Texte intégral
MAXIME SWITEK
L'interview politique d'Europe 1, Jean-Pierre ELKABBACH, vous recevez ce matin le ministre de la Défense, Jean-Yves LE DRIAN.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Oui, le Parlement a voté « oui » à la prolongation de l'opération « Sangaris » ; la France a la liberté de rester en Centrafrique. Soyez le bienvenu, Jean-Yves LE DRIAN.
JEAN-YVES LE DRIAN
Bonjour !
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Bonjour. C'était un « oui » hier au Parlement après un débat intéressant, tendu, un « oui » assorti de critiques, d'inquiétudes et de recommandations, en quelque sorte un « oui mais », oui »
JEAN-YVES LE DRIAN
Oui, mais c'est un « oui » important parce que ce consensus d'abord, porte un signe d'encouragement et de soutien à nos militaires présents là-bas, aux 2 000 militaires français qui suivaient ce débat avec beaucoup d'intérêt et puis, c'est un signe fort aussi à l'égard de la présidente de l'autorité de transition à Bangui, Madame SAMBA-PANZA qui attendait ce soutien unanime de la France et puis, c'est un signe aussi l'égard des Africains qui sont engagés dans cette opération et c'est aussi à l'égard des Nations unies parce que nous, nous souhaitons que rapidement, une opération de maintien de la paix soit diligentée par les Nations unies et le fait que la France soit unanime dans l'orientation et dans l'action, c'est quand même un signe, très important.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Mais il y avait un certain nombre de recommandations dont vous tiendrez peut-être compte et vous voulez dire que, dès ce matin, il est temps que l'ONU envoie ses Casques bleus à Bangui ?
JEAN-YVES LE DRIAN
Il y avait un certain nombre d'interrogations et d'inquiétudes mais il y avait aussi le constat de ce qui s'est passé depuis deux mois et demi. Depuis deux mois et demi, les massacres de masse se sont arrêtés ; depuis deux mois et demi, il y a eu un changement d'autorité politique avec une nouvelle chef de l'Etat, Madame SAMBAPANZA, une nouvelle équipe avec qui nous pouvons travailler de manière positive. Depuis deux mois et demi, la vie a repris à Bangui, je me suis rendu trois fois en République centrafricaine, la première fois, je ne pouvais pas sortir dans Bangui, j'ai été obligé de rester dans la garnison autour de l'aéroport de M'Poko, maintenant on peut circuler, je peux circuler pour ma part dans Bangui, les commerce sont ouverts, on fait ses courses, les taxis re-fonctionnent, l'université vient de rouvrir aujourd'hui. Bref
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Tout va bien !!!
JEAN-YVES LE DRIAN
Non
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Tout va bien !!!
JEAN-YVES LE DRIAN
tout ne va pas bien, tout n'est pas réglé mais quand je vois des descriptions apocalyptiques qui sont faites par certains qui n'ont pas mis les pieds en Centrafrique, je suis quand même un peu interrogatif. Tout ne va pas bien mais nous avons beaucoup avancé depuis deux mois et demi et nos forces ont fait le travail qu'il convenait de faire !
JEAN-PIERRE ELKABBACH
En lançant « Sangaris », le président de la République avait prévu une mission courte ; vous-même ensuite, vous avez été contraint de reconnaître qu'elle serait plus longue que prévu.
JEAN-YVES LE DRIAN
Mais
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Est-ce que ce matin, il y a un délai pour la fin de cette opération ?
JEAN-YVES LE DRIAN
La mission de la France et des forces africaines en Centrafrique est diligentée par une résolution du Conseil de sécurité qui a fixé une mission de six mois et nous allons revenir devant le Conseil de sécurité pour une nouvelle mission qui fera la transition avec l'opération de maintien de la paix pour laquelle le secrétaire général des Nations unies va faire son rapport dans les jours qui viennent.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Qu'il se dépêche, qu'il se dépêche !
JEAN-YVES LE DRIAN
Donc nous sommes dans un scénario qui est un scénario majeur pour assurer à la fois la sécurité de la République centrafricaine, la sécurité de ses habitants et aussi éviter qu'il y ait un vide sécuritaire dans ce pays qui provoquerait à ce moment-là tous les appétits çà la fois terroristes et djihadistes et autres provenant à la fois du Nigeria et de la Somalie. Bref, il y a là
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Le général Vincent DESPORTES prétendait hier avec Maxime SWITEK que vous n'aviez pas assez anticipé, que le Renseignement avec un « r » majuscule était mauvais et que le renfort de 400 soldats 2 000 au total maintenant était nettement insuffisant. Qu'est-ce que vous répondez au Général DESPORTES qui passe pour un expert ?
JEAN-YVES LE DRIAN
Moi, je travaille en fait avec les généraux de terrain et non pas avec des experts qui regardent tout ça de Paris. Je suis allé trois fois en République centrafricaine, le Général SORIANO qui dirige nos forces là-bas est en relation permanente avec moi de même que le Général PONTIES qui va diriger la force européenne et c'est eux qui ont la réalité du terrain. Le vrai problème qui se pose aujourd'hui c'est d'abord la capacité pour nos forces de se projeter à l'extérieur de Bangui après avoir sécurisé les différents quartiers en relation, en articulation avec les forces africaines et surtout la sécurité de proximité, faire en sorte qu'il y ait désormais en République centrafricaine une chaîne judiciaire, un chaîne de gendarmerie, une chaîne de police permettant
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Vous vous rendez compte, il faut créer
JEAN-YVES LE DRIAN
et c'est la raison pour laquelle
JEAN-PIERRE ELKABBACH
ou construire l'Etat centrafricain ?
JEAN-YVES LE DRIAN
Oui absolument et c'est la raison
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Vous êtes un pragmatique, Jean-Yves LE DRIAN, est-ce que vous êtes sûr que dans trois mois, vous n'aurez pas besoin de rajouter des effectifs et comme disait Vincent DESPORTES, des hélicoptères, des avions, du matériel ?
JEAN-YVES LE DRIAN
La préoccupation principale aujourd'hui pour moi, c'est la sécurité de proximité, faire en sorte qu'il y ait des gendarmes et des policiers qui forment les gendarmes et les policiers de République centrafricaine pour empêcher les brigands chenapans de toutes sortes qui aujourd'hui font des exactions, des vols, des pillages. Ceux-là doivent être condamnés et il faut qu'il y ait une chaîne de sécurité qui soit mise en place. C'est la demande des autorités, ce n'est pas la demande du Général DESPORTES, c'est la demande des autorités à la fois des autorités militaires françaises mais aussi des autorités publiques de la République centrafricaine.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Deux, trois choses très vite. Vous demandez bien à l'ONU d'envoyer plus rapidement ses Casques bleus ?
JEAN-YVES LE DRIAN
Nous souhaitons, la présidente de la Centrafrique
JEAN-PIERRE ELKABBACH
En effet
JEAN-YVES LE DRIAN
et nous-mêmes qu'une opération de maintien de la paix soit diligentée par les Nations unies et qu'elle puisse sur la durée faire en sorte que la sécurité revienne dans ce pays. La France est là en relais de l'intervention des Nations unies.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Le Général SORIANO qui est sur place affirmait sur Europe 1 qu'il y avait des déplacements momentanés des musulmans, de certaines populations et que la présence française avait évité des carnages supplémentaires. Selon l'ONU, il existerait aujourd'hui 18 camps de réfugiés musulmans. Est-ce que vous avez l'intention de les protéger et d'une manière impartiale pour ne pas favoriser les chrétiens armés ?
JEAN-YVES LE DRIAN
Nous sommes totalement impartiaux dans nos actions. Nous sommes mandatés par le Conseil de sécurité des Nations unies pour à la fois sécuriser, désarmer, protéger et assurer la transition politique. Il se trouve que le départ des milices que l'on appelle les Sélékas qui est dû d'ailleurs à l'intervention des forces françaises, ce départ-là a provoqué la peur dans les populations musulmanes et en particulier un regain d'activité des milices réputées chrétiennes qui s'appellent les anti-Balaka. Nous sommes intransigeants sur les objectifs qui nous ont été donnés et nous désarmons de part et d'autre avec autant de fermeté et de vigilance.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Vous allez me répondre de manière plutôt brève : pour 2014, le budget des OPEX est de 450 millions. Quel est jusqu'ici le coût financier de l'opération « Sangaris » ?
JEAN-YVES LE DRIAN
Si jusqu'ici, il est à peu près de 100 millions d'euros. Si on est en année pleine, ce sera aux environs de 100 millions d'euros. Ça rentre dans le cadre des opérations extérieures décidées en cours d'année et ça ne rentre pas dans le budget de la Défense mais c'est un budget partagé par le budget de l'Etat.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
C'est-à-dire que vous répondez à ce que l'UMP et l'UDI vous ont demandé hier pendant le débat que ce ne soit pas pris sur votre budget mais sur le budget de la Nation ?
JEAN-YVES LE DRIAN
Oui mais c'est la loi ! L'UMP et l'UDI devaient le savoir, c'est la loi de programmation qui l'a décidé, c'est comme ça que ça s'est passé pour le Mali, c'est comme ça que ça se passera pour la République centrafricaine.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Christian JACOB a commenté hier le vote favorable de l'UMP sauf quelques-uns dont Bruno LE MAIRE : pour lui, François HOLLANDE n'est pas un bon chef des Armées ?
JEAN-YVES LE DRIAN
Ecoutez, ça me surprend parce que
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Que dites-vous de votre chef ?
JEAN-YVES LE DRIAN
d'abord, ça n'est pas ce qu'on dit aux Etats-Unis, ce n'est pas ce que m'ont dit mes collègues européens que j'ai rencontrés vendredi dernier à Athènes. J'ai toujours vu le président de la République sur des situations difficiles au niveau international prendre ses décisions, être ferme dans les choix, être clair dans les orientations et les suivre jusqu'à son terme. C'est un vrai chef d'Etat !
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Donc chacun a sa version et sa préférence !
JEAN-YVES LE DRIAN
Bah moi, je constate les faits et je constate ce que pensent les différents chefs d'Etat européens même au niveau international.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
D'après Le Parisien de ce martin, vous serez vendredi aux côtés du président HOLLANDE lors de son escale à Bangui. Pourquoi il veut retourner à Bangui ?
JEAN-YVES LE DRIAN
Le chef de l'Etat décide de ses déplacements comme il le conçoit et il n'est pas de mon rôle de commenter les déplacements du chef des Armées s'il envisage de le faire.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Oui, c'est tout ! Mais vous, vous serez vendredi à Paris. Si par exemple, on vous donnait avec Maxime un rendez-vous à Paris, on vous trouverait ou vous serez ou au Nigeria ?
JEAN-YVES LE DRIAN
Je vais au Nigeria et le chef des Armées prend ses décisions quand il pense devoir les prendre.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Vous avez parlé de votre budget. François HOLLANDE exige au moins 50 milliards d'économies en trois ans. L'armée, elle souffre déjà. Est-ce qu'elle verra encore son budget rogné, encore diminué ?
JEAN-YVES LE DRIAN
La loi de programmation militaire a été votée à la fin du mois de décembre. Les armées ont déjà consenti un effort très important. Cette loi de programmation militaire prévoit les engagements financiers de la Nation pour six ans
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Non mais alors on touche ou on ne touche pas à votre budget ?
JEAN-YVES LE DRIAN
et le président de la République lors de ses voeux au début de l'année 2014 a fait savoir qu'il entendait sanctuariser le budget des armées tel qu'il avait été voté à la fin de l'année.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Donc il est sanctuarisé aujourd'hui ?
JEAN-YVES LE DRIAN
C'est ce qu'a annoncé le président de la République.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Quels que soient les efforts du gouvernement AYRAULT, monsieur LE DRIAN, les Français en retiennent surtout le manque de cohérence, le bal des egos et la «couacophonie », est-ce qu'ils ont tort les Français ?
JEAN-YVES LE DRIAN
Il n'y a jamais de gouvernement idéal. Un gouvernement idéal, c'est un gouvernement qui allie à la fois la cohérence, le sérieux, la responsabilité, le professionnalisme, un peu de modestie ça ne fait pas de mal ! et puis aussi la proximité du terrain. C'est comme ça que je conçois le rôle d'un ministre et la volonté collective d'un gouvernement. Jean-Marc AYRAULT essaye de le mettre en oeuvre, ce n'est pas toujours facile mais en tout cas, il a mon soutien.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Ça, c'est le gouvernement idéal. Vous dites « cohérence », ça veut dire qu'elle manque de cohérence ? Des « pros », ça veut dire qu'il n'y a pas de pros, il y a des amateurs ?
JEAN-YVES LE DRIAN
Non, j'ai dit que le gouvernement idéal tourne autour de ces concepts là et ce gouvernement à mon sens en fait partie. En tout cas, la volonté du Premier ministre, c'est celle-là !
JEAN-PIERRE ELKABBACH
C'est un gouvernement resserré, un gouvernement idéal ?
JEAN-YVES LE DRIAN
C'est le Premier ministre et le président de la République qui doivent le dire mais
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Mais est-ce qu'aujourd'hui, vous pensez qu'il faut un nouvel élan ?
JEAN-YVES LE DRIAN
La cohérence sans doute, le pacte de responsabilité que va engager le président de la République qui sera soumis au Parlement avant l'été, c'est effectivement une nouvelle donne qui va se poser puisque le gouvernement engagera sa responsabilité.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Mais si en avril, les Verts ne votent pas la confiance et le pacte de responsabilité, qu'est-ce qui se passe ?
JEAN-YVES LE DRIAN
Ça, il faudra le demander à la fois aux Verts et au Premier ministre à ce moment-là. Lorsqu'il y a un engagement de responsabilité du gouvernement, cela veut dire que la ligne est tracée et qu'à ce moment-là, la solidarité doit s'exercer !
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Sinon
MAXIME SWITEK
Jean-Pierre, c'est terminé !
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Sinon, qu'est-ce qu'ils feront ?
JEAN-YVES LE DRIAN
Sinon, chacun en tire les conséquences ! Sinon, chacun en tire les conséquences ! Moi, je n'imagine pas la majorité se diviser sur le pacte de responsabilité.
MAXIME SWITEK
Merci Jean-Pierre ELKABBACH, merci à vous, merci monsieur le ministre d'avoir
été notre invité ce matin sur Europe 1.
source : Service d'information du Gouvernement, le 26 février 2014
L'interview politique d'Europe 1, Jean-Pierre ELKABBACH, vous recevez ce matin le ministre de la Défense, Jean-Yves LE DRIAN.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Oui, le Parlement a voté « oui » à la prolongation de l'opération « Sangaris » ; la France a la liberté de rester en Centrafrique. Soyez le bienvenu, Jean-Yves LE DRIAN.
JEAN-YVES LE DRIAN
Bonjour !
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Bonjour. C'était un « oui » hier au Parlement après un débat intéressant, tendu, un « oui » assorti de critiques, d'inquiétudes et de recommandations, en quelque sorte un « oui mais », oui »
JEAN-YVES LE DRIAN
Oui, mais c'est un « oui » important parce que ce consensus d'abord, porte un signe d'encouragement et de soutien à nos militaires présents là-bas, aux 2 000 militaires français qui suivaient ce débat avec beaucoup d'intérêt et puis, c'est un signe fort aussi à l'égard de la présidente de l'autorité de transition à Bangui, Madame SAMBA-PANZA qui attendait ce soutien unanime de la France et puis, c'est un signe aussi l'égard des Africains qui sont engagés dans cette opération et c'est aussi à l'égard des Nations unies parce que nous, nous souhaitons que rapidement, une opération de maintien de la paix soit diligentée par les Nations unies et le fait que la France soit unanime dans l'orientation et dans l'action, c'est quand même un signe, très important.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Mais il y avait un certain nombre de recommandations dont vous tiendrez peut-être compte et vous voulez dire que, dès ce matin, il est temps que l'ONU envoie ses Casques bleus à Bangui ?
JEAN-YVES LE DRIAN
Il y avait un certain nombre d'interrogations et d'inquiétudes mais il y avait aussi le constat de ce qui s'est passé depuis deux mois et demi. Depuis deux mois et demi, les massacres de masse se sont arrêtés ; depuis deux mois et demi, il y a eu un changement d'autorité politique avec une nouvelle chef de l'Etat, Madame SAMBAPANZA, une nouvelle équipe avec qui nous pouvons travailler de manière positive. Depuis deux mois et demi, la vie a repris à Bangui, je me suis rendu trois fois en République centrafricaine, la première fois, je ne pouvais pas sortir dans Bangui, j'ai été obligé de rester dans la garnison autour de l'aéroport de M'Poko, maintenant on peut circuler, je peux circuler pour ma part dans Bangui, les commerce sont ouverts, on fait ses courses, les taxis re-fonctionnent, l'université vient de rouvrir aujourd'hui. Bref
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Tout va bien !!!
JEAN-YVES LE DRIAN
Non
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Tout va bien !!!
JEAN-YVES LE DRIAN
tout ne va pas bien, tout n'est pas réglé mais quand je vois des descriptions apocalyptiques qui sont faites par certains qui n'ont pas mis les pieds en Centrafrique, je suis quand même un peu interrogatif. Tout ne va pas bien mais nous avons beaucoup avancé depuis deux mois et demi et nos forces ont fait le travail qu'il convenait de faire !
JEAN-PIERRE ELKABBACH
En lançant « Sangaris », le président de la République avait prévu une mission courte ; vous-même ensuite, vous avez été contraint de reconnaître qu'elle serait plus longue que prévu.
JEAN-YVES LE DRIAN
Mais
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Est-ce que ce matin, il y a un délai pour la fin de cette opération ?
JEAN-YVES LE DRIAN
La mission de la France et des forces africaines en Centrafrique est diligentée par une résolution du Conseil de sécurité qui a fixé une mission de six mois et nous allons revenir devant le Conseil de sécurité pour une nouvelle mission qui fera la transition avec l'opération de maintien de la paix pour laquelle le secrétaire général des Nations unies va faire son rapport dans les jours qui viennent.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Qu'il se dépêche, qu'il se dépêche !
JEAN-YVES LE DRIAN
Donc nous sommes dans un scénario qui est un scénario majeur pour assurer à la fois la sécurité de la République centrafricaine, la sécurité de ses habitants et aussi éviter qu'il y ait un vide sécuritaire dans ce pays qui provoquerait à ce moment-là tous les appétits çà la fois terroristes et djihadistes et autres provenant à la fois du Nigeria et de la Somalie. Bref, il y a là
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Le général Vincent DESPORTES prétendait hier avec Maxime SWITEK que vous n'aviez pas assez anticipé, que le Renseignement avec un « r » majuscule était mauvais et que le renfort de 400 soldats 2 000 au total maintenant était nettement insuffisant. Qu'est-ce que vous répondez au Général DESPORTES qui passe pour un expert ?
JEAN-YVES LE DRIAN
Moi, je travaille en fait avec les généraux de terrain et non pas avec des experts qui regardent tout ça de Paris. Je suis allé trois fois en République centrafricaine, le Général SORIANO qui dirige nos forces là-bas est en relation permanente avec moi de même que le Général PONTIES qui va diriger la force européenne et c'est eux qui ont la réalité du terrain. Le vrai problème qui se pose aujourd'hui c'est d'abord la capacité pour nos forces de se projeter à l'extérieur de Bangui après avoir sécurisé les différents quartiers en relation, en articulation avec les forces africaines et surtout la sécurité de proximité, faire en sorte qu'il y ait désormais en République centrafricaine une chaîne judiciaire, un chaîne de gendarmerie, une chaîne de police permettant
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Vous vous rendez compte, il faut créer
JEAN-YVES LE DRIAN
et c'est la raison pour laquelle
JEAN-PIERRE ELKABBACH
ou construire l'Etat centrafricain ?
JEAN-YVES LE DRIAN
Oui absolument et c'est la raison
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Vous êtes un pragmatique, Jean-Yves LE DRIAN, est-ce que vous êtes sûr que dans trois mois, vous n'aurez pas besoin de rajouter des effectifs et comme disait Vincent DESPORTES, des hélicoptères, des avions, du matériel ?
JEAN-YVES LE DRIAN
La préoccupation principale aujourd'hui pour moi, c'est la sécurité de proximité, faire en sorte qu'il y ait des gendarmes et des policiers qui forment les gendarmes et les policiers de République centrafricaine pour empêcher les brigands chenapans de toutes sortes qui aujourd'hui font des exactions, des vols, des pillages. Ceux-là doivent être condamnés et il faut qu'il y ait une chaîne de sécurité qui soit mise en place. C'est la demande des autorités, ce n'est pas la demande du Général DESPORTES, c'est la demande des autorités à la fois des autorités militaires françaises mais aussi des autorités publiques de la République centrafricaine.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Deux, trois choses très vite. Vous demandez bien à l'ONU d'envoyer plus rapidement ses Casques bleus ?
JEAN-YVES LE DRIAN
Nous souhaitons, la présidente de la Centrafrique
JEAN-PIERRE ELKABBACH
En effet
JEAN-YVES LE DRIAN
et nous-mêmes qu'une opération de maintien de la paix soit diligentée par les Nations unies et qu'elle puisse sur la durée faire en sorte que la sécurité revienne dans ce pays. La France est là en relais de l'intervention des Nations unies.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Le Général SORIANO qui est sur place affirmait sur Europe 1 qu'il y avait des déplacements momentanés des musulmans, de certaines populations et que la présence française avait évité des carnages supplémentaires. Selon l'ONU, il existerait aujourd'hui 18 camps de réfugiés musulmans. Est-ce que vous avez l'intention de les protéger et d'une manière impartiale pour ne pas favoriser les chrétiens armés ?
JEAN-YVES LE DRIAN
Nous sommes totalement impartiaux dans nos actions. Nous sommes mandatés par le Conseil de sécurité des Nations unies pour à la fois sécuriser, désarmer, protéger et assurer la transition politique. Il se trouve que le départ des milices que l'on appelle les Sélékas qui est dû d'ailleurs à l'intervention des forces françaises, ce départ-là a provoqué la peur dans les populations musulmanes et en particulier un regain d'activité des milices réputées chrétiennes qui s'appellent les anti-Balaka. Nous sommes intransigeants sur les objectifs qui nous ont été donnés et nous désarmons de part et d'autre avec autant de fermeté et de vigilance.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Vous allez me répondre de manière plutôt brève : pour 2014, le budget des OPEX est de 450 millions. Quel est jusqu'ici le coût financier de l'opération « Sangaris » ?
JEAN-YVES LE DRIAN
Si jusqu'ici, il est à peu près de 100 millions d'euros. Si on est en année pleine, ce sera aux environs de 100 millions d'euros. Ça rentre dans le cadre des opérations extérieures décidées en cours d'année et ça ne rentre pas dans le budget de la Défense mais c'est un budget partagé par le budget de l'Etat.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
C'est-à-dire que vous répondez à ce que l'UMP et l'UDI vous ont demandé hier pendant le débat que ce ne soit pas pris sur votre budget mais sur le budget de la Nation ?
JEAN-YVES LE DRIAN
Oui mais c'est la loi ! L'UMP et l'UDI devaient le savoir, c'est la loi de programmation qui l'a décidé, c'est comme ça que ça s'est passé pour le Mali, c'est comme ça que ça se passera pour la République centrafricaine.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Christian JACOB a commenté hier le vote favorable de l'UMP sauf quelques-uns dont Bruno LE MAIRE : pour lui, François HOLLANDE n'est pas un bon chef des Armées ?
JEAN-YVES LE DRIAN
Ecoutez, ça me surprend parce que
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Que dites-vous de votre chef ?
JEAN-YVES LE DRIAN
d'abord, ça n'est pas ce qu'on dit aux Etats-Unis, ce n'est pas ce que m'ont dit mes collègues européens que j'ai rencontrés vendredi dernier à Athènes. J'ai toujours vu le président de la République sur des situations difficiles au niveau international prendre ses décisions, être ferme dans les choix, être clair dans les orientations et les suivre jusqu'à son terme. C'est un vrai chef d'Etat !
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Donc chacun a sa version et sa préférence !
JEAN-YVES LE DRIAN
Bah moi, je constate les faits et je constate ce que pensent les différents chefs d'Etat européens même au niveau international.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
D'après Le Parisien de ce martin, vous serez vendredi aux côtés du président HOLLANDE lors de son escale à Bangui. Pourquoi il veut retourner à Bangui ?
JEAN-YVES LE DRIAN
Le chef de l'Etat décide de ses déplacements comme il le conçoit et il n'est pas de mon rôle de commenter les déplacements du chef des Armées s'il envisage de le faire.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Oui, c'est tout ! Mais vous, vous serez vendredi à Paris. Si par exemple, on vous donnait avec Maxime un rendez-vous à Paris, on vous trouverait ou vous serez ou au Nigeria ?
JEAN-YVES LE DRIAN
Je vais au Nigeria et le chef des Armées prend ses décisions quand il pense devoir les prendre.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Vous avez parlé de votre budget. François HOLLANDE exige au moins 50 milliards d'économies en trois ans. L'armée, elle souffre déjà. Est-ce qu'elle verra encore son budget rogné, encore diminué ?
JEAN-YVES LE DRIAN
La loi de programmation militaire a été votée à la fin du mois de décembre. Les armées ont déjà consenti un effort très important. Cette loi de programmation militaire prévoit les engagements financiers de la Nation pour six ans
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Non mais alors on touche ou on ne touche pas à votre budget ?
JEAN-YVES LE DRIAN
et le président de la République lors de ses voeux au début de l'année 2014 a fait savoir qu'il entendait sanctuariser le budget des armées tel qu'il avait été voté à la fin de l'année.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Donc il est sanctuarisé aujourd'hui ?
JEAN-YVES LE DRIAN
C'est ce qu'a annoncé le président de la République.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Quels que soient les efforts du gouvernement AYRAULT, monsieur LE DRIAN, les Français en retiennent surtout le manque de cohérence, le bal des egos et la «couacophonie », est-ce qu'ils ont tort les Français ?
JEAN-YVES LE DRIAN
Il n'y a jamais de gouvernement idéal. Un gouvernement idéal, c'est un gouvernement qui allie à la fois la cohérence, le sérieux, la responsabilité, le professionnalisme, un peu de modestie ça ne fait pas de mal ! et puis aussi la proximité du terrain. C'est comme ça que je conçois le rôle d'un ministre et la volonté collective d'un gouvernement. Jean-Marc AYRAULT essaye de le mettre en oeuvre, ce n'est pas toujours facile mais en tout cas, il a mon soutien.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Ça, c'est le gouvernement idéal. Vous dites « cohérence », ça veut dire qu'elle manque de cohérence ? Des « pros », ça veut dire qu'il n'y a pas de pros, il y a des amateurs ?
JEAN-YVES LE DRIAN
Non, j'ai dit que le gouvernement idéal tourne autour de ces concepts là et ce gouvernement à mon sens en fait partie. En tout cas, la volonté du Premier ministre, c'est celle-là !
JEAN-PIERRE ELKABBACH
C'est un gouvernement resserré, un gouvernement idéal ?
JEAN-YVES LE DRIAN
C'est le Premier ministre et le président de la République qui doivent le dire mais
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Mais est-ce qu'aujourd'hui, vous pensez qu'il faut un nouvel élan ?
JEAN-YVES LE DRIAN
La cohérence sans doute, le pacte de responsabilité que va engager le président de la République qui sera soumis au Parlement avant l'été, c'est effectivement une nouvelle donne qui va se poser puisque le gouvernement engagera sa responsabilité.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Mais si en avril, les Verts ne votent pas la confiance et le pacte de responsabilité, qu'est-ce qui se passe ?
JEAN-YVES LE DRIAN
Ça, il faudra le demander à la fois aux Verts et au Premier ministre à ce moment-là. Lorsqu'il y a un engagement de responsabilité du gouvernement, cela veut dire que la ligne est tracée et qu'à ce moment-là, la solidarité doit s'exercer !
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Sinon
MAXIME SWITEK
Jean-Pierre, c'est terminé !
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Sinon, qu'est-ce qu'ils feront ?
JEAN-YVES LE DRIAN
Sinon, chacun en tire les conséquences ! Sinon, chacun en tire les conséquences ! Moi, je n'imagine pas la majorité se diviser sur le pacte de responsabilité.
MAXIME SWITEK
Merci Jean-Pierre ELKABBACH, merci à vous, merci monsieur le ministre d'avoir
été notre invité ce matin sur Europe 1.
source : Service d'information du Gouvernement, le 26 février 2014