Interview de M. Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif, à "RMC" et "BFMTV" le 26 février 2014, sur les prévisions de croissance économique, sur les chiffres du chômage, le pacte de responsabilité des entreprises, sur le débat sur le gaz de schiste.

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Texte intégral


APOLLINE DE MALHERBE
Bonjour Arnaud MONTEBOURG.
MONSIEUR LE MINISTRE ARNAUD MONTEBOURG
Bonjour.
APOLLINE DE MALHERBE
Merci d'être avec nous. Vous êtes ministre du Redressement productif. Les prévisions de la Commission européenne concernant la France sont tombées hier et elles sont beaucoup moins optimistes que celles du gouvernement. Elles prévoient un déficit beaucoup plus important que les 3 % promis et surtout, un chômage très élevé très longtemps. Est-ce que c'est la Commission qui se trompe où est-ce que c'est le gouvernement ?
ARNAUD MONTEBOURG
Je crois que nous allons essayer de sortir des pronostics, parce que ce qui nous intéresse, nous, c'est les résultats, et les résultats il y en a. Entre 2012 et 2013, nous avons diminué par deux le nombre d'emplois perdus et la balance commerciale s'est améliorée. Ce ne sont pas des pronostics, ça, c'est ce qui a été enregistré en 2013, qui a été pourtant une année difficile.
APOLLINE DE MALHERBE
Attention ! vous avez diminué.
ARNAUD MONTEBOURG
Nous avons divisé par deux le nombre d'emplois perdus.
APOLLINE DE MALHERBE
Ça veut dire qu'il y en a toujours la moitié qui se perd. On n'est pas passé dans le négatif.
ARNAUD MONTEBOURG
On va encore continuer mais ça veut dire que nous avons réussi à faire cet effort. Deuxièmement, on a inversé la courbe du chômage des jeunes. Il y a depuis six mois une baisse du chômage des jeunes. Ça fait trente mille chômeurs en moins pour les moins de 25 ans. Ça fait trente mille jeunes de moins au chômage, donc nous avançons. Nous avons stoppé l'hémorragie des plans sociaux.
APOLLINE DE MALHERBE
Si vous avez besoin de le marteler, c'est peut-être justement parce que 1/ les Français ne le perçoivent.
ARNAUD MONTEBOURG
Déjà, je ne le martèle pas puisque je ne peux même pas le dire : vous m'empêchez de le faire !
APOLLINE DE MALHERBE
On les a quand même beaucoup entendus, ces chiffres-là, Arnaud MONTEBOURG. Vous pouvez les redire si ça vous fait plaisir ou si ça vous réchauffe le coeur.
ARNAUD MONTEBOURG
Non, parce que je ne les ai jamais dits.
APOLLINE DE MALHERBE
Cela dit les Français, eux, ne le perçoivent pas complètement.
ARNAUD MONTEBOURG
Écoutez madame, le Français ne le perçoit pas parce qu'on ne peut pas le dire. Je vais commencer déjà par l'expliquer.
APOLLINE DE MALHERBE
Alors allez-y. On a compris que le chômage des jeunes a baissé.
ARNAUD MONTEBOURG
Non, il n'a pas baissé. Nous avons inversé. On n'a pas réussi à inverser la courbe du chômage pour tout le monde, notamment pour les seniors, mais pour les jeunes ça fait six mois sans interruption que le chômage diminue. C'est quand même déjà pas mal, d'autant que la jeunesse s'inquiète à juste titre. L'hémorragie des plans sociaux : il y avait en 2009, 2 245 plans sociaux - je vous donne le pic de la crise. On est redescendu en-dessous, à peu près au niveau de 900, c'est-à-dire avant crise. Je ne dis pas que c'est parfait mais au moins, on a retrouvé une certaine normalité. La production industrielle, ça c'est intéressant parce que quand la production industrielle repart dans un certain nombre de secteurs, ça veut dire que des emplois vont être crées. Ce n'est pas tout de suite, mais ça va venir. J'ai quand même à vous dire que nous avons des résultats.
APOLLINE DE MALHERBE
Allez-y.
ARNAUD MONTEBOURG
Industrie automobile : + 8,2 ; fonderie – c'est les fondeurs : + 10,3 ; les métallos – la métallurgie : + 7,2. Ça, c'est le dernier trimestre de l'année 2013. Je pourrais vous dire, horlogerie : + 19 ; fabrication de piles : + 13 ; fabrication des textile : + 8. Comme le dit d'ailleurs ce journal qui n'est pas un journal bolchévique, L'Usine nouvelle, ça repart timidement mais ça repart. Comme le dit Le Monde…
APOLLINE DE MALHERBE
On ne va pas faire la revue de presse, Arnaud MONTEBOURG.
ARNAUD MONTEBOURG
Si, je vais la faire parce qu'il faut quand même qu'on puisse dire deux-trois choses.
APOLLINE DE MALHERBE
Pourquoi est-ce que la Commission européenne ne nous entend pas ?
ARNAUD MONTEBOURG
La Commission européenne fait des pronostics, moi je vous donne des résultats.
APOLLINE DE MALHERBE
Elle ne vous croit pas, visiblement.
ARNAUD MONTEBOURG
Écoutez, la Commission européenne fait des pronostics, moi je prends les résultats. J'apprécie quand, en effet, on voit les premières éclaircies de l'économie française : vitalité des start-up, rebond de l'investissement après deux ans de recul, création de 14 000 emplois en fin d'année, croissance de 0,3 en 2013. Les indicateurs s'inversent enfin. La question est de savoir quelle va être notre trajectoire pour que la reprise soit dopée.
APOLLINE DE MALHERBE
Qu'est-ce qu'on fait après ?
ARNAUD MONTEBOURG
C'est ça qui nous intéresse plutôt que les pronostics de monsieur Olli REHN. Ils sont très bien mais nous, nous préférons travailler sur les résultats.
APOLLINE DE MALHERBE
Il y a quand même un point qui est extrêmement important, c'est que la France s'est engagée à respecter les 3 % de déficit. Sauf que justement, dans ces prévisions, les prévisions d'Olli REHN comme vous dites, finalement ils disent que ce ne sera pas du tout en-dessous des 3 %. Mais question c'est simplement qu'au pire du pire, Arnaud MONTEBOURG, si ces 3 % ne sont pas respectés, est-ce que c'est grave ?
ARNAUD MONTEBOURG
Écoutez, moi mon sujet, c'est le chômage. C'est d'abord ça. C'est ce que les gens attendent, c'est ce que les Français nous ont demandé de régler.
APOLLINE DE MALHERBE
Si pour faire remonter le chômage, il faut un peu plus de déficit, tant pis ?
ARNAUD MONTEBOURG
Non, je vais vous dire. Il y a un moyen pour combattre le chômage et le déficit en même temps : c'est la croissance. Or, il ne faut pas que la multiplication des plans d'austérité dans tous les pays européens conduise à la hausse du chômage partout et la baisse de la croissance, c'est-à-dire la récession. Il va falloir que nous discutions de ça.
APOLLINE DE MALHERBE
Mais 53 milliards de dépenses en moins, ce n'est pas de la récession, ça ? Ce n'est pas justement de l'austérité ?
ARNAUD MONTEBOURG
La question, c'est d'en discuter je crois d'abord avec les entreprises. C'est l'objet du pacte de responsabilité. Qu'est-ce que le pacte de responsabilité ? Ça donne l'impression d'être un peu abstrait, mais c'est quand même un grand compromis national entre toute la nation, les Français et l'entreprise. C'est elle qui crée l'emploie. Notre objectif, c'est de faire en sorte qu'on échange pétrole contre nourriture, si je peux prendre cette expression.
APOLLINE DE MALHERBE
C'est donnant-donnant.
ARNAUD MONTEBOURG
C'est mieux. C'est-à-dire que nous faisons des efforts pour diminuer le poids qui pèse sur les entreprises pour que celles-ci embauchent. C'est ça l'esprit.
APOLLINE DE MALHERBE
Arnaud MONTEBOURG, on va en parler dans un instant. Simplement, on était sur l'emploi. Ce soir, vous le savez, il y a les fameux chiffres du chômage, les premiers de l'année qui tombent. Est-ce qu'enfin vous pouvez espérer que ça s'inverse ?
ARNAUD MONTEBOURG
On l'espère, on l'espère. Moi, je ne suis pas chargé de ça, donc Michel SAPIN donnera les informations. Moi, je ne les ai pas.
APOLLINE DE MALHERBE
Oui, mais vous dites quand même : « C'est notre objectif à tous. C'est l'objectif qui nous mobilise ».
ARNAUD MONTEBOURG
Oui, c'est notre obsession. C'est notre obsession, bien sûr. Qu'est-ce que je fais quand j'organise la résistance économique au ministère du Redressement productif ? Nous sauvons l'aluminium, nous sauvons les papeteries, nous sauvons un certain nombre d'outils industriels – l'électroménager avec FAGORBRANDT, la pétrochimie avec KEM-ONE. Je peux vous dire que nous avons des résultats. C'est 10 000 emplois de préservés. PSA, c'est 100 000 emplois, on a décidé d'entrer au capital. C'est le retour de l'État fort.
APOLLINE DE MALHERBE
Sauf que sur les chiffres du chômage, Michel SAPIN ce matin dit : « Il doit y avoir moins de chômeurs à la fin de l'année ». En fait, on repousse d'un an.
ARNAUD MONTEBOURG
Non, mais nous souhaitons aller vite et je crois que la question aujourd'hui est celle qui est fondamentale de la remise en marche de l'économie. Elle a donné des signes d'avancée, la presse le constate. C'est important mais nous devons doper ça ; il y a donc deux outils.
APOLLINE DE MALHERBE
Alors le pacte, le pacte justement. C'est vendredi que les partenaires se réunissent au MEDEF pour en parler. L'objectif, c'est évidemment de libérer la création d'emplois, vous le disiez, sauf que les prévisions sont décevantes. Le haut-conseil au financement de la protection sociale remet aujourd'hui un rapport à Jean-Marc AYRAULT et ils estiment que ce pacte va permettre de créer 300 000 emplois alors que le MEDEF disait un million et que vous, vous disiez carrément deux millions.
ARNAUD MONTEBOURG
Non, ce n'est pas du tout cela. Il faut regarder. Le haut-conseil parle de dix milliards, c'est-à-dire les dix milliards supplémentaires alors qu'on a déjà fait l'effort de vingt milliards. Le tout, ça fait trente milliards.
APOLLINE DE MALHERBE
Mais en termes d'emplois ? Ne mélangeons pas tous les chiffres.
ARNAUD MONTEBOURG
Je suis en train de vous répondre.
APOLLINE DE MALHERBE
Non, mais les chiffres de l'emploi ?
ARNAUD MONTEBOURG
C'est ça, je suis en train de vous répondre. Il suffit juste que vous me laissiez terminer ma phrase.
APOLLINE DE MALHERBE
Mais vous mélangez les chiffres. Allez-y.
ARNAUD MONTEBOURG
Non, pas du tout. Pour dix milliards, c'est 300 000 emplois. Or, c'est trente milliards, donc on n'est pas loin d'un million proposé par GATTAZ. Je pense qu'on peut démontrer qu'on peut faire mieux. Pourquoi ? Parce qu'on a fait entre 97 et 2002, 2,2 millions. En enlevant les destructions, il restait 2,2 millions d'emplois nets entre 97 et 2002. On est donc capable de le faire. L'économie française sait créer des emplois. Il faut s'en donner les moyens et de ce point de vue, nous avons besoin de réitérer cet exploit parce que la France a des records de chômage et nous devons travailler en ce sens.
APOLLINE DE MALHERBE
Ce matin, Arnaud MONTEBOURG, on retient quoi comme chiffre, du coup ? 300 000 emplois ? un million d'emplois ? ou deux millions d'emplois ? J'ai un peu l'impression de jouer à la roulette.
ARNAUD MONTEBOURG
Le plus possible. Ça ne se négociera qu'avec les partenaires sociaux. C'est à eux de nous dire quels sont les efforts qu'ils sont prêts à faire et notamment le patronat.
APOLLINE DE MALHERBE
Et vous, vous estimez qu'ils peuvent faire ? qu'ils ont les moyens ? qu'ils ont la capacité ?
ARNAUD MONTEBOURG
Écoutez, il y a 650 000 jeunes qui arrivent sur le marché du travail chaque année. Si nous ne nous attaquons pas aux chômeurs déjà existants et qu'on ne crée que les emplois des nouveaux arrivants, le chômage ne diminuera pas. Ça, l'objectif du million, je crois que c'est ce que l'économie est capable de créer naturellement. C'est d'ailleurs ce qu'a rappelé monsieur LEPAON lui-même.
APOLLINE DE MALHERBE
Il va donc falloir à un moment ou à un autre mettre un chiffre sur la table.
ARNAUD MONTEBOURG
Je crois qu'il va falloir que partout sur les territoires, toutes les entreprises elles-mêmes disent : « Je suis prêt à faire ça » ; on rassemble les copies partout, dans toutes les sous-préfectures, là où il y a les PME. C'est les PME qui créent de l'emploi. Il y a des branches qui sont prêtes à avancer en contrepartie d'un certain nombre d'efforts.
APOLLINE DE MALHERBE
Vous avez sorti le mot : “contreparties”.
ARNAUD MONTEBOURG
Oui, les contreparties. Ça s'appelle des contreparties.
APOLLINE DE MALHERBE
Il en faut ?
ARNAUD MONTEBOURG
C'est de ça dont on est en train de discuter avec vous, madame.
APOLLINE DE MALHERBE
Oui, sauf que c'est un mot qui est de moins en moins utilisé, vous le remarquerez, ni par Pierre MOSCOVICI ni par Jean-Marc AYRAULT qui parle d'engagement.
ARNAUD MONTEBOURG
C'est normal, c'est normal.
APOLLINE DE MALHERBE
Vous, vous sortez le mot “contrepartie”.
ARNAUD MONTEBOURG
C'est normal. Dès que vous demandez aux Français des efforts et des sacrifices, il faut qu'il y ait des contreparties.
APOLLINE DE MALHERBE
C'est normal qu'il y ait des contreparties. C'est évident, donc les entreprises devront accepter à un moment de mettre un chiffre sur la table.
ARNAUD MONTEBOURG
Je crois qu'il ne faut pas dire que ce sont des contraintes. Il faut que les entreprises elles-mêmes s'engagent volontairement à ce sujet.
APOLLINE DE MALHERBE
Vous y croyez en tous cas à l'idée qu'il y aura des contreparties.
ARNAUD MONTEBOURG
Je croise des petits patrons qui me disent : « Je suis prêt à le faire et j'ai le soutien de mes salariés pour le faire ». Si on me donne la lisibilité et la clarté de la mesure, ils diront : « En contrepartie, je peux faire ça » et ils le feront volontairement. Je crois qu'il y a un patronat qui est très volontaire, pourquoi ? Parce qu'ils vivent dans un univers où eux-mêmes voient bien que la destruction économique est déprimante. Ils ont donc besoin eux aussi de participer à l'effort national. Je crois qu'ils en sont capables et ils veulent le faire.
APOLLINE DE MALHERBE
C'est le grand retour de l'État dans l'économie ; ça, c'est votre combat. La semaine dernière, vous montiez au capital de PSA et puis vous annonciez la création de la compagnie nationale des mines. Là, on a un peu l'impression de jouer au Monopoly ! Ça va servir à quoi ?
ARNAUD MONTEBOURG
Comme vous le savez, il y a beaucoup de grands pays qui ont de grandes industries de transformation. Elles transforment les métaux, l'acier, l'aluminium, qui ont pris la précaution de sécuriser leurs approvisionnements et finalement de se porter dans la bataille des minerais et d'être présents. C'est le cas du Japon qui a une compagnie publique. C'est un grand pays, c'est la troisième puissance mondiale. Nous sommes la cinquième, le Japon est troisième. Ils ont construit une compagnie publique qui a un chiffre d'affaires de plus d'un milliard. C'est quelque chose de très sérieux.
APOLLINE DE MALHERBE
Et en plus, c'est rentable.
ARNAUD MONTEBOURG
Très rentable. Ce n'est pas de l'argent perdu, c'est de l'argent investi. C'est l'argent des Français, d'ailleurs. Investi. Nous devons d'ailleurs regardé ce qu'ont fait les Allemands. Les Allemands, eux aussi une puissance industrielle importante, ont uni l'ensemble des industries de transformation pour faire une sorte de groupement d'entreprises pour se porter sur la sécurisation de leurs approvisionnements. Sait-on par exemple que dans les téléphones portables, on utilise des matériaux rares comme le lithium, qu'on ne sait pas encore récupérer et recycler pour l'instant, même si nous y travaillons dans le cadre des plans industriels d'esprit écologique. Par exemple la fibre optique, sait-on qu'il y a là un métal rare qui s'appelle le germanium ?
APOLLINE DE MALHERBE
Tout ça, ce serait dans la compagnie nationale des mines.
ARNAUD MONTEBOURG
Voilà. Nous souhaitons que cette compagnie sécurise l'approvisionnement, travaille sur l'exploration des ressources parce que nous avons un grand savoir-faire. Nous sommes un grand pays minier depuis toujours, nous avons le BRGM (Bureau de Recherche Géologique et Minière) qui a des savoir-faire extraordinaires qu'il vend aujourd'hui aux autre pays. Puis surtout, il y a une demande des gouvernements du monde qui nous disent : « Où est passée la France ? Nous n'avons que des majors minières, des multinationales qui ne pensent qu'à leurs profits. Nous voudrions passer un accord avec une compagnie nationale française ».
APOLLINE DE MALHERBE
Vous venez de parler de la question de l'exploitation ; vous dites que là-dessus on est bon. Est-ce que si on trouve une manière d'exploiter le gaz de schiste proprement, ça pourrait passer par la compagnie des mines ?
ARNAUD MONTEBOURG
Non, parce que le gaz de schiste ce n'est pas les minerais, ce n'est pas les matériaux.
APOLLINE DE MALHERBE
Il n'y aura donc jamais de gaz de schiste dans cette compagnie nationale des mines ?
ARNAUD MONTEBOURG
Ce n'est pas fait pour ça. C'est une compagnie qui s'intéresse à l'approvisionnement en minerais et matériaux industriels. Ça n'a aucun rapport et d'ailleurs, ce n'est pas du tout l'objectif de cette compagnie.
APOLLINE DE MALHERBE
Il pourrait y avoir une autre compagnie à côté justement, sur les questions comme le schiste ?
ARNAUD MONTEBOURG
Nous n'en sommes pas là, comme vous le savez. Nous sommes plutôt à nous interroger. Le débat est aujourd'hui ouvert en France, nous n'en sommes vraiment pas là.
APOLLINE DE MALHERBE
Est-ce que ça a du sens justement d'être ministre de l'Industrie quand on n'est pas ministre de l'Énergie ?
ARNAUD MONTEBOURG
Écoutez, tous les pays ont fait cette union. Il y a, c'est vrai aujourd'hui, une analyse qui est assez convergente, qui montre que finalement il y a une redistribution des cartes géopolitiques mondiales à cause du prix de l'énergie. La révolution des gaz de schiste aux États-Unis d'Amérique a eu pour conséquence de faire de cette région qui s'appelle les États-Unis une région de relocalisation parce que c'est une région low cost.
APOLLINE DE MALHERBE
Ça a été leur chance.
ARNAUD MONTEBOURG
La Chine, c'est le coût du travail, et les États-Unis maintenant c'est le coût de l'énergie. Évidemment, nous sommes coincés entre ces deux grandes puissances, l'une qui nous prend nos industries parce que le coût du travail est trop faible, et l'autre qui est en train de reprendre un certain nombre d'industries parce que le coût de l'énergie est trop faible.
APOLLINE DE MALHERBE
Ce serait quand même plus logique que vous soyez aussi ministre de l'Energie.
ARNAUD MONTEBOURG
Non, je ne le crois pas. Je ne le crois pas. Je crois que ça, c'est des choix institutionnels, ce n'est pas grave. Ce qui compte, c'est que nous ayons une vision commune du rôle que joue l'énergie dans la production industrielle. Mon travail comme ministre en charge de la renaissance industrielle, c'est de dire à mon ami Philippe MARTIN, ministre de l'Énergie, et au président de la République : « Attention ! Si les prix sont trop hauts chez nous, les entreprises vont délocaliser ». Voilà pourquoi nous devons faire attention de donner à l'industrie qui utilise beaucoup d'énergie des prix faibles. Il se trouve que grâce au nucléaire, nous avons pu avoir des prix modérés, ce qui nous a permis d'ailleurs de préserver quand même l'essentiel de notre industrie.
APOLLINE DE MALHERBE
Et c'est pour ça que le gaz de schiste pourrait aussi être une chance de ce point de vue-là.
ARNAUD MONTEBOURG
Le gaz de schiste pose beaucoup de problèmes, je le rappelle. J'ai voté la loi qui interdit la fracturation hydraulique sans aucun regret ,parce que le gaz de schiste est polluant et pollue irrémédiablement les sous-sols. Mais si on trouve une technique par la recherche technologique qui permet de régler le problème de la pollution, pourquoi s'en priver ?
APOLLINE DE MALHERBE
On commence à entrevoir l'idée que ça existe ?
ARNAUD MONTEBOURG
Je crois que ce n'est pas impossible, il faut y travailler.
APOLLINE DE MALHERBE
Vous en parlez avec les chercheurs ?
ARNAUD MONTEBOURG
Il y a beaucoup de gens qui en parlent, tout le monde. Le débat est ouvert. Il y a un débat entre madame DUFLOT et monsieur BEFFA. Monsieur BEFFA dit : « Nous voulons conserver la fracturation hydraulique ». L'industrie pétrolière par exemple n'est pas du tout d'accord avec ce que je dis. L'industrie pétrolière dit : « Nous voulons la fracturation hydraulique telle qu'elle existe aux États-Unis ». Nous disons : « Non parce que c'est polluant » et les Français ont raison de ne pas en vouloir.
APOLLINE DE MALHERBE
On a l'impression que vous vous rêvez en nouveau COLBERT. Est-ce que vous feriez un bon Premier ministre, Arnaud MONTEBOURG ?
ARNAUD MONTEBOURG
Écoutez, je n'ai pas d'ambition autre que celle de mettre en oeuvre le retour de l'État…
APOLLINE DE MALHERBE
Mais est-ce que vous feriez un bon Premier ministre ?
ARNAUD MONTEBOURG
Je ne le crois pas.
APOLLINE DE MALHERBE
Non ? Vous n'êtes pas cap ?
ARNAUD MONTEBOURG
Je ne sais pas ! En tous cas, ce n'est pas à moi de le dire et c'est très difficile pour moi de répondre à une question d'ailleurs un peu audacieuse de votre part, si vous me le permettez.
APOLLINE DE MALHERBE
J'espère que j'ai un peu d'audace !
ARNAUD MONTEBOURG
Je préfère vous parler de mon travail.
APOLLINE DE MALHERBE
Jean-Marc AYRAULT trouve que vous faites de la provocation. LE CANARD ENCHAINE de ce matin rapporte ses propos, je le cite : « MONTEBOURG provoque inutilement les écolos, il provoque la Banque Centrale Européenne, MONTEBOURG parle pour ne rien dire, il fait du cinéma. » Vous faites du cinéma ?
ARNAUD MONTEBOURG
Ecoutez, je ne crois pas que le Premier ministre m'ait téléphoné pour me dire ça, donc je n'ai pas d'information de cette nature. Ce que je voudrais vous dire c'est que nous défendons une conception de l'euro, où les Européens…
APOLLINE DE MALHERBE
On vient d'en parler, on a parlé d'Europe, on a parlé d'euro, Arnaud MONTEBOURG…
ARNAUD MONTEBOURG
Non non, on n'en n'a pas du tout parlé.
APOLLINE DE MALHERBE
On a parlé d'Europe.
ARNAUD MONTEBOURG
Pas du tout. Pas dans votre émission en tout cas.
APOLLINE DE MALHERBE
Alors, allez-y, qu'est-ce que vous voulez dire sur l'euro ? Simplement, vous êtes quand même assez étrange…
ARNAUD MONTEBOURG
Vous me parlez d'anecdotes, moi je vous parle de choses fondamentales…
APOLLINE DE MALHERBE
C'est quand même assez étrange, vous dites que je suis un peu audacieuse, mais du coup, vous transformez… simplement je voudrais juste qu'on…
ARNAUD MONTEBOURG
Mais non, excusez-moi, moi je voudrais quand même qu'on parle de sujets qui intéressent la population.
APOLLINE DE MALHERBE
Mais vous le sentez bien, ça intéresse aussi la population de voir que malgré tout il y a une crise d'autorité…
ARNAUD MONTEBOURG
Les ragots du CANARD ENCHAINE, non mais écoutez, excusez-moi !
APOLLINE DE MALHERBE
D'autorité, quand même, à la tête de l'Etat.
ARNAUD MONTEBOURG
J'ai juste à vous dire que je ne fais pas de provocation, est-ce que je peux le dire ?
APOLLINE DE MALHERBE
Vous ne faites pas de provocation ?
ARNAUD MONTEBOURG
Ou je ne peux pas le dire ?
APOLLINE DE MALHERBE
A l'égard des Verts par exemple, vous ne faites pas de provocation ?
ARNAUD MONTEBOURG
Mais non, on ouvre des débats, des débats qui sont justes, et justifiés, qui sont des débats que tous les pays mènent. Sur la question de l'euro, est-ce que vous savez par exemple que SCHNEIDER ELECTRIC, MICHELIN, LAFARGE, ARIANESPACE, AIRBUS, beaucoup d'industriels italiens, disent l'euro est trop cher, et que nous ne pouvons plus exporter. C'est-à-dire que le peu de reprise qu'on est en train d'avoir, ce que je vous expliquais tout à l'heure, est en train d'être dévoré par l'appréciation de l'euro.
APOLLINE DE MALHERBE
Comme étouffé quoi !
ARNAUD MONTEBOURG
Donc, qu'est-ce que nous disons ? Nous disons que l'euro n'appartient pas à la Banque Centrale Européenne, car la Banque Centrale Européenne doit mettre en oeuvre la politique de change…
APOLLINE DE MALHERBE
Mais vous le dites depuis 21 mois.
ARNAUD MONTEBOURG
Non, je n'ai pas pu le dire sur votre antenne, donc je termine ma phrase Madame.
APOLLINE DE MALHERBE
Depuis 21 mois vous l'avez beaucoup dit, et on voit que finalement vous en êtes toujours au même point.
ARNAUD MONTEBOURG
Non, pas du tout. D'abord ça ne fait pas 21 mois, ça fait à peu près depuis que l'euro s'est apprécié, c'est-à-dire depuis 1 mois, et comme je n'ai pas été invité sur votre antenne, vous me permettrez que je le dise.
APOLLINE DE MALHERBE
Eh bien vous l'êtes ce matin.
ARNAUD MONTEBOURG
Donc, aujourd'hui, à qui, qui est chargé de fixer le taux de l'euro, cher ou pas cher ? Pas la Banque Centrale, la Banque Centrale doit exécuter la politique de change définie par les politiques. Donc, dans le traité de l'Union européenne, cela relève des chefs d'Etat et de gouvernement. Voilà pourquoi il est nécessaire…
APOLLINE DE MALHERBE
Et vous allez le faire, pour de vrai ?
ARNAUD MONTEBOURG
Voilà pourquoi il est nécessaire d'en parler, et de poser cette question.
APOLLINE DE MALHERBE
En parler oui…
ARNAUD MONTEBOURG
Ce n'est pas pour rien que tous les industriels commencent à le dire, que, un certain nombre de dirigeants…
APOLLINE DE MALHERBE
En parler oui, mais le faire, est-ce que vous allez pouvoir le faire ?
ARNAUD MONTEBOURG
Il suffit de le faire, voilà, il suffit de le faire.
APOLLINE DE MALHERBE
Eh bien alors, faites-le.
ARNAUD MONTEBOURG
C'est de la responsabilité du président de la République.
APOLLINE DE MALHERBE
Sur la provoc, vous parliez de la provoc vis-à-vis de l'euro, c'est là-dessus que vous répondiez, mais vis-à-vis des Verts, est-ce que les Verts, eux, ne font pas de la provocation ? La semaine dernière Jean-Vincent PLACE a dit de vous que vous étiez un ministre inutile.
ARNAUD MONTEBOURG
Ecoutez, je suis le ministre qui met en oeuvre tous les plans industriels écologiques, c'est-à-dire les bornes de recharge…
APOLLINE DE MALHERBE
Donc les Verts devraient être contents finalement ?
ARNAUD MONTEBOURG
Je crois que je suis le ministre qui met en oeuvre la politique écologique du gouvernement. Les véhicules électriques, les avions électriques, les bateaux écologiques, les bornes de recharge pour que chaque français puisse accéder à des véhicules non polluants, nous faisons tout cela, donc je ne comprends pas. La rénovation thermique des bâtiments, où nous allons permettre aux Français d'accéder à un pack « made in France » permettant de couper la facture énergétique, tout ça c'est mon travail, donc je ne comprends pas ce qui se passe.
APOLLINE DE MALHERBE
Claude BARTOLONE hier disait « si les Verts quittaient le gouvernement ce serait une catastrophe », franchement, ce serait une catastrophe ?
ARNAUD MONTEBOURG
Ecoutez, moi je crois que tout cela relève des dirigeants de la majorité, moi je ne suis pas un dirigeant, je suis un exécutant.
APOLLINE DE MALHERBE
Donc vous vous dites, si ils sont là, ils sont là, si ils partent, ils partent ?
ARNAUD MONTEBOURG
On fait, on fait, moi je suis un soldat dans cette affaire, c'est-à-dire qu'on me dit de faire, je fais, mais je défends des convictions, je préfère faire ça, c'est plus utile que de se poser la question de savoir qui va avec qui, qui se défait de qui, et comment tout cela fonctionne. Je n'ai pas de réponse à vous donner à vos questions politiciennes, Madame, aucune. Je ne sais pas quoi vous dire.
APOLLINE DE MALHERBE
Cet après-midi, à l'Assemblée nationale, on le voit, le problème c'est que la politique politicienne, comme vous dites, elle prend beaucoup de place et notamment dans le spectacle, cet après-midi à l'Assemblée nationale les bancs de l'opposition seront vides, les députés UMP protestent parce que Manuel VALLS a dit hier de Claude GOASGUEN qu'il venait de l'extrême droite. Donc, finalement, c'est le jeu de la provoc d'un côté comme de l'autre ?
ARNAUD MONTEBOURG
Ecoutez, je crois que c'est un grand classique de l'arène parlementaire, je pense qu'il faut s'attacher au contenu, c'est plus intéressant.
APOLLINE DE MALHERBE
Donc vous auriez préféré qu'ils reviennent cet après-midi, les députés UMP ?
ARNAUD MONTEBOURG
Ils reviendront de toute façon, non, vous ne croyez pas ?
APOLLINE DE MALHERBE
Donc finalement tout ça c'est pour rien, c'est pour du beurre ?
ARNAUD MONTEBOURG
C'est beaucoup de bruit pour rien, c'est une tempête dans un verre d'eau.
APOLLINE DE MALHERBE
La loi Florange a été adoptée justement lundi, donc il y a quand même des choses qui se font, sauf que beaucoup estiment que cette loi elle ne correspond pas aux promesses, que c'est maigre, est-ce que c'est une deuxième trahison de Florange ?
ARNAUD MONTEBOURG
Il y a des progrès dans cette loi, c'est que quand l'entreprise décide de fermer un site qui est rentable, est considéré comme tel, elle est sanctionnée.
APOLLINE DE MALHERBE
Sauf que ce sera seulement les entreprises de plus de 1000 salariés.
ARNAUD MONTEBOURG
Oui, mais c'est ces grandes entreprises qui refusent, parce qu'elles ne veulent pas donner à leurs concurrents.
APOLLINE DE MALHERBE
Donc pour vous c'est déjà pas mal ?
ARNAUD MONTEBOURG
C'est les cas qu'on rencontre, c'est-à-dire qu'on rencontre très peu de petites entreprises qui refusent de se vendre, ce n'est pas vrai. Nous rencontrons des grands groupes qui décident d'intervenir, parce qu'ils ont un poids sur le marché, de dire « on ferme parce que nous voulons faire les prix », et c'est là qu'on a un problème, et je crois que cette loi est un progrès.
APOLLINE DE MALHERBE
Une dernière question, on va finir sur un peu d'art. Aujourd'hui à Beaubourg, Beaubourg Metz, il y aura une exposition qui s'ouvre sur des photos de paparazzis, vous-même vous venez de porter plainte contre des photos volées, est-ce que c'est de l'art ces photos volées ?
ARNAUD MONTEBOURG
Ecoutez, je crois que c'est surtout une activité illicite, puisque la loi punit, et d'ailleurs cette activité consistant à publier des photos volées est punie par la loi.
APOLLINE DE MALHERBE
Donc le fait qu'un musée national en fasse l'exposition ?
ARNAUD MONTEBOURG
Il y a toujours de l'art en tout, et d'ailleurs je considère que même dans l'illicéité on peut parfois y voir une expression artistique.
APOLLINE DE MALHERBE
Donc vous n'irez peut-être pas voir l'expo quoi !
ARNAUD MONTEBOURG
Mais je n'irai pas voir cette exposition.
APOLLINE DE MALHERBE
Merci Arnaud MONTEBOURG d'avoir été notre invité ce matin.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 26 février 2014