Texte intégral
« Monsieur le Préfet,
Mesdames et Messieurs les Consuls,
Mesdames et Messieurs les Parlementaires,
Madame la Vice-Présidente du Conseil général,
Madame l'Adjointe au Maire,
Mesdames et Messieurs les élus,
Monsieur le Recteur,
Messieurs les Officiers généraux,
Monsieur le Directeur départemental de l'ONACVG,
Monsieur le Directeur général de la mission du Centenaire,
Mesdames et Messieurs les représentants du monde combattant,
Mesdames et Messieurs,
Je tiens tout d'abord à remercier monsieur le maire de nous accueillir ici et à remercier son adjointe, madame Lénaïc Briero, pour les mots qu'elle vient de prononcer, témoignage de la forte mobilisation des Bretons et tout particulièrement des Rennais dans ce temps de mémoire qui s'ouvre en 2014.
C'est la quatrième fois que je me rends en Bretagne dans le cadre de mes fonctions et la deuxième fois que je visite Rennes. J'étais venu en juin 2013 signer avec le maire, monsieur Daniel Delaveau, une charte d'engagement mémoriel qui témoignait déjà de l'attachement profond de votre ville à son histoire et à sa mémoire.
Ce n'est donc pas un hasard si Rennes accueille aujourd'hui le lancement officiel du Centenaire de la Grande Guerre en Bretagne. Cette journée fut d'abord une journée d'hommage : nous nous sommes recueillis cet après-midi devant le monument aux morts en hommage aux Bretons morts pour la France. Ce fut aussi une journée dédiée à la mémoire et à la culture : les comités départementaux de Bretagne ont présenté leurs projets pour le Centenaire à la Préfecture tout à l'heure.
Enfin, le meeting aérien de Rennes nous a été présenté. Ce « meeting des Mémoires et de la Liberté », exceptionnel et ambitieux, prévoit la participation d'avions des deux guerres venus de toute l'Europe et attend 50 000 personnes.
Je tiens à saluer le travail de la mairie de Rennes et des services de l'ONACVG d'Ille-et-Vilaine qui organisent, en lien avec l'aéroclub de Rennes Saint-Jacques, ce magnifique événement qui lie histoire de la Grande Guerre et histoire de l'aviation, initiative régionale et portée internationale.
100 ans d'aviation et autant d'exploits d'aviateurs engagés dans les conflits contemporains seront célébrés à cette occasion. Parmi les « As » de la Grande Guerre, nous aurons à rendre hommage à Roland Garros. C'est l'objet d'une convention qui sera prochainement signée avec la Fédération Française de Tennis. Vous savez combien je suis attaché à ce que ce Centenaire soit populaire et que la jeune génération soit associée de près aux manifestations. Je crois que le vecteur sportif est une belle manière d'y parvenir comme nous l'a prouvé le Stade Rennais en s'impliquant dans le Centenaire.
Cette journée fut donc l'expression et le témoignage de l'incroyable mobilisation des habitants de la région et de la ville pour faire vivre ce Centenaire. Une mobilisation que nous a dépeinte Mme Briero.
Cette mobilisation, nous la devons aux acteurs publics, mémoriels et culturels du territoire, dont je tiens à saluer le travail et l'investissement : les élus locaux, les services de l'ONACVG, les opérateurs culturels.
Cette mobilisation, nous la devons à l'investissement personnel des porteurs de projets, à leur créativité et à leur esprit d'initiative qui ont valu à la Bretagne 45 projets labellisés par la mission du Centenaire lors de la première phase d'examen. C'est un programme qui a vocation à s'enrichir tout au long de l'année.
Cette mobilisation, nous la devons enfin à l'expérience bretonne de la Grande Guerre, une expérience singulière qui marqua d'une empreinte indélébile la Bretagne et ses habitants.
Les hommes de la région ont formidablement contribué à la Défense de la France et ont payé un lourd tribut à la Grande Guerre. Le lancement officiel des commémorations du Centenaire en Bretagne est aujourd'hui une occasion de le rappeler.
La région fut d'abord un réservoir d'hommes et de soldats pour la Première Guerre mondiale. « Cette fois ça y est, la mobilisation est arrivée », écrit à ses parents le 1er août 1914 Joseph Carrée, jeune conscrit effectuant son service militaire au 41e régiment d'infanterie de Rennes.
Entre 1914 et 1918, ils furent plus de 600 000 Bretons mobilisés, 600 000 hommes retrouvant les millions de soldats venus de toutes les autres régions de France. Dès 1914, des dizaines de milliers d'hommes convergent vers les nombreuses villes de garnison Rennes, Vitré, Fougères, Saint-Malo, Dinan, Saint-Brieuc, Guingamp pour le 10e corps d'armée, Ancenis, Vannes, Pontivy, Lorient, Quimper et Brest pour le 11e corps. Les premières unités rejoignent les frontières dès les 4 et 5 août.
Le 24e régiment de Dragons de Rennes est parmi les premiers régiments à partir. Suivent les régiments d'infanterie puis l'artillerie. C'est dans les Ardennes que les troupes bretonnes se concentrent et subissent de lourdes pertes lors de la bataille des Frontières, tout particulièrement le 22 août, près de Charleroi.
Durant ces quatre années de guerre, environ 130 000 Bretons tombent au champ d'honneur, 130 000 hommes qui ne retrouvent pas leur terre de Bretagne.
Parmi eux, certains sont nés ici, à Rennes. Le colonel Charles Malaguti, engagé au sein de la 146e brigade d'infanterie, tombe en septembre 1914 à Toul, en Meurthe-et-Moselle ; Hippolyte Abraham, engagé au sein du 1er régiment de génie, tombe à Cappy dans la Somme le 5 juillet 1916 ; Alexandre Guerin, enfin, engagé au sein du 50e régiment d'artillerie, tombe à Verdun le 12 juillet 1916. Tous natifs de Rennes, tous Bretons, tous enfants de la France, tous morts pour la France.
Ces trois noms sont parmi les 936 noms des soldats rennais « morts pour la France » inscrits sur les murs du Panthéon de l'Hôtel de Ville de Rennes inauguré le 2 juillet 1922 que j'ai eu l'honneur de visiter cet après-midi.
La Bretagne a aussi ses héros. Corentin Carré, né au Faouët dans le Morbihan, meurt pour la France mais il meurt en héros pour la Bretagne.
Incarnation du courage et de l'obstination des soldats bretons, Corentin Carré, âgé de 15 ans, usurpe l'identité d'un Ardennais pour s'engager au sein du 410e régiment d'infanterie et défendre son pays.
Il explique son engagement au général de division. Permettez-moi de le citer : « Je ne me suis pas engagé pour faire parler de moi, pour que l'on dise celui-là est brave. [ ] Dans cette guerre, il ne faut pas dire c'est un serviteur de plus qui sauvera la France, mais il contribuera à la sauver ! La France a besoin de tous ses enfants. Tous doivent être prêts à se sacrifier pour elle ».
Des mots surprenants de patriotisme, d'humilité, d'esprit de sacrifice et de courage pour un jeune homme de 16 ans. Promu adjudant au même âge, il rejoint l'aviation l'année suivante. Son avion, pris en chasse par 3 avions ennemis, s'écrase dans les champs de la Meuse le 18 mars 1918. Il a tout juste 18 ans. A l'aube de sa vie, Corentin Carré meurt pour la France.
Nombreuses sont aujourd'hui les communes bretonnes qui ont donné son nom à leurs boulevards, à leurs rues, à leurs ruelles. Rares sont celles qui n'ont jamais salué la mémoire de Corentin Carré. A travers le parcours de ce jeune garçon, je rends hommage au courage et au sacrifice de tous les soldats bretons morts pour la France.
D'autres sont revenus du front. Parmi eux, l'artiste combattant Mathurin Méheut, né à Lamballe dans les Côtes d'Armor en 1882. Engagé au sein du 136e régiment d'infanterie, il est plongé dans l'enfer des tranchées le 17 octobre 1914.
Le dessinateur devient alors soldat et nous livre son témoignage de la guerre à travers de nombreux croquis réalisés au front. Les dessins et lettres envoyés à sa femme feront l'objet à partir du mois d'avril d'une exposition au musée Mathurin Méheut de Lamballe.
Avec une population jeune et rurale, la Bretagne réunit les éléments qui font d'elle une région de forte participation à la guerre de tranchées. Mais au-delà des soldats mobilisés, c'est toute la région qui est plongée dans la guerre. La présence mémorielle et patrimoniale de la Première Guerre mondiale en Bretagne en témoigne.
Je pense au monument du souvenir des 41e, 241e, 410e régiments d'infanterie et du 75e régiment d'infanterie territoriale du palais Saint-Georges qui était alors une caserne militaire, ici à Rennes. La plaque commémorative rappelle la mémoire des quatre anciens régiments rennais. Au premier plan, quatre soldats vêtus de l'uniforme de la Première Guerre mondiale défilent devant la « Victoire », chacun portant les insignes de son régiment.
J'ai lancé tout à l'heure une application smartphone qui offre à tout Rennais ou visiteur de Rennes la possibilité de découvrir la ville selon un circuit mémoriel, empruntant les chemins des divers sites de mémoire et monuments aux morts.
Je pense aussi au musée des fusiliers-marins de Lorient qui rappelle l'histoire des hommes de l'amiral Ronarc'h venus défendre l'honneur de la France à Dixmude, Ronarc'h promu chef d'état-major de la Marine en 1919 et inhumé aux Invalides le 6 avril 1940. « Dixmude annonçait Verdun et Verdun annonçait la victoire », a-t-on pu dire lors de l'éloge funèbre de l'amiral.
Si la Bretagne n'a pas abrité des champs de bataille, des tranchées et des lignes de front, elle a été un véritable front de guerre maritime. Les Bretons constituent plus d'un tiers des soldats mobilisés dans la Marine nationale. Cette spécificité doit être mise à l'honneur tout au long de ce Centenaire.
Les côtes bretonnes ont un caractère stratégique pendant la Grande Guerre, tout comme les ports de la région. Dès 1914, ils jouent un rôle militaire. Les soldats britanniques y débarquent puis, en 1917, ce sont les soldats américains qui entrent en guerre : cette année-là, 800 000 transitent par les ports de Saint-Nazaire et de Brest.
Outre ces soldats alliés, la Bretagne accueille de nombreux réfugiés venus de France et d'Europe, en particulier des Belges. Des milliers de réfugiés affluent du nord et de l'est de la France mais aussi des prisonniers de guerre. La Bretagne est un refuge pour beaucoup, une histoire dont elle tire aujourd'hui en partie sa richesse, une histoire dans laquelle s'est exprimé un esprit de solidarité propre à la région.
La solidarité bretonne, c'est celle des habitants qui accueillent 20 000 réfugiés à la fin de l'année 1914. La solidarité bretonne, c'est aussi celle des bénévoles des 273 hôpitaux temporaires de la région qui accueillent au total plus de 800 000 blessés dont le père d'Albert Camus inhumé à Saint-Brieuc.
La solidarité bretonne, elle se traduit ensuite dans les conseils municipaux qui votent des aides pour les femmes en difficulté qui ont vu partir leurs époux et leurs fils à la guerre.
Cette solidarité bretonne, c'est enfin celle qui se noue entre les soldats du front comme nous l'apprend la lecture des carnets de poilus, parfois, par-delà la ligne de front à l'image de la belle relation d'amitié née entre Paul Hutin, soldat breton blessé à Verdun et Urban Grimm, soldat allemand qui occupait le lit voisin à l'hôpital. Tous deux se sont retrouvés 50 ans plus tard, animés de cette même amitié.
Front de guerre maritime, terre d'asile pour les familles civiles fuyant leurs régions dévastées, porte d'entrée sur cette guerre mondiale pour les soldats alliés, territoire de l'arrière entièrement tourné vers l'effort de guerre, la Bretagne n'est ni terre du front, ni de l'arrière. Elle est une région dans la guerre, pleinement mobilisée, qui met ses hommes, ses ressources, son identité au service de la France, dans un élan patriotique et au rythme de l'Union sacrée.
C'est toute cette singularité de l'expérience bretonne de la Grande Guerre qui doit être commémorée dès 2014 et transmise à la jeune génération : le rôle maritime de la région, la solidarité de la Bretagne et des Bretons, le sacrifice, l'abnégation et le courage des soldats engagés, l'héroïsme de Corentin Carré, l'histoire d'amitié de Paul Hutin et Urban Grimm, l'empreinte de la présence américaine sur les côtes bretonnes.
Par son histoire, la Bretagne est aujourd'hui le lieu de célébration du patriotisme, de la fraternité entre les peuples, de la réconciliation et de la construction européenne qui nous ont offert l'espace de paix dans lequel nous vivons aujourd'hui, dont nous sommes les héritiers et les dépositaires. Un espace de paix qu'il nous appartient de préserver.
Je vous remercie. »
source http://www.defense.gouv.fr, le 3 mars 2014
Mesdames et Messieurs les Consuls,
Mesdames et Messieurs les Parlementaires,
Madame la Vice-Présidente du Conseil général,
Madame l'Adjointe au Maire,
Mesdames et Messieurs les élus,
Monsieur le Recteur,
Messieurs les Officiers généraux,
Monsieur le Directeur départemental de l'ONACVG,
Monsieur le Directeur général de la mission du Centenaire,
Mesdames et Messieurs les représentants du monde combattant,
Mesdames et Messieurs,
Je tiens tout d'abord à remercier monsieur le maire de nous accueillir ici et à remercier son adjointe, madame Lénaïc Briero, pour les mots qu'elle vient de prononcer, témoignage de la forte mobilisation des Bretons et tout particulièrement des Rennais dans ce temps de mémoire qui s'ouvre en 2014.
C'est la quatrième fois que je me rends en Bretagne dans le cadre de mes fonctions et la deuxième fois que je visite Rennes. J'étais venu en juin 2013 signer avec le maire, monsieur Daniel Delaveau, une charte d'engagement mémoriel qui témoignait déjà de l'attachement profond de votre ville à son histoire et à sa mémoire.
Ce n'est donc pas un hasard si Rennes accueille aujourd'hui le lancement officiel du Centenaire de la Grande Guerre en Bretagne. Cette journée fut d'abord une journée d'hommage : nous nous sommes recueillis cet après-midi devant le monument aux morts en hommage aux Bretons morts pour la France. Ce fut aussi une journée dédiée à la mémoire et à la culture : les comités départementaux de Bretagne ont présenté leurs projets pour le Centenaire à la Préfecture tout à l'heure.
Enfin, le meeting aérien de Rennes nous a été présenté. Ce « meeting des Mémoires et de la Liberté », exceptionnel et ambitieux, prévoit la participation d'avions des deux guerres venus de toute l'Europe et attend 50 000 personnes.
Je tiens à saluer le travail de la mairie de Rennes et des services de l'ONACVG d'Ille-et-Vilaine qui organisent, en lien avec l'aéroclub de Rennes Saint-Jacques, ce magnifique événement qui lie histoire de la Grande Guerre et histoire de l'aviation, initiative régionale et portée internationale.
100 ans d'aviation et autant d'exploits d'aviateurs engagés dans les conflits contemporains seront célébrés à cette occasion. Parmi les « As » de la Grande Guerre, nous aurons à rendre hommage à Roland Garros. C'est l'objet d'une convention qui sera prochainement signée avec la Fédération Française de Tennis. Vous savez combien je suis attaché à ce que ce Centenaire soit populaire et que la jeune génération soit associée de près aux manifestations. Je crois que le vecteur sportif est une belle manière d'y parvenir comme nous l'a prouvé le Stade Rennais en s'impliquant dans le Centenaire.
Cette journée fut donc l'expression et le témoignage de l'incroyable mobilisation des habitants de la région et de la ville pour faire vivre ce Centenaire. Une mobilisation que nous a dépeinte Mme Briero.
Cette mobilisation, nous la devons aux acteurs publics, mémoriels et culturels du territoire, dont je tiens à saluer le travail et l'investissement : les élus locaux, les services de l'ONACVG, les opérateurs culturels.
Cette mobilisation, nous la devons à l'investissement personnel des porteurs de projets, à leur créativité et à leur esprit d'initiative qui ont valu à la Bretagne 45 projets labellisés par la mission du Centenaire lors de la première phase d'examen. C'est un programme qui a vocation à s'enrichir tout au long de l'année.
Cette mobilisation, nous la devons enfin à l'expérience bretonne de la Grande Guerre, une expérience singulière qui marqua d'une empreinte indélébile la Bretagne et ses habitants.
Les hommes de la région ont formidablement contribué à la Défense de la France et ont payé un lourd tribut à la Grande Guerre. Le lancement officiel des commémorations du Centenaire en Bretagne est aujourd'hui une occasion de le rappeler.
La région fut d'abord un réservoir d'hommes et de soldats pour la Première Guerre mondiale. « Cette fois ça y est, la mobilisation est arrivée », écrit à ses parents le 1er août 1914 Joseph Carrée, jeune conscrit effectuant son service militaire au 41e régiment d'infanterie de Rennes.
Entre 1914 et 1918, ils furent plus de 600 000 Bretons mobilisés, 600 000 hommes retrouvant les millions de soldats venus de toutes les autres régions de France. Dès 1914, des dizaines de milliers d'hommes convergent vers les nombreuses villes de garnison Rennes, Vitré, Fougères, Saint-Malo, Dinan, Saint-Brieuc, Guingamp pour le 10e corps d'armée, Ancenis, Vannes, Pontivy, Lorient, Quimper et Brest pour le 11e corps. Les premières unités rejoignent les frontières dès les 4 et 5 août.
Le 24e régiment de Dragons de Rennes est parmi les premiers régiments à partir. Suivent les régiments d'infanterie puis l'artillerie. C'est dans les Ardennes que les troupes bretonnes se concentrent et subissent de lourdes pertes lors de la bataille des Frontières, tout particulièrement le 22 août, près de Charleroi.
Durant ces quatre années de guerre, environ 130 000 Bretons tombent au champ d'honneur, 130 000 hommes qui ne retrouvent pas leur terre de Bretagne.
Parmi eux, certains sont nés ici, à Rennes. Le colonel Charles Malaguti, engagé au sein de la 146e brigade d'infanterie, tombe en septembre 1914 à Toul, en Meurthe-et-Moselle ; Hippolyte Abraham, engagé au sein du 1er régiment de génie, tombe à Cappy dans la Somme le 5 juillet 1916 ; Alexandre Guerin, enfin, engagé au sein du 50e régiment d'artillerie, tombe à Verdun le 12 juillet 1916. Tous natifs de Rennes, tous Bretons, tous enfants de la France, tous morts pour la France.
Ces trois noms sont parmi les 936 noms des soldats rennais « morts pour la France » inscrits sur les murs du Panthéon de l'Hôtel de Ville de Rennes inauguré le 2 juillet 1922 que j'ai eu l'honneur de visiter cet après-midi.
La Bretagne a aussi ses héros. Corentin Carré, né au Faouët dans le Morbihan, meurt pour la France mais il meurt en héros pour la Bretagne.
Incarnation du courage et de l'obstination des soldats bretons, Corentin Carré, âgé de 15 ans, usurpe l'identité d'un Ardennais pour s'engager au sein du 410e régiment d'infanterie et défendre son pays.
Il explique son engagement au général de division. Permettez-moi de le citer : « Je ne me suis pas engagé pour faire parler de moi, pour que l'on dise celui-là est brave. [ ] Dans cette guerre, il ne faut pas dire c'est un serviteur de plus qui sauvera la France, mais il contribuera à la sauver ! La France a besoin de tous ses enfants. Tous doivent être prêts à se sacrifier pour elle ».
Des mots surprenants de patriotisme, d'humilité, d'esprit de sacrifice et de courage pour un jeune homme de 16 ans. Promu adjudant au même âge, il rejoint l'aviation l'année suivante. Son avion, pris en chasse par 3 avions ennemis, s'écrase dans les champs de la Meuse le 18 mars 1918. Il a tout juste 18 ans. A l'aube de sa vie, Corentin Carré meurt pour la France.
Nombreuses sont aujourd'hui les communes bretonnes qui ont donné son nom à leurs boulevards, à leurs rues, à leurs ruelles. Rares sont celles qui n'ont jamais salué la mémoire de Corentin Carré. A travers le parcours de ce jeune garçon, je rends hommage au courage et au sacrifice de tous les soldats bretons morts pour la France.
D'autres sont revenus du front. Parmi eux, l'artiste combattant Mathurin Méheut, né à Lamballe dans les Côtes d'Armor en 1882. Engagé au sein du 136e régiment d'infanterie, il est plongé dans l'enfer des tranchées le 17 octobre 1914.
Le dessinateur devient alors soldat et nous livre son témoignage de la guerre à travers de nombreux croquis réalisés au front. Les dessins et lettres envoyés à sa femme feront l'objet à partir du mois d'avril d'une exposition au musée Mathurin Méheut de Lamballe.
Avec une population jeune et rurale, la Bretagne réunit les éléments qui font d'elle une région de forte participation à la guerre de tranchées. Mais au-delà des soldats mobilisés, c'est toute la région qui est plongée dans la guerre. La présence mémorielle et patrimoniale de la Première Guerre mondiale en Bretagne en témoigne.
Je pense au monument du souvenir des 41e, 241e, 410e régiments d'infanterie et du 75e régiment d'infanterie territoriale du palais Saint-Georges qui était alors une caserne militaire, ici à Rennes. La plaque commémorative rappelle la mémoire des quatre anciens régiments rennais. Au premier plan, quatre soldats vêtus de l'uniforme de la Première Guerre mondiale défilent devant la « Victoire », chacun portant les insignes de son régiment.
J'ai lancé tout à l'heure une application smartphone qui offre à tout Rennais ou visiteur de Rennes la possibilité de découvrir la ville selon un circuit mémoriel, empruntant les chemins des divers sites de mémoire et monuments aux morts.
Je pense aussi au musée des fusiliers-marins de Lorient qui rappelle l'histoire des hommes de l'amiral Ronarc'h venus défendre l'honneur de la France à Dixmude, Ronarc'h promu chef d'état-major de la Marine en 1919 et inhumé aux Invalides le 6 avril 1940. « Dixmude annonçait Verdun et Verdun annonçait la victoire », a-t-on pu dire lors de l'éloge funèbre de l'amiral.
Si la Bretagne n'a pas abrité des champs de bataille, des tranchées et des lignes de front, elle a été un véritable front de guerre maritime. Les Bretons constituent plus d'un tiers des soldats mobilisés dans la Marine nationale. Cette spécificité doit être mise à l'honneur tout au long de ce Centenaire.
Les côtes bretonnes ont un caractère stratégique pendant la Grande Guerre, tout comme les ports de la région. Dès 1914, ils jouent un rôle militaire. Les soldats britanniques y débarquent puis, en 1917, ce sont les soldats américains qui entrent en guerre : cette année-là, 800 000 transitent par les ports de Saint-Nazaire et de Brest.
Outre ces soldats alliés, la Bretagne accueille de nombreux réfugiés venus de France et d'Europe, en particulier des Belges. Des milliers de réfugiés affluent du nord et de l'est de la France mais aussi des prisonniers de guerre. La Bretagne est un refuge pour beaucoup, une histoire dont elle tire aujourd'hui en partie sa richesse, une histoire dans laquelle s'est exprimé un esprit de solidarité propre à la région.
La solidarité bretonne, c'est celle des habitants qui accueillent 20 000 réfugiés à la fin de l'année 1914. La solidarité bretonne, c'est aussi celle des bénévoles des 273 hôpitaux temporaires de la région qui accueillent au total plus de 800 000 blessés dont le père d'Albert Camus inhumé à Saint-Brieuc.
La solidarité bretonne, elle se traduit ensuite dans les conseils municipaux qui votent des aides pour les femmes en difficulté qui ont vu partir leurs époux et leurs fils à la guerre.
Cette solidarité bretonne, c'est enfin celle qui se noue entre les soldats du front comme nous l'apprend la lecture des carnets de poilus, parfois, par-delà la ligne de front à l'image de la belle relation d'amitié née entre Paul Hutin, soldat breton blessé à Verdun et Urban Grimm, soldat allemand qui occupait le lit voisin à l'hôpital. Tous deux se sont retrouvés 50 ans plus tard, animés de cette même amitié.
Front de guerre maritime, terre d'asile pour les familles civiles fuyant leurs régions dévastées, porte d'entrée sur cette guerre mondiale pour les soldats alliés, territoire de l'arrière entièrement tourné vers l'effort de guerre, la Bretagne n'est ni terre du front, ni de l'arrière. Elle est une région dans la guerre, pleinement mobilisée, qui met ses hommes, ses ressources, son identité au service de la France, dans un élan patriotique et au rythme de l'Union sacrée.
C'est toute cette singularité de l'expérience bretonne de la Grande Guerre qui doit être commémorée dès 2014 et transmise à la jeune génération : le rôle maritime de la région, la solidarité de la Bretagne et des Bretons, le sacrifice, l'abnégation et le courage des soldats engagés, l'héroïsme de Corentin Carré, l'histoire d'amitié de Paul Hutin et Urban Grimm, l'empreinte de la présence américaine sur les côtes bretonnes.
Par son histoire, la Bretagne est aujourd'hui le lieu de célébration du patriotisme, de la fraternité entre les peuples, de la réconciliation et de la construction européenne qui nous ont offert l'espace de paix dans lequel nous vivons aujourd'hui, dont nous sommes les héritiers et les dépositaires. Un espace de paix qu'il nous appartient de préserver.
Je vous remercie. »
source http://www.defense.gouv.fr, le 3 mars 2014