPPETTI
Donc je ne vais pas mettre d'ultimatum, ni être désagréable, avec Bernard CAZENEUVE, avec qui je suis en négociation
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ça vous avez tout intérêt remarquez
AURELIE FILIPPETTI
Je discute, on travaille, et sincèrement il y a une très très bonne écoute, et là, tout à fait sérieusement, Bernard CAZENEUVE sait que le ministère de la Culture a fait des efforts, et pourquoi j'ai pu faire ces efforts, parce que j'ai arrêté, je suis sortie de la logique de faire toujours plus de dépenses somptuaires, des grands travaux qui n'étaient plus justifiés, et qui du coup grevaient le budget de l'Etat. Donc pendant 2 ans j'ai pu arrêter ces grands travaux, maintenant je ne peux plus les arrêter.
JEAN-JACQUES BOURDIN
On est d'accord
AURELIE FILIPPETTI
Je vous ai répondu.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Maintenant que vous avez de l'économie de tous les côtés, on a baissé le budget de la Culture depuis 2 ans
AURELIE FILIPPETTI
J'ai restructuré le budget de la Culture.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous l'avez restructuré, donc maintenant est-ce que vous dites à Bernard CAZENEUVE, terminé, on ne touche plus au budget de la Culture ?
AURELIE FILIPPETTI
Je dis à Bernard CAZENEUVE, voilà ce qui a été fait par le ministère de la Culture, c'est, vous l'avez dit, 4% en 2013, 2% 2014
JEAN-JACQUES BOURDIN
Maintenant ça suffit.
AURELIE FILIPPETTI
La Culture ce n'est pas seulement de la dépense, ça rapporte à la France, puisque ça représente 3,2% du Produit Intérieur Brut.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous avez des arguments, Aurélie FILIPPETTI.
AURELIE FILIPPETTI
Vous savez que c'est autant que l'agriculture et les industries agroalimentaires.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais c'est pour ça, vous avez des arguments.
AURELIE FILIPPETTI
C'est bien ce que je fais valoir.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc est-ce que vous dites ce matin, on ne touche plus au budget de la Culture ?
AURELIE FILIPPETTI
Mais, encore une fois, je souhaite que le budget de la Culture permette à la France de continuer à tenir son rang qui est, franchement, un rang d'excellence et sans doute
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ça c'est un artifice, non
AURELIE FILIPPETTI
On est le premier pays touristique au monde
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ce n'est pas un artifice dans votre réponse ?
AURELIE FILIPPETTI
Et ce n'est sans doute pas pour rien.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Moins de 1% du budget de l'Etat, la Culture.
AURELIE FILIPPETTI
Oui, c'est vrai.
JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est à déplorer, non ?
AURELIE FILIPPETTI
C'est peu au regard du rayonnement que nous donne la culture partout dans le monde.
JEAN-JACQUES BOURDIN
On ne va pas vous rogner votre budget encore, Aurélie FILIPPETTI !
AURELIE FILIPPETTI
Je l'espère bien, mais je vous remercie de le défendre avec moi.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Je ne le défends pas, je vous dis ça
AURELIE FILIPPETTI
Si si, vous le défendez là
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, je vous le défends.
AURELIE FILIPPETTI
Je vous comprends en même temps, parce que c'est la culture et l'audiovisuel.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Il paraît que Bernard CAZENEUVE, plus il parle doucement, plus sa voix est basse, et plus il taille dans vos budgets, c'est vrai ça ? Ce n'est pas moi qui le dit ça, c'est un socialiste qui le dit.
AURELIE FILIPPETTI
Non non, mais il avait une très bonne voix en tout cas quand nous avons discuté.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ah bon d'accord !
AURELIE FILIPPETTI
Et Bernard CAZENEUVE est un homme de culture, qui aime aussi le théâtre, l'opéra
JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors, vous allez me dire si c'est vrai ou faux. Fermer une aile du Louvre, c'est envisagé ou pas ?
AURELIE FILIPPETTI
Non, pas du tout, au contraire on va ouvrir en 2017, enfin on va réorganiser le Louvre pour avoir une aile qui soit consacrée à l'éducation artistique et culturelle, parce que même si j'ai arrêté un certain nombre de grands travaux qui étaient inutiles, j'ai augmenté, en revanche, de 25% les crédits qui permettent de financer des actions à destination des enfants, ça va permettre, dans toute la France, de financer 1000 projets supplémentaires par an.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Supprimer l'une des chaînes télé du service public, c'est vrai ou pas ?
AURELIE FILIPPETTI
Est-ce que vous aimeriez me faire dire cela ?
JEAN-JACQUES BOURDIN
Non, mais je vous pose la question, j'entends ça de tous les côtés.
AURELIE FILIPPETTI
Il n'y aurait pas plus de publicité pour BFM TV.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Faites de la publicité pour BFM TV, reconnaissez que c'est une chaîne de grande qualité.
AURELIE FILIPPETTI
Vous savez que j'ai toujours reconnu la qualité de la diversité du paysage audiovisuel français, que ce soit public ou privé, parce que notre paysage
JEAN-JACQUES BOURDIN
Une vraie diversité, équilibrée, on est bien d'accord ?
AURELIE FILIPPETTI
Il est riche de cette diversité justement, donc on a besoin de ça.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Une vraie diversité équilibrée, dans le paysage audiovisuel.
AURELIE FILIPPETTI
Equilibrée. Et d'ailleurs, dans les missions nouvelles que j'ai confiées au CSA, l'année dernière, il y a justement la nécessité pour le CSA de faire des études d'impact économique, c'est-à-dire de justifier ses décisions par une analyse de l'ensemble du paysage économique audiovisuel. Ça veut dire que, en gros, demain, si on nous disait il faut attribuer de nouveaux canaux, de nouvelles fréquences pour de nouvelles chaînes, le CSA serait obligé de regarder
JEAN-JACQUES BOURDIN
De justifier économiquement.
AURELIE FILIPPETTI
Voilà, de regarder si ça ne va pas perturber excessivement le paysage audiovisuel existant.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Et si ça perturbe ?
AURELIE FILIPPETTI
A ce moment-là ils doivent prendre les décisions en conséquence, ils nourrissent leurs décisions des études d'impact, voilà, c'est très important.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ça on est d'accord.
AURELIE FILIPPETTI
Parce que jusqu'à présent ça n'existait pas, donc le CSA pouvait prendre une décision sans qu'on ait une analyse économique précise de ses conséquences.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Bien. Aurélie FILIPPETTI, votre budget s'inscrit évidemment dans le budget global de l'Etat, ça va être difficile parce que les rentrées fiscales sont mauvaises, notamment les rentrées de TVA, vous le savez, vous aussi. Le Pacte de responsabilité, alors vous avez entendu Pierre GATTAZ, est-ce que ça vous choque que Pierre GATTAZ fasse cette sortie sur « pas de contraintes, pas de contreparties », aux Etats-Unis ?
AURELIE FILIPPETTI
D'abord, effectivement, qu'il le fasse aux Etats-Unis, ce n'est franchement pas très respectueux, parce qu'on est dans un débat en France, le dialogue social c'est la priorité du gouvernement, et donc c'est en France que doivent s'exprimer un certain nombre d'opinions. Et puis la deuxième chose c'est que, un pacte, il faut être deux pour faire un pacte, et donc on en appelle à la responsabilité justement des uns et des autres, donc il faut que, évidemment, les entreprises fassent des contreparties à des allégements de charges extrêmement importants qui vont leur être consentis.
JEAN-JACQUES BOURDIN
« C'est un oukase » a dit le Premier ministre Jean-Marc AYRAULT, vous êtes d'accord ?
AURELIE FILIPPETTI
Evidemment je suis d'accord avec le Premier ministre, bien sûr.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, vous n'allez pas me dire le contraire.
AURELIE FILIPPETTI
Non, mais je trouve ça extrêmement malhabile, maladroit, et malvenu.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Est-ce que vous avez vu, quand même, que dans le cadre de ce Pacte de responsabilité, les fameux 50 milliards d'euros à trouver qu'on n'a pas, que l'Etat n'a pas, sur 3 ans
AURELIE FILIPPETTI
Oui.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, l'Etat ne les a pas, la Cour des comptes insiste et invite François HOLLANDE à réduire les dépenses sociales. Est-ce que vous la Cour des comptes a raison ?
AURELIE FILIPPETTI
La Cour des comptes elle fait un certain nombre d'analyses, le rôle de la Cour des comptes c'est d'analyser les budgets, leur exécution, de contrôler aussi le fait qu'il n'y ait pas une mauvaise utilisation de l'argent public, maintenant ils font aussi des analyses plus d'opportunité qui rentrent moins dans les rôles que leur donne la Constitution, mais bon, on peut prendre ces analyses, elles font partie du débat public, en même temps ce ne sont pas les solutions que propose le gouvernement, et ça encore
JEAN-JACQUES BOURDIN
On ne réduira pas les dépenses sociales ?
AURELIE FILIPPETTI
Il n'y a aucune décision qui est prise pour le moment, et évidemment, de toute façon, les décisions
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous êtes contre, vous, toute réduction je ne parle pas à la ministre, je parle à l'élue, je parle à la politique qui connaît le terrain depuis plusieurs années, qui maîtrise ces questions-là, est-ce que vous êtes contre toute réduction des dépenses sociales ?
AURELIE FILIPPETTI
Ça dépend ce qu'on appelle les dépenses sociales. Si c'est dire on utilise plus de médicaments génériques pour réduire les coûts pour la Sécu, bien sûr on est pour, si c'est dire on réduit l'indemnisation des chômeurs, dans une période de crise, où justement le chômage est important, là le gouvernement a tranché, Michel SAPIN l'a dit, ce n'est pas dans une période de crise qu'on va diminuer l'indemnisation des chômeurs.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Non, mais on sait par exemple que beaucoup de dépenses sociales, d'aides sociales, sont indexées sur le coût de la vie, est-ce qu'il faut revenir sur cette indexation par exemple ?
AURELIE FILIPPETTI
Les solutions elles seront examinées, il y a un Conseil stratégique de la dépense publique, et je dirais le ministère de la Culture n'en fait pas partie, mais en tout cas elles seront examinées, et surtout elles seront discutées, parce qu'on le fait dans la discussion avec l'ensemble des partenaires sociaux.
JEAN-JACQUES BOURDIN
« Tous à poil ! », attendez, « Tous à poil ! », j'ai le livre
AURELIE FILIPPETTI
Vous avez l'objet du délit.
JEAN-JACQUES BOURDIN
J'ai l'objet du délit, « Tous à poil ! »
AURELIE FILIPPETTI
Ecoutez, regardez, faites-vous votre opinion Jean-Jacques BOURDIN.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Marc DANIAU « A poil le bébé », « A poil la baby-sitter », « A poil les voisins »
AURELIE FILIPPETTI
En fait Jean-François COPE a fait beaucoup de publicité à ce livre, qui se retrouve maintenant en tête des ventes.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Sur AMAZON.
AURELIE FILIPPETTI
Sur justement l'entreprise dont on parlait tout à l'heure, mais en l'occurrence, vraiment, les attaques contre la littérature jeunesse, puisque c'est de ça dont il est question, sont vraiment scandaleuses et totalement, même, ridicules.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Il s'est ridiculisé Jean-francois COPE ?
AURELIE FILIPPETTI
Je crois qu'il s'est ridiculisé, oui, parce que moi j'invite évidemment tous les téléspectateurs à juger par eux-mêmes, mais franchement on ne peut pas faire de livres pour enfants, comme ça, de l'utilisation idéologique telle qu'ils la font, c'est de l'instrumentalisation des enfants, c'est de l'instrumentalisation de l'attention que nous portons tous à nos enfants, et ces livres sont dans des bibliothèques, les parents
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais pourquoi selon vous, quel est l'objectif ?
AURELIE FILIPPETTI
L'objectif des livres pour enfants en plus, c'est évidemment qu'ils soient lus avec les parents, donc puisque monsieur COPE et certains disent qu'il faut rétablir l'autorité parentale, nous on fait confiance à l'autorité parentale, c'est les parents qui, évidemment, lisent les livres avec les enfants, et qui leur expliquent, et qui en rient et en sourient, parce que ce sont des livres amusants. Donc, de grâce, laissons un peu de place à l'humour dans cette société.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Et que dites-vous à toutes celles et ceux qui appellent les bibliothèques, qui appellent les mairies, et qui essaient de pousser, les uns et les autres, à retirer certains livres des rayons des bibliothèques municipales par exemple ?
AURELIE FILIPPETTI
C'est une dérive idéologique gravissime. La bibliothèque c'est un lieu d'expression, justement de cet idéal d'accès au savoir, qu'on a en France, qui est un des piliers de la République, c'est là où se constituent aussi les esprits des jeunes citoyens, c'est là où on va découvrir de la littérature, et aussi, évidemment, où on va aller à la rencontre d'univers inconnus. Un livre c'est toujours une aventure, et les bibliothèques ce sont des espaces de liberté, avec des très bons professionnels, les bibliothécaires, qui font très bien leur travail, dans l'intérêt de tous, et donc de grâce pas de récupération politicienne de ces lieux qui sont des lieux
JEAN-JACQUES BOURDIN
Pourquoi, il y a récupération politicienne selon vous, mais c'est quoi ? Mais Jean-François COPE, quel est l'objectif de Jean-François COPE selon vous ?
AURELIE FILIPPETTI
Je pense qu'il veut surfer sur la vague réactionnaire qui s'est exprimée dans certaines manifestations encore récemment, il veut tenter d'en faire un bénéfice politique, je pense qu'en plus c'est une erreur politique grave. Je pense, au fond, et c'est ça qui peut-être me rassure, mais quoi que, je pense que monsieur COPE ne croit même pas à ce qu'il dit, en tout cas je ne peux pas l'envisager, de la part d'un responsable politique de premier plan.
JEAN-JACQUES BOURDIN
J'ai une dernière question à vous poser. Est-ce que vous vous interdiriez d'aller à un spectacle de DIEUDONNE ?
AURELIE FILIPPETTI
Est-ce que moi je m'interdirai d'y aller ?
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, à titre personnel.
AURELIE FILIPPETTI
Oui, enfin je n'aurai pas envie d'y aller, parce que franchement, les extraits que j'en ai vus, me donnent plutôt la nausée.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Merci Aurélie FILIPPETTI d'être venue nous voir ce matin, ministre de la Culture et de la Communication.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 20 février 2014